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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 6 juin 2023, n° 22/05488

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

P&M Distribution (SARL)

Défendeur :

Abris Conseil (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Graffin

Avocats :

Me Pepratx Nègre, Me Niederkorn, Me Auche, Me Sonnier Poquillon

T. com. Nîmes, du 11 janv. 2019

11 janvier 2019

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

La SARL P&M distribution est spécialisée dans la commercialisation d'abris de piscine de la marque hongroise « Aquacomet », tandis que la SARL Abris conseil a pour activité la vente et l'installation à domicile d'abris de piscine.

Par acte sous-seing privé du 19 novembre 2015, la société P&M distribution et la société Abri conseil ont conclu un contrat de distribution exclusive par lequel la première a confié à la seconde la distribution exclusive des produits contractuels de marque Aquacomet sur un territoire ainsi défini :

« Abris de piscine structure aluminium de toutes formes :

- Abris télescopiques sur platines GAA, plats, bas, mi-hauts : Star, Star plus, Sun, Sky, Visual, Harmonie, Harmonie plus, Practic, Créative, Professional, Zenith standard, Zenith flat, Horizon ;

- Abris télescopiques sans rail au sol bas, mi-hauts, hauts : Sun On Roll, Orion;

- Abris fixes : Galaxy ;

- Abris terrasses : Centaure ;

- Pergolas : Pergopolis.

En exclusivité sur le(s) département(s) suivant(s) : 07 - 11 - 12 - 13 - 34 - 48 - 66. »

La société Abris conseil s'engageait à s'approvisionner auprès de la société P&M distribution pour l'ensemble des produits contractuels et de ne pas représenter, vendre, s'approvisionner directement ou indirectement par tout autre marque, revendeur et fabricant des produits contractuels ; ce contrat de distribution a été conclu pour une durée de cinq ans, venant à expiration le 18 novembre 2020.

Par courriel du 14 octobre 2016, le gérant de la société P&M distribution, [T] [K], a rappelé au gérant de la société Abris conseil, [W] [V], les termes du contrat de distribution et notamment l'interdiction de vendre des abris de piscine autres que ceux de la marque Aquacomet sur les secteurs relevant de l'exclusivité convenue ; il lui reprochait alors de commercialiser des produits équivalents à ceux de la marque Aquacomet sur le département de l'Hérault.

Le 8 mai 2017, M. [V] a, par courriel, interrogé M. [K] sur la vente et l'installation de plusieurs abris de piscine dans le département de l'Hérault, dont il avait l'exclusivité, par une autre société.

Le lendemain, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 9 mai 2017, la société P&M distribution a, par l'intermédiaire de son avocat, mis en demeure la société Abris conseil d'avoir à respecter ses engagements contractuels, lui notifiant son intention de se prévaloir de la résiliation anticipée du contrat un mois après la mise en demeure restée sans effet, conformément à l'article 14 des conditions générales ; il lui était reproché, d'une part, la non-atteinte du quota de vente annuelle de 30 abris de piscine et, d'autre part, la commercialisation depuis plusieurs mois de produits équivalents, concurrents à ceux proposés par « Aquacomet » sur les territoires concernés par le contrat de distribution exclusive.

Par exploit du 28 juillet 2017, la société P&M distribution a fait assigner la société Abris conseil devant le tribunal de commerce de Nîmes en vue d'obtenir la résiliation du contrat de distribution aux torts exclusifs de celle-ci et sa condamnation à lui payer les sommes de 433 803 euros en indemnisation de son manque-à-gagner, 50 000 euros au titre de la mise en place d'un nouveau contrat et 10 000 euros au titre des actes de concurrence déloyale caractérisés ; elle sollicitait également qu'il soit fait interdiction sous astreinte à la société Abris conseil d'utiliser la marque et les outils promotionnels de la marque.

Par jugement du 11 janvier 2019, le tribunal de commerce a débouté la société P&M distribution de ses demandes principales et la société Abris conseil de ses demandes reconventionnelles.

Sur l'appel formé par la société P&M distribution, la cour d'appel de Nîmes a notamment, par arrêt du 10 mars 2021 :

- débouté la société P&M distribution de sa demande de production de pièces par la société Abris conseil,

- débouté la société Abris conseil de sa demande de nullité de la clause d'exclusivité,

- confirmé, pour le surplus, le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- condamné la société P&M distribution à payer à la société Abris conseil une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été cassé et annulé, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société P&M distribution de ses demandes en paiement des sommes de 433 802 euros et 50 000 euros en réparation de ses préjudices au titre du manque-à-gagner résultant de la résiliation anticipée du contrat et en indemnisation des investissements nécessaires à la mise en place d'un nouveau contrat de distribution sur le secteur et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, par un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) du 28 septembre 2022.

La réponse de la Cour au moyen soulevé par la société P&M distribution au soutien de son pourvoi est la suivante :

« Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la société P&M distribution au titre de la résiliation anticipée du contrat, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de la clause prévoyant la résiliation automatique du contrat un mois après une mise en demeure restée sans effet, en cas de violation de l'un quelconque des engagements pris par les parties, puis relevé que la société Abris conseil avait proposé à la vente deux abris de marque concurrente, en violation de son engagement d'exclusivité, retient que cet acte isolé ne pouvait, à lui seul, justifier la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Abris conseil et qu'en l'absence de preuve d'une faute d'une particulière gravité, la société P & M distribution ne pouvait valablement dénoncer le contrat aux torts exclusifs du concessionnaire.

7. En statuant ainsi, alors qu'à défaut de stipulation en ce sens, il n'appartient pas au juge d'apprécier la gravité du manquement justifiant la mise oeuvre d'une clause prévoyant la résolution de plein droit du contrat en cas d'inexécution par l'une des parties de l'une quelconque de ses obligations, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Désignée comme juridiction de renvoi, cette cour a été saisie par la société P&M distribution par déclaration reçue le 27 octobre 2022 au greffe.

Elle demande la cour, dans ses dernières conclusions déposées le 17 mars 2023 via le RPVA et au visa des articles 1134, 1147 et 1184 (anciens) du code civil, de :

A titre principal :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions, dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires et l'a condamnée aux dépens de l'instance,

- confirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il a débouté la société Abris conseil de ses demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau,

- juger que la société Abris conseil s'est rendue coupable de vente de produits concurrents sur le secteur concédé, que les quotas contractuels n'ont pas été respectés et qu'il existe pour elle un préjudice,

- en conséquence, juger la résiliation anticipée du contrat de distribution aux torts exclusifs de la société Abris conseil justifiée,

- condamner la société Abris conseil à lui payer la somme de 433 802 euros en réparation de son préjudice au titre du manque-à-gagner,

- condamner la société Abris conseil à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation des investissements nécessaires à la mise en place d'un nouveau contrat de distribution sur le secteur,

A titre subsidiaire, désigner tel expert judiciaire qu'il plaira afin :

- de se faire communiquer par les parties tous documents ou pièces qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission et entendre, si besoin est, tous sachants,

- de vérifier les éléments comptables permettant l'analyse de la perte de chiffre d'affaires, de la perte de marge et, de façon générale, de la perte d'exploitation,

- de vérifier les coûts engendrés par le comportement fautif de la société Abris conseil,

- de procéder à toute analyse financière utile,

- de chiffrer son entier préjudice,

- de donner à la cour toutes informations ou éléments susceptibles de permettre la résolution du litige,

- de faire les comptes entre les parties,

- de dire que l'expert entendra les parties, rapportera leurs dires, répondra à leurs réquisitions,

- de dire qu'en cas d'empêchement, refus ou retard de l'expert, il pourra être pourvu à son remplacement à la requête de la partie la plus diligente,

- de dire que l'expert exécutera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,

- de dire que l'expert déposera son rapport au secrétariat-greffe dans le délai de 3 mois à compter de la date de sa saisine,

En tout état de cause :

- débouter la société Abris conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,

- condamner la société Abris conseil au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (').

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir pour l'essentiel que :

- la société Abris conseil a commercialisé des produits directement concurrents à ceux de la gamme Aquacomet (Horizon, Star, Star plus et Zénith flat), en violation de l'obligation d'exclusivité d'approvisionnement et de l'obligation de non-concurrence stipulées contractuellement, comme le modèle Boréalis du fournisseur espagnol Espace cover ou le modèle Atlanta du fournisseur polonais Aluna,

- il s'agit notamment de ventes d'abris de piscine aux consorts [H], d'une part, et aux consorts [I], d'autre part, clients domiciliés dans le département de l'Hérault,

- M. [V] s'est également présenté, sur sa page Facebook, comme l'importateur de la marque Aluna sur toute la France, présentant les photos d'un modèle Exclusive line équivalent de l'abri Horizon de la gamme Aquacomet,

- ces manquements contractuels justifient la résolution de plein droit du contrat en application de l'article 14 des conditions générales hors tout pouvoir d'appréciation par le juge de leur gravité, la clause résolutoire ayant été mise en oeuvre par l'envoi de la mise en demeure du 9 mai 2017,

- la résiliation anticipé du contrat est également justifiée au regard du non-respect par la société Abris conseil du quota annuel de 30 abris minimum achetés sur l'ensemble des départements concédés, puisqu'aucun abri n'a ainsi été commandé par elle sur la période de novembre 2016 à mai 2017,

- son préjudice est constitué par le manque-à-gagner sur les chiffres d'affaires prévisionnels des quatre années restant à courir jusqu'au terme du contrat, correspondant à 433 802 euros de marge perdu, et par les investissements engagés pour la mise en place d'un nouveau contrat de distribution, estimés à la somme de 50 000 euros.

La société Abris conseil, dont les dernières conclusions ont été déposées par le RPVA le 20 mars 2023, sollicite, au visa notamment des articles 1134, 1142, 1147, 1162, 1184 et 1382 de l'ancien code civil et des articles 564 et 32-1 du code de procédure civile, de voir :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société P&M distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et condamné celle-ci aux dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau :

A titre préalable :

- écarter des débats l'ensemble des pièces liées au prétendu projet d'acquisition des époux [H] (soit les pièces adverses 6, 7, 9, 18, 19 et 20) ainsi que l'ensemble des références qui y sont faites dans les conclusions adverses,

- déclarer les demandes nouvelles de la société P&M distribution relatives à la transmission des coordonnées des époux [I], à la communication de M. [V] sur Facebook et à la prétendue réitération d'agissements déjà commis en 2016, irrecevables devant la cour d'appel,

A titre principal :

- débouter la société P&M distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en toutes fins qu'elles comportent,

A titre subsidiaire :

- ramener les demandes de la société P&M distribution à de plus justes proportions et raisonnablement à l'euro symbolique,

Reconventionnellement :

- condamner la société P&M distribution à lui payer une indemnité d'un montant de 10 000 euros pour procédure abusive,

- condamner la société P&M distribution à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (').

Elle soutient en substance que :

- il ne pouvait lui être reproché, le 9 mai 2017, la non-atteinte de l'objectif annuel de 30 abris, alors que l'échéance d'exécution du quota était fixée à la fin de l'année 2017,

- ne s'étant pas approvisionné en produits contractuels auprès d'un fournisseur autre que la société P&M distribution, aucun manquement à l'obligation d'exclusivité d'approvisionnement ne peut lui être reproché,

- la société P&M distribution invoque, pour la première fois devant la cour, de nouveaux griefs qui n'ont pas été examinés par le tribunal et qui constituent des demandes nouvelles irrecevables conformément à l'article 564 du code de procédure civile,

- aucune faute ne peut d'ailleurs lui être reprochée relativement à la prétendue vente d'abris de piscine de marques concurrentes et, en toute hypothèse, les abris Atlanta (Aluna) et Boeralis (Espace cover) proposés aux époux [H], qui étaient d'ailleurs des faux clients, n'avaient aucun équivalent dans le catalogue Aquacomet,

- la page Facebook, non datée, dont se prévaut la société P&M distribution, n'est pas probante,

- les conditions de mise en oeuvre de la clause résolutoire ne sont pas remplies puisqu'il n'est pas justifié d'une réitération des manquements allégués au cours du mois suivant l'envoi de la mise en demeure,

- dès lors, la résiliation unilatérale pour manquement suffisamment grave, fondée sur l'article 1184 du code civil (ancien), n'est pas en l'espèce envisageable,

- la société P&M distribution a, pour sa part, commis divers manquements contractuels, d'une part, en vendant des abris piscines Aquacomet sur les territoires qui lui étaient réservés en violation de la clause d'exclusivité et, d'autre part, en fermant les show-rooms qu'elle s'était engagée à maintenir pendant toute la durée du contrat,

- en toute hypothèse, le préjudice invoqué est inexistant.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Instruite conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile applicable par renvoi de l'article 1037-1 du même code, la procédure a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2023.

MOTIFS de la DÉCISION :

L'article 563 du code de procédure civile dispose que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ; dans le cas présent, la société P&M distribution invoque en cause d'appel, pièces justificatives à l'appui, le fait que M. [V], le dirigeant de la société Abris conseil, a fourni à M. et Mme [H] les coordonnées de M. et Mme [I], domiciliés au Crès, chez lesquels un abri de piscine identique à celui proposé avait été installé, la présentation, sur le profil Facebook de M. [V], de photographies d'un modèle d'abris de piscine Exclusive Line du fournisseur polonais Aluna équivalent de l'abri Horizon de la gamme Aquacomet et la réitération des manquements contractuels allégués déjà dénoncés par un courriel du 14 octobre 2016 ; il ne s'agit là que de moyens de fait nouveaux et d'éléments de preuve produits à l'appui de prétentions formulées en première instance ; la demande de la société Abris conseil tendant à les voir déclarer irrecevables sur le fondement de l'article 564 du même code n'est donc pas sérieuse.

Aux termes de l'article 7 du contrat de distribution exclusive liant les parties: « Le concessionnaire s'engage, afin de participer à la dynamique nécessaire à la mise en place et au développement du réseau de distribution, à acquérir un minimum annuel de produits contractuels, "objectifs" en annexe. Il est précisé que ce quota a été déterminé d'un commun accord entre les parties. Ce quota pourra faire l'objet d'une révision, pendant l'exécution du contrat, d'un commun accord entre les parties, par voie d'avenant écrit à celui-ci » ; l'annexe au contrat prévoit ainsi un objectif annuel sur 12 mois de 30 abris minimum sur l'ensemble des départements concédés.

En l'occurrence, dans sa lettre recommandée du 9 mai 2017, la société P&M distribution reproche à son partenaire contractuel la non atteinte du quota de vente annuelle de 30 abris ; pour autant, c'est au 18 novembre 2017, date d'expiration de la deuxième année d'exécution du contrat, qu'il fallait se placer pour apprécier si l'objectif annuel de vente de 30 abris était ou pas atteint et non au 9 mai 2017, date d'envoi de la lettre de mise en demeure, alors qu'il restait plus de 6 mois avant la fin de l'année contractuelle en cours ; la société P&M distribution ne peut donc sérieusement prétendre que le manquement contractuel lié à la non atteinte du quota de vente se trouve caractérisé au simple constat qu'en mai 2017, aucun abri de piscine de marque Aquacomet n'avait encore été commercialisé par son concessionnaire.

Après avoir indiqué que le concédant confère au concessionnaire la distribution exclusive de produits contractuels (des abris de piscine de la gamme Aquacomet à structure aluminium de toutes formes, dont les modèles sont précisément définis) sur un territoire correspondant à sept départements, le contrat conclu le 19 novembre 2015 entre les parties énonce, à l'article 1 in fine : « En conséquence de l'exclusivité territoriale définie ci-dessus, accordé au concessionnaire, le concédant s'interdit d'installer sur le territoire concédé un autre concessionnaire ou revendeur des produits contractuels, et s'engage à approvisionner le concessionnaire de façon exclusive sur cette zone. Le concessionnaire s'engage, en contrepartie, dans les conditions précisées au présent contrat, à s'approvisionner exclusivement auprès du concédant pour tous les produits contractuels et de ne représenter, vendre, s'approvisionner directement ou indirectement par tout autre marque, revendeur et fabricant des produits contractuels » ; l'article 7 du contrat dispose, par ailleurs, qu'en contrepartie de l'engagement de livraison exclusive sur les territoires concédés, tels que définis à l'article 1 ci-dessus, et des autres obligations contractées à son bénéfice par le concédant ('), le concessionnaire s'oblige à s'approvisionner exclusivement en produits contractuels, objet du présent contrat et pendant toute la durée de celui-ci, auprès du concédant et que le concessionnaire ne pourra commercialiser d'autres produits directement ou indirectement concurrents à la gamme des produits contractuels.

En vertu de ces dispositions contractuelles, claires et non équivoques, la société P&M distribution s'est ainsi engagée à livrer exclusivement la société Abris conseil en produits de la gamme Aquacomet sur le territoire concédé et cette dernière s'est engagée à ne s'approvisionner en produits de la gamme Aquacomet qu'auprès de la société P&M distribution et de ne pas commercialiser des produits d'autres marques, directement concurrents des produits contractuels.

Pour prétendre que la société Abris conseil a méconnu son obligation contractuelle de ne pas commercialiser des produits d'autres marques, directement concurrents des produits de la gamme Aquacomet, la société P&M distribution communique trois bons de commande établis, respectivement, les 10 avril, 21 avril et 11 mai 2017 au nom de M. et Mme [H], domiciliés à [Localité 4], pour deux abris de jardin du modèle Boeralis du fournisseur espagnol Espace cover et un abri de jardin du modèle Atlanta du fournisseur polonais Aluna ; il résulte des pièces produites que le modèle Boeralis d'Espace cover correspond, contrairement à ce qui est soutenu, au modèle Horizon Plat et bas de la gamme Aquacomet, abri télescopique qui existait alors avec une toiture alvéolaire en polycarbonate, le modèle Atlanta d'Aluna correspondant, dans la gamme Aquacomet, aux modèles Star, Star plus et Zenith flat, quand bien même l'aspect visuel de ces divers abris de piscine ne serait pas strictement identique.

Dans son attestation, produite aux débats, M. [H] relate que lors de sa visite, M. [V] ne lui a pas proposé les modèles de la gamme Aquacomet, mais d'autres modèles d'abris de piscine Boeralis et Atlanta, raison pour laquelle il avait interrogé la société Aquacomet France (la société P&M distribution) ; par un courriel adressé le 9 juin 2017 à celle-ci, M. [H] indique ainsi qu'il a souhaité commandé le modèle Atlanta sur rails, qui ne figurait pas dans la documentation Aquacomet, que M. [V] lui avait précisé que ce modèle était comparable aux modèles Zénith et Star d'Aquacomet mais qu'il se demandait s'il pouvait le commander sans problème, si ce modèle était aux normes et si les garanties lui seraient donc acquises.

La société Abris conseil affirme que M. et Mme [H] sont de faux clients ayant été missionnés par la société P&M distribution dans l'unique but de la piéger et que les éléments de preuve communiqués, qu'il s'agisse des bons de commande, de l'attestation de M. [H] ou du courriel adressé par celui-ci le 9 juin 2017 à Aquacomet France, doivent être écartés des débats en tant qu'ils constituent des éléments de preuve obtenus de manière illicite ; elle communique ainsi l'attestation d'un certain [N] [R] affirmant que M. [K], le dirigeant de la société P&M distribution, s'était vanté auprès de lui, au cours de l'été 2017, d'avoir piégé M. [V] en louant une maison avec piscine et en utilisant les services d'un faux acheteur employé pour l'occasion dans le but d'obtenir des offres de produits concurrents de la part de la société Abris conseil ; le témoin ajoute que le but poursuivi par le dirigeant de la société P&M distribution était d'obtenir la rupture du contrat de distribution le liant avec la société Abris conseil afin de lui attribuer le département de l'Ardèche, qu'il lui avait promis.

Il est constant que M. [R] est l'ancien dirigeant d'une société YM distribution ayant son siège à [Localité 6] (Rhône), qui était également concessionnaire de la société P&M distribution et qui a été mise en liquidation judiciaire le 9 février 2022 ; le fait que la société P&M distribution soit créancière de la société YM distribution pour 143 903,84 euros, déclarés à la procédure collective, et que M. [R] soit l'objet, de la part de celle-ci, de procédures judiciaires en sa qualité de caution des engagements de la société dont il était le dirigeant, n'est pas en soi de nature à ôter toute crédibilité à son témoignage, sachant que son attestation, conforme aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, fait état de propos tenus en sa présence par le dirigeant de la société P&M distribution, alors qu'il était lui-même distributeur des produits de la gamme Aquacomet de juillet 2017 à janvier 2020.

La société P&M distribution a donc eu recours à un stratagème consistant à faire appel aux services d'un faux client (M. [H]) ayant suscité l'émission de bons de commande, totalement factices, et portant précisément sur des produits concurrents de la gamme Aquacomet ; les éléments (bon de commande des 10 avril, 21 avril et 11 mai 2017, attestation de M. [H] et courriel du 9 juin 2017) émanant de ce faux client, constituant les pièces n° 6, 7, 9, 18 et 19 de la société P&M distribution, ont ainsi été obtenus de manière déloyale rendant irrecevable leur production à titre de preuve en vertu de l'article 9 du code de procédure civile, de l'article 6 § 1 de la Convention EDH et du principe de la loyauté dans l'administration de la preuve.

L'appelante se prévaut également d'un courriel du 15 juin 2017 adressé à M. [H], l'invitant à prendre contact avec M. et Mme [I], domiciliés au Crès, dans le département de l'Hérault, pour visiter l'abri de piscine installé chez ces derniers, du même modèle et de la même technique qu'il désirait (sic); cet élément, en l'absence de toute précision quant à la date d'installation de l'abri de piscine chez M. et Mme [I], n'est pas cependant de nature à établir la preuve de la commercialisation d'un abri correspondant au modèle Atanta du fournisseur polonais Aluna durant la relation contractuelle ; de même, la page Facebook, communiquée, présentant la société Abris conseil comme l'importateur de la marque Aluna sur toute la France, n'est pas suffisante, faute de justification de la date à laquelle a été publiée cette page extraite du compte Facebook de M. [V], à rapporter la preuve d'une commercialisation des produits de la gamme Aluna durant la relation contractuelle, alors que la clause d'exclusivité d'approvisionnement était en vigueur.

Il résulte de ce qui précède que les manquements imputés à la société Abris conseil ne se trouvent pas caractérisés au point de justifier la mise en oeuvre de la clause, insérée à l'article 14 du contrat de distribution exclusive du 19 novembre 2015, prévoyant la résiliation de plein droit du contrat en cas d'inexécution par l'une ou l'autre des parties de l'une quelconque de ses obligations ; par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, le jugement rendu le 11 juin 2019 par le tribunal de commerce de Nîmes doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté la société P&M distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Surabondamment, à supposer que M. et Mme [H] ne soient pas considérés comme de faux clients, il s'avère que la clause de résiliation anticipée prévue à l'article 14 du contrat, dont la mise en jeu suppose un manquement réitéré aux engagements contractuels dans le délai d'un mois suivant une mise en demeure signifiée par lettre recommandée, n'aurait pu produire ses effets.

L'article 14 du contrat de distribution exclusive en date du 19 novembre 2015 liant les parties énonce en effet : « Le présent contrat pourra être résilié par anticipation par l'une ou l'autre des parties, en cas de violation de l'un quelconque des engagements en résultant, et/ou de l'une quelconque des obligations inhérentes à l'activité exercée. La résiliation anticipée interviendra automatiquement un mois après une mise en demeure restée sans effet, signifiée à la partie défaillante par lettre recommandée avec demande d'avis de réception indiquant l'intention de faire application de la présente clause résolutoire expresse (…) ».

Dans le cas présent, rien ne permet d'établir que le troisième bon de commande édité le 11 mai 2017 l'a été, alors que la société Abris conseil avait reçu signification de la lettre recommandée du 9 mai 2017 par laquelle la société P&M distribution la mettait en demeure d'avoir à respecter ses engagements contractuels, notamment en ce qui concerne l'interdiction de commercialiser des produits concurrents à ceux de la gamme Aquacomet ; il n'aurait pu dès lors en être déduit un manquement réitéré de sa part à son obligation de ne pas commercialiser des produits d'autres marques, directement concurrents des produits contractuels.

Enfin, le reproche, abandonné depuis, fait par la société P&M distribution à la société Abris conseil, par lettre de son avocat du 26 décembre 2017, d'utiliser, dans une démarche publicitaire, des photos d'abris de la marque « Aquacomet », postérieurement à la résiliation du contrat de distribution, ne saurait justifier que des dommages et intérêts pour procédure abusive soient mis à la charge de l'intimé ; cette demande en paiement de dommages et intérêts avait d'ailleurs été présentée devant la cour d'appel de Nîmes, qui l'avait rejetée, et cette disposition de l'arrêt du 10 mars 2021 n'a pas été atteinte par la cassation.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société P&M distribution doit être condamnée aux dépens d'appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu'à payer à la société Abris conseil la somme de 5000 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Ecarte des débats les pièces n° 6, 7, 9, 18 et 19 de la société P&M distribution,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 11 janvier 2019 en ce qu'il a débouté la société P&M distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Rejette la demande de la société Abris conseil en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la société P&M distribution aux dépens d'appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu'à payer à la société Abris conseil la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.