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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 16 septembre 2021, n° 19/07305

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

CBRE Global Investors France (SAS), Dynamique Hotels (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Muller, M. Nut

T. com. Nanterre, du 25 sept. 2019, n° 2…

25 septembre 2019

EXPOSE DU LITIGE

La société CB Richard Ellis Global Investors France (ci-après société CBRE) - filiale de la société CB Richard Ellis se présentant comme leader mondial des services immobiliers - a créé en décembre 2006 la société Dynamique Hôtels (ci-après société Dynamique Hôtels ou société DH) afin de mettre en oeuvre un programme d'investissement en hôtellerie. Cette création avait pour but l'achat d'hôtels sous-performants, en vue de leur revente ultérieure après un vaste programme de valorisation, de repositionnement commercial et d'optimisation de gestion.

Pour financer ce programme, Dynamique Hôtels a eu recours à des emprunts bancaires et à des fonds propres levés via des émissions successives d'actions et d'obligations convertibles intervenues entre décembre 2006 et juin 2009.

Monsieur Olivier A., contraint de cesser son activité professionnelle de moniteur de plongée, a cherché un placement financier lui permettant de s'assurer une trésorerie à court terme, afin de pouvoir réinvestir ensuite dans une nouvelle activité. Il s'est adressé à la société CBRE, et a participé à l'une des levées de fonds en investissant la somme totale de 507.500 euros dans le cadre d'engagements souscrits le 9 mars 2007. Il a ainsi souscrit à 50.000 actions de la société DH pour un montant de 50.000 euros, puis à 450.000 obligations convertibles (de la société DH) pour un montant de 450.000 euros, outre des frais.

Dans le prolongement de la crise financière de 2008, Dynamique Hôtels a rencontré des difficultés de refinancement qui ont conduit à la conclusion d'un premier accord de conciliation le 15 juin 2009 puis à l'homologation d'un plan de sauvegarde financière accélérée le 3 octobre 2013 et enfin à la conclusion d'un nouvel accord de conciliation le 10 juillet 2014. En sa qualité d'actionnaire de DH, Monsieur Olivier A. a été informé de ces difficultés.

En juin 2013, la société DH a introduit une action à l'encontre du groupe CBRE pour non-respect des règles d'appel public à l'épargne, sollicitant réparation de son préjudice constitué d'un passif très important.

Estimant qu'il avait été incité à souscrire à ce programme par des manœuvres dolosives des sociétés DH et CBRE et que ces dernières avaient manqué à leurs obligations d'information et de conseil, Monsieur Olivier A. les a assignées, le 26 novembre 2013, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux côtés d'autres entités liées (sociétés du même groupe) afin d'obtenir, à titre principal, la nullité de ses souscriptions et, à titre subsidiaire, une indemnisation correspondant aux montants investis. En cours de procédure, il a invoqué un nouveau fondement à son action en nullité, tiré de la violation des règles de l'appel public à l'épargne, outre des fautes de gestion.

Par ordonnance du 17 octobre 2014, le juge de la mise en état de ce tribunal a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société CBRE.

Par arrêt du 13 octobre 2015, la cour d'appel de Versailles a infirmé cette ordonnance, et fait droit à l'exception d'incompétence, renvoyant le litige devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement avant-dire droit du 28 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Rejeté la demande de sursis à statuer formée par les sociétés DH et DH Management;

- Rejeté la demande de jonction avec l'affaire Gertner ;

- Enjoint les parties à conclure sur le fond ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l 'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné solidairement la société Dynamique Hotels et la société Dynamique Hotels Management aux dépens de l'incident.

Par jugement du 25 septembre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes formées à l'encontre de la société CBRE Global Investors France (Holding) ;

- Dit que la société CBRE Investors France France SGP est mise hors de cause ;

- Dit que la société Dynamique Hôtels Management est mise hors de cause;

- Dit que la demande en nullité des souscriptions litigieuses formulée sur le fondement de la violation des règles de l'appel public à l'épargne n'est pas prescrite ;

- Dit que les souscriptions litigieuses d'un montant de 500.000 euros ont été effectuées par M. A. dans le cadre d'un appel public à l'épargne en violation de l'interdiction pour une société de faire appel public à l'épargne ;

- Prononcé la nullité des contrats conclus et des titres émis ;

en conséquence,

- Condamné :

- la société Dynamique Hôtels à restituer à M. A. la somme de 500.000 euros au titre des souscriptions ;

- la société CBRE Global Investors France à restituer à M. A. la somme de 7.500 euros au titre des frais de souscription ;

- Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 13 octobre 2015 ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la date anniversaire de la demande orale formée le 2 juillet 2019, date de l'audience, soit le 2 juillet 2020 ;

- Condamné la société DH à payer à M. Olivier A. la somme de 110.742 ' au titre de la perte de chance majorée des intérêts au taux légal à compte de la présente décision ;

- Débouté M. Olivier A. de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

- Condamné la société CBRE Global Investors France à relever et garantir la société DH de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

- Condamné in solidum la société DH et la société CBRE Global Investors France à payer à M. Olivier A. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire sur les condamnations,

- Condamné in solidum la société DH et la société CBRE Global Investor France à supporter les entiers dépens.

Par déclaration du 17 octobre 2019, la société CBRE Global Investors France a interjeté appel du jugement.

Par déclaration du 7 novembre 2019, la société Dynamique Hôtels a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 24 septembre 2020, les procédures ont été jointes.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 19 mai 2021, les sociétés CBRE Global Investors France (Holding), et CBRE Global Investors France venant aux droits de la société CBRE Global Investors France (Holding) - qui seront dénommées ci-après "les sociétés CBRE"- demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement du 25 septembre 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé que la société CBRE Global Investors France SGP devait être mise hors de cause et débouté M. Olivier A. de ses demandes au titre du préjudice moral ;

Statuant à nouveau

- S'agissant des demandes fondées sur la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne :

A titre principal :

- Dire que l'action en nullité fondée sur la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne est prescrite et déclarer les demandes irrecevables ;

A titre subsidiaire :

- Débouter M. Olivier A. de l'intégralité de ses demandes à l'encontre des sociétés CBRE;

En tout état de cause :

- Dire que l'action en responsabilité à l'encontre des sociétés CBRE au titre de la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne est prescrite et déclarer les demandes fondées sur la responsabilité des sociétés CBRE irrecevables ;

Subsidiairement :

- Débouter la société Dynamique Hôtels de sa demande de condamnation des sociétés CBRE à la relever et à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

Très subsidiairement :

- Surseoir à statuer sur les demandes fondées sur la responsabilité de la société CBRE au titre de la violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne dans l'attente de la décision à intervenir devant le tribunal de commerce de Paris dans l'action initiée par la société Dynamique Hôtels le 17 juin 2013 ;

S'agissant des demandes fondées sur le dol :

- Débouter M. Olivier A. de l'intégralité de ses demandes à l'encontre des sociétés CBRE;

En tout état de cause :

- Dire que l'action en responsabilité à l'encontre des sociétés CBRE au titre du dol est prescrite et déclarer les demandes au titre du dol irrecevables ;

Subsidiairement

- Débouter la société Dynamique Hôtels de sa demande de condamnation des sociétés CBRE à la relever et à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

S'agissant des demandes fondées sur le manquement à une obligation d'information et de conseil :

- Débouter Monsieur Olivier A. de l'intégralité de ses demandes à l'encontre des sociétés CBRE ;

En tout état de cause :

- Dire que l'action en responsabilité à l'encontre des sociétés CBRE au titre du manquement à une obligation d'information et de conseil est prescrite et déclarer les demandes irrecevables;

Subsidiairement

- Débouter Dynamique Hôtels de sa demande de condamnation des sociétés CBRE à la relever et à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

S'agissant des demandes fondées sur les fautes de gestion :

A titre principal

-Dire que l'action sur les fautes de gestion est prescrite ;

- Dire que le préjudice invoqué par M.Olivier A. à ce titre n'est pas personnel ;

En conséquence :

- Déclarer les demandes fondées sur les fautes de gestion irrecevables ;

A titre subsidiaire :

- Débouter M. Olivier A. de l'intégralité de ses demandes à l'encontre des sociétés CBRE ;

- Débouter la société Dynamique Hôtels de sa demande de condamnation des sociétés CBRE à la relever et à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

Très subsidiairement :

- Surseoir à statuer sur les demandes fondées sur les fautes de gestion dans l'attente de la décision à intervenir devant le tribunal de commerce de Paris dans l'action initiée par la société Dynamique Hôtels le 25 octobre 2013 ;

En tout état de cause :

- Débouter la société Dynamique Hôtels de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des sociétés CBRE ;

- Condamner M. Olivier A. à verser la somme de 150.000 euros à la société CBRE Global Investors France au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 19 mai 2021, la société Dynamique Hotel demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du 25 septembre 2019 en ce qu'il a mis hors de cause la société Dynamique Hôtels Management,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les règles de l'appel public à l'épargne n'ont pas été respectées,

- Juger que la demande de garantie formée par la société DH à l'encontre de la société CBRE n'est pas prescrite,

- En tout état de cause,

- Condamner la société CBRE Global Investors France à garantir la société DH de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre y compris, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre principal :

- Juger que la charge de la preuve du respect des règles de l'appel public à l'épargne pèse sur les sociétés CBRE,

- Juger que les sociétés CBRE ne rapportent pas la preuve du respect des conditions des exceptions de l'application des règles de l'appel public à l'épargne,

A titre subsidiaire :

- Juger que la société DH rapporte la preuve de la violation des règles de l'appel public à l'épargne par les sociétés CBRE,

- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Dynamique Hôtels à payer à M. A. la somme de 500.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt de la Cour d'Appel de Versailles du 13 Octobre 2015, et capitalisation des intérêts à compter de la date anniversaire de la demande orale formulée le 2 Juillet 2019, date de l'audience, soit le 2 Juillet 2020, avec exécution provisoire.

- Statuant à nouveau :

A titre principal :

- Condamner in solidum les sociétés CBRE et la société DH à payer à M. A. la somme de 500.000 euros, correspondant au montant des sommes qu'il a apportées, avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2018,

- Juger que les sociétés CBRE supporteront seules la totalité de la charge de la dette et qu'elles seront les débitrices finales de l'ensemble des condamnation prononcées dans cette affaire,

A titre subsidiaire :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés CBRE à relever et garantir la société Dynamique Hôtels des condamnations prononcées à son encontre,

En tout état de cause, prononcer la nullité des contrats et des titres émis,

En conséquence,

- Ordonner la restitution par M. A. de ses actions,

Sur l'appel incident de M. A., en cas de non-confirmation du jugement par la cour d'appel :

- A titre subsidiaire : sur l'existence de manœuvres dolosives :

- Au principal : rejeter les demandes de M. A.,

- A titre subsidiaire : condamner les sociétés CBRE à relever et garantir la société Dynamique hôtels des condamnations prononcées à son encontre,

- A titre très subsidiaire : sur les manquements au devoir de conseil et d'information

- Au principal : Rejeter les demandes de M. A.,

- A titre subsidiaire : condamner les sociétés CBRE à relever et garantir la société Dynamique hôtels des condamnations prononcées à son encontre,

- Sur les fautes de gestion :

- Au principal : juger irrecevable cette demande car nouvelle en cause d'appel,

- A titre subsidiaire : juger irrecevable cette demande car se heurtant à des fins de non-recevoir telles que la prescription et le défaut de qualité à agir,

- A titre infiniment subsidiaire : rejeter la demande de M. A. en l'absence de toute démonstration d'une faute personnelle de la part de la société DH,

- A titre surabondant, condamner les sociétés CBRE à relever et garantir la société Dynamique Hôtels des condamnations prononcées à son encontre,

- En tout état de cause, rejeter la demande de condamnation in solidum,

- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société DH à payer la somme de 110.742 euros à M. A. au titre de son préjudice financier majorée des intérêts au taux légal à compter de la décision, avec exécution provisoire,

- Statuant à nouveau :

A titre principal :

- Rejeter la demande de M. A. au titre de son préjudice financier,

A titre subsidiaire : si le jugement devait être confirmé :

- Confirmer le jugement et condamner les sociétés CBRE à relever et garantir la société Dynamique Hôtels des condamnations prononcées à son encontre,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation in solidum,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. A. au titre du préjudice moral.

- Réformer le jugement en ce qu'il a :

- condamné in solidum la société DH avec la société CBRE à payer à M. Olivier A. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec exécution provisoire,

- condamné in solidum la société DH avec la société CBRE à supporter les entiers dépens, avec exécution provisoire,

En tout état de cause :

- Condamner les sociétés CBRE à payer la somme de 150.000 euros à la société Dynamique Hôtels au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux entiers dépens.

- Dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Mme Julie G., avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 7 avril 2021, M. A. demande à la cour de:

- Dire et juger les sociétés CBRE irrecevables, à tout le moins mal fondées en leur appel,

- Dire et juger la société DH irrecevable, à tout le moins mal fondée en son appel,

- Dire et juger M. A. recevable et bien fondé en son appel incident,

Sur le recours :

- Débouter la société CBRE de toutes ses demandes, fins, exceptions et conclusions défavorables à M. A.,

- Débouter la société DH de toutes ses demandes, fins, exceptions et conclusions défavorables à M. A.,

- Confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions favorables à M. A.,

1. A titre principal, sur la nullité fondée sur la violation des règles de l'appel public à l'épargne:

- Confirmer le jugement du 25 septembre 2019 en ce qu'il a jugé non prescrit le recours de M. A.,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les souscriptions litigieuses d'un montant de 500.000 euros l'ont été en violation de l'interdiction pour une société de faire appel public à l'épargne,

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Prononcé la nullité des contrats conclus et des titres émis et la restitution des fonds investis soit la somme de 500.000 euros,

En conséquence, condamné :

- la société DH à restituer à M. A. la somme de 500.000 euros au titre des souscriptions,

- la société CBRE Global Investors France à restituer à M. A. la somme de 7.500 euros au titre des frais de souscriptions,

- Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 13 octobre 2015,

- Ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la date anniversaire de la demande orale formée le 2 juillet 2019, date de l'audience, soit le 2 juillet 2020,

- Y ajoutant, subordonner l'effectivité de l'annulation à la restitution du prix,

- Emender le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de la société DH à la somme de 110.742 euros au titre de la perte de chance,

- Porter la condamnation de la société DH à la somme de 164.937,50 euros en réparation du préjudice correspondant aux rendements qui auraient été obtenus pendant 12 ans si les sommes investies, soit 507.500 euros au total, avaient été versées sur un fonds euros rémunéré au taux de rendement moyen annuel constaté entre 2007 et 2019, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas condamné in solidum la société CBRE et la société DH,

- Statuant à nouveau sur ce point, condamner in solidum la société CBRE et la société DH au titre de toutes les condamnations prononcées en faveur de M. A.,

2. A titre subsidiaire,

2.1 A titre subsidiaire, sur les manœuvres et réticences dolosives :

- Dire et juger que la société CBRE et la société DH ont incité M. A. à investir dans le programme Dynamique Hôtels au moyen de manœuvres dolosives, ou, à tout le moins, au moyen de réticences dolosives,

En conséquence,

- Prononcer la nullité des actes de souscription à l'augmentation de capital et à l'emprunt obligataire signés par M. A. le 9 mars 2007 aux torts exclusifs des sociétés CBRE et DH,

En conséquence,

- Condamner in solidum les sociétés CBRE et la société DH à restituer à M. A. les fonds investis, soit la somme de 507.500 euros,

- Subordonner l'effectivité de l'annulation à la restitution du prix,

- Subsidiairement, si la nullité n'était pas prononcée, condamner in solidum les sociétés CBRE et la société DH sur le fondement de la responsabilité délictuelle à verser à M. A. la somme de 507.500 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait du dol commis,

- En tout état de cause, condamner in solidum les sociétés CBRE et la société DH à verser à M. A. la somme de 164.937,50 euros en réparation du préjudice correspondant aux rendements qui auraient été obtenus pendant 12 ans si les sommes investies, soit 507.500 euros au total, avaient été versées sur un fonds Euros rémunéré au taux de rendement moyen annuel constaté entre 2007 et 2019, à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

2.2 A titre très subsidiaire, sur la violation de l'obligation d'information et du devoir de conseil:

- Dire et juger que les sociétés CBRE Global et la société DH ont manqué à leur obligation d'information et à leur devoir de conseil,

- Dire et juger que les sociétés CBRE et la société DH ont illégalement fourni à M. A. des services d'investissement sans agrément,

En conséquence,

- Condamner in solidum les sociétés CBRE et la société DH à verser à M. A. la somme de 507.500 euros, correspondant au préjudice financer éprouvé du fait de ces manquements,

- Condamner in solidum les sociétés CBRE et la société DH à verser à M. A. la somme de 164.937,50 euros en réparation du préjudice correspondant aux rendements qui auraient été obtenus pendant 12 ans si les sommes investies, soit 507.500 euros au total, avaient été versées sur un fonds euros rémunéré au taux de rendement moyen annuel constaté entre 2007 et 2019, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

2.3. A titre infiniment subsidiaire, sur les fautes de gestion commises par les sociétés CBRE et la société DH :

- Juger recevables toutes les demandes de M. A.,

- Débouter la société CBRE de sa fin de non-recevoir tirée du prétendu caractère impersonnel du préjudice,

- Débouter la société CBRE de sa fin de non-recevoir fondée sur la prétendue prescription de l'action de M. A.,

- Dire et juger que les sociétés CBRE et DH ont commis de graves fautes de gestion dans le programme Dynamiques Hôtels,

En conséquence,

- Condamner in solidum les sociétés CBRE et DH à verser à M. A. la somme de 507.500 ', correspondant au préjudice financier éprouvé,

- Condamner in solidum les sociétés CBRE et DH à verser à M. A. la somme de 164.937,50 euros en réparation du préjudice correspondant aux rendements qui auraient été obtenus pendant 12 ans si les sommes investies, soit 507.500 euros au total, avaient été versées sur un fonds euros rémunéré au taux de rendement moyen annuel constaté entre 2007 et 2019, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,

- En tout état de cause, à titre subsidiaire confirmer la condamnation de la société CBRE à relever et garantir la société DH de toute condamnation prononcée à son encontre,

- y ajoutant en ordonnant le paiement directement entre les mains de M. A. par la société CBRE, cette dernière faisant son affaire de tout éventuel recours contre DH,

- Condamner in solidum les sociétés CBRE et la société DH à payer sur les sommes au paiement desquelles elles seront condamnées des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'acte introductif d'instance, assortis de la capitalisation des intérêts, ou à défaut d'une condamnation in solidum condamner les sociétés CBRE à relever et garantir la société DH,

- Condamner in solidum la société CBRE et la société DH à verser à M. A. la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice moral, ou à défaut d'une condamnation in solidum condamner la société CBRE à relever et garantir la société DH,

- Condamner in solidum les sociétés CBRE et la société DH à payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ou à défaut d'une condamnation in solidum, condamner la société CBRE à relever et garantir la société DH,

- Condamner in solidum les sociétés CBRE et la société DH, ou à défaut d'une condamnation in solidum, condamner les sociétés CBRE à relever et garantir la société DH, aux entiers dépens, dont distraction au profit de la AARPI Avocalys.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 mai 2021.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour observe que les sociétés CBRE Global Investors SGP et Dynamique Hôtels Management, mises hors de cause en première instance, n'ont pas été intimées dans la présente instance, de sorte que le jugement est définitif sur ce point. Il n'y a donc pas lieu de statuer à nouveau sur la demande de mise hors de cause de la société Dynamique Hôtels Management.

M. A. qui conclut, dans le dispositif de ses conclusions, à l'irrecevabilité des appels, n'invoque aucun moyen à l'appui de ces prétentions, de sorte qu'il sera débouté de cette fin de non-recevoir.

1 - sur la demande principale en nullité des souscriptions d'actions et obligations du fait de la violation alléguée des règles relatives à l'appel public à l'épargne

1-1 - sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

En première instance, seule la société DH avait soulevé la prescription de l'action en nullité exercée par M. A. sur le fondement des articles 235-9 du code de commerce, et 1844-14 du code civil, et le tribunal avait rejeté cette fin de non-recevoir. En appel, la société DH n'invoque plus la prescription de l'action exercée par M. A..

La société CBRE soulève la prescription de l'action en nullité exercée par M. A., sans toutefois expliciter le moyen qu'elle invoque, se contentant de critiquer l'argumentation, tant du premier juge, que celle de M. A.. Elle n'indique pas notamment le fondement juridique de sa fin de non-recevoir, indiquant uniquement que "l'assignation délivrée le 26 novembre 2013, plus de 5 ans après la souscription du 9 mars 2007", est tardive, semblant ainsi se fonder sur la prescription quinquennale.

M. A. soutient pour sa part que c'est bien la prescription quinquennale qui s'applique, se fondant sur l'article 2224 du code civil, au terme duquel les actions se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu les faits lui permettant de l'exécuter, faisant valoir qu'il a pris connaissance des difficultés financières de la société DH le 8 mars 2013, et non pas en mars 2009, de sorte que l'action introduite en novembre 2013 n'est pas prescrite, ajoutant qu'il importe peu que le fondement de son action en nullité ait évolué et qu'il ait sollicité cette nullité sur le fondement de la violation des règles de l'appel public à l'épargne en février 2018 seulement, l'essentiel étant d'observer que l'action, fondée successivement sur le dol, puis sur la violation des règles d'appel public à l'épargne, poursuivait un seul et unique but, à savoir la nullité des souscriptions.

*****

Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

M. A. soutient qu'il n'a eu connaissance des difficultés financières de la société DH que lors de l'assemblée générale du 8 mars 2013. La société CBRE soutient au contraire que M. A. avait connaissance des difficultés financières de la société DH dès 2009, ainsi que cela ressort des assemblées générales tenues au cours de cette année, des communications faites lors des comités des investisseurs, ainsi que des termes de l'accord de conciliation.

L'unique procès-verbal d'assemblée générale de la société DH produit au débats est celui du 15 juin 2009. Si l'on devait ainsi admettre, pour les besoins du raisonnement, que M. A. a eu connaissance des difficultés de la société DH (connaissance limitée alors à l'existence d'une conciliation de la société avec ses créanciers), il convient d'observer que l'assignation a été délivrée le 26 novembre 2013, soit moins de 5 années plus tard.

Il est exact que l'assignation, aux fins de nullité des actes de souscription, n'était initialement fondée que sur le dol, le fondement de l'appel public à l'épargne n'ayant été soulevé qu'en cours de procédure, dans des conclusions du 14 février 2018. Force est toutefois de constater qu'il n'existe qu'une seule et unique prétention d'annulation des souscriptions, de sorte que l'objet des demandes est identique, l'assignation ayant ainsi interrompu la prescription en annulation des souscriptions quel qu'en ait été le fondement.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit que l'action en nullité des souscriptions n'était pas prescrite.

1-2 - sur la demande de nullité tirée d'une violation des règles relatives à l'appel public à l'épargne (ci-après APE)

* sur la charge de la preuve que l'opération réalisée relève des règles de l'APE

Les parties s'opposent sur la charge de la preuve, la société CBRE soutenant que celle-ci repose sur le demandeur à la nullité, à savoir M. A., tandis que la société DH et M. A. soutiennent que cette charge repose sur celui qui invoque l'existence d'un placement privé, en ce qu'il s'agit d'une exception au principe d'un APE tel que visé à l'article L. 411-1 du code monétaire et financier.

La société CBRE répond que l'article L.411-1 du code monétaire et financier caractérise l'appel public par référence aux modalités de l'offre (démarchage, publicité, recours à des intermédiaires), tandis que l'article L.411-2 le complète par référence aux destinataires de l'offre (investisseurs qualifiés et cercle restreint), de sorte que ce dernier article n'est pas une exception à l'article L.411-1. Elle conteste ainsi se prévaloir d'une exception considérant que la charge de la preuve repose uniquement sur M. A..

****

Il résulte de l'article L.227-2 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, que la société par actions simplifiée (forme sociale de la société DH) ne peut faire publiquement appel à l'épargne.

Il résulte de l'article L.411-1 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au présent litige, que l'appel public à l'épargne est constitué par l'une des opérations suivantes: (...) l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement.

L'article L. 411-2 II du même code, dans sa version applicable au présent litige, est ainsi rédigé : " Ne constitue pas une opération par appel public à l'épargne l'émission ou la cession d'instruments financiers lorsque (....) 4° Nonobstant le recours au démarchage, à la publicité ou à un prestataire de services d'investissement, l'offre s'adresse exclusivement (...) b) A des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d'investisseurs, sous réserve que ces investisseurs agissent pour compte propre. (...) Un cercle restreint d'investisseurs est composé de personnes, autres que des investisseurs qualifiés, dont le nombre est inférieur à un seuil fixé par décret."

Il est constant que M. A. agit en nullité au motif que les opérations réalisées constitueraient un appel public à l'épargne, de sorte qu'il lui incombe d'apporter la preuve que les conditions de l'article L.411-1 précité sont réunies. Ce point n'est toutefois pas contesté dès lors que les parties admettent qu'il y a eu émission d'instruments financiers dans le public avec recours à des prestataires d'investissement (intervention de deux prestataires au moins, notamment la banque BNP Paribas et la société Project Management Services, ainsi qu'il ressort de conventions conclues avec ces sociétés).

Les parties s'opposent uniquement sur la question de savoir si l'article L.411-2 précité constitue un complément ou une exception à l'article L. 411-1, ce qui modifie la charge de la preuve quant à l'émission d'instruments auprès d'un cercle restreint d'investisseurs.

La thèse de la société CBRE, selon laquelle l'article L.411-1 caractérise l'appel public à l'épargne par ses modalités (démarchage, publicité, recours à des intermédiaires), tandis que l'article L.411-2 le complète en le caractérisant par les destinataires de l'offre (investisseurs qualifiés et cercle restreint) n'est pas conforme au contenu de ces articles.

En effet, les destinataires de l'appel à l'épargne sont bien décrits dans le premier article, comme étant le "public", et l'article L.411-2 a bien pour objet une dérogation (emploi des termes : "ne constitue pas"...) pour écarter la notion d'appel public à l'épargne lorsque l'émission est faite auprès d"investisseurs qualifiés" ou d'un "cercle restreint d'investisseurs".

C'est d'ailleurs bien en ces termes que la société CBRE elle-même présentait l'opération dans la notice d'information qu'elle a rédigée, avant même la constitution de la société DH, puisqu'elle y indiquait : " l'opération de souscription aux titres de Dynamique Hôtels SAS vise un cercle restreint ne comprenant pas plus de 100 investisseurs et est donc effectuée par dérogation aux règles de l'appel public à l'épargne." (souligné par la cour)

Au cours de la première instance, la société CBRE présentait également elle-même l'article L.411-2 comme une exception au principe de l'appel public à l'épargne. Elle indiquait ainsi au paragraphe 42 de ses conclusions : "la loi du 26 juillet 2005 (...)concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières (...) a réformé le champ d'application des règles de l'appel public à l'épargne en élargissant la définition du placement privé de titres et la rédaction de l'article L. 411-2 précité a donc été modifiée, les exceptions relatives à l'offre aux investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d'investisseurs étant toutefois conservées" (souligné par la cour). La société CBRE reprenait à plusieurs reprises dans ses conclusions de première instance cette notion d'exception au principe défini à l'article L. 411-1.

Dès lors qu'elle a elle-même qualifié l'opération de souscription litigieuse de dérogation, ou exception, aux règles de l'appel public à l'épargne, ce qui est conforme à la lettre de l'article L. 411-2, la société CBRE est mal fondée à soutenir le contraire.

En invoquant l'article L. 411-2 pour faire échapper l'opération souscrite par M. A. aux règles de l'appel public à l'épargne - dont il a été démontré que les conditions étaient cependant réunies - la société CBRE invoque ainsi une exception, de sorte que la charge de la preuve d'un cercle d'investisseurs restreint lui incombe, la cour observant au surplus que cette preuve serait impossible à rapporter pour M. A., les investisseurs pris individuellement n'ayant aucun moyen de savoir auprès de qui l'offre a été diffusée.

* sur la preuve de l'existence de l'émission dans un cercle restreint d'investisseurs

Il résulte de l'article D.411-4 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au présent litige, que le seuil mentionné au dernier alinéa de l'article L. 411-2 est fixé à 100, de sorte qu'il incombe à la société CBRE - qui soutient que l'opération souscrite ne constitue pas un appel public à l'épargne - de démontrer que l'offre litigieuse d'instruments financiers n'a été présentée que dans un cercle d'au plus 100 investisseurs.

La société CBRE affirme que seuls 50 investisseurs ont participé à l'opération dont la nullité est sollicitée, ajoutant que le nombre de souscripteurs de chacune des opérations n'a jamais dépassé 50. Elle soutient avoir mis en place des contrôles afin que le seuil ne soit pas dépassé (recours à des professionnels avertis, avec mention du cadre en dehors de l'appel public à l'épargne, système d'agrément des investisseurs contactés), et soutient que la preuve qui lui est demandée est impossible à rapporter en ce qu'il s'agit d'une preuve négative de ne pas avoir contacté, par quelque moyen que ce soit, plus de 100 investisseurs potentiels.

La société DH soutient que la société CBRE ne rapporte pas la preuve de n'avoir contacté que 50 investisseurs, et qu'il est impossible que le chiffre de moins de 100 personnes ait été respecté dès lors que la société CBRE a eu recours à plusieurs prestataires, les conventions conclues avec ces derniers ne comportant aucune restriction quant au nombre de personnes à démarcher, ajoutant qu'aucun contrôle n'était mis en place.

***

Il est constant que les deux conventions souscrites, l'une avec la société Project Management et l'autre avec la société BNP Paribas, même si elles mentionnent la notion de "cercle restreint d'investisseurs", ne comportent aucune clause quant à un nombre maximum de personnes à démarcher.

Il a été démontré que la charge de la preuve d'un cercle d'investisseurs restreint incombait à la société CBRE. Force est ici de constater que celle-ci ne produit aucun élément permettant d'établir le nombre d'investisseurs contactés, ni même le nombre de souscripteurs - qui aurait été à tout le moins un indicateur du nombre d'investisseurs contactés - alors même qu'il lui suffisait d'interroger ses prestataires pour obtenir leurs listes de contacts. La société CBRE aurait à tout le moins pu produire le détail des souscriptions à la suite de l'augmentation du capital décidée le 2 janvier 2007, ce qui ne constitue pas une preuve impossible contrairement à ce qu'elle soutient.

La cour ne peut dès lors que constater que la société CBRE n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'avoir procédé à l'opération litigieuse dans un cercle restreint d'investisseurs. Il est constant que l'opération a été réalisée en ayant recours à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement, de sorte qu'elle remplit les conditions prévues à l'article L. 411-1 précité, et doit être considérée comme une opération faisant appel public à l'épargne, alors même que la société DH ne pouvait y recourir par application de l'article 227-2 précité, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité des souscriptions réalisées par M. A.. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2 - sur les conséquences de la nullité des souscriptions réalisées par M. A.

Le premier juge a condamné, d'une part la société DH à restituer à M. A. la somme de 500.000 euros au titre des souscriptions, d'autre part la société CBRE à restituer à M. A. la somme de 7.500 euros au titre des frais de souscription, indiquant que ces sommes porteraient intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2015, outre capitalisation. Le premier juge a également condamné la société DH au paiement de la somme de 110.742 euros au profit de M. A. au titre d'une perte de chance de pouvoir réaliser un profit si la somme de 500.000 euros avait été investie sur d'autres supports. Le tribunal a enfin rejeté la demande formée par M. A. au titre de son préjudice moral.

M. A. sollicite désormais la condamnation in solidum des sociétés DH et CBRE au paiement des sommes de 500.000 euros et 7.500 euros. Il sollicite l'infirmation du jugement sur le quantum de sa perte de chance, estimant que celle-ci doit être fixée à la somme de 164.937,50 euros, et reprend en appel sa demande au titre du préjudice moral.

La société DH ne conteste pas la demande en paiement à hauteur de 500.000 euros, mais uniquement le point de départ des intérêts, considérant qu'il doit être fixé à la date de la demande formulée par conclusions, soit le 13 février 2018 (sur le fondement du non-respect des règles de l'appel public à l'épargne). Elle sollicite, à titre principal, sa propre condamnation (sic), in solidum avec la société CBRE, et à titre subsidiaire la garantie de la société CBRE. Elle fonde sa demande de condamnation in solidum sur le fait que la société CBRE serait seule responsable du non-respect des règles de l'appel public à l'épargne en ce qu'elle est à l'origine du fonds d'investissement, et en ce que les documents communiqués aux investisseurs émanent de la société CBRE. Elle soutient dès lors que la nullité des actes de souscription est exclusivement imputable à cette dernière. Elle sollicite en outre la restitution des titres.

La société DH conteste enfin les demandes indemnitaires, au motif que M. A. ne démontre aucune faute qui lui soit imputable, ni lien de causalité entre une prétendue faute et le préjudice qu'il allègue. Elle soutient qu'il n'est pas démontré que la nullité soit fautive.

La société CBRE conteste la demande indemnitaire sur le fondement de la perte de chance, ajoutant que M. A. n'aurait pas pu investir la somme de 500.000 euros sur un livret A de sorte que le calcul effectué par le tribunal est erroné. Elle conteste l'appel en garantie formé par la société DH à son encontre, au motif qu'elle n'est intervenue qu'en qualité de présidente de la société DH, et non pas à titre individuel. Elle fait valoir que la souscription de M. A. n'est intervenue que plusieurs mois après l'immatriculation de la société DH, de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée comme initiateur du fonds d'investissement, mais uniquement comme ancienne dirigeante de la société DH, de sorte qu'elle ne supporte aucune responsabilité personnelle, invoquant à ce titre une prescription triennale. Elle fait également valoir que la société DH a introduit une action à son encontre sur le même fondement du non-respect des règles de l'appel public à l'épargne, sollicitant à titre subsidiaire un sursis à statuer.

* sur la restitution des titres et la restitution de leur prix d'acquisition

La nullité des souscriptions entraîne la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient antérieurement, ce qui implique la restitution du prix d'acquisition des titres. Dès lors que les titres sont dématérialisés, et que le premier juge a prononcé leur nullité qui est confirmée en appel, il n'y a pas lieu à restitution.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société DH à restituer à M. A. la somme de 500.000 euros. Il convient également de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CBRE à restituer la somme de 7.500 euros correspondant aux frais de souscription, ces deux points n'étant pas discutés.

S'agissant des intérêts, il n'y a pas lieu de retarder leur point de départ en février 2018, dès lors que l'action introduite par M. A. visait dès l'origine à la nullité des souscriptions, peu important le changement de fondement juridique de cette demande en cours de procédure. Les intérêts commenceront donc à courir, conformément à la demande, à compter du 13 octobre 2015, date de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles relatif à la compétence matérielle du tribunal de commerce.

Une condamnation ne peut être prononcée in solidum qu'à condition de démontrer que deux fautes ont concourru à la réalisation du même dommage. Force est ici de constater que M. A. ne précise pas quelle serait la faute commise par la société CBRE ayant concourru au dommage qu'il subit, de sorte que sa demande de condamnation in solidum sera rejetée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné, d'une part la société DH à restituer la somme de 500.000 euros au titre des souscriptions, d'autre part la société CBRE à restituer la somme de 7.500 euros, et enfin en ce qu'il a dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2015, outre capitalisation.

* sur la demande indemnitaire au titre de la perte de chance

Indépendamment de l'annulation des souscriptions, M. A. peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité contractuelle.

Contrairement à ce que soutient la société DH, le fait de faire souscrire à un investisseur l'achat de titres, sans respecter les règles de l'appel public à l'épargne, est bien fautif, cette faute étant en lien de causalité avec le dommage qui en découle, constitué d'une perte de chance de pouvoir investir sur un autre placement.

Le premier juge, retenant que la réparation de la perte de chance ne pouvait être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance, avait limité la demande à la somme de 110.742 euros, se fondant sur le taux de rémunération d'un livret de Caisse d'Epargne (1,6%).

M. A. soutient qu'il aurait pu investir ses économies sur un fonds en euros, rémunéré au taux moyen de 2,84%, ce qui lui aurait permis d'obtenir un rendement de 164.937,50 euros sur 12 années, entre 2007 et 2019.

Il est constant que M. A. disposait d'une chance d'obtenir un placement plus rémunérateur que celui vendu par la société DH qui n'a jamais permis la distribution d'un quelconque dividende alors même que la rentabilité annoncée par cette dernière était de 15% par an.

La cour retiendra une éventualité favorable de rendement à hauteur de 2,5% par an (sur 12 années), et une perte de cette chance à hauteur de 75%, de sorte que celle-ci peut être évaluée à hauteur de 112.500 euros. Le jugement sera donc infirmé de ce chef, la société DH étant condamnée au paiement de cette somme au titre de la perte de chance, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, déclaratif de droits.

M. A. ne précise pas quelle serait la faute commise par la société CBRE ayant concourru au dommage qu'il subit, de sorte que sa demande de condamnation in solidum sera rejetée.

* sur la demande en réparation du préjudice moral

M. A. sollicite l'infirmation du jugement qui a rejeté sa demande en indemnisation du préjudice moral. Il fait valoir que son préjudice est patent, résultant tant du stress que des démarches effectuées en vue de faire valoir ses droits, sollicitant à ce titre paiement d'une somme de 10.000 euros.

Compte tenu des très lourdes pertes financières de la société DH, la faute commise par celle-ci a nécessairement généré une inquiétude majeure pour M. A., le préjudice moral ainsi subi pouvant être évalué à 5.000 euros, cette somme étant mise à la charge de la société DH uniquement, faute pour M. A. de caractériser une faute de la société CBRE. Le jugement sera infirmé de ce chef.

3 - sur l'appel en garantie formé par la société DH à l'encontre de la société CBRE

* sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie

La société CBRE soulève la prescription de l'action en garantie exercée par la société DH à son encontre, au motif que celle-ci n'a été introduite que par assignation du 26 novembre 2013, voire même en octobre 2017, alors que l'opération s'est réalisée en mars 2007, invoquant la prescription triennale relative aux actes du dirigeant d'une société (article L.225-254 du code de commerce).

La société DH soutient pour sa part qu'elle n'agit pas à l'encontre de la société CBRE en sa qualité d'ancien dirigeant de la société DH, mais au titre de ses agissements antérieurs à la constitution de la société DH, de sorte que son action est soumise à la prescription quinquennale, ajoutant qu'elle n'a connu les faits lui permettant de l'exercer qu'en novembre 2013, de sorte que l'action exercée en octobre 2017 n'est pas prescrite.

***

Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La société DH ne recherche pas la responsabilité de la société CBRE en sa qualité d'ancienne dirigeante de la société DH à l'époque des faits, mais en son nom personnel en ce qu'elle aurait eu un rôle déterminant et exclusif, avant même la création de la société DH, dans le choix des modalités de financement, de sorte que la prescription triennale alléguée ne s'applique pas, seule la prescription quinquennale étant applicable.

La société DH n'ayant eu connaissance de sa mise en cause par M. A. que par l'assignation du 26 novembre 2013, et son action en garantie ayant été formulée dans des conclusions d'octobre 2017, celle-ci n'est pas prescrite.

* sur le bien fondé de l'action en garantie

Il est établi que la société DH est née à l'initiative de la société CBRE, et qu'elle a été immatriculée au registre du commerce le 7 décembre 2006.

En novembre 2006, la société CBRE a imprimé et diffusé une notice relative à la société DH qu'elle s'apprêtait à créer.

La société CBRE a conclu, avec la société Project Management Services, sans qu'intervienne la société DH qui n'était pas alors constituée, une convention d'assistance et de conseil dans la levée de fonds, afin d'augmenter le capital social de la future société DH. Il ressort de cette convention que la société CBRE a choisi de procéder à une levée de fonds devant initialement entrer dans le cadre d'un placement privé (cercle restreint d'investisseurs).

Le 23 janvier 2007, la société CBRE a conclu une nouvelle convention avec la société BNP Paribas, en présence de la société DH, en vue de la recherche d'investisseurs. Le rôle de la société CBRE est déterminant dans cette convention, et c'est elle qui s'engage à régler les honoraires de la société BNP Paribas. Les parties s'accordent en outre à dire que le contrat est entré en vigueur le 16 novembre 2006, soit avant même la constitution de la société DH. Il est également précisé que la mission confiée à la banque doit théoriquement rester dans le cadre d'un placement privé.

S'il est ainsi exact, comme le soutient la société DH, que la société CBRE est bien à l'origine de la levée de fonds, ce choix initial du placement privé n'est pas en lui-même fautif, seul le non-respect de ce cadre - nécessairement postérieur à la création de la société DH - étant fautif en ce que le seuil de 100 investisseurs a été dépassé lors de l'opération à laquelle M. A. a souscrit. Force est ainsi de constater, comme le soutient la société CBRE, que le fait fautif, tenant au non-respect du cadre choisi du placement privé, est contemporain de la souscription des titres de M. A., de sorte qu'il ne pourrait lui être reproché qu'en sa qualité de dirigeante de la société DH, ce qui n'est cependant pas le cas.

La faute imputée par la société DH à la société CBRE à titre personnel n'est donc pas établie, de sorte que l'action en garantie ainsi exercée ne peut prospérer. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

4 - Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société DH qui succombe sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. A. une indemnité de procédure de 5.000 euros. Les autres demandes à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 25 septembre 2019 en ce qu'il a :

- Dit que la demande en nullité des souscriptions litigieuses formulée sur le fondement de la violation des règles de l'appel public à l'épargne n'est pas prescrite ;

- Dit que les souscriptions litigieuses d'un montant de 500.000 euros ont été effectuées dans le cadre d'un appel public à l'épargne en violation de l'interdiction pour une société de faire appel public à l'épargne ;

- Prononcé la nullité des contrats conclus et des titres émis,

- Condamné :

- la société Dynamique Hôtels à restituer à M. A. la somme de 500.000 euros au titre des souscriptions ;

- la société CBRE Global Investors France à restituer à M. A. la somme de 7.500 euros au titre des frais de souscriptions ;

- Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2015;

- Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 2 juillet 2020 ;

- statué sur les frais irrépétibles et les dépens,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Condamne la société Dynamique Hôtels à payer à M. A. la somme de 112.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'une perte de chance, outre 5.000 euros au titre du préjudice moral, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Dynamique Hôtels à payer à M. A. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Dynamique Hôtels aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.