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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 23 novembre 2021, n° 19/03203

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Serca (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, Mme Rochette

T. com. Perpignan, du 19 mars 2019, n° 2…

19 mars 2019

FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SAS Serca, immatriculée le 3 mai 2012, a pour activité la fourniture de services hôteliers de service de restauration et de services d'accueil en résidence hôtelière et résidence de service ainsi que l'administration et la gestion de ces résidences, sous le nom commercial « Castel E. ».

Elle exploite une résidence hôtelière avec services « Castel E. », située à Arles sur Tech (66).

Jakes A. a été désigné président de cette société lors d'une assemblée générale ordinaire du 6 avril 2012. Il a présenté sa démission le 18 novembre 2015 indiquant qu'il cesserait « d’exercer son mandat au plus tard le 20 décembre 2015 et en tout état de cause dès la fin du délai de retour de la consultation des associés en vue de pourvoir la société d'un nouveau président.»

Selon un procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire, tenue par correspondance du 15 décembre 2015, Michel A. a été élu comme président de la société Serca (351 actions/838).

Selon un procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire tenue par correspondance du 7 décembre 2015 au 28 décembre 2015, la SARL Centrale immobilière des professionnels et des particuliers, devenue Immobilière Galiot, a été élue comme président de la société Serca (618 actions/838).

La société Serca a fait l'objet d'une décision de liquidation amiable à compter du 1er décembre 2016, son liquidateur amiable étant la société Immobilière Galiot par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 29 octobre 2016.

Saisi par acte d'huissier en date du 4 novembre 2016 délivré par M. A. afin d'annulation d'une assemblée générale, le tribunal de commerce de Perpignan a, par jugement du 19 mars 2019 :

«- (...) dit la consultation du 7 au 28 décembre 2015 irrégulière,

- annulé l'assemblée générale tenue du 7 au 28 décembre 2015,

- débouté la SAS Serca de sa demande,

- condamné la SAS Serca à payer à Monsieur Jakes A. la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.»

Par déclaration du 7 mai 2019, la société Serca a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 23 janvier 2020 par voie électronique, de :

«vu l'article 31 du code de procédure civile, L227-1 et suivants du code de commerce,

- dire recevable et bien fondé son appel (...),

- réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau (...),

- dire que M. A. était dépourvu de tout intérêt à agir pour demander l'annulation de l'assemblée générale tenue du 7 au 28 décembre 2015,

- dire nulle et de nul effet l'élection de M. A. organisée par M. A. contre la volonté de M. A.,

- constater la carence de M. A. qui n'a pas informé régulièrement les associés du refus de candidature de M. A.,

- constater l'absence de contestation par M. A. de la consultation organisée par M. A. du 7 au 28 décembre 2015,

- dire la consultation du 7 au 28 décembre 2015 régulière,

- valider l'assemblée générale tenue du 7 au 28 décembre 2015,

- condamner M. A. à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, dont distraction (...),

- débouter M. A. de l'ensemble de ses fins, demandes et conclusions ».

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

- M. A. n'a pas d'intérêt à agir, sa seule qualité d'associé étant insuffisante pour justifier d'un intérêt légitime ; il a attendu près d'une année avant d'agir, il n'a pas émis de vote contre l'élection de la société Immobilière Galiot, il n'a jamais sollicité la désignation d'un administrateur provisoire et n'allègue aucun préjudice,

- son assignation du 4 novembre 2016 répond à la décision de l'assemblée générale du 29 octobre 2016 d'initier à son encontre une procédure d'exclusion de la société Serca,

- l'assemblée générale du 23 novembre 2015 doit être annulée puisque M. A. a présenté M. A. comme étant candidat à la présidence de la société en ayant connaissance de son refus et a laissé s'organiser les élections contre sa volonté, agissant donc contrairement à l'intérêt général de la société; le résultat de cette élection fondée sur une information inexacte n'est pas valable,

- la démission présentée par M. A. ne respectait pas le préavis de 3 mois prévu par les statuts et Monsieur A. en sa qualité d'associé et dans l'intérêt général de la société avait compétence pour convoquer une assemblée générale tout en informant les associés de la situation,

- les statuts n'excluent pas la candidature de la société Immobilière Galiot au motif qu'elle n'est pas membre du conseil constitutif de gestion et les associés ont validé cette élection en toute connaissance de cause, l'assemblée générale du 29 octobre 2016 ayant confirmé l'élection de la société Immobilière Galiot,

- les demandes additionnelles présentées par M. A. concernant la réparation d'un préjudice constitué par la vente à vil prix du fonds de commerce et d'un préjudice moral n'ont pas de lien avec la demande principale, en outre, elles sont dépourvues de fondement juridique,

- au demeurant, aucun abus de majorité n'est rapporté, la décision de vendre le fonds de commerce au prix de 10'000 euros ayant été prise en assemblée générale, sans être contestée, à l'appui d'un rapport d'expertise.

Formant appel incident, M. A. sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 22 avril 2020:

«- vu l'article L.227-9 du code de commerce,

- dire et juger que l'assemblée générale ordinaire tenue par correspondance du lundi 7 décembre 2015 au lundi 28 décembre 2015 de la société Serca a été convoquée le 7 décembre 2015 par M. A., alors qu'il n'avait pas la qualité de président de la société Serca, et venait en contradiction avec l'assemblée générale par correspondance convoquée le 24 novembre 2015, par M. A., président de la société Serca,

- dire et juger que l'article 22 des statuts de la société Serca a été violé par M. A.,

- prononcer l'annulation de l'assemblée générale ordinaire tenue par correspondance du lundi 7 décembre 2015 au lundi 28 décembre 2015,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'assemblée générale tenue par correspondance du 7 au 28 décembre 2015, et en ce qu'il a condamné la société Serca à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre d'appel incident, condamner la SAS Serca à lui payer 105 765 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui cause la vente au prix de 10 000 euros de son fonds de commerce,

- à titre d'appel incident, condamner la SAS Serca à lui payer 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- condamner la société Serca à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, et à supporter les entiers dépens.»

Il expose en substance que :

- M. A. n'avait aucune qualité pour convoquer l'assemblée générale tenue du 7 au 28 décembre 2015 puisqu'il était toujours en fonction et que seul le président peut convoquer l'assemblée, de sorte que cette assemblée générale est nulle en vertu de l'article 22 des statuts, l'article 18 étant inapplicable,

- il est parfaitement fondé à poursuivre la nullité de l'assemblée générale en qualité d'associé,

- le fonds de commerce cédé a été sous-évalué, entraînant un préjudice d'une valeur de 105 765 euros, puisque son chiffre d'affaires moyen était de l'ordre de 300'000 euros et a été vendu à un prix dérisoire dans le cadre d'un abus de majorité,

- il a subi un préjudice moral compte tenu du dénigrement dont il a fait l'objet.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 28 septembre 2021.

MOTIFS de la DECISION :

1- Tout associé étant recevable à invoquer la violation des dispositions statutaires régissant les conditions de forme et les modalités de convocation des assemblées générales, l'action en nullité de l'assemblée générale ordinaire du 7 au 28 décembre 2015, formée par M. A., associé au sein de la société Serca, dont l'action n'était soumise qu'à la prescription applicable et n'était pas conditionnée par un vote à l'encontre de la délibération contestée (celui-ci s'étant abstenu), ni par une demande de désignation d'un administrateur provisoire, est recevable.

2- L'article L. 235 alinéa 2 du code de commerce prévoit que la nullité d'actes ou délibérations (...) ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du deuxième livre relatif, notamment, aux sociétés commerciales, sauf exceptions, ou des lois qui régissent les contrats, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833 du code civil.

Selon l'article L. 227-1 de ce code, les règles concernant les sociétés anonymes sont applicables à la société par actions simplifiée, à l'exception de l'article L.225-104 relatif à la possibilité d'annulation de toute assemblée d'actionnaires irrégulièrement convoquée, sauf lorsque tous les actionnaires étaient présents ou représentés.

Selon les dispositions de l'article L. 227-9 du même code, applicables aux sociétés par actions simplifiées, les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'il prévoit. (...) Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.

L'article 18 des statuts de la société Serca, intitulé «président de la société-directeur général», stipule que «la société est dirigée et représentée par un président - le président de la société - et, le cas échéant, par un ou plusieurs directeurs généraux (...) choisis parmi les associés ou en dehors d'eux (...).

Le président de la société est désigné pour une durée limitée ou non, par décision collective ordinaire des associés.

Le président de la société peut résilier ses fonctions en prévenant les associés trois mois au moins à l'avance. Il peut être révoqué à tout moment par décision collective ordinaire des associés. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts.

En cas de cessation des fonctions du président de la société, tout associé provoque une décision collective à seule fin de procéder à son remplacement.

Le président de la société dirigée administre la société. (...).''

L'article 22 des même statuts, relatif à la forme et aux modalités des décisions collectives, précise que :

«1. les décisions collectives résultent, au choix du président de la société, d'une assemblée réunie au besoin par vidéoconférence, conférence téléphonique, conférence ou consultation écrite des associés. Elles peuvent également résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte.

2. l'assemblée est convoquée quinze (15) jours au moins avant la réunion, soit par lettre ordinaire ou recommandée, soit par télécopie ou un moyen électronique de télécommunication. Elle indique l'ordre du jour.

Toutefois, l'assemblée peut être convoquée verbalement et se tenir sans délai, si tous les associés sont présents ou représentés et y consentent.

Seules les questions inscrites à l'ordre du jour sont mises en délibération à moins que les associés soient tous présents et décident d`un commun accord de statuer sur d'autres questions.

Un ou plusieurs associés détenant la moitié des titres de capital peuvent demander la réunion d'une assemblée.

L'assemblée est présidée par le président de la société à condition qu'il soit associé. A défaut, elle élit son président. (...)

3. en cas de consultation écrite, le président de la société adresse à chaque associé, par lettre recommandée, le texte des projets de résolution ainsi que les documents nécessaires à leur information. Les associés disposent d'une délai de quinze jours (15) jours à compter de la date de réception des résolutions pour émettre leur vote par écrit, le vote étant pour chaque résolution, formulé par les mots "oui" ou "non". La réponse est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou déposée par l'associé au siège social. Tout associé n'ayant pas répondu dans le délai ci-dessus est considéré comme s`étant abstenu.»

En l'espèce, M. A. est titulaire de 83 actions sur 838 et M. A. de 37 actions.

Si M. A. n'était plus candidat à la présidence de la société lors de la consultation adressée par son président en exercice, il a pu, dans le cadre de la convocation qu'il a lui-même délivrée aux associés le 7 décembre 2015 pour la tenue d'une seconde assemblée générale par correspondance du 7 au 28 décembre 2015, avertir ces derniers de son refus d'être candidat et il a, malgré ce, été élu. La délibération du 15 décembre 2015 qu'il critique, ne peut être annulée au seul motif de sa contrariété à l'intérêt social, en l'absence de démonstration d'une fraude ou d'un abus de droit visant à favoriser Monsieur A. au détriment des autres associés, la désignation d'un président étant conforme à l'intérêt social, tandis que le non-respect du délai de trois mois, prévu dans les statuts pour la démission du président, outre que celle-ci résultait de la volonté de plusieurs associés de voir M. A. quitter lesdites fonctions le plus rapidement possible, n'était pas le motif de la convocation de la seconde assemblée, qui vise uniquement le refus de M. A. d'exercer la fonction de président et la présentation à cette fonction de la société Immobilière Galiot.

Aucune violation d'une disposition impérative des règles régissant les sociétés commerciales ou des lois applicables aux contrats et aucune nullité n'étant prévue par les statuts en cas de candidature involontaire à la présidence de la société, la demande d'annulation de l'assemblée générale du 15 décembre 2015 ne peut qu'être rejetée.

En application combinée des articles 18 et 22 des statuts, M. A., associé, n'avait pas qualité pour convoquer l'assemblée générale tenue par correspondance du 7 au 28 décembre 2015, puisque M. A., président, était toujours en fonction à cette date, son mandat devant se terminer, selon sa lettre de démission, au plus tard le 20 décembre 2015 et dès le retour de la consultation pour le remplacer, intervenue le 15 décembre 2015, de sorte que la demande d'annulation de cette assemblée générale doit prospérer.

Par ailleurs, la confirmation de la société Immobilière Galiot afin d'exercer la présidence lors de l'assemblée générale ordinaire du 29 octobre 2016 ne peut être retenue comme telle, s'agissant d'une résolution n°12, comportant huit autres chefs de décisions, et ayant donné lieu à un vote global.

3- Selon l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La demande d'indemnisation de M. A. d'un préjudice découlant de la vente du fonds de commerce de la société Serca à un prix dérisoire dans le cadre d'un abus de majorité est dépourvue de tout lien avec la demande d'annulation de l'assemblée générale du 7 au 28 décembre 2015, ayant désigné la société Immobilière Galiot en qualité de président, s'agissant d'actions reposant sur des fondements juridiques totalement distincts, ne nécessitant pas une analyse d'ensemble pour que chacune prospère, et ne pourra qu'être déclarée irrecevable, ni la valeur du fonds de commerce pour un montant de 1 000 000 euros (l'évaluation soutenue étant purement théorique), ni l'existence d'un abus de majorité (aucune assemblée générale susceptible de traduire cet abus n'étant même désignée) alléguées par l'intimé n'étant, au demeurant, étayées.

Si la demande de réparation d'un préjudice moral au titre du dénigrement, dont M. A. estime avoir fait l'objet dans le cadre de la présente procédure, y est nécessairement rattachée, celui-ci ne caractérise aucun comportement fautif, se contentant d'alléguer l'existence de «termes extrêmement graves et préjudiciables» qu'il ne précise pas, de sorte que cette demande sera rejetée.

4- Par ces motifs, le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions sous réserve de l'irrecevabilité (et non du rejet) de la demande d'indemnisation formée par M. A. au titre d'un préjudice découlant de la vente du fonds de commerce de la société Serca.

5- Succombant sur son appel, la société Serca sera condamnée aux dépens tandis que ni l'équité, ni aucune considération d'ordre économique ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la présente instance au profit de l'une ou l'autre partie.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare recevable la demande d'annulation de l'assemblée générale ordinaire de la SAS Serca, tenue par correspondance du 7 au 28 décembre 2015, formée par Jakes A.,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 19 mars 2019, sous réserve de l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation formée par . A. au titre d'un préjudice découlant de la vente du fonds de commerce de la société Serca,

Rejette les demandes des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Serca aux dépens d'appel.