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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 30 mars 2017, n° 15/04452

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

EMD Electro Mobilité Distribution (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boisselet

Conseillers :

M. Gaget, Mme Clerc

CA Lyon n° 15/04452

30 mars 2017

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par ordonnance rendue le 24 novembre 2014 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon sur la requête de la SAS B., celle-ci a été autorisée a faire procéder à une saisie conservatoire de véhicules triporteurs commercialisés par la SA EMD Electro-Mobilité-Distribution (EMD).

La société B., spécialisée dans la conception et le travail de tôlerie fine de précision, exposait qu'elle avait reçu commande de la société EMD pour la réalisation de deux prototypes et la production de huit modèles de série d'un triporteur électrique professionnel dénommé 'Freegônes'.

Après livraison des deux prototypes, la société EMD a décidé de ne pas poursuivre le contrat pour la fabrication des modèles de série et a refusé de régler la facture de la société B. d'un montant de 21.331,51 euros ttc établie pour la fabrication et l'achat de pièces.

Par acte d'huissier de justice du 3 décembre 2014, la société B. a fait procéder à la saisie conservatoire d'un triporteur Freegônes sur le stand de la société EMD au salon Pollutec à Lyon-Eurexpo, sur la commune de Chassieu (Rhône).

Le 5 décembre 2014, l'huissier de justice a dressé procès-verbal de saisie conservatoire d'un second triporteur entre les mains de l'organisme 'Grand Lyon' au salon Pollutec, et a dénoncé le même jour cet acte à la société EMD.

Par acte d'huissier de justice du 2 janvier 2015, la société EMD a fait assigner la société B. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon, en principal aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire ou, à titre subsidiaire, d'annulation du procès-verbal de saisie.

Par jugement en date du 12 mai 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon a :

- débouté la société EMD de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société B.,

- condamné la société EMD aux dépens.

La société EMD a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la cour le 28 mai 2015.

En ses dernières écritures du 8 décembre 2016, la société EMD demande à la cour, au visa des articles L.511-1, L.512-1, R.512-1, R.512-2 et R.522-1 du code des procédures civiles d'exécution et de l'article 1315 du code civil, de :

- réformer en tous points le jugement du juge de l'exécution du 12 mai 2015 ;

- juger que la créance invoquée par la société B. dans sa requête du 21

novembre 2014 n'est ni fondée dans son principe, ni menacée dans son recouvrement;

- juger que la société B. ne rapporte pas la preuve des conditions

d'une mesure conservatoire ;

- ordonner la mainlevée des saisies conservatoires des 3 et 5 décembre 2014 pratiquées sur le fondement de l' autorisation du juge de l'exécution de Lyon du 24

novembre 2014 à la requête de la société B. sur tous meubles corporels situés sur le salon Pollutec, sur les véhicules 'triporteur Freegônes, portant sur le garde-boue avant la mention 'MTB Protector 26 ', à l'arrière les mentions 'www.kleuster.com', sur la fourche avant la mention 'Kleuster' et constitué d'un vélo avec benne élévatrice';

A titre subsidiaire :

- cantonner les mesures de saisie ;

- ordonner la mainlevée de la saisie du 5 décembre 2014 pratiquée sur le fondement de l' autorisation du juge de l'exécution de Lyon du 24 novembre 2014 à la requête de la société B. sur tous meubles corporels situés sur le salon Pollutec, sur les véhicules 'triporteur Freegônes, portant sur le garde-boue avant la mention 'MTB Protector 26", à l'arrière les mentions 'www.kleuster.com', sur la fourche avant la mention 'Kleuster' et constitué d'un vélo avec benne élévatrice' ;

En toute hypothèse :

- rejeter toutes fins demandes et conclusions contraires

- prononcer la nullité de la saisie du 3 décembre 2014 ;

- condamner la société B. à payer à la société EMD la somme de 8.000 euros à titre dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

- condamner la société B. à payer à la société EMD la somme de 3.000 euros au titre de de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société B. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 8 janvier 2016, la société B. demande à la cour, au visa des articles L.511-1, L.512-1, R.512-1, R.512-2 et R.522-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- à titre principal, confirmer le jugement entrepris en son intégralité ;

- à titre subsidiaire, rejeter purement et simplement la demande de cantonnement des mesures de saisie conservatoire formulée par la société EMD, en ce qu'elle est infondée et injustifiée ;

- en tout état de cause, condamner la société EMD à payer à la société B. la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société EMD aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel distraits au profit de la SCP A.N..

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2016.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L.511-1 al.1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l' autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable , si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

A titre préliminaire, la cour observe qu'elle est saisie de demandes de mainlevée portant sur les deux saisies-conservatoires, la première pratiquée le 3 décembre 2014 entre les mains de la société EMD, la second pratiquée le 5 décembre 2014 entre les mains de l'organisme Grand Lyon, organisateur du salon Pollutec.

Les termes du jugement attaqué font ressortir que le juge de l'exécution n'aurait été saisi que de la contestation de la saisie du 3 décembre 2014.

Pour autant, l'intimée n'a pas fait valoir de moyen d'irrecevabilité des prétentions nouvelles et la demande relative à la seconde saisie doit être déclarée recevable comme tendant aux mêmes fins que celle relative à la première saisie, en vertu des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile.

Sur le principe de créance

Le juge de l'exécution, après une analyse de l'échange des courriels intervenu les 30 et 31 mai 2013 entre les sociétés EMD et B., a considéré qu'un courriel du 31 mai 2013 de la société EMD établit son acceptation pour la fourniture de dix triporteurs avec une réserve sur le prix d'achat.

Le juge a estimé que, compte tenu de la spécificité du produit limité à dix unités, et du recours au savoir faire technique spécialisé de la société B., cette dernière pouvait se prévaloir de l'existence d'un contrat d'entreprise ayant pour objet l'usinage et la fourniture de pièces ainsi que l'assemblage de deux prototypes et de huit triporteurs, le prix de la prestation pouvant, en cas de désaccord entre les parties, être fixé par le juge.

Compte tenu de cette acceptation, il importait peu que la société EMD n'ait pas délivré un bon de commande portant sur les huit triporteurs, les obligations de cette dernière relatives à sa certification étant inopposables à la société B..

La société EMD soutient que la validation de la seule quantité n'établissait pas l'existence d'un contrat d'entreprise alors qu'elle avait refusé expressément le prix.

Pour autant, les termes du courriel du 31 mai 2013 de la société EMD sont dépourvus d'équivoque, en ce qu'elle indique, après avoir validé la commande des deux prototypes: 'concernant l'engagement sur la quantité de dix, il est également bien entendu que je valide la quantité et la dead ligne du 31 décembre 2013 mais pas sur la base du prix d'achat (...)'.

Ce courriel intervenait à la suite d'échanges des parties révélant que la société B. proposait la fabrication de dix triporteurs pour obtenir les meilleurs prix de ses sous-traitants.

La veille, par un courriel du 30 mai 2013, la société EMD avait donné son accord à la société B. pour le taillage de 20 arbres de transmission et 20 moyeux par son sous-traitant, ce qui correspond à la fabrication des dix véhicules.

Il appartient au juge du fond d'apprécier la portée de l'engagement de la société EMD mais force est de constater, au regard des éléments précités, que la société B. a été incitée par la société EMD à mettre en fabrication les huit triporteurs supplémentaires avec une échéance de date précise qui explique que les parties n'ont pas achevé la discussion sur le prix et, par conséquent, formalisé un bon de commande.

Dans ces conditions, la société B. justifie d'une apparence de créance correspondant a minima au coût des pièces acquises ou des travaux réalisés pour la mise en fabrication des huit triporteurs supplémentaires.

Qui plus est, la créance alléguée par la société B. ne porte pas que sur les huit appareils litigieux, mais aussi sur la facture du second prototype livré.

Au regard de ces éléments, la créance de la société B. à l'encontre de la société EMD paraît fondée en son principe, selon les exigences de l'article L.511-1 al.1 du code des procédures civiles d'exécution.

Sur l'existence d'une menace dans le recouvrement de la créance

Le juge de l'exécution a relevé que la société EMD ne justifiait pas avoir immobilisé les subventions de 60.000 euros et 40.000 euros allouées par décisions de l'Ademe en dates des 2 juillet et 19 septembre 2013. Par contre, il résultait de ses comptes publiés au 31 décembre 2013 qu'ils présentaient un résultat d'exploitation déficitaire de 111.200 euros et des disponibilités limitées à 1.600 euros.

De plus, la Banque Populaire Loire et Lyonnais a inscrit un nantissement sur son fonds de commerce à titre de garantie de paiement d'une créance de 60.000 euros.

Le premier juge a exactement analysé ces éléments comme établissant une menace dans le recouvrement d'une créance évaluée à plus de 21.000 euros.

La société EMD, qui rappelle que le juge apprécie le bien-fondé des conditions au jour où il statue, n'apporte aucun élément nouveau de nature à justifier de l'immobilisation de fonds pour garantir la créance alléguée, ni même de l'amélioration de sa situation financière.

Sur la demande de cantonnement

Cette demande est recevable en cause d'appel, en application des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, en ce qu'elle tend partiellement aux mêmes fins que la demande initiale, à savoir la mainlevée de l'une des saisies.

La société EMD soutient que la créance alléguée par la société B. serait suffisamment garantie par la saisie d'un seul triporteur et non de deux.

Mais, dans la mesure où on ne dispose d'aucune estimation de la valeur de chaque engin et du prix pouvant être obtenu en cas de vente forcée, l'appelante procède par simple affirmation et ne justifie pas sa demande de cantonnement.

Sur la demande de nullité de la saisie conservatoire du 3 décembre 2014

La société EMD rappelle que l'article R.522-1 8° du code des procédures civiles d'exécution prescrit, à peine de nullité, la reproduction dans l'acte de saisie de l'article 314-6 du code pénal et des articles R.511-1 à R.512-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Le procès-verbal de saisie litigieux reproduit bien le contenu de l'article 314-6 du code pénal mais avec l'indication erronée de l'article '314 al.6 du code pénal'.

Le premier juge a considéré à bon droit qu'il n'y a pas d'irrégularité formelle puisque le contenu de l'article 314-6 du code pénal est reproduit, mais une simple erreur matérielle de numérotation.

Au surplus, l'appelante ne se prévaut d'aucun grief de ce chef.

En conséquence, le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société EMD de toutes ses demandes.

Sur les demandes accessoires

La société EMD, partie perdante, a la charge des dépens de première instance et d'appel.

Le jugement doit aussi être confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société B. en première instance, l'intimée renonçant à sa première demande de ce chef en demandant la confirmation du jugement dans son intégralité.

En revanche, concernant les frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel, il y a lieu d'allouer à la société B. une indemnité de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 12 mai 2015 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon ;

Y ajoutant,

Déboute la SAS Electro Mobilité Distribution de ses autres demandes formées en cause d'appel ;

La condamne aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP A. N. ;

La condamne à payer à la SAS B. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS B. du surplus de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.