CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 10 décembre 2019, n° 18/20338
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. Vincent S. a donné mandat à M. Xavier B. de rechercher pour lui un véhicule automobile de marque JEEP et il a acheté, sur ses conseils, en juillet 2016, une automobile JEEP WRANGLER mise en circulation en décembre 2009 et ayant un kilométrage de 70 000 kms, que son mandataire est allé essayer en Italie et qu'il a ramenée jusqu'à Villefranche sur Mer pour la livrer à l'acheteur.
Se plaignant de ce que le véhicule vendu aurait été trafiqué (le compteur indiquant 71 028 kms alors que le carnet d'entretien retrouvé dans la boîte à gants indique plus de 133 000 kms), M. Vincent S. a fait assigner M. Xavier B. devant le tribunal de grande instance de Grasse le 20 juin 2017 pour voir dire que la responsabilité de celui-ci en qualité de mandataire est engagée sur le fondement des articles 1991 et 1992 du code civil, voir prononcer la résolution de la vente pour vice caché et obtenir la condamnation du défendeur à lui payer la somme de 20 900 euros au titre de la restitution du prix et celle de 1 900 euros de dommages et intérêts, outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 10 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Grasse a débouté M. Vincent S. de toutes ses demandes et l'a condamné, conformément à l'article 32-1 du code de procédure civile, au paiement d'une amende civile de 1 500 euros en retenant qu'il ne pouvait légitimement penser obtenir gain de cause et avait agi avec une légèreté blâmable.
Il a retenu que M. Xavier B. en qualité de mandataire de l'acheteur ne peut répondre des obligations du vendeur et que la preuve de l'existence d'un vice caché affectant le véhicule n'est pas rapportée, de sorte que la résolution de la vente ne peut être prononcée.
M. Vincent S. a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 21 décembre 2018.
M. Vincent S., suivant conclusions notifiées le 15 mars 2019 et signifiées à l'intimé le 19 mars 2019, demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions,
- prononcer la résolution de la vente intervenue le 12 juillet 2016, date de la facture de la société MASTER CAR CENTER,
- condamner M. Xavier B. à payer à M. Vincent S. les sommes de 19 000 euros au titre de la restitution du prix de vente et de 1 900 euros de dommages et intérêts en application de l'article 1240 nouveau du code civil,
A titre subsidiaire, si par impossible la cour confirmait le jugement,
- dire n'y avoir lieu à la condamnation de M. Vincent S. à une amende civile de 1 500 euros,
En tout état de cause,
- condamner M. Xavier B. à payer à M. Vincent S. la somme de 2 000 euros au titre de la première instance et celle de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Il invoque les articles 1991 et 1992 du code civil pour voir dire que le mandataire doit donner à son mandant toute information utile et qu'il est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil qui est de résultat quant à leur initiative, obligation qui est d'autant plus étendue lorsque le mandataire est un professionnel ou que le mandat est salarié. En l'espèce, M. Xavier B. soit-disant spécialiste d'automobile d'occasion 'haut de gamme', a reçu une rémunération de 1 900 euros et aurait dû exiger la remise du carnet d'entretien ; la mauvaise exécution du mandat se résout en dommages et intérêts et le mandataire doit également répondre des vices cachés.
M. Xavier B. a été assigné à étude de l'huissier et n'a pas comparu. L'arrêt sera donc rendu par défaut.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 8 octobre 2019.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que les pièces produites aux débats par M. Vincent S. permettent de retenir que M. Xavier B. est intervenu comme intermédiaire dans l'acquisition par M. S. d'un véhicule JEEP WRANGLER immatriculé DZ893KC ; qu'il lui a en effet adressé la proposition d'acquisition de ce véhicule, présenté comme mis en circulation en décembre 2009 et ayant un kilométrage de 70 000 kms, au prix de 20 900 euros (mail du 24 juin 2016), qu'il lui a ensuite fait signer le contrat de vente établi par le garagiste italien le 12 juillet 2016 au prix de 19 000 euros et a été chercher le véhicule en Italie pour le rapatrier en France ; qu'il a reçu un chèque de 1 900 euros (correspondant à la différence entre le prix vendeur et le prix de 20 900 euros accepté par M. Vincent S.) à titre de rémunération de ses services ;
Qu'il sera donc retenu l'existence d'un mandat rémunéré donné par M. Vincent S. à M. Xavier B. pour l'achat du véhicule JEEP tel que présenté dans le mail du 24 juin 2016 ;
Attendu que le 2 septembre 2016, M. Vincent S. a déposé une plainte contre le garage italien MASTER CAR CENTER pour escroquerie en faisant valoir que le véhicule avait été vendu avec un kilométrage affiché au compteur de 70 000 kms et qu'il était apparu qu'il avait déjà roulé plus de 133 000 kms au 17 décembre 2013, ainsi que révélé par le carnet d'entretien retrouvé dans le véhicule par le garagiste ayant effectué quelques réparations en août 2016 ;
Que ce carnet d'entretien est produit en original aux débats et qu'il en ressort qu'effectivement, la JEEP immatriculée DZ893KC avait déjà parcouru 133 196 kms lors de sa dernière révision, le 17 décembre 2013, soit deux ans et demi avant la vente ;
Attendu que c'est en vain que M. Vincent S. demande que soit prononcée la résolution de la vente et que soit ordonnée la restitution du prix par M. Xavier B., celui-ci n'étant pas le vendeur et n'ayant pas même la qualité de mandataire du vendeur ;
Attendu , par contre, que l'appelant fait valoir à juste titre que M. Xavier B. a engagé sa responsabilité de mandataire à son égard ;
Qu'en application de l'article 1992 du code civil, le mandataire répond des fautes commises dans sa gestion, sa responsabilité étant appréciée de manière plus rigoureuse lorsque le mandat donné est rémunéré ; qu'il doit, lorsqu'il sert d'intermédiaire dans une opération de vente, remplir une obligation d'information et de conseil ;
Qu'en l'espèce, il est démontré que M. Xavier B. ne s'est pas enquis auprès du vendeur du carnet d'entretien et n'a pas vérifié les mentions qu'il contenait et qui permettaient de constater que le kilométrage figurant au compteur ne correspondait pas à celui enregistré lors de la dernière révision ; que le manquement de M. Xavier B. dans l'exécution de son mandat est donc avéré ; qu'il sera condamné à payer à M. Vincent S. la somme de 1 900 euros dont il est démontré qu'elle lui a été versée par chèque n° 6324759 du 19 juillet 2016 débité le 20 juillet 2016, et ce à raison de la mauvaise exécution de son mandat rémunéré ;
Attendu que le jugement a fait application à tort des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile pour condamner M. Vincent S. au paiement d'une amende civile, alors que son action est partiellement recevable et bien fondée ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par défaut
et en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse déféré en ce qu'il a débouté M. Vincent S. de ses demandes de résolution de la vente du véhicule JEEP WRANGLER et de restitution du prix par M. Xavier B. ;
L'infirmant pour le surplus de ses dispositions et y ajoutant,
Condamne M. Xavier B. à payer à M. Vincent S. la somme de 1 900 euros à titre de dommages et intérêts pour la mauvaise exécution du contrat de mandat rémunéré qui lui avait été confié ;
Dit n'y avoir lieu à application d'une amende civile contre M. Vincent S. ;
Condamne M. Xavier B. à payer à M. Vincent S. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux dépens de première instance et aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.