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Décisions

Cass. 3e civ., 8 juin 2023, n° 22-17.992

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Farrenq-Nési

Avocat général :

M. Brun

Avocats :

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié

Grenoble, du 12 avril 2022

12 avril 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 avril 2022), par acte authentique du 8 juin 1995, Mme [P] [U], MM. [E] et [B] [U] et [R] [M], veuve [U] (les consorts [U]) ont vendu à la société civile immobilière [Adresse 7] (la SCI) deux parcelles de terrain cadastrées DT [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

2. L'acte stipulait une faculté de réméré au profit des vendeurs sur la parcelle cadastrée DT [Cadastre 4] pendant cinq ans en contrepartie du paiement, à l'acquéreur, de la somme de 40 000 francs payable au terme des cinq ans.

3. La SCI a fait édifier, sur ces deux parcelles, un immeuble dénommé [Adresse 8], soumis au statut de la copropriété.

4. Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 30 mars et 28 avril 2000, les consorts [U] ont informé la SCI et la société Foncia Andrevon, syndic de la copropriété, de leur volonté d'user de la faculté de réméré et de redevenir propriétaires de la parcelle cadastrée DT [Cadastre 4].

5. Le 10 juillet 2003, l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] a refusé la cession.

6. Le 18 février 2016, Mme [P] [U] et M. [E] [U], à titre personnel et comme héritiers de [R] [M], veuve [U] et de [B] [U], décédés, (les vendeurs) ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 8] (le syndicat des copropriétaires) pour faire constater qu'ils avaient régulièrement fait valoir leurs droits sur la parcelle cadastrée DT [Cadastre 4] et juger qu'ils en étaient les propriétaires.

7. Le syndicat des copropriétaires leur a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Moyens

Enoncé du moyen

9. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des vendeurs, alors « que l'action qui tend à faire juger qu'une partie a valablement exercé une faculté de rachat entraînant la résolution de la vente est de nature personnelle et se prescrit par cinq ans ; qu'en affirmant, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires, que l'action formée par les consorts [U] était imprescriptible, quand cette action, qui tendait à ce qu'il soit jugé « qu'ils avaient valablement exercé leur faculté de rachat et, en conséquence seulement, que leur soit reconnue la qualité de propriétaire, était une action personnelle qui se prescrivait par cinq ans, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 et 1659 du code civil :

10. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

11. Selon le second, le contrat de vente peut être résolu par l'exercice de la faculté de rachat.

12. L'exercice du droit de réméré constitue l'accomplissement, par le vendeur qui en bénéficie, d'une condition résolutoire replaçant les parties dans le même état où elles se trouvaient avant la vente sans opérer une nouvelle mutation (3e Civ., 31 janvier 1984, pourvoi n° 82-13.549, Bull. 1984, III, n° 021).

13. Il en résulte que le vendeur ne retrouve la propriété de son bien, qui a été transférée à l'acquéreur par la vente avec faculté de rachat, que par l'effet de l'exercice régulier de son droit personnel de rachat qui entraîne la résolution de la vente.

14. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande des vendeurs tendant à voir constater qu'ils ont régulièrement usé de leur faculté de rachat et qu'en conséquence ils sont propriétaires de la parcelle cadastrée DT [Cadastre 4], l'arrêt retient que les consorts [U] sont redevenus propriétaires dès la notification de leur choix d'user de leur faculté de rachat et que leur action n'a d'autre objet qu'une revendication immobilière par nature imprescriptible.

15. En statuant ainsi, alors que l'action des vendeurs, en ce qu'elle était fondée sur l'exercice régulier de la faculté contractuelle de rachat prévue à l'acte de vente, était une action personnelle soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.