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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 14 juin 2022, n° 21/05865

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CBRE Investment Management France (SAS)

Défendeur :

Dynamique Hotels (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Brière

Conseillers :

Mme Baumann, Mme Bonnet

Avocats :

Me Ricard, Me Dethomas, Me de Montecler, Me Tardy, Me Lecoq Vallon, Me Gourion, Me Grisoni

T. com. Nanterre, du 26 sept. 2019, n° 1…

26 septembre 2019

Le groupe CB Richard Ellis (CBRE) global investors est un groupe international de sociétés spécialisées dans la gestion d'investissements dans le domaine immobilier. Parmi ces sociétés figurent les sociétés CBRE global investment management France (ci-après la société CBRE) et CBRE global investors France (holding).

En 2006, la société CBRE a constitué la SAS Dynamique Hôtels (la société DH) dans le cadre d'investissements en hôtellerie ; la société Dynamique Hôtels management est la société opérationnelle du groupe.

La société DH a procédé entre 2007 et 2008 à l'achat de six portefeuilles d'hôtels représentant une centaine d'établissements, la plupart de ces hôtels figurant sous l'enseigne 'Baladins', ces acquisitions étant financées par des emprunts bancaires et par des fonds collectés auprès d'investisseurs.

M. et Mme [R] ont, fin juin 2008 et en novembre 2009, sur les conseils de la société CBRE, souscrit pour un montant total de l 065 000 euros à plusieurs programmes d'investissement en immobilier de la société DH qui faisaient l'objet de levées de fonds sous la forme d'émission d'actions et d'obligations et d'un emprunt d'obligations convertibles.

Les époux [R] disent avoir découvert, à l'occasion d'une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société DH qui s'est tenue le 8 mars 2013, que celle-ci était depuis 2008 en difficultés financières qui l'ont conduite à engager une procédure de conciliation et à mettre en oeuvre un plan de restructuration en mars 2009, soit peu de temps après leur souscription.

Estimant que des fautes ont été commises lors de la commercialisation de l'augmentation de capital et de la souscription des émissions obligataires auxquelles ils ont souscrit sur les conseils de la société CBRE, les époux [R] ont engagé une action en justice pour obtenir la nullité des souscriptions, initialement sur le fondement du dol, puis à titre principal sur le fondement de la violation de l'interdiction pour la société DH de faire un appel public à l'épargne et subsidiairement sur le dol.

Ainsi, par acte du 8 juillet 2013, ils ont assigné la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France ainsi que les sociétés DH et Dynamique hôtels management, devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 26 septembre 2019, a :

- mis hors de la cause la société CBRE global investors France et la société Dynamique Hôtels management ;

- dit que l'action engagée par les époux [R] sur le fondement de la violation des règles de l'appel public à l'épargne n'est pas prescrite ;

- dit que la souscription des époux [R] a été effectuée dans le cadre d'un appel public à l'épargne en violation de l'interdiction de le faire pour une SAS ;

- condamné la société Dynamique Hôtels à rembourser à M. et Mme [R] la somme de 1 065 000 euros correspondant au montant des sommes qu'ils ont apportées, avec intérêt au taux légal à compter du 8 juillet 2013, date de l'acte introductif d'instance ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- condamné la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France à relever et garantir la société Dynamique Hôtels des condamnations prononcées à son encontre ;

- débouté M. et Mme [R] de leurs autres demandes ;

- condamné la société Dynamique Hôtels et la société CBRE à verser à M. et Mme [R] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Dynamique Hôtels et la société CBRE aux entiers dépens.

Par déclaration du 15 octobre 2019, la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France a interjeté appel de ce jugement.

Par déclaration du 7 novembre 2019, la société DH a également relevé appel du jugement.

Ces deux instances ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date 24 septembre 2020.

Par ordonnance de référé du 26 mars 2020, le premier président a débouté les sociétés appelantes de leurs demandes d'arrêt de l'exécution provisoire.

Par ordonnance du 20 mai 2021, l'interruption de l'instance a été constatée à la suite du décès de Mme [P] [R] survenu le 6 avril 2021.

L'affaire a été réinscrite au rôle après l'intervention volontaire à l'instance des ayants droits de Mme [R].

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 mars 2022, la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé que la société CBRE global investors France SGP devait être mise hors de cause et a débouté les époux [R] de leurs demandes autres que le remboursement de leur investissement ;

statuant à nouveau,

in limine litis

- constater que la prétention de la société DH et des consorts [R] de la voir condamnée en sa qualité de dirigeant de la société DH est nouvelle en cause d'appel et n'a pas été soulevée dans les premières conclusions ;

- déclarer la demande de la société DH et des consorts [R] de condamnation en sa qualité de dirigeant de la société DH irrecevable ;

S'agissant des demandes fondées sur la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne :

à titre principal

- dire que l'action en nullité fondée sur la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne est prescrite ;

en conséquence,

- déclarer les demandes fondées sur la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne irrecevables ;

à titre subsidiaire,

- débouter les consorts [R] de l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;

en tout état de cause,

- dire que l'action en responsabilité au titre de la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne à son encontre en son nom propre et venant aux droits de CBRE global investors France (Holding) SAS en sa qualité de dirigeante de DH est prescrite ;

en conséquence,

- déclarer les demandes fondées sur sa responsabilité au titre de la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne irrecevables ;

subsidiairement,

- débouter la société DH de sa demande à son encontre de condamnation à la relever et à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;

s'agissant des demandes fondées sur le dol :

- débouter les consorts [R] de l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;

en tout état de cause,

- dire que l'action en responsabilité au titre du dol à son encontre en son nom propre et venant aux droits de CBRE global investors France (Holding) SAS en sa qualité de dirigeante de DH est prescrite;

en conséquence,

- déclarer les demandes fondées sur sa responsabilité au titre du dol irrecevables ;

subsidiairement,

- débouter la société DH de sa demande de condamnation à son encontre à la relever et à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;

s'agissant des demandes fondées sur le manquement à une obligation d'information et de conseil :

- débouter les consorts [R] de l'intégralité de leurs demandes à leur encontre ;

en tout état de cause,

- dire que l'action en responsabilité au titre du manquement à une obligation d'information et de conseil à son encontre en son nom propre et venant aux droits de CBRE global investors France (Holding) SAS en sa qualité de dirigeant de DH est prescrite ;

en conséquence,

- déclarer les demandes fondées sur sa responsabilité au titre du manquement à une obligation d'information et de conseil irrecevables ;

subsidiairement,

- débouter la société DH de sa demande de condamnation à son encontre à la relever et à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;

S'agissant des demandes fondées sur la faute de gestion :

à titre principal,

- dire que l'action sur les fautes de gestion est prescrite ;

- dire que le préjudice invoqué par les consorts [R] à ce titre n'est pas personnel ;

en conséquence,

- déclarer les demandes fondées sur les fautes de gestion irrecevables ;

à titre subsidiaire,

- débouter les consorts [R] de l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;

- débouter la société DH de sa demande de condamnation à son encontre à la relever et à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;

très subsidiairement,

- surseoir à statuer sur les demandes fondées sur les fautes de gestion dans l'attente de la décision à intervenir devant le tribunal de commerce de Paris dans l'action initiée par la société DH le 25 octobre 2013 ;

en tout état de cause,

- débouter la société DH de l'intégralité de ses demandes à son encontre ;

- condamner solidairement les consorts [R] à lui verser la somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société DH, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 17 mars 2022, demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures ;

en conséquence, y faire droit,

- ordonner le sursis à statuer de la présente instante jusqu'au prononcé du jugement dans l'affaire l'opposant à la société CBRE devant le tribunal de commerce de Paris ;

- débouter la société CBRE de sa demande d'irrecevabilité fondée sur les articles 564 et 910-4 du code de procédure civile ;

au fond,

au principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Dynamique Hôtels management ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les règles de l'appel public à l'épargne n'ont pas été respectées ;

- juger que sa demande de garantie formée à l'encontre de la société CBRE global investors France, n'est pas prescrite ;

- débouter la société CBRE de sa demande tendant au rejet de sa demande de condamnation et de garantie formée contre la société CBRE ;

en tout état de cause,

- déclarer non prescrite son action en garantie formée à l'encontre de la société CBRE ;

- condamner la société CBRE global investors France à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre y compris, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et statuant à nouveau, compléter le jugement :

à titre principal :

- juger que la charge de la preuve du respect des règles de l'appel public à l'épargne pèse sur la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE global investors France à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine ;

- juger que la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE global investors France (holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine ne rapporte pas la preuve du respect des conditions des exceptions de l'application des règles de l'appel public à l'épargne ;

à titre subsidiaire,

- juger qu'elle rapporte la preuve de la violation des règles de l'appel public à l'épargne par la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE global investors France (holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine ;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer aux époux [R] la somme de 1 065 000 euros correspondant au montant des sommes qu'ils ont apportées, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2013, date de l'acte introductif d'instance, avec capitalisation des

intérêts, avec exécution provisoire ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

- la condamner in solidum avec la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE global investors France (holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine à payer aux époux [R] la somme de 1 050 000 euros, correspondant au montant des sommes qu'ils ont apportées, avec intérêt au taux légal à compter du 14 février 2018 ;

- juger que la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE global investors France (holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine supportera seule la totalité de la charge de la dette et qu'elle sera la débitrice finale de l'ensemble des condamnation prononcées dans cette affaire;

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE global investors France (holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine à la relever et la garantir des condamnations prononcées à son encontre;

en tout état de cause,

- prononcer la nullité des contrats et des titres émis ;

en conséquence,

- ordonner que les consorts [R] lui restituent leurs actions, leurs obligations convertibles (OC3) et l'ensemble des sommes perçues ;

sur l'appel incident des consorts [R], en cas de non-confirmation du jugement par la cour d'appel,

à titre subsidiaire : sur l'existence de manœuvres dolosives

- au principal : rejeter les demandes des consorts [R] ;

- à titre subsidiaire : condamner la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE global investors France (holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine, à la relever et la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

à titre très subsidiaire : sur les manquements au devoir de conseil et d'information

- au principal : rejeter les demandes des consorts [R] ;

- à titre subsidiaire : condamner la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE global investors France (holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine, à la relever et la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

sur les fautes de gestion

- au principal : juger irrecevable cette demande car nouvelle en cause d'appel ;

- à titre subsidiaire : juger irrecevable cette demande car se heurtant à des fins de non-recevoir telles que la prescription et le défaut de qualité à agir ;

- à titre infiniment subsidiaire : rejeter la demande des consorts [R] en l'absence de toute démonstration d'une faute personnelle de sa part ;

- à titre surabondant condamner la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE global investors France (holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine, à la relever et la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

en tout état de cause, rejeter la demande de condamnation in solidum ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des époux [R] au titre du préjudice moral et financier et rejeté la demande de condamnation in solidum ;

à titre subsidiaire, si le jugement devait être réformé,

- condamner la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE Global Investors France (holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine à la relever et la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

- réformer le jugement en ce qu'il :

* l'a condamnée avec la société CBRE à verser aux époux [R] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec exécution provisoire du jugement nonobstant appel et sans caution ;

* l'a condamnée avec la société CBRE aux entiers dépens avec exécution provisoire ;

* liquidé les dépens du greffe à la somme de 198,12 euros, dont TVA de 33,02 euros ;

en tout état de cause,

- condamner la société CBRE prise tant à titre personnel que venant aux droits de la société CBRE Global Investors France (Holding) à la suite d'une transmission universelle de son patrimoine à lui payer la somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens et dire qu'ils pourront être directement recouvrés par maître Julie Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [T] [R] tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Mme [P] [R], intervenu volontairement à l'instance, et M. [Z] [R] en qualité d'ayant droit de Mme [P] [R], intervenu volontairement à l'instance, dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 mars 2022, demandent à la cour de :

- déclarer recevables leurs interventions volontaires en leur qualité d'ayants droits de Mme [P] [R] décédée ;

- dire et juger la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France irrecevable, à tout le moins mal fondée en son appel ;

- dire et juger la société DH irrecevable, à tout le moins mal fondée en son appel ;

- les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel incident ;

Sur le recours :

- confirmer le jugement en ses dispositions qui leur sont favorables ;

- débouter la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France de toutes ses demandes à leur encontre ;

- débouter la société DH de toutes ses demandes à leur encontre ;

- juger irrecevable, à tout le moins mal fondée la demande de sursis à statuer formée par les sociétés CBRE et Dynamique Hotels ;

1. à tire principal sur la nullité fondée sur la violation des règles de l'appel public à l'épargne:

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé non prescrit le recours des époux [R] ;

- confirmer la décision en ce qu'elle a :

*condamné la société DH à leur rembourser la somme de 1 065 000 euros correspondant au montant des sommes qu'ils ont apportées, avec intérêt au taux légal à compter du 8 juillet 2013, date de l'acte introductif d'instance ;

* ordonné la capitalisation des intérêts ;

* condamné la la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France à relever et garantir la société Dynamique Hôtels des condamnations prononcées à son encontre ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les souscriptions litigieuses d'un montant de 1 0650 000 euros effectuées par les époux [R] dans le cadre de l'appel public à l'épargne l'ont été en violation de l'interdiction pour une SAS de faire appel public à l'épargne;

en conséquence, y ajoutant,

- prononcer la nullité des actes de souscriptions d'actions et d'obligations par les époux [R] en date du 25 juin 2008, de la souscription de titres DH placés au sein des PEA à cette même date et de l'investissement complémentaire du 4 novembre 2009 au titre de la seconde levée de capitaux émise par DH aux torts exclusifs des sociétés appelantes ;

- subordonner l'effectivité de l'annulation à la restitution du prix ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [R] de leur demande de condamnation in solidum de la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et de la société Dynamic Hôtels au titre de l'absence de placement ;

- statuant à nouveau sur ce point, condamner in solidum la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France, tant en nom personnel qu'en qualité de dirigeant de la société DH, et la société DH à leur verser une indemnisation au titre du préjudice financier résultant de l'absence de placement des fonds sur l'assurance vie dont ils proviennent et qui avait un taux garanti fixé à 2,50 % en 2008, soit la somme de 333 420 euros pour la période comprise entre le 25 juin 2008 (date des souscriptions) et le 3 juillet 2019, à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir ;

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas condamné in solidum la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et la société DH au titre de toutes les condamnations prononcées en faveur des époux [R] ;

- statuant à nouveau sur ce point, condamner in solidum la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France, tant en nom personnel qu'en qualité de dirigeant de la société DH, et la société DH au titre de toutes les condamnations prononcées en faveur des consorts [R] ;

2. à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne confirmait pas le jugement sur la condamnation au titre de la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne :

2.1 à titre subsidiaire, sur les manœuvres et réticence dolosives :

- dire et juger que les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH ont incité les époux [R] à investir dans le programme de la société DH au moyen de manœuvres dolosives, ou, à tout le moins, au moyen de réticences dolosives ;

en conséquence,

- prononcer la nullité des actes de souscriptions d'actions et d'obligations par les époux [R] en date du 25 juin 2008, de la souscription de titres de la société DH placés au sein des PEA à cette même date et de l'investissement complémentaire du 4 novembre 2009 au titre de la seconde levée de capitaux émise par DH aux torts exclusifs des sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH ;

- condamner in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE Global Investors France, tant en nom personnel qu'en qualité de dirigeant de la société DH, et DH à leur restituer les fonds investis, soit la somme de 1 065 000 euros ;

- subordonner l'effectivité de l'annulation à la restitution du prix ;

subsidiairement, si la nullité n'était pas prononcée,

- condamner in solidum la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France, tant en nom personnel qu'en qualité de dirigeant de la société DH, et DH sur le fondement de le responsabilité délictuelle à leur verser la somme de 1 065 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait du dol commis par les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH ;

- en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH à leur verser une indemnisation au titre du préjudice financier résultant de l'absence de placement des fonds sur l'assurance vie dont ils proviennent et qui avait un taux garanti fixé à 2,50 % en 2008, soit la somme de 333 420 euros pour la période comprise entre le 25 juin 2008 (date des souscriptions) et le 3 juillet 2019, à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir ;

2.2 à titre très subsidiaire, sur la violation de l'obligation d'information et du devoir de conseil :

- dire et juger que les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH ont manqué à leur obligation d'information et à leur devoir de conseil; - dire et juger que les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH ont illégalement fourni aux époux [R] des services d'investissement sans agrément ;

en conséquence,

- condamner in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH à leur verser la somme de 1 065 000 euros, correspondant au préjudice financier éprouvé du fait de ces manquements ;

- condamner in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH à leur verser une indemnisation au titre du préjudice financier résultant de l'absence de placement des fonds sur l'assurance vie dont ils proviennent et qui avait un taux garanti fixé à 2,50 % en 2008, soit la somme de 333 420 euros pour la période comprise entre le 25 juin 2008 (date des souscriptions) et le 3 juillet 2019, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir;

2.3 titre infiniment subsidiaire, sur les fautes de gestion commises par les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH :

- juger recevables toutes leurs demandes ;

- débouter la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France de sa fin de non-recevoir fondée sur le prétendu caractère impersonnel du préjudice;

- débouter la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France de sa fin de non-recevoir adverse fondée sur la prétendue prescription de leur action;

- dire et juger que les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH ont commis de graves fautes de gestion du programme de la société DH;

en conséquence,

- condamner in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH à leur verser la somme de 1 065 000 euros, correspondant au préjudice financier éprouvé ;

- condamner in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH à leur verser une indemnisation au titre du préjudice financier résultant de l'absence de placement des fonds sur l'assurance vie dont ils proviennent et qui avait un taux garanti fixé à 2,50% en 2008, soit la somme de 333 420 euros pour la période comprise entre le 25 juin 2008 (date des souscriptions) et le 3 juillet 2019, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir;

En tout état de cause,

Si par impossible la cour ne condamnait pas in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH,

à titre subsidiaire,

- confirmer la condamnation de la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France à relever et garantir la société DH de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- y ajoutant, en ordonnant le paiement directement entre leurs mains par la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France, cette dernière faisant son affaire de tout éventuel recours contre la société DH ;

- condamner in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH à payer sur les sommes au paiement desquelles elles seront condamnées des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'acte introductif d'instance, assortis de la capitalisation des intérêts, ou à défaut d'une condamnation in solidum, condamner la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE Global Investors France à relever et garantir la société DH ;

- condamner in solidum la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral, ou à défaut d'une condamnation in solidum, condamner la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France à relever et garantir la société DH ;

- condamner in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ou à défaut d'une condamnation in solidum, condamner la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France à relever et garantir la société DH ;

- condamner in solidum les sociétés CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France et DH, ou à défaut d'une condamnation in solidum, condamner la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France à relever et garantir la société DH, aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Aarpi Avocalys.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer les appels principaux et l'appel incident des consorts [R] recevables.

Les chefs du jugement ayant mis hors de la cause la société CBRE global investors France et la société Dynamique Hôtels management n'étant critiqués par aucune partie seront confirmés.

1) sur la demande de sursis à statuer

La société DH sollicite un sursis à statuer dans l'attente d'une décision à intervenir dans l'instance l'opposant à la société CBRE pendante devant le tribunal de commerce de Paris, précisant qu'elle a assigné cette dernière, au mois de juin 2013, au motif qu'elle n'a pas respecté les règles de l'appel public à l'épargne lors de la constitution de son fonds d'investissement en novembre 2006, pour obtenir, à titre de réparation, la reconstitution des fonds propres afin de permettre le remboursement de son capital social au profit des actionnaires.

De son côté, la société CBRE, dans le dispositif de ses écritures, s'agissant des demandes fondées sur la faute de gestion, sollicite très subsidiairement un sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans le litige pendant devant le tribunal de commerce de Paris initié par la société DH.

Les consorts [R] s'opposent à cette demande, faisant valoir que par décision du 29 novembre 2018, le tribunal a déjà rejeté cette demande. Ils relèvent qu'elle n'est pas recevable faute de ne pas avoir été soulevée in limine litis ni par la société CBRE ni par la société DH. Ils estiment qu'elle n'est pas justifiée comme l'a jugé le tribunal qui a retenu que cet autre litige ne concerne pas les mêmes parties et n'a pas le même objet, étant fondé sur les relations contractuelles de ces parties, alors que la présente procédure vise à titre principal la nullité des souscriptions. Ils soutiennent qu'une telle demande présentée à la veille des plaidoiries devant la cour, pour une durée indéterminée, ne saurait être accueillie dès lors qu'elle ne participe pas d'une bonne administration de la justice.

Il résulte de la combinaison des articles 73, 74 et 378 du code de procédure civile que la demande de sursis à statuer doit, à peine d'irrecevabilité, être présentée avant toute défense au fond ou fin de non-recvoir.

Devant la cour, la société CBRE a présenté sa demande de sursis à statuer dans ses conclusions n°3 et la société DH dans ses conclusions n°6. N'ayant pas été formulées in limine litis, avant toute défense au fond, ces demandes sont irrecevables.

2) sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre de la société CBRE en sa qualité de dirigeante de la société DH

Au visa des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, la société CBRE soutient que les demandes de condamnation dirigées à son encontre en sa qualité de dirigeante de la société DH à l'époque des faits et formées pour la première fois par la société DH et les consorts [R] aux termes de leurs conclusions d'appel n° 5 et 6 sont irrecevables.

Les consorts [R] répliquent que cette demande n'est pas nouvelle, précisant que dès leur assignation, ils avaient indiqué que 'la société CBRE investors est le commercialisateur du programme d'investissement et le dirigeant du fonds DH...' ; ils affirment n'avoir jamais exclu la fonction de dirigeant de DH dans le cadre de la mise en cause de la société CBRE.

La société DH réplique que la société CBRE dès la première instance a été mise en cause pour les fautes qu'elle a pu commettre non seulement à titre personnel mais également dans le cadre de ses fonctions de présidente en sorte que ses prétentions qui tendent à la condamnation de la société CBRE à la garantir de toutes condamnations sont identiques. Elle ajoute qu'elle s'est bornée en cause d'appel à évoquer un moyen complémentaire à savoir les fautes que la société CBRE a pu commettre dans le cadre de ses fonctions de dirigeante, estimant qu'en tout état de cause il s'agit d'une défense au fond aux prétentions de la société CBRE qui peuvent être invoquées en tout état de cause pour justifier le rejet des prétentions adverses et en l'espèce celles de la société CBRE tendant à l'infirmation du jugement rendu en première instance.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Le premier alinéa de l'article 910-4 du même code prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

La cour observe que si dans la partie discussion de ses conclusions, la société DH précise qu'elle entend rechercher la responsabilité de la société CBRE en sa qualité de présidente, dans le dispositif de ses conclusions elle ne formule pas expressément de demandes dirigées contre la société CBRE en cette qualité.

De leur côté, par conclusions n°5, les consorts [R] sollicitent la condamnation de la société CBRE en sa qualité de dirigeante de la société DH, au titre de la violation des règles de l'appel public à l'épargne et également au titre du dol, des manquements aux obligations d'information et de conseil et des fautes de gestion qu'ils invoquent.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts [R], aucune demande n'avait été formée à l'encontre de la société CBRE en première instance en sa qualité d'ancien dirigeant de la société DH et il ne s'agit nullement d'un moyen nouveau. Dirigées contre la société CBRE non pas à titre personnel comme en première instance mais en sa qualité d'ancien dirigeant de la société DH, ces prétentions sont nouvelles et par conséquent irrecevables, étant observé qu'elles ne tendent pas au simple rejet des prétentions adverses.

2) sur les demandes fondées sur la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne

* sur la prescription

La société CBRE, après avoir rappelé que la prescription peut être opposée en tout état de cause même devant la cour d'appel, soutient, au visa de l'article 2224 du code civil, que le délai pour agir des consorts [R] a commencé à courir à compter de la souscription des titres litigieux, le 25 juin 2008, puisqu'ils avaient connaissance des informations sur lesquelles ils fondent leur demande dès cette date, à savoir que l'émission aurait été faite en recourant à la publicité et que la société DH est une société par actions simplifiée à laquelle il est interdit de faire appel public à l'épargne. Elle en conclut que l'action introduite par assignation du 8 juillet 2013 est irrecevable, relevant qu'en tout état de cause l'action sur ce fondement a été introduite postérieurement par conclusions en date du 14 février 2018. Elle souligne d'une part que les consorts [R], en qualité d'actionnaires, avaient été informés des difficultés financières dans le cadre de la procédure ayant abouti à un accord de conciliation en 2009 mais que surtout la demande relative à la violation supposée des règles de l'appel public à l'épargne n'est aucunement fondée sur la situation financière de la société DH. Elle ajoute que l'action initiée le 8 juillet 2013 sur le fondement du dol et du non-respect des obligations d'information et de conseil ne procède pas des mêmes faits dommageables que celle initiée le 14 février 2018 sur le fondement de la violation des règles de l'appel public à l'épargne en sorte que l'interruption de la prescription par l'assignation du 8 juillet 2013 ne saurait être étendue à l'action sur le fondement de la violation des règles de l'appel public à l'épargne, le droit subjectif que chaque action a pour finalité d'exercer n'étant pas identique.

Les consorts [R] répliquent qu'il n'ont pas pu avoir connaissance de la violation des règles de l'appel public à l'épargne au moment de la souscription puisque la société CBRE a délibérément présenté l'opération comme n'étant pas soumise à ces règles, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas, en sorte que le point de départ de la prescription ne saurait en aucun cas être la souscription. Ils prétendent avoir pris connaissance des difficultés financières rencontrées par la société DH lors de l'assemblée générale extraordinaire du 8 mars 2013 en sorte qu'ils avaient à tout le moins jusqu'au 8 mars 2018 pour solliciter la nullité de leur souscription. Ils rappellent que la demande de nullité formulée dans l'assignation délivrée le 8 juillet 2013 était fondée sur les manoeuvres dolosives et qu'elle l'est désormais également sur le non respect des règles relatives à l'appel public à l'épargne et soutiennent que la prescription de l'action s'apprécie au regard de la demande, en l'espèce la nullité des souscriptions, et non pas au regard du fondement de celle-ci, rappelant la jurisprudence constante de la Cour de cassation à cet égard.

Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La demande relative à la violation des règles de l'appel public à l'épargne ne repose nullement sur la situation financière de la société DH en sorte qu'il est inopérant de rechercher à quelle date les consorts [R] ont eu connaissance des difficultés financières de celle-ci.

Ils n'ont pas pu avoir connaissance de la violation des règles de l'appel public à l'épargne au moment de la souscription en date du 25 juin 2008 puisque la plaquette publicitaire de la société CBRE qui leur avait été remise mentionnait : 'L'opération de souscription aux titres de Dynamiques Hotels SAS vise un cercle restreint ne comprenant pas plus de cent investisseurs et est donc effectuée par dérogation aux règles de l'appel public à l'épargne'. Dans ces conditions, la société CBRE ne peut utilement soutenir que les consorts [R] ont eu l'information, dès la souscription des titres, du régime juridique applicable à l'opération dont elle disait elle-même qu'elle dérogeait aux règles de l'appel public à l'épargne, la seule connaissance de ce que l'émission a été faite en recourant à la publicité par une société par actions simplifiée n'étant pas suffisante pour engager une telle action.

La société CBRE n'apporte aucune précision sur la date à laquelle les consorts [R] ont pu avoir connaissance des faits leur permettant de contredire l'affirmation contenue dans cette plaquette, à savoir que l'opération pourrait en réalité ne pas viser un cercle restreint, et d'agir en annulation de l'opération au motif qu'elle ne dérogerait pas aux règles d'ordre public relatives à l'appel public à l'épargne. C'est donc vainement qu'elle soutient que leur action est prescrite.

Par ailleurs, il est exact que l'assignation délivrée le 8 juillet 2013 aux fins de nullité des actes de souscription n'était initialement fondée que sur le dol, le fondement de l'appel public à l'épargne n'ayant été soulevé qu'en cours de procédure, dans des conclusions du 14 février 2018. Force est toutefois de constater qu'il n'existe qu'une seule prétention d'annulation des souscriptions, de sorte que l'objet des demandes est identique, l'assignation ayant ainsi interrompu la prescription en annulation des souscriptions quel qu'en ait été le fondement.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit que l'action en nullité des souscriptions sur le fondement de la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne n'est pas prescrite.

* sur les règles applicables à l'opération litigieuse

La société CBRE qui soutient que l'appel public à l'épargne s'apprécie et doit être caractérisé opération par opération, c'est-à-dire émission par émission, fait valoir qu'il y a eu des émissions distinctes qui constituent chacune une offre au sens des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code monétaire et financier. Elle précise que l'opération à laquelle les consorts [R] ont participé a été décidée par le président de DH le 16 juin 2008 puis constatée le 30 juin 2008, qu'à cette occasion, 128 571 actions et 900 000 OC2 ont été émises lesquelles ont été intégralement souscrites par les consorts [R] tandis que les actions ont été souscrites par ces derniers à hauteur de 100 000 actions, et par CBRE DH Co-Invest à hauteur de 28 571 actions, et que c'est donc cette opération, et elle-seule, qu'il convient d'analyser pour déterminer si les souscriptions litigieuses sont intervenues en violation des règles de l'appel public à l'épargne. Elle prétend que les titres étaient réservés à un cercle restreint d'investisseurs et soutient, après avoir rappelé les textes en vigueur, que pour que les règles de l'appel public à l'épargne soient applicables, il faut apporter la preuve que l'opération à laquelle ont souscrit les consorts [R] a été offerte à plus de cent investisseurs non qualifiés. Elle affirme que lors de chacune des émissions de titres financiers toutes les précautions ont ainsi été prises pour s'assurer que l'offre s'adressait exclusivement à des investisseurs qualifiés et/ou à moins de cent investisseurs. Elle précise que les intermédiaires qui ont placé les titres de la société DH étaient des professionnels avertis et savaient que les levées de fonds ne devaient pas constituer un appel public à l'épargne et être menées auprès d'un cercle restreint de cent personnes. Elle souligne que chacune des levées de fonds successives est intervenue dans le strict cadre du placement privé, indiquant que si le nombre de souscripteurs a varié d'une opération à l'autre, il n'a jamais dépassé cinquante. Elle conclut que les règles de l'appel public à l'épargne n'ont pas été enfreintes.

Puis, elle soutient que la charge de la preuve de ce que l'opération aurait relevé de l'appel public à l'épargne pèse sur les consorts [R] et la société DH et qu'ils ne démontrent pas que l'opération a été proposée à plus de cent investisseurs non qualifiés. Elle fait valoir que la preuve de la réunion des conditions de l'article L. 411-1 du code monétaire et financier n'est pas rapportée, soutenant d'une part que l'entité impliquée dans l'opération, CBRE IM France, n'est ni un établissement de crédit ni un prestataire de service d'investissement, d'autre part qu'il n'est pas démontré que les consorts [R] ont été démarchés, qu'en troisième part, il n'est pas établi que la plaquette commerciale aurait été diffusée dans le public. Elle conclut qu'il n'est pas démontré que l'émission d'instruments

financiers a eu lieu en ayant recours à la publicité, au démarchage ou à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement.

La société DH fait valoir que le fonds d'investissement mis en place au mois de novembre 2006 par la société CBRE était soumis de plein droit aux règles de l'appel public à l'épargne dès lors que celle-ci a eu recours à des établissements financiers pour procéder au placement des titres, qu'elle ne peut pas justifier avoir respecté les conditions posées par le régime dérogatoire et qu'elle n'a pas respecté les conditions de seuil du cercle restreint d'investisseurs. Après avoir rappelé le principe et les exceptions de l'application du régime de l'appel public à l'épargne, la société DH soutient que la société CBRE reconnaît avoir placé les titres par l'intermédiaire d'établissements de crédit et d'une société prestataire de services d'investissement, précisant qu'une convention de placement de titres a été signée avec la société Projet management services, une autre avec le groupe BNP Paribas et que la banque Indosuez a également reçu mandat pour placer les titres dont il s'agit. Elle ajoute que la société CBRE a adressé son offre de titres en ne respectant pas l'exclusivité entre les investisseurs qualifiés et le cercle restreint d'investisseurs puisque qu'elle a adressé l'offre aux uns et aux autres. Elle soutient également que la société CBRE n'a pas respecté le seuil de cent personnes sollicitées, puisque l'offre a nécessairement été adressée à plus de cent personnes, relevant qu'il y a eu plusieurs conventions de placement conclues, qu'aucune d'elle ne comporte de stipulation quant au nombre limité de personnes à démarcher et qu'il n'y avait aucune clause d'exclusivité dans chacune de ces conventions. Elle affirme qu'en exécution de ces conventions de placement, il n'y avait aucune possibilité ni pour la société CBRE ni pour les établissements financiers de s'assurer du nombre de personnes à qui l'offre allait être proposée. S'agissant de la charge de la preuve, elle prétend que dès lors que la société CBRE invoque le bénéfice d'un régime dérogatoire, il lui incombe de justifier des conditions d'application de ce régime notamment d'établir la preuve qu'il n'y a pas eu plus de cent personnes démarchées. Elle relève que l'article L. 411-2 du code monétaire et financier confirme qu'il constitue une exception à l'article L. 114-1, par l'usage du terme nonobstant.

Les consorts [R], après avoir rappelé le principe de l'interdiction pour une société par actions simplifiée de faire publiquement appel à l'épargne, soutiennent que l'émission des titres litigieux a été faite en recourant à la publicité et au démarchage et qu'il appartient donc à la société CBRE et à la société DH le cas échéant, de prouver qu'elles se seraient placées dans le cadre d'une des exceptions édictées à l'article L. 411-2 du code monétaire et financier. Ils soutiennent que l'article L. 411-1 du code monétaire et financier, dans sa version applicable en l'espèce, pose une présomption d'appel public à l'épargne en sorte qu'il appartient à la société CBRE de prouver que l'émission des titres de DH pouvait bénéficier du régime d'exception. Ils relèvent que l'offre ne s'adressait pas à des investisseurs qualifiés mais plutôt à plus de cent investisseurs. Ils font valoir que la société CBRE a eu recours à plusieurs intermédiaires pour placer les titres DH et à des conventions de placements non exclusifs, ce qui signifie que chaque intermédiaire a vraisemblablement adressé l'offre à au moins cent personnes.

L'article L.227-2 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, dispose que la société par actions simplifiée, qui est la forme sociale de la société DH, ne peut faire publiquement appel à l'épargne.

Il résulte de l'article L.411-1 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au présent litige, que l'appel public à l'épargne est constitué par l'une des opérations suivantes: (...) l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement.

L'article L. 411-2 II du même code est ainsi rédigé : 'Ne constitue pas une opération par appel public à l'épargne l'émission ou la cession d'instruments financiers lorsque (....) :

4° Nonobstant le recours au démarchage, à la publicité ou à un prestataire de services d'investissement, l'offre s'adresse exclusivement (...) b) A des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d'investisseurs, sous réserve que ces investisseurs agissent pour compte propre. (...) Un cercle restreint d'investisseurs est composé de personnes, autres que des investisseurs

qualifiés, dont le nombre est inférieur à un seuil fixé par décret.'

L'article D.411-4 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au présent litige, précise que le seuil mentionné au dernier alinéa de l'article L. 411-2 est fixé à cent.

Il incombe aux consorts [R] qui agissent en nullité au motif que les opérations réalisées constitueraient un appel public à l'épargne, d'apporter la preuve que les conditions de l'article L.411-1 précité sont réunies. Ce point n'est toutefois pas contesté dès lors que les parties admettent qu'il y a eu émission d'instruments financiers dans le public avec recours à des prestataires d'investissement, notamment la banque BNP Paribas et la société Project management services, ainsi qu'il ressort de conventions conclues avec ces sociétés.

Les parties s'opposent uniquement sur la question de savoir si l'article L.411-2 précité constitue un complément ou une exception à l'article L. 411-1, ce qui modifie la charge de la preuve quant à l'émission d'instruments auprès d'un cercle restreint d'investisseurs.

La thèse de la société CBRE, selon laquelle l'article L.411-1 caractérise l'appel public à l'épargne par ses modalités (démarchage, publicité, recours à des intermédiaires), tandis que l'article L.411-2 le complète en le caractérisant par les destinataires de l'offre (investisseurs qualifiés et cercle restreint) ne peut être retenue.

En effet, les destinataires de l'appel à l'épargne sont décrits dans le premier article, comme étant le 'public', et l'article L.411-2 a bien pour objet une dérogation (emploi des termes : 'ne constitue pas'...) pour écarter la notion d'appel public à l'épargne lorsque l'émission est faite auprès 'd'investisseurs qualifiés' ou d'un 'cercle restreint d'investisseurs'.

C'est d'ailleurs bien en ces termes que la société CBRE elle-même présentait l'opération dans la notice d'information qu'elle a rédigée, avant même la constitution de la société DH, puisqu'elle y indiquait : 'l'opération de souscription aux titres de DH SAS vise un cercle restreint ne comprenant pas plus de cent investisseurs et est donc effectuée par dérogation aux règles de l'appel public à l'épargne.'

Dès lors qu'elle a elle-même qualifié l'opération de souscription de dérogation, ou exception, aux règles de l'appel public à l'épargne, ce qui est conforme à la lettre de l'article L. 411-2, la société CBRE est mal fondée à soutenir le contraire.

Se prévalant de l'article L. 411-2 pour faire échapper l'opération souscrite par les consorts [R] aux règles de l'appel public à l'épargne - dont il a été démontré que les conditions étaient cependant réunies - la société CBRE, qui soutient que l'opération ne constitue pas un appel public à l'épargne, invoque ainsi une exception, de sorte qu'il lui incombe de démontrer que l'offre litigieuse d'instruments financiers n'a été présentée que dans un cercle d'au plus cent investisseurs, la cour observant au surplus que cette preuve serait impossible à rapporter pour les consorts [R], les investisseurs pris individuellement n'ayant aucun moyen de savoir auprès de qui l'offre a été diffusée.

* sur l'existence de l'émission dans un cercle restreint d'investisseurs

Il convient en préalable de relever que l'opération à laquelle les consorts [R] ont souscrit en date du 30 juin 2008 concerne 100 000 actions pour un montant de 105 000 euros auxquels s'ajoutaient 1 500 euros de frais de souscription et 900 000 OC2 pour un montant de 945 000 euros auxquels s'ajoutaient 13.500 euros de frais de souscription. Le montant total des engagements souscrits par les consorts [R] le 25 juin 2008 s'élevait donc à la somme de 1 065 000 euros. Ils n'ont toutefois versé que 1 005 000 euros en juin 2008, et par courrier en date du 2 novembre 2009, il leur a été demandé de verser le solde restant dû de 60 000 euros au titre de cette souscription. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société CBRE, il n'y a pas lieu de raisonner opération par opération mais de considérer qu'il y a eu une seule offre au sens de l'article L. 411-1 du code monétaire et financier.

Il est constant que les deux conventions souscrites, l'une avec la société project management et l'autre avec la société BNP Paribas, même si elles mentionnent la notion de "cercle restreint d'investisseurs", ne comportent aucune clause quant à un nombre maximum de personnes à démarcher.

Il a été démontré que la charge de la preuve d'un cercle d'investisseurs restreint incombait à la société CBRE. Force est ici de constater que celle-ci ne produit aucun élément permettant d'établir le nombre d'investisseurs contactés, ni même le nombre de souscripteurs - qui aurait été à tout le moins un indicateur du nombre d'investisseurs contactés - alors même qu'il lui suffisait d'interroger ses prestataires pour obtenir leurs listes de contacts.

La cour ne peut dès lors que constater que la société CBRE n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'avoir proposé l'opération litigieuse à un cercle restreint d'investisseurs, le registre des mouvements de titres de la société DH (pièce de l'appelante n°21) tendant au contraire à prouver l'existence de plusieurs souscripteurs personnes physiques à l'augmentation de capital litigieuse décidée lors d'une assemblée générale du 11 juin 2008, dont le nombre est nécessairement moindre que celui des investisseurs contactés. Il est constant que l'opération a été réalisée en ayant recours à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement, de sorte qu'elle remplit les conditions prévues à l'article L. 411-1 précité, et doit être considérée comme une opération faisant appel public à l'épargne, alors même que la société DH ne pouvait y recourir par application de l'article 227-2 précité. Il convient en conséquence, par application des articles L. 412-3 du code monétaire et financier et 1841 du code civil, ajoutant au jugement, de prononcer la nullité des souscriptions d'actions et d'obligations réalisées par les époux [R].

3) sur les conséquences de la nullité des souscriptions réalisées par les époux [R]

La société DH soutient que lors de la souscription de la seconde levée de capitaux, l'investisseur devait payer directement à la société CBRE les frais liés à celle-ci à hauteur de 1,5 % du montant de la souscription. Elle estime qu'elle ne peut pas être condamnée à restituer la somme de 15 000 euros au titre de frais qu'elle n'a pas perçus.

Les autres parties n'ont pas fait d'observations sur ce point.

La nullité des souscriptions entraîne la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient antérieurement, ce qui implique la restitution par la société DH aux consorts [R] du prix d'acquisition des titres et leur restitution par les consorts [R] à la société DH.

Les consorts [R] justifient notamment par un chèque de 15 000 euros libellé à l'ordre de la société DH s'être acquittés entre les mains de cette dernière de la somme totale de 1 065 000 euros en sorte que c'est vainement que la société DH soutient qu'elle ne peut être condamnée à restituer la somme de 15 000 euros au titre des frais de souscription.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société DH à restituer aux consorts [R] la somme de 1 065 000 euros.

S'agissant des intérêts, il n'y a pas lieu de retarder leur point de départ au 14 février 2018, comme le demande la société DH, dès lors que l'action introduite par les époux [R] tendait dès l'origine à la nullité des souscriptions, peu important le changement de fondement juridique de cette demande en cours de procédure. Les intérêts courent donc à compter du 8 juillet 2013, date de l'assignation, et ils seront capitalisés par année entière, la décision étant confirmée de ce chef.

Il convient également, ajoutant au jugement, de faire droit à la demande de la société DH et d'ordonner la restitution par les consorts [R] de leurs actions et de leurs obligations convertibles à la société DH. A l'inverse, il ne sera pas fait droit à la demande de cette dernière de restitution des sommes perçues qui n'est pas justifiée, celle-ci ne prouvant nullement que les investisseurs ont perçu un quelconque dividende ou rémunération.

* sur l'indemnisation des préjudices financier et moral des consorts [R]

Les consorts [R] sollicitent une indemnisation au titre du préjudice financier résultant de l'absence de placement des fonds sur l'assurance vie dont ils proviennent et qui avait un taux garanti fixé à 2,50 % en 2008, soit la somme de 333 420 euros pour la période comprise entre le 25 juin 2008 (date des souscriptions) et le 3 juillet 2019.

La société DH répond que les consorts [R] ne démontrent ni une faute de sa part, ni un lien de causalité entre leur prétendu préjudice et une prétendue faute personnelle, soutenant que la démonstration d'une faute ne peut pas uniquement résulter d'une nullité. Elle ajoute que la fructification de leurs fonds sur douze ans au taux de 2,5 % n'est pas justifiée. Elle estiment qu'il en est de même du préjudice moral.

La société CBRE s'oppose également à cette demande, estimant que si sa responsabilité devait être engagée au titre de son intervention dans le cadre de la souscription des époux [R] à l'opération, elle ne pourrait l'être que sur le fondement de sa responsabilité en qualité de dirigeante de la société DH à l'époque des faits, l'action sur ce fondement étant prescrite.

Elle soutient qu'en tout état de cause, le préjudice financier dont les consorts [R] pourraient se prévaloir ne peut correspondre qu'à la perte de chance de réaliser un meilleur investissement.

Elle s'oppose également à la demande au titre du préjudice moral en reprenant la motivation du tribunal.

Dans la partie de leurs écritures relative aux conséquences de la nullité des souscriptions pour violation de l'interdiction pour la société DH de faire appel public à l'épargne, les consorts [R], qui prétendent qu'ils ont subi un préjudice financier résultant de l'absence de placement des fonds sur l'assurance vie dont ils proviennent et qui avait un taux garanti fixé à 2,50 % en 2008, outre qu'ils ne développent aucun moyen au soutien de leur prétention, ne démontrent pas la réalité du préjudice allégué qui ne peut en tout état de cause qu'être une perte de chance d'avoir bénéficié d'un meilleur placement. En effet, les conditions particulières de chaque contrat groupe multisupport que les époux [R] avaient souscrit auprès de la MACS ainsi que le calcul d'intérêts que les consorts [R] produisent sous leurs pièces n° 17 et 18 ne sont pas suffisants pour établir que le taux garanti était de 2,50 %. L'existence du préjudice moral n'est pas davantage explicitée. En conséquence, leurs demandes indemnitaires ne peuvent être accueillies, faute de démonstration de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La décision est par conséquent confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes des consorts [R] au titre des préjudices financier et moral.

4) sur la demande de condamnation in solidum de la société CBRE et de la société DH

Les consorts [R] estiment que la condamnation in solidum de la société DH et de la société CBRE ne peut être écartée alors que les fautes de cette dernière sont largement caractérisées, relevant que la violation par ces sociétés de l'article L. 227-2 du code de commerce correspond à une infraction à une disposition légale entraînant la responsabilité individuelle de la société CBRE en sa qualité de dirigeante de la société DH envers les souscripteurs. Ils recherchent également sa responsabilité en son nom personnel, prétendant que dès l'origine de l'opération elle n'a jamais envisagé de s'adresser à cent investisseurs au plus et savait donc délibérément ne pas relever des règles du placement privé et ce avant même la création de la société DH. Ils affirment que la société CBRE, dès la mise en place de l'opération, avait un intérêt personnel qui a perduré tout au long de l'opération, compte tenu de la large rémunération qu'elle a perçue.

La société DH fait valoir que la nullité des contrats de souscriptions et des titres émis est uniquement et exclusivement imputable à la société CBRE qui a commis une faute en ne respectant pas les règles de l'appel public à l'épargne. Elle lui reproche d'avoir dissimulé la réalité du régime juridique applicable à ce fonds d'investissement, à savoir l'erreur commise sur la définition même de cercle restreint. Elle met en avant le rôle déterminant et exclusif de la société CBRE dans le non-respect des règles de l'appel public à l'épargne puisque c'est elle qui a constitué une SAS, a présenté l'opération dans un document d'une quarantaine de pages, a fait le choix de placer les titres via des établissements de crédits et des prestataires de service d'investissements et de se placer dans le cadre des exceptions de l'appel public à l'épargne via un cercle restreint d'investisseurs, et a pris les décisions d'émission des actions et obligations.

Elle estime qu'étant fondateur du projet DH et ayant décidé seule de ne pas respecter les règles de l'appel public à l'épargne, la société CBRE doit être condamnée in solidum avec elle et être la débitrice finale de l'ensemble des condamnations.

La société CBRE réplique que la nullité ne peut avoir d'effet qu'entre les parties, à savoir la société DH et les consorts [R] en sorte que la demande de condamnation solidaire à restituer les fonds investis doit être rejetée. Elle ajoute qu'il n'est pas soutenu, et encore moins démontré, qu'elle aurait perçu tout ou partie des fonds ou encore qu'elle se serait portée caution des engagements de la société DH.

Dès lors que la restitution des fonds aux consorts [R] qui concluent à la confirmation du jugement de ce chef, est ordonnée en suite de l'annulation des souscriptions des titres de la société DH, et qu'il n'est ni soutenu ni démontré que la société CBRE aurait perçu les fonds versés par les consorts [R] lors de l'acquisition des titres de la société DH, il ne peut être fait droit à la demande de condamnation de la société CBRE in solidum avec la société DH à rembourser aux consorts [R] la somme de 1 065 000 euros, la créance de restitution ne pouvant se confondre avec un préjudice indemnisable.

Il convient par conséquent, ajoutant au jugement, de débouter les consorts [R] de leur demande de condamnation in solidum de la société CBRE avec la société DH.

5) sur la condamnation de la société CBRE à garantir la société DH

La société CBRE qui relève que le tribunal n'a aucunement justifié sur quel fondement juridique il l'a condamnée à garantir la société DH des condamnations prononcées à son encontre, fait valoir, au visa de l'article L. 225-254 du code de commerce, que l'action en responsabilité dirigée contre elle en sa qualité de dirigeante de la société DH est prescrite, précisant que la date du point de départ est celle du fait dommageable. S'agissant des consorts [R], elle rappelle qu'ils ont reçu les informations sur lesquelles ils prétendent fonder leurs demandes lors de la souscription litigieuse, le 25 juin 2008. S'agissant de la société DH, même en retardant le point de départ du délai de prescription au 8 juillet 2013, l'action récursoire de celle-ci, introduite par conclusions régularisées plus de trois ans après, le 21 novembre 2017, est prescrite. Elle soutient qu'aucune erreur ou dissimulation ne peut être alléguée par la société DH qui l'a assignée sur ce fondement le 17 juin 2013 devant le tribunal de commerce de Paris. Elle ajoute que l'article L. 225-13 du code de commerce qui vise la nullité de la société ou des actes et délibérations de ses organes et non la nullité d'une souscription de titres, n'est pas applicable en l'espèce de sorte que la société DH ne peut se prévaloir de l'arrêt rendu par la présente cour le 16 septembre 2021. Elle estime que la prescription est donc acquise.

S'agissant de sa responsabilité personnelle, elle fait valoir que la souscription litigieuse date de juin 2008, soit plus d'un an et demi après l'immatriculation de la société DH, que même si une violation des règles de l'appel public à l'épargne était caractérisée en l'espèce, elle serait nécessairement contemporaine de la souscription des titres, de sorte qu'elle ne saurait lui être imputable. Elle prétend également s'être assurée de ne pas enfreindre la réglementation relative à l'appel public à l'épargne en prévoyant expressément de lever les fonds nécessaires à la société DH en se plaçant dans le champ du placement privé et qu'elle n'a donc commis aucune faute à ce titre. En réplique à la société DH, elle fait valoir que si des protocoles de gestion prévoyaient effectivement qu'elle devait « superviser l'administration juridique et fiscale de la Société », il ne s'agissait pas de la société DH mais de ses filiales opérationnelles en sorte qu'elle ne s'était pas engagée à titre personnel à s'assurer de la régularité juridique des opérations d'augmentation de capital et d'émission d'obligations convertibles de la société Dynamique Hôtels. Enfin, elle rappelle qu'en application d'une jurisprudence établie, 'la restitution à laquelle un contractant est condamné à la suite de l'annulation d'un contrat, ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable' et qu'ainsi, en application de cette jurisprudence, à supposer même que la nullité des souscriptions résulte en tout ou partie de sa faute, qu'elle ait été commise en son nom personnel ou en sa qualité de dirigeante de la société DH, cette faute ne pourrait, éventuellement, qu'engager sa responsabilité à indemniser le préjudice qui ne serait pas réparé par les restitutions réciproques.

Les consorts [R] qui concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société CBRE à relever et garantir la société DH des condamnations prononcées à son encontre, ne développent pas d'autres moyens que ceux énoncés ci-dessus à propos de la demande de condamnation in solidum des deux sociétés.

La société DH reprend les mêmes moyens que ceux précédemment rappelés, précisant que ses demandes dirigées contre la société CBRE en raison des fautes qu'elle a commises dans le cadre de ses fonctions de président a été valablement interrompue par les conclusions déposées au cours de la procédure de première instance aux mois d'octobre 2017 et janvier 2019 et que le délai de prescription de trois ans n'a commencé à courir qu'à compter du 21 septembre 2021, date d'un arrêt rendu par la cour de céans qui a jugé que les règles de l'appel public à l'épargne s'appliquaient. Elle invoque à cet égard les dispositions de l'article L. 235-13 du code de commerce.

Elle s'estime fondée en son appel en garantie dans la mesure où sa situation actuelle ressort exclusivement des fautes commises par la société CBRE, d'une part, pour ne pas avoir respecté les règles de l'appel public à l'épargne et d'autre part, pour s'être rendue coupable de fautes de gestion. Elle demande en conséquence, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la réparation intégrale de son préjudice.

Il est de principe que la restitution à laquelle un contractant est condamné ne constitue pas, par elle-même, un préjudice. Ce n'est que dans le cas où l'acquéreur se trouve dans l'impossibilité d'obtenir la restitution du prix de la part du cocontractant parce qu'il est insolvable que le préjudice devient certain et réparable et qu'il peut en solliciter la réparation auprès des professionnels qui ont manqué à leurs obligations.

En l'espèce, les consorts [R] n'allèguent ni ne démontrent que la société DH serait insolvable. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à demander la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société CBRE à garantir la société DH de la condamnation prononcée en leur faveur.

S'agissant de la demande de la société DH formée à l'encontre de la société CBRE en sa qualité d'ancienne dirigeante, selon l'article L. 225-254 du code de commerce applicable aux sociétés par actions simplifiées par application de l'article L. 227-8 du même code, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation.

En l'espèce, la société DH ne peut utilement invoquer une dissimulation et soutenir que l'erreur de la société CBRE n'a pu être révélée qu'à la date à laquelle il a été statué sur l'erreur en droit (c'est-à-dire le 16 septembre 2021 par la présente cour) alors qu'elle a par ailleurs assigné la société CBRE devant le tribunal de commerce de Paris le 17 juin 2013 pour voir reconnaître que les règles de l'appel public à l'épargne n'ont pas été respectées par la société CBRE. Même en retardant le point de départ du délai de prescription au 8 juillet 2013, date de l'assignation délivrée à la société DH, l'action récursoire de celle-ci, sur le fondement de la responsabilité de la société CBRE en tant qu'ancienne dirigeante, introduite par conclusions régularisées plus de trois ans après, le 21 novembre 2017, se trouve prescrite. Ce fondement juridique ne peut donc qu'être écarté, les dispositions de l'article L. 235-13 du code de commerce ne pouvant s'appliquer à une action en responsabilité fondée sur l'annulation d'une souscription de titres pour violation des règles de l'appel public à l'épargne.

S'agissant de la responsabilité personnelle de la société CBRE, il est établi que la société DH est née à l'initiative de celle-ci, et qu'elle a été immatriculée au registre du commerce le 7 décembre 2006. En novembre 2006, la société CBRE a imprimé et diffusé une notice relative à la société DH qu'elle s'apprêtait à créer.

La société CBRE a conclu, avec la société Project management services, sans qu'intervienne la société DH qui n'était pas alors constituée, une convention d'assistance et de conseil dans la levée de fonds, afin d'augmenter le capital social de la future société DH. Il ressort de cette convention que la société CBRE a choisi de procéder à une levée de fonds devant initialement

entrer dans le cadre d'un placement privé (cercle restreint d'investisseurs).

Le 23 janvier 2007, la société CBRE a conclu une nouvelle convention avec la société BNP Paribas, en présence de la société DH, en vue de la recherche d'investisseurs. Le rôle de la société CBRE est déterminant dans cette convention, et c'est elle qui s'est engagée à régler les honoraires de la société BNP Paribas. Les parties s'accordent en outre à dire que le contrat est entré en vigueur le 16 novembre 2006, soit avant même la constitution de la société DH.

La faute imputée par la société DH à la société CBRE à titre personnel est donc établie, puisque c'est elle qui est à l'origine de ce montage juridique et que c'est elle qui a choisi de créer une SAS et de placer les titres de la société DH par l'intermédiaire d'établissements bancaires et de PSI sans pour autant s'assurer du respect des conditions posées à l'article L. 411-2 du code monétaire et financier concernant les exceptions à l'appel public à l'épargne.

Sa responsabilité personnelle est donc susceptible d'être engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil à l'égard de la société DH. Force est toutefois de constater que la société DH, qui est condamnée à restituer les sommes perçues en suite de l'annulation des souscriptions litigieuses, ne démontre pas devant la présente cour l'existence d'un préjudice indemnisable puisqu'elle se retrouve en possession des titres objets des souscriptions et qu'elle ne s'explique pas sur la 'situation' dans laquelle elle se retrouve aujourd'hui, étant observé qu'elle a engagé un litige en responsabilité à l'encontre de la société CBRE devant le tribunal de commerce de Paris qui est toujours en cours.

Il convient par conséquent, infirmant le jugement de ce chef, de rejeter les demandes tendant à la condamnation de la société CBRE à garantir la société DH des condamnations prononcées à son encontre.

PAR CES MOTIFS

statuant contradictoirement,

Déclare les appels principaux de la société CBRE investment management France et de la société Dynamique Hôtels et l'appel incident des consorts [R] recevables,

Déclare recevable l'intervention volontaire de MM. [T] et [Z] [R] en leur qualité d'ayants droits de Mme [P] [R] ;

Déclare irrecevables les demandes de sursis à statuer présentées par la société CBRE global investment management France d'une part et la société Dynamique Hôtels d'autre part ;

Déclares irrecevables les demandes présentées par les consorts [R] à l'encontre de la société CBRE en sa qualité de dirigeante de la société Dynamique Hôtels ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société CBRE en son nom propre et venant aux droits de la société CBRE global investors France à relever et garantir la société Dynamique Hôtels des condamnations prononcées à son encontre et condamné la société CBRE aux dépens et à payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau de ces chefs,

Rejette les demandes de condamnation de la société CBRE investment management France à garantir la société Dynamique Hôtels des condamnations prononcées à son encontre, aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ajoutant au jugement,

Prononce la nullité des actes de souscriptions d'actions et d'obligations par les époux [R] en date du 25 juin 2008, de la souscription de titres Dynamique Hotels placés au sein des PEA à cette même date et de l'investissement complémentaire du 4 novembre 2009 ;

Ordonne la restitution par les consorts [R] de leurs actions et de leurs obligations convertibles à la société Dynamique Hôtels ;

Déboute les consorts [R] de leur demande de condamnation in solidum de la société CBRE avec la société DH ;

Condamne la société Dynamique Hôtels aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par la AARPI Avocalys ;

Condamne la société Dynamique Hôtels à payer aux consorts [R] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.