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Décisions

CA Paris, 8e ch. B, 31 mai 2007, n° 06/19758

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M & F Designs INC (Sté), Macandrews & Forbes Group INC (Sté)

Défendeur :

M. De Vos, JDV (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roiné

Conseillers :

Mme Forest-Hornecker, Mme Bouscant

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Regnier-Sevestre-Regnier-Lamarche-Bequet Regnier-Aubert

Avocats :

Me Downing, Me De Michele, Me Dezeuze, Me Borget

TGI Paris, du 26 oct. 2006, n° 06/84410

26 octobre 2006

Par jugement rendu le 26 octobre 2006 dont appel, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PARIS a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée de l'autorité de la jugée et de la qualité et intérêt à agir,

- rétracté les 4 ordonnances rendues le 4 août 2006 à la requête de la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC,

- ordonné, en conséquence, la mainlevée immédiate des mesures conservatoire de créances et de meubles corporels et des inscriptions de nantissement provisoire pratiquées, le

11 septembre 2006, à la requête de la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC, au préjudice de la S.A.R.L. JDV et de Monsieur Jacques DE VOS, pour avoir sauvegarde d'une somme de 140.0000 € en exécution de l'ordonnance pré-citée,

- rejeté la demande de dommages-intérêts de la S.A.R.L. JDV et de Monsieur Jacques

DE VOS,

- condamné solidairement la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC à verser à la S.A.R.L. JDV et à Monsieur Jacques DE VOS la somme de 2.000 € chacun au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire,

- déclaré le présent jugement exécutoire au vu de la seule minute,

- condamné la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC aux dépens.

Par dernières conclusions déposées le 5 avril 2007, la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC, appelants, demandent à la cour de :

- confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la S.A.R.L. JDV et Monsieur Jacques DE VOS de leur exception d'irrecevabilité tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du juge américain et de l'absence de leur qualité et intérêt à agir,

- infirmer le jugement entrepris au motif que les conditions de la saisie conservatoire sont remplies en l'espèce, en particulier ils disposent d'une créance fondée en son principe, tant à l'égard de la S.A.R.L. JDV que de Monsieur Jacques DE VOS, le doute légitime existant sur l'authenticité de la table à manger, en bois laqué rouge de Chine vendue, le

12 novembre 1997, par la S.A.R.L. JDV, comme étant de Messieurs RUHLMANN et DUNAND suffit à fonder un principe de créance et les intimés ne sont pas en mesure de faire face au paiement de la créance de dommages-intérêts compensatrice du préjudice causé par l'achat d'un bien faussement attribué qui est évaluée par Monsieur DELORENZO , expert international à la somme de 1.400.000 €,

- les autoriser, en conséquence, à pratiquer, à nouveau, les mesures conservatoires dont le juge de l'exécution a ordonné la main levée,

- débouter la S.A.R.L. JDV de sa demande d'indemnisation,

- condamner, in solidum, la S.A.R.L. JDV et Monsieur Jacques DE VOS au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- subsidiairement, débouter la S.A.R.L. JDV et Monsieur Jacques DE VOS de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées le 30 mars 2007, la S.A.R.L. JDV et Monsieur Jacques DE VOS sollicitent :

- la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les exceptions d'irrecevabilité tirée de :

* l'autorité de la chose jugée résultant des décisions du juge américain des 9 et 20 juillet 2006, décision concernant les mêmes parties, la même cause et le même objet,

* l'absence de qualité et d'intérêt à agir des trois appelants, ces derniers ne justifiant pas de leur existence et de leur qualité de propriétaire de la table litigieuse,

- la confirmation du jugement entrepris, l'existence d'un principe de créance supposant qu'il puisse être admis que la vente du 12 novembre 1997 soit annulée alors que le juge américain, juge du fond, par décision du 26 janvier 2007, a énoncé que les appelants "n'ont pas démontré une probabilité de succès au fond en raison de la question de la prescription",

- l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les dommages-intérêts et, en conséquence la condamnation des appelants à payer à la S.A.R.L. JDV la somme d'un montant de 80.000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 73 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991, la saisie ayant été pratiquée deux jours avant le vernissage d'une exposition organisée par cette dernière, outre, la somme de 7.500 € chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 5.000 € chacun au titre des frais irrépétibles d'appel.

SUR CE, LA COUR :

Sur les fins de non recevoir

Considérant qu'il résulte de l'article 509 du nouveau code de procédure civile ainsi que d'une jurisprudence constante qu'un jugement étranger patrimonial n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée tant que le juge français ne lui a pas accordé l'exequatur ; qu'en l'espèce, les décisions prononcées par le juge de la Cour Suprême de l'Etat de NEW YORK en date des 9 et 20 juillet 2006 entre les parties n'ont pas fait l'objet d'une procédure d'exequatur devant le juge français ; qu'il convient, en conséquence, de rejeter cette fin de non recevoir soulevée par la S.A.R.L. JDV et Monsieur Jacques

DE VOS et de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Considérant que par des motifs pertinents justement déduits des faits et des pièces du dossier que la cour adopte, le premier juge a retenu que la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC disposaient de la qualité et d'un intérêt suffisant pour demander, en France, des mesures conservatoires si les conditions en étaient réunies ; qu'en effet, ces derniers ayant versé des certificats émanant de registres de l'État de DELEWARE attestant de l'existence de l'ensemble des appelants, personnes morales, la S.A.R.L. JDV et Monsieur Jacques DE VOS ne peuvent mettre en cause l'existence de Monsieur PERELMAN au sujet duquel ils produisent aux débats des articles que la presse lui a consacrés et dont ils mettent en avant la fortune dans leur assignation ; que si les appelants ne peuvent tirer de leur seule qualité de demandeurs à la procédure pendante aux États-Unis dans le cadre de laquelle ils sollicitent réparation du préjudice qu'ils auraient subi du fait de la vente litigieuse, leur intérêt à agir en France dès lors que le seul fait d'assigner son adverse devant une juridiction n'est pas suffisant pour disposer d'un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, selon les dispositions de l'article 31 du nouveau code de procédure civile, il est justifié, néanmoins, que les sociétés M & F DESIGNS INC et MACANDREWS & FORBES GROUP INC, appartenant à 100 % à Monsieur PERELMAN ont agi pour le compte de ce dernier, dans le cadre de la transaction querellée ; que suivant l'attestation de Monsieur FIELDS selon le droit de l'Etat de NEW YORK, le mandant et les mandataires ont qualité à agir en réparation du préjudice subi par le mandant ; qu'il convient de rejeter cette de fin de non-recevoir et de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Considérant qu'aux termes de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l' autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable , si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que l'article 217 du décret du 31 juillet 1992 précise qu'il incombe au créancier de prouver que les deux conditions cumulatives requises sont réunies ;

Considérant qu'il n'appartient ni au juge de l'exécution ni à la cour statuant avec les mêmes pouvoirs, pour apprécier si les appelants excipent d'une créance fondée en son principe, selon les dispositions de l'article précité, de se prononcer, comme le lui demandent la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC, sur l'erreur substantielle constitutive d'un vice du consentement qu'ils auraient commis entraînant la nullité de la vente intervenue le 12 novembre 1997, pour ensuite évaluer leur préjudice et les dommages et intérêts à eux dus, à la somme qu'ils proposent et qu'ils évaluent à 1.400.000 € ; qu'en outre, il convient de rappeler que le juge de l'exécution est le juge de l'apparence ;que, le juge américain dans sa décision du 26 janvier 2007, a indiqué qu'une instance fondée sur la fraude doit être introduite dans les six ans à partir de la date à laquelle la fraude est considérée comme effective, ou dans les deux ans à partir du moment où le demandeur aurait pu l'a voir découverte, en étant raisonnablement diligent et a précisé que Monsieur PERELMAN est une personne informée dans la mesure où il a d'importantes collections d'Art Déco et en a conclu 'qu'en raison de la prescription, les demandeurs c'est à dire les appelants en l'espèce, n'ont pas démontré une probabilité de succès au fond ' ; que la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC, n'établissent pas, en conséquence, disposer d'une créance paraissant fondée en son principe à l'encontre de la S.A.R.L. JDV ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

Considérant qu'en revanche, il sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause Monsieur DE VOS ; qu'en effet, la vente querellée est intervenue entre la S.A.R.L. JDV et la société M & F DESIGNS INC ; qu'il appartiendra, comme le soulignent, d'ailleurs, les appelants dans leurs écritures, aux juridictions américaines et, à elles seules de dire si, en application des règles de droit américaines, et en vertu des preuves qui auront été rapportées dans le cadre du débat au fond dont elles ont à connaître, la responsabilité de Monsieur Jacques DE VOS qui n'est pas le gérant de la société venderesse, peut être engagée à titre personnel ;

Considérant que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rétracté l'ordonnance du 8 juillet 2004 ;

Considérant que l'article 73 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991 n'exige pas pour son application la constatation d'une faute ; que, cependant, il est de jurisprudence constante que la perte de chance ne peut être indemnisée qu'à condition qu'il s'agisse d'une chance réelle et sérieuse de réaliser un gain ;

Considérant que par des motifs pertinents justement déduits des faits et des pièces produites que le premier juge a rejeté la demande d'indemnisation de la S.A.R.L. JDV ; qu'en effet, cette dernière ne peut invoquer un préjudice bancaire puisque la saisie s'est avérée infructueuse ; que la saisie pratiquée sur les biens qui se trouvaient dans la galerie n'a pas empêché leur exposition à la vue du public ; que la S.A.R.L. JDV a, ainsi, continué à exercer son activité pendant la période de l'exposition ; qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une quelconque manifestation d'intérêt d'un acquéreur potentiel pour un des biens, objet de la saisie ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'en revanche, l'équité commande de rembourser Monsieur Jacques DE VOS et la S.A.R.L. JDV de leurs frais non compris dans les dépens par l'allocation de la somme forfaitaire de 5.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC à verser à Monsieur Jacques

DE VOS et la S.A.R.L. JDV la somme forfaitaire de 5.000 € en remboursement de frais au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la société M & F DESIGNS INC, Monsieur PERELMAN et la société MACANDREWS & FORBES GROUP INC aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés, selon les modalités de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

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