CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 29 janvier 2013, n° 12/01827
CHAMBÉRY
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Wentworth & Kilgore LDT (Sté), Winjuris Consulting (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Billy
Conseillers :
M. Leclercq, M. Morel
La société WINJURIS CONSULTING qui a été immatriculée le 20 mars 2000 au RCS d'ANNECY sous le numéro B 429 813 322, était une société par actions simplifiées à capital variable qui comportait à l'origine deux associés et dont l'activité était le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion.
Son président était la société WENTWORTH & KILGORE.
A la suite de la réunion de toutes ses actions entre les mains de la société TITLIS, cette dernière, devenue donc associée unique, a pris, le 26 novembre 2011, la décision de dissoudre la société WINJURIS CONSULTING sans liquidation par transmission universelle de son patrimoine (TUP) à l'associé unique.
Conformément aux dispositions de l'article 1844-5 alinéa 3 du code civil, cette décision de dissolution par TUP a fait l'objet le 8 décembre 2011 d'une publicité dans un journal d'annonces légales mentionnant que les créanciers disposaient d'un délai de trente jours à compter de la publication pour faire opposition à la dissolution au greffe du tribunal de commerce d'ANNECY et qu'en l'absence d'opposition la société serait radiée.
Le délai a expiré sans que des oppositions se soient manifestées.
La société WENTWORTH & KILGORE, agissant es qualités et d'ordre et pour le compte de la société WINJURIS CONSULTING, a transmis au greffe du tribunal de commerce d'ANNECY un dossier de radiation.
A deux reprises, le greffe a refusé de procéder à cette radiation au motif qu'il y aurait du avoir au préalable une déclaration modificative au RCS indiquant que la société n'avait plus qu'un seul actionnaire.
C'est ainsi que par requête datée du 24 mai 2012 la société WENTWORTH & KILGORE a saisi le juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés près le tribunal de commerce d'ANNECY afin qu'il ordonne qu'il soit procédé dans les meilleurs délais à la radiation de la société WINJURIS CONSULTING avec effet rétroactif à la date du dépôt des formalités, aux frais exclusifs du greffe et qu'il condamne le greffe à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle faisait valoir que le refus opposé par le greffe était contraire à la législation particulière aux sociétés à capital variable dans lesquelles les mouvements d'associés se faisaient sans formalisme dans les limites de la variabilité de capital prévue par les statuts.
Par ordonnance du 11 juin 2012, le juge a rejeté la requête.
Le magistrat a relevé que c'était à bon droit que le greffier, à qui il appartenait de vérifier la cohérence d'une demande d'inscription modificative avec l'état du dossier de l'entreprise au RCS, avait rejeté la formalité de la société requérante puisque son caractère unipersonnel n'avait pas été déclaré, et ce, en contravention aux dispositions des articles R 123-53 et R 123-66 du code de commerce imposant à toute société, même s'il s'agit d'une société à capital variable, de déclarer qu'elle est constituée d'un associé unique, lors de la demande d'immatriculation ou au moyen d'une inscription modificative lorsque cette circonstance survient ultérieurement.
Par courrier reçu au greffe du tribunal de commerce le 2 juillet 2012, la société WENTWORTH & KILGORE a relevé appel de cette ordonnance.
Le juge a refusé de rétracter sa décision et le dossier a été transmis à la cour.
Le dossier a été communiqué au Ministère Public qui a déclaré s'en rapporter.
La société WENTWORTH & KILGORE demande à la cour de rendre un arrêt à l'effet que la radiation de la société WINJURIS CONSULTING soit opérée dans les meilleurs délais par le greffe du tribunal de commerce d'ANNECY avec effet rétroactif à la date du dépôt des formalités, aux frais exclusifs du greffe et en outre que le greffe soit condamné à verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'ensemble des dépens exposés.
Elle fait valoir:
- que la société WINJURIS CONSULTING est une société par actions simplifiées à capital variable régie par les articles 48 et suivants de la loi du 24 juillet 1867 codifiée depuis, et que, par son statut, elle n'était tenue à aucun formalisme en cas de modification de son capital social ou de son sociétariat, les entrées et sorties dans les limites de son capital statutaire n'étant soumises à aucun formalisme, même si provisoirement la société ne comporte plus qu'un seul associé, aucun retrait d'associé n'étant passible de la formalité d'enregistrement, la position du greffe étant en contrariété totale avec les principes fondamentaux régissant la société à capital variable, à savoir la variabilité complète de son sociétariat et de son capital,
- que l'article R 123-53 relatif aux déclarations d'immatriculation est sans portée puisque la société a été constituée avec deux associés,
- que les dispositions statutaires de cette forme spécifique de société permettent d'exclure des associés, d'en accepter de nouveaux de manière discrétionnaire, la formalité réclamée étant sans portée pour les tiers au regard de cette structure sociale.
- que la restitution de l'action détenue par l'un des deux associés a été opérée quelques jours avant la dissolution, le délai utile d'un mois de l'article R 123-66, relatif aux demandes d'inscriptions modificatives, n'ayant pas couru
- qu'il s'agit d'une radiation et non d'une inscription modificative laquelle présupposerait une survie de la structure.
MOTIFS
Attendu que l'article R 123-66 du code de commerce n'impose de procéder à une inscription modificative que lorsque survient un fait ou un acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des énonciations prévues aux articles R 123-53 et suivants, relatifs aux déclarations aux fins d'immatriculation;
Attendu que, lors de sa demande d'immatriculation, la société par actions simplifiées à capital variable WINJURIS CONSULTING comportait deux actionnaires;
Qu'il ressort de ses statuts que, dans les limites de variabilité de son capital, les entrées et sorties d'actionnaires étaient libres;
Qu'en raison de cette liberté, la réunion, en cours de vie sociale, de la totalité des actions entre les mains d'un seul actionnaire, était une situation précaire et provisoire qui, dès lors, ne nécessitait pas qu'il soit procédé à une inscription modificative;
Qu'il doit donc être fait droit à la requête en radiation, dont les conditions légales sont par ailleurs réunies;
Attendu que, s'agissant d'une procédure non contradictoire, comme en matière gracieuse, la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile est irrecevable et les frais et dépens à la charge de la requérante ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant non publiquement,
Ordonne que la radiation de la société WINJURIS CONSULTING immatriculée sous le numéro B 429 813 322 soit opérée par le greffe du tribunal de commerce d'ANNECY avec effet rétroactif à la date du dépôt des formalités,
Dit irrecevable la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les frais et dépens à la charge de la requérante,
Dit que le greffier de la cour adressera une copie du présent arrêt au greffier chargé de la tenue du registre.