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Décisions

Cass. 3e civ., 8 juin 2023, n° 22-12.302

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Brun

Avocat général :

M. Brun

Avocats :

SCP Richard, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Lyon, 1re ch. civ. A, du 28 oct. 2021

28 octobre 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 octobre 2021), M. et Mme [W] ont conclu le 20 juillet 2012 avec la société Hérios finance un contrat de mandat portant sur la recherche de biens immobiliers afin de procéder à un investissement à but de défiscalisation dit « Scellier Pacifique ».

2. Par l'intermédiaire de M. [T], avec lequel la société Hérios finance les avait mis en contact, ils ont conclu, le même jour, un contrat de réservation d'un appartement situé en Nouvelle-Calédonie, investissement éligible au dispositif Scellier Pacifique à la condition d'être résident métropolitain.

3. Se plaignant de ne pouvoir bénéficier du dispositif en raison de leur nouvelle résidence fiscale en Nouvelle-Calédonie, ils ont assigné M. [T] aux fins d'indemnisation.

Moyens

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'indemnisation, alors « que tenu à l'égard de son client d'une obligation de conseil et d'information, le conseil en gestion de patrimoine qui propose à celui-ci de souscrire à une opération de défiscalisation immobilière doit lui délivrer une information sincère et complète sur les conditions du bénéfice de l'avantage fiscal escompté ; que l'intervention d'un autre conseiller ne saurait dispenser le conseil en gestion de patrimoine de son devoir d'information et de conseil ; qu'en décidant néanmoins que M. [T] n'était pas débiteur à l'égard de M. et Mme [W] d'une obligation d'information et de conseil portant sur l'avantage fiscal « Scellier Pacifique », attaché à l'investissement auquel il leur proposait de souscrire, motifs pris qu'il appartenait à la société Hérios finance, en sa qualité de mandataire de M. et Mme [W], qui l'avaient saisie avant M. [T], de délivrer à ces derniers une information précontractuelle afférente aux conditions de bénéfice de ce dispositif, de sorte que M. [T] n'était tenu qu'à la recherche d'un bien correspondant aux critères de choix de M. et Mme [W], après avoir pourtant constaté que M. [T] ne contestait pas avoir été saisi en vue de proposer à ces derniers un investissement dans le cadre du dispositif « Scellier Pacifique », afin de leur permettre de procéder à une opération de défiscalisation, ce dont il résultait qu'il était tenu à un devoir d'information et de conseil sur les conditions requises pour bénéficier de ce dispositif, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil. »

Motivation

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

5. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

6. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par M. et Mme [W], l'arrêt retient que l'information précontractuelle relative à l'avantage fiscal « Scellier Pacifique » devait être donnée par la société Hérios finance au moment de la signature du mandat à l'occasion de laquelle avaient été définies les caractéristiques du bien recherché. Il relève que M. [T] est intervenu ensuite, dans un cadre prédéterminé, pour identifier un bien correspondant aux critères de choix de M. et Mme [W] inscrits au mandat.

7. En statuant ainsi, alors que l'intervention d'un autre professionnel ne saurait dispenser le conseil en gestion de patrimoine de son devoir d'information et de conseil, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Moyens

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. M. et Mme [W] font le même grief à l'arrêt, alors « que tenu à l'égard de son client d'une obligation de conseil et d'information, le conseil en gestion de patrimoine qui propose à celui-ci de souscrire à une opération de défiscalisation immobilière doit lui délivrer spontanément une information sincère et complète sur les conditions du bénéfice de l'avantage fiscal escompté ; qu'en décidant néanmoins que M. [T] n'était pas tenu d'informer M. et Mme [W] de ce qu'un changement de résidence fiscale en dehors du territoire métropolitain leur ferait perdre l'avantage fiscal attaché à leur investissement, au motif inopérant que M. [T] n'avait pas été informé du projet de déménagement de M. et Mme [W] en Nouvelle-Calédonie et donc d'un changement de résidence fiscale, bien qu'il ait été tenu d'informer d'office M. et Mme [W] de l'ensemble des conditions requises pour continuer à bénéficier de l'avantage fiscal attaché à l'investissement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du code civil. »

Motivation

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

9. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

10. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par M. et Mme [W], l'arrêt retient qu'il n'était pas établi qu'ils aient informé M. [T] de leur projet d'établissement familial à [Localité 3] à la date à laquelle celui-ci a exécuté sa mission.

11. En statuant ainsi, alors que le conseil en gestion de patrimoine, qui doit recueillir auprès de la personne qu'il conseille l'ensemble des éléments lui permettant d'assurer l'adéquation du projet à sa situation, doit informer son client des conditions de succès de l'opération projetée, en particulier quant à la condition de résider fiscalement en métropole pendant toute la durée du dispositif, et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.