CA Bordeaux, 4e ch. civ., 18 février 2019, n° 17/04984
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
INSA (SAS)
Défendeur :
Akya Consulting (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chelle
Conseillers :
Mme Fabry, M. Pettoello
FAITS ET PROCÉDURE
La société « Akya Consulting », qui se présente comme une société de conseil en partenariats industriels et financiers, se prévaut d'une proposition d'assistance du 12 novembre 2012 acceptée le 17 novembre suivant par M. R., désigné dans la proposition comme « dirigeant de SAMI », pour faire falloir qu'elle a été missionnée pour des prestations d'assistance à la création d'un groupe à partir des deux sociétés SAMI et Intfradis.
C'est ainsi qu'elle a facturé le 31 janvier 2015 à la société holding INSA constituée le 23 novembre 2014 et immatriculée le 8 janvier 2015, la somme de 40 588 euros HT au titre de ses prestations. Sur ce montant, deux virements de 5 000 euros chacun ont été effectués en juin et septembre 2015 par la société INSA. Le solde n'a pas été réglé malgré mise en demeure du 29 janvier 2016.
Par acte d'huissier du 27 juillet 2016, la société Akya a fait assigner la société Insa devant le tribunal de commerce de Périgueux pour demander paiement de 38 705,60 euros en règlement du solde de sa facture.
Par jugement du 3 juillet 2017, le tribunal de commerce de Périgueux a :
Débouté la société Insa de ses demandes,
Condamné la société Insa à payer à la société Akya 38 705,60 euros en principal, en règlement du solde de sa facture d'honoraires du 31 janvier 2015, outre 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens,
Débouté la société Insa de sa demande de pénalités de retard,
Ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du 18 août 2017, la société Insa a interjeté appel de cette décision.
Le 10 août 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté une demande présentée par la société Akya en radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions déposées en dernier lieu le 17 novembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Insa demande à la cour de :
DECLARER la société INSA recevable et bien fondée en ses demandes
CONSIDERER que le contrat du 17 novembre 2012 n'est pas conclu avec la société INSA et n'a pas été repris par cette société de sorte qu'elle ne peut être débitrice de la société AKYA CONSULTING par application dudit contrat ;
CONSIDERER que les engagements contenus dans le contrat du 17 novembre 2012 n'ont pas été fait ni au nom ni pour le compte de la société INSA et n'ont pas été repris par cette société lors de sa constitution.
CONSIDERER que la société AKYA CONSULTING a été mise en mesure d'abandonner ses prétentions infondées lors d'une phase transactionnelle et qu'ainsi le fait d'ester en justice dans la présente espèce procède d'un abus de droit.
EN CONSEQUENCE :
INFIRMER le jugement Tribunal de Commerce de Périgueux rendu le 3 juillet 2017, dans toutes ses dispositions ;
CONDAMNER la société AKYA CONSULTING £1 restituer 5 la société INSA la somme de 12.000 Euros TTC ;
ASSORTIR cette condamnation du paiement de pénalités de retard pour un montant minimum de 1 088,75 Euros ou à défaut des intérêts au taux légaux (sic) depuis le 30 septembre 2015 ;
CONDAMNER la société AKYA CONSULTING au paiement d'une somme de 5.000 euros « en réparation du préjudice subit par la société INSA du fait de l'abus de droit de la Demanderesse d'ester en justice » ;
CONDAMNER la société AKYA CONSULTING au paiement de la somme de 6.500 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNER la société AKYA CONSULTING aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvres par Me P., Avocat, par application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les diverses dispositions reprises intégralement ci-dessus qui demandent de « considérer » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais les moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, qui se trouvent ainsi suffisamment exposés à ce stade.
Par conclusions déposées en dernier lieu le 11 janvier 2018, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Akya demande à la cour de :
A titre principal,
infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Périgueux en date du 3 juillet 2017 en ce qu'il a débouté la société AKYA CONSULTING de sa demande de pénalités de retard comme non fondée ;
en conséquence, condamner, en application de l'article L. 441-6, I, alinéa 12 du Code de commerce et à défaut de clause contraire, la société INSA au paiement à la société AKYA CONSULTING de pénalités de retard au taux de 10,50 % l'an à compter du 1er février 2016 sur la somme de 38.705,60 € TTC en principal qui reste à devoir en règlement du solde de sa facture d'honoraires n° 20150101 du 31 janvier 2015 ;
confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Périgueux en date du 3 juillet 2017 en toutes ses autres dispositions nonobstant l'appel total interjeté à titre principal par la société INSA qui sera en conséquence déboutée comme étant mal fondée ;
à cet effet et au besoin :
dire et juger la société AKYA CONSULTING recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;
condamner la société INSA à payer à la société AKYA CONSULTING la somme de 38.705,60 € TTC en principal en règlement du solde de sa facture d'honoraires n° 20150101 du 31 janvier 2015 ;
assortir cette condamnation, en application de l'article L. 441-6, I, alinéa 12 du Code de commerce et à défaut de clause contraire, du paiement de pénalités de retard au taux de 10,50 % l'an à compter à compter du 1er février 2016 ;
condamner encore la société INSA à payer à la société AKYA CONSULTING la somme totale de 40 € à titre d'indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement de la facture litigieuse ;
rejeter toutes les demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires de la société INSA et en particulier ses diverses demandes reconventionnelles;
A titre subsidiaire,
pour le cas où, par extraordinaire et faisant droit aux demandes de la société INSA, votre Cour entrerait en voie d'infirmation du jugement entrepris,
dire et juger que la société INSA ne s'est acquittée, au titre de la facture d'honoraires de la société AKYA CONSULTING n° 20150101 du 31 janvier 2015, que de la somme de 10.000 €, par deux virement de 5.000 € chacun les 29 juin et 15 septembre 2015 ;
rejeter en conséquence la demande de la société INSA tendant au remboursement d'une somme de 12.000 € ;
En tout état de cause,
rejeter toutes autres demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires présentées par la société INSA ;
condamner la société INSA à payer à la société AKYA CONSULTING la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamner enfin la société INSA aux entiers dépens de l'instance d'appel.
La société Akya fait notamment valoir que la proposition d'assistance a été conclue pour le compte de la holding INSA en formation, peu importe le changement de dénomination sociale intervenue ; qu'il n'est plus contesté par INSA qu'elle a rempli les obligations qui étaient les siennes ; que la proposition d'assistance a été reprise postérieurement à l'immatriculation d'INSA par une décision unanime de ses associés ; que ni Sami ni Intfradis n'ont à supporter définitivement la charge des frais de constitution du groupe INSA, dont seule la holding doit supporter la charge ; Sur son appel incident, qu'elle a été déboutée à tort de sa demande de paiement d'intérêts de retard.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le paiement de la facture litigieuse
La société Insa, appelante principale, fait valoir à l'appui de son appel que la proposition d'assistance du 17 novembre 2012 a été conclue entre Akya et M. R., à une date à laquelle elle était loin d'être constituée, et qu'elle ne présente pas une mention selon laquelle l'acte serait passé « au nom » ou « pour le compte » de la société Insa comme société en formation.
Elle en conclut que ce contrat auquel elle n'est pas partie ne peut l'engager. Elle ajoute l'absence de reprise par elle de la proposition d'assistance objet de la facturation litigieuse.
La société Akya reprend l'historique du projet de rapprochement de Sami et de Intfradis ayant abouti à la création de la société holding Insa, qui était lors de sa constitution exclusivement composée de la société P. Finance, holding personnel de M. R., et de celui-ci.
L'article L 210-6 deuxième alinéa du code de commerce dispose que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation, avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale, sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.
En l'espèce, la proposition litigieuse, qui avait pour objet le rapprochement de Sami et Intfradis, a été acceptée par M. R., sans autre précision (pièce n° 2 Akya ' signatures page 15), qui est désigné dans le corps de la proposition comme le « dirigeant de Sami ».
Il n'est ainsi aucunement indiqué que la convention signée avec Akya par M. R. serait acceptée au nom ou pour le compte d'une société en formation, quelle que soit sa désignation.
La société Akya soutient également que le 30 janvier 2015, c'est à dire postérieurement à l'immatriculation d'Insa, ses associés ont décidé de la reprise des conventions par une décision unanime.
Pour autant, la société Insa est fondée à opposer que cette décision (sa pièce n° 21) énumérait limitativement les actes repris par elle, dans sa résolution n° 1, et que le contrat conclu entre M. R. et la société Akya le 17 novembre 2012 n'est pas concerné par cette reprise d'engagement, qui ne figure pas non plus dans une annexe.
Aux termes des dispositions de l'article R. 210-6 du code de commerce, Lors de la constitution d'une société par actions sans offre au public, l'état des actes accomplis pour le compte de la société en formation, avec l'indication, pour chacun d'eux, de l'engagement qui en résulterait pour la société, est tenu à la disposition des actionnaires dans les conditions prévues à l'article R. 225-14. Cet état est annexé aux statuts, dont la signature emporte reprise des engagements par la société, lorsque celle-ci a été immatriculée au registre du commerce.
Il n'apparaît pas non plus que cette formalité ait été remplie pour ce qui concerne la convention avec Akya du 17 novembre 2012.
Il résulte alors de l'ensemble de ces éléments que la convention avec Akya du 17 novembre 2012 a été acceptée par M. R. mais pas pour le compte de la société Insa en formation, et qu'au surplus, elle n'a pas été expressément reprise par la société Insa lors de sa constitution.
Le co-contractant de la société Akya s'avère en conséquence être le seul M. R..
Dès lors, c'est à tort que le tribunal de commerce, dont le jugement sera infirmé, a condamné la société Insa à payer le solde restant dû à la société Akya, qui sera déboutée de ses demandes à l'encontre de la société Insa.
Sur la demande de remboursement présentée par la société Insa
La société Insa fait valoir qu'elle n'a pas contracté avec Akya et n'a pas repris l'engagement de régler des honoraires, de sorte que son paiement de 10 000 euros est un paiement indu qui doit lui être restitué avec en sus 1 008,75 euros d'intérêts de retard ou à défaut au taux légal.
S'il est avéré que la société Insa a entrepris de payer la facture émise par Akya, par deux virements de 5 000 euros faits les 29 juin et 15 septembre 2015, force est de constater qu'elle l'a fait spontanément, sans opposer qu'elle ne serait pas la débitrice de la facture, et même en demandant à Akya de lui accorder des délais de règlement.
Il n'est donc pas établi que ces paiements aient été indus, étant observé, d'une part, que la société Insa était bien la véritable bénéficiaire du travail réalisé par Akya, et, d'autre part, que rien n'interdit à un tiers de procéder volontairement à un paiement à la place du débiteur.
Aux termes de l'article 1376 ancien du code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, celui qui reçoit par erreur un paiement qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
Or, il est établi que les sommes litigieuses étaient bien dues à la société Akya, et la question de la charge définitive du paiement partiel est du ressort des relations entre le débiteur et le payeur, c'est à dire en l'espèce entre M. R. et la société Insa.
La demande de restitution sera donc rejetée.
Sur l'appel incident de la société Akya
La société Akya forme appel incident sur le rejet par le tribunal de sa demande d'intérêts de retard fondés sur l'article L. 441-6 alinéa 12.
Pour autant, le rejet de sa demande principale en paiement doit conduire à rejeter cette demande d'intérêts qui lui est accessoire.
Sur les autres demandes
La société Insa demande la condamnation de la société Akya à lui payer 5 000 euros pour abus de son droit d'ester en justice.
Pour autant, et au vu des développements ci-dessus, et bien que sa demande soit finalement rejetée, il n'était pas abusif que la société Akya se tourne vers la société Insa pour le paiement de sa facture.
Cette demande indemnitaire a été rejetée à juste titre par le tribunal de commerce.
L'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société Akya, dont recouvrement direct pour ceux d'appel par Me P., avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 3 juillet 2017 entre les parties par le tribunal de commerce de Périgueux,
SAUF en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Insa pour procédure abusive,
Et, statuant à nouveau sur l'ensemble des autres chefs,
Déboute la société Akya Consulting de l'ensemble de ses demandes,
Déboute la société Insa de sa demande en répétition de l'indu,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Akya Consulting aux dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement direct pour ceux d'appel par Me P., avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.