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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 juin 2023, n° 21/01190

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Wipelec (SARL)

Défendeur :

Exxelia (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me de Badereau de Saint Martin, Me Boccon Gibod, Me Velez

T. com. Paris, 13e ch., du 21 déc. 2020,…

21 décembre 2020

FAITS ET PROCEDURE

La société Wipelec est une société spécialisée dans le domaine du traitement et du revêtement des métaux ainsi que de la découpe chimique de matériaux. Elle fabrique des pièces de haute technologie.

La société Exxelia a pour activité la fabrication de composants passifs complexes et opère sur des marchés industriels de pointe. Elle fait fabriquer des pièces spécifiques par la société Wipelec qui utilise à cet effet des outils spécifiques.

La société Exxelia était cliente de la société Wipelec depuis plus de 20 ans, elle lui commandait des pièces spécifiques destinées à être intégrées dans ses propres productions.

En 2017, la société Wipelec a fait l'objet d'une suspension administrative de ses activités de traitement de surface et de découpe chimique par arrêté du 31 mai 2017 qui a été levée le 1er novembre 2017.

Estimant avoir constaté une baisse considérable des commandes de la part de Exxelia au cours de l'année 2018 sans la notification d'un préavis, la société Wipelec a assigné par acte du 7 octobre 2019 la société Exxelia devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir des dommages-intérêts en réparation d'une rupture brutale de la relation commerciale.

Par jugement du 21 décembre 2020 le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la société Wipelec de ses demandes ;

- Condamnée la société Wipelec à payer à la société Exxelia la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Condamné la société Wipelec aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros (TTC) (dont 12,20 euros de TVA).

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 novembre 2022, la société Wipelec demande à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article L.442-1 du code de commerce,

Vu les dispositions des articles 1100 3104 du code civil,

Vu les dispositions des articles 695 et suivants et 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Déclarer la société WIPELEC tant recevable que bien fondée en son appel,

En conséquence,

Y faire droit,

Infirmer le jugement rendu le 21 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Vu la rupture brutale des relations commerciales entre les parties, à l'initiative de la société Exxelia et en l'absence de tout préavis de rupture :

Condamner la société Exxelia à payer à la société Wipelec :

- La marge brute dont elle se trouve injustement privée calculée sur une durée de 24 mois, soit une somme globale de 367 326 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2020 ;

- Une somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile correspondant aux frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Condamner la société Exxelia aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Blandine de Badereau, pour ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 mars 2023, la société Exxelia, demande à la Cour de :

Vu l'article L. 442-1 du Code de commerce et vu l'ancien article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

Vu l'adage « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans'»,

Vu l'article 9 du code de procédure civile et l'article 1315 du Code civil,

Vu les articles 700 et 699 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées au débat,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 21 décembre 2020 (RG n°2019057772),

Il est demandé à la Cour d'appel de Paris de bien vouloir :

A titre principal,

Confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions (le jugement rendu le 21 décembre 2020 par le Tribunal de commerce de Paris (RG n°2019057772) déboutant WIPELEC de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

Si l'appel de l'appelante n'était pas rejeté et que la Cour infirmait le jugement du Tribunal,

Dire et juger que la condamnation d'Exxelia à payer des dommages-intérêts en indemnisation de la perte de marge brute prétendument subie par Wipelec ne saurait excéder la somme de 3 567 euros par mois supplémentaire qui serait alloué au-delà des 13 mois de préavis déjà considérés comme valablement accordés à Wipelec, dans la limite de 3 mois supplémentaires soit 10 701 euros ;

En tout état de cause et y ajoutant,

Condamner Wipelec à payer à Exxelia la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner Wipelec aux entiers dépens de la présente procédure dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué [Localité 1]-[Localité 5] représentée par Maître Matthieu Boccongibod.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la rupture de la relation commerciale

L'article L. 442-6, I 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour le producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce ou par des accords interprofessionnels.

*Sur le caractère établi de la relation

La société Wipelec fait valoir que sa relation avec la société Exxelia est une relation ancienne, pérenne et durable. Elle explique que la société Exxelia est le fruit de diverses opérations de fusion-absorption des sociétés Microspire, Eurofarad et Firade avec lesquelles la société Wipelec entretenait déjà des relations commerciales. Ces relations commerciales s'ajoutant à celles perpétuées à la suite des fusions avec la société Exxelia, la société Wipelec estime être fondée à se prévaloir d'une relation commerciale établie depuis 28 ans. En outre, elle conteste le fait que la relation soit devenue précaire, elle reste selon elle suivie, stable et habituelle malgré la suspension d'activité partielle intervenue, en raison de manquements reprochés concernant la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement. De fait, la société Wipelec estime qu'elle pouvait légitimement croire en la pérennité de la relation compte tenu de son ancienneté.

La société Exxelia réplique que les nombreuses difficultés rencontrées par Wipelec depuis 2009, à savoir un redressement judiciaire, la mauvaise exécution de ses prestations essentielles dès décembre 2015 (délais de livraisons, qualité), jusqu'à la suspension administrative totale de son activité de traitement de surface en 2017 pendant 5 mois ont entrainé une détérioration progressive de la relation commerciale entre les deux sociétés et sa précarisation.

Réponse de la cour':

La relation, pour être établie au sens des dispositions susvisées doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial.

La société Wipelec estime que le début de la relation commerciale remonte à au moins 1992. La société Exxelia quant à elle évoque l'année 2002 comme date de départ. Le mémorandum d'entente des 2 et 3 juin 2015 (pièce Wipelec n°35) signé entre les parties énonce que': « la société Wipelec fournit des grilles et bandes avec traitement de surface suivant plan depuis 1992 ». Cette information est corroborée par la liste d'outillage photographique utilisé par Wipelec pour les commandes Microspire (société qui après diverses opérations de fusion-absorption a été absorbée par la société Exxelia), les premières remontant effectivement à 1992 (pièce Wipelec n°9).

Quand bien même la société Exxelia évoque des difficultés dans sa relation avec la société Wipelec depuis 2009, il n'en demeure pas moins que la société Wipelec a réalisé entre 2010 et 2017 un chiffre d'affaires annuel moyen de 207 173 euros avec la société Exxelia, étant observé que le chiffre d'affaires pour l'année 2017 s'est élevé à 164 291,05 euros malgré cinq mois de suspension d'activité (pièce Wipelec n° 4b). Pour l'année 2018, les commandes ont chuté à 51 359 euros, puis à 21 725,48 euros en 2019 et 10 425 euros en 2020.

Il s'ensuit que les parties ont noué une relation stable et habituelle de 1992 à fin 2017, revêtant ainsi un caractère établi au sens des dispositions précitées jusqu'à la baisse significative de commande courant 2018.

*Sur la brutalité de la rupture

La société Wipelec expose que même frappée d'une suspension partielle de son activité de juin à octobre 2017, le chiffre d'affaires généré par les commandes de la société Exxelia s'est élevé à la somme de 177 605,88 euros sur l'année 2017. Elle relève que si une baisse significative de facturation a pu être constatée en juin 2017 et qu'elle s'est accentuée au mois de juillet, l'activité est nettement repartie en août 2017 pour parvenir en septembre et octobre 2017 à une activité comparable à la moyenne des années précédentes et que la chute drastique des commandes n'est intervenue que courant 2018 pour ne se terminer qu'en 2020. Aussi, la société Wipelec estime que le comportement de la société Exxelia ayant maintenu un flux d'affaires était de nature à lui laisser croire à la continuité de celui-ci et que la rupture partielle sans notification de sa part d'une intention de rompre et de préavis, courant 2018 manifestée par une chute drastique des commandes, a été brutale.

La société Wipelec fait valoir par ailleurs qu'aucune faute de se part ne peut justifier une rupture sans préavis. Elle soutient que les non-respects des délais de livraison et de qualité allégués par la société Exxelia remontent à 2015 et sont donc sans lien avec la rupture de la relation 3 ans plus tard. Il en va de même selon elle pour la prétendue suspension des activités de la société Wipelec qui a été levée bien avant la rupture partielle de la relation. Enfin, la société Wipelec soutient qu'à l'époque de la rupture, la société Exxelia ne considérait pas le non-respect de la norme environnementale comme une faute grave puisqu'elle a continué à s'approvisionner auprès de la société Wipelec pendant toute la durée de la suspension partielle d'activité prononcée par l'administration et n'a rédigé sa charte éthique qu'en janvier 2019. Selon elle, aucune contrainte n'a été exercée sur Exxelia puisque cette dernière n'a pas été forcée de diversifier ses sources d'approvisionnements, la suspension d'activités ne portant que sur l'activité de revêtement de surface. La société Wipelec estime également que la société Exxelia ne peut se prévaloir d'une perte de confiance car elle ne constitue pas en soi une faute grave. Elle ne peut non plus, utiliser une information portée à sa connaissance 3 ans après la rupture brutale (concernant la pollution du site de [Localité 4]).

La société Exxelia réplique que la rupture ne peut pas être brutale alors même qu'un courant d'affaires s'était maintenu entre elles depuis 2017. Selon elle, ce sont les graves manquements de la société Wipelec qui sont à l'origine de la diminution du courant d'affaires et l'ont contrainte de trouver de nouveaux fournisseurs. Elle lui reproche non seulement une mauvaise exécution contractuelle par le non-respect des délais de livraison et de la qualité des produits, mais également une faute environnementale ayant conduit à la suspension administrative de son activité. Elle explique que dès la première fermeture administrative longue durée (5 mois) à compter du 31 mai 2017, elle a été obligée de tirer immédiatement toutes les conséquences de cette fermeture en recherchant des solutions de substitution auprès de nouveaux fournisseurs afin d'effectuer le traitement de surface des pièces déjà découpées par Wipelec et de lancer sans attendre le long processus de qualification de ses nouveaux fournisseurs auprès de ses clients finaux pour l'ensemble de la prestation découpe et traitement. Elle précise que les deux prestations de découpe et de traitement sont interdépendantes et fondamentales quant à la conformité et la qualification du produit par le client final.

La société Exxelia en déduit que ce sont les propres fautes de la société Wipelec qui ont conduit au tarissement du courant d'affaires, que dans ces circonstances la société Wipelec ne pouvait légitimement croire à la poursuite de la relation commerciale au moment de la baisse drastique de commandes à compter du 1er juillet 2018 et qu'en toute hypothèse, la gravité de ces manquements, est de nature à justifier une rupture de la relation commerciale sans préavis.

Réponse de la cour':

La règle édictée par l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ne souffre d'exception qu'en cas de force majeure ou d'inexécution par l'autre partie de ses obligations suffisamment grave pour justifier la rupture unilatérale immédiate de la relation.

La Cour constate que sur l'année 2016 le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé avec Exxelia a été de 16 992,62 euros, et que sur les années 2017-2018, les montants HT des commandes mensuelles de la société Exxelia auprès de la société Wipelec ont été les suivants (pièce Wipelec n°27) :

- janvier 2017 : 17 044,48€

- février 2017 : 23 369,67 €

- mars 2017 : 18 765,45 €

- avril 2017 : 22 156,67 €

- mai 2017 : 18 430,87 €

- juin 2017 : 10 444,51 €

- juillet 2017 : 2 990,26 €

- août 2017: 9 890,53 €

- septembre 2017 : 19 367,61 €

- octobre 2017 : 17 678,19 €

- novembre 2017 : 8 644,59 €

- décembre 2017 : 9 495,05 €

- janvier 2018 : 6 673,13 €

- février 2018 : 7 469,55 €

- mars 2018 : 8 496,72 €

- avril 2018 : 9 206,18 €

- mai 2018 : 14 983,33 €

- juin 2018 : 10 671, 01 €

- juillet 2018 : 1220,20 €

- août 2018 : 3 942,66 €

- septembre 2018 : 1 769,25 €

- octobre 2018 : 4052,23 €

- novembre 2018 : 2 757,48 €

- décembre 2018 : 137,29 €

Il résulte de ce flux d'affaires mensuel entre les parties, que quand bien même la société Wipelec a subi une suspension administrative de ses activités de traitement de surface et de découpe chimique du 31 mai 2017 au 1er novembre 2017 (pièces Wipelec n° 28, 31 à 33), la société Exxelia a poursuivi ses commandes pendant et après cette période de suspension, certes dans une proportion bien moindre que lors de la période précédant la suspension, mais dans des volumes suffisamment significatifs jusqu'en juillet 2018 pour considérer que les manquements reprochés à la société Wipelec au regard de cette suspension administrative n'étaient pas suffisamment graves pour rompre immédiatement ou dans un court délai toutes relations avec la société Wipelec. Si la société Exxelia avait toute liberté de rompre ses relations avec la société Wipelec en raison de ses manquements aux règles de l'environnement et qu'un délai lui était nécessaire pour trouver de nouveaux fournisseurs en remplacement de son partenaire, les circonstances de cette rupture démontrent néanmoins que la société Exxelia était en mesure, d'une part de notifier par écrit son intention de rompre la relation à son partenaire et d'autre part lui fixer un délai de préavis.

De même, les divers manquements contractuels reprochés à la société Wipelec, à savoir le non-respect des délais de livraisons (pièces n° 27 et 28) et la qualité des produits (pièces n°3 à 9, 29) entre 2013 et 2015 et courant 2016, n'ont pas empêché la société Exxelia d'entretenir au cours de ces quatre années un flux d'affaires constant de 215 450 euros en moyenne par année.

Dès lors, en réduisant de manière drastique et sans préavis écrit ses commandes à partir du 1er juillet 2018, la société Exxelia a brutalement rompu la relation commerciale et engagé sa responsabilité dans les conditions de l'article L.442-6, I, 5° précité.

*Sur la durée du préavis

La société Wipelec fait valoir pour l'essentiel qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de 24 mois, en raison de l'ancienneté de la relation commerciale, de la spécificité des produits et du stock de pièces invendues fabriquées spécialement pour Exeelia pour un montant de 48 633,81 € HT et que dans ces conditions le préavis contractuel de 6 mois est insuffisant.

La société Exxelia réplique principalement que le préavis a duré a minima 13 mois, à compter de la suspension totale d'activité de Wipelec ordonnée par arrêté préfectoral le 31 mai 2017. Cette date a selon elle sonné le glas de la relation commerciale établie. Elle ajoute que la règle 1 mois pour 1 an de relation commerciale doit être relativisée en raison des manquements de la société Wipelec et de l'absence de dépendance économique de celle-ci par rapport à la société Exxelia en réalisant avec cette dernière moins de 6% de son chiffre d'affaires total sur la période de 2016 à 2019.

Réponse de la cour':

Le délai de préavis, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée de la relation commerciale et de ses spécificités, du produit ou du service concerné. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produis ou services en cause.

La relation commerciale entre les deux parties a été établie pendant 28 ans. Sur cette période, le chiffre d'affaires de la société Wipelec réalisé avec la société Exxelia ne représentait qu'en moyenne 6% de son chiffre d'affaires total. Même si la spécificité des produits doit être retenue, la société Wipelec n'expose pas de difficultés particulières pour retrouver un partenaire équivalent dans son domaine d'activité. Par ailleurs, il est noté que dans leur relation contractuelle, les sociétés avaient convenu d'un préavis de rupture de 6 mois.

Compte tenu de ces éléments et des circonstances de la rupture, la Cour retient un délai de préavis nécessaire mais suffisant de 6 mois. Dès lors que la société Exxelia n'a pas clairement notifié son intention de rompre la relation avant de baisser de manière drastique ses commandes à partir du 1er juillet 2018, la société Wipelec n'a bénéficié d'aucun délai de préavis.

*Sur l'évaluation du préjudice

La société Wipelec estime qu'il convient de prendre en compte le volume d'affaires moyen sur la base des chiffres de 2016 et que le taux de marge brute à prendre en compte est 90,07%. Avec ce calcul, la société Wipelec estime qu'elle est en droit de demander une indemnisation s'élevant à 367.326 euros ou, a minima, 327.174,48 euros. Le recours indemnitaire contre l'État engagée par la société Wipelec n'est pas selon elle de nature à empêcher l'indemnisation de son préjudice par la société Exxelia.

La société Exxelia réplique que la méthode de la société est erronée et que les chiffres de 2016 ne peuvent être ceux pris en compte et qu'il faut en réalité établir la moyenne des trois dernières années et que le taux de marge brute à prendre en compte est 64%, celui pratiqué dans le secteur en question. Avec ce calcul, la société Wipelec ne serait alors en droit de demander une indemnisation s'élevant à 10.701€.

Réponse de la cour':

Il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.

Au vu des pièces versées aux débats, il est justifié sur les trois derniers exercices précédant la rupture de 2014 à 2016, sans prendre en considération l'exercice 2017 atypique du fait de la fermeture administrative, un chiffre d'affaires annuel moyen de 215 450 euros. A partir de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Wipelec (pièce n°50), la Cour retiendra un taux de marge sur coûts variables de 85% à partir de la marge brute de production, calculée en déduisant du chiffre d'affaires les coûts d'achat de matériaux, les frais de sous-traitance et transport. Dans ces conditions, la marge moyenne mensuelle s'élève à 15 261 euros.

La perte de marge sur la durée d'insuffisance de préavis s'élève à la somme de 91 566, 25 euros. La rupture ayant été partielle, il convient de déduire de cette somme les marges réalisées sur les commandes postérieures au 1er juillet 2018, soit la somme arrondie de 39 102 euros (46 002 € x 85%). Le préjudice de perte de marge est évalué à la somme de 52 464,25 euros.

Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société Wipelec de sa demande de dommages-intérêts, et la société Exxelia sera condamnée à verser à la société Wipelec la somme de 52 464,25 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Wipelec aux dépens de première instance et à payer à la société Exxelia la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Exxelia, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Exxelia sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société Wipelec la somme de 12 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la Cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la société Exxelia a brutalement rompu la relation commerciale établie et engagé sa responsabilité à l'égard de la société Wipelec sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version applicable au litige';

CONDAMNE la société Exxelia à verser à la société Wipelec la somme de 52 464,25 euros à titre de dommages-intérêts';

CONDAMNE la société Exxelia aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société Exxelia à verser à la société Wipelec la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

REJETTE toute autre demande.