CA Rouen, ch. civ. et com., 6 avril 2023, n° 21/03509
ROUEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
MD Construction (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Foucher-Gros
Conseillers :
M. Urbano, Mme Menard-Gogibu
Avocats :
Me Badina, Me Cazes, Me Langlois
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [U] est l'un des associés fondateurs de la société par actions simplifiée M.D Construction (M.D.C), constituée en 2010 et est titulaire de 2633 actions sur les 15 000 actions de la société. Il en était également salarié jusqu'à son licenciement, intervenu le 5 août 2016, à la suite d'importants désaccords qui l'opposaient au président de la société M.D.C, M. [O].
Antérieurement à ce licenciement, M. [U] avait, par courrier du 18 avril 2016, fait part au président de la société M.D.C de sa volonté d'obtenir le rachat de ses actions par la société ainsi que le versement de sa quote-part des bénéfices non distribués, lui demandant de convoquer une assemblée générale à cet effet. En l'absence de réponse à son courrier, M. [U] a alors renouvelé son souhait de sortir du capital de la société M.D.C par courrier du 26 juin 2016.
Au cours du mois d'octobre 2017, la société SCOGEX, commissaire aux comptes de la société M.D.C, a relevé des faits de nature à compromettre la continuité d'exploitation de la société qui l'ont conduit à établir, le 22 novembre 2017, un rapport spécial d'alerte adressé à la société M.D.C, exposant que la dégradation de l'exploitation de la société M.D.C s'expliquait en grande partie par un « désaccord sur les comptes présentés » qui « aggrave substantiellement la perte de l'exercice 2016 ».
Par ailleurs, la société SCOGEX a établi, le 7 décembre 2017, un rapport sur les comptes annuels du 31 décembre 2016 dont les conclusions sont les suivantes : « Les comptes annuels ne sont pas, au regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères et ne donnent pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ».
M. [U] a renouvelé sa demande de rachat de ses actions par la SAS M.D.C. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 avril 2018, le président de la société M.D.C a demandé à M. [U] d'indiquer le nombre d'actions qu'il souhaitait céder ainsi que leur prix. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juin 2018, M. [U] a offert une cession au prix unitaire de 80€ par action.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juin 2018, M. [U] a été convoqué pour le 28 juin à 10h, « à une réunion préalable des associés » au siège social de la société et ce, « aux fins d'examiner les conditions de [son] éventuelle exclusion de la société M.D.C. conformément aux dispositions de l'article 26 des statuts » au motif qu'il travaillerait « depuis de nombreux mois pour une société concurrente en contradiction avec [ses] obligations » et que « l'exercice par un actionnaire d'une activité concurrente à celle exercée par M.D.C peut justifier son exclusion ».
Une nouvelle convocation lui a été adressée le 14 juin 2018, afin de participer à l'assemblée générale ordinaire d'approbation des comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2017, se tenant le 28 juin 2018 à 11h, soit une heure après la convocation à la réunion préalable des associés devant examiner les conditions de son exclusion.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juin 2018, le conseil de M. [U] a soutenu que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté, considérant que la convocation ne laissait pas un délai suffisant à M. [U] pour organiser sa défense et que les accusations formulées dans cette convocation ne précisaient pas les éléments de fait et de droit sur lesquels elles se fondaient. Dans ce même courrier, le conseil de M. [U] a informé la société M.D.C. que son client ne se présenterait pas à cette réunion préalable des associés du 28 juin 2018 à 10h, sollicitant qu'une nouvelle convocation lui soit adressée, avec un délai suffisant pour qu'il puisse organiser sa défense et la communication des éléments de fait et de droit sur lesquels les accusations à son encontre se fondent « afin que les débats puissent se dérouler selon le respect des principes élémentaire du contradictoire. ».
M. [U] ne s'est pas présenté à la réunion préalable des associés du 28 juin 2018 à 10h mais il s'est présenté, accompagné de son conseil et d'un huissier, au siège social de la société le 28 juin 2018 à 11h, afin de participer à l'Assemblée Générale d'approbation des comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2017.
Le jour de l'assemblée générale, M. [O] l'a reportée aux motifs que le commissaire aux comptes n'avait pas remis son rapport en temps et en heure et qu'il y avait eu une difficulté avec la convocation d'un des associés, M. [W].
Par lettre recommandée avec accusé de réception qui lui a été adressée le 6 juillet 2018 par le président de la société M.D.C, M. [U] a été convoqué pour le 31 août 2018 à 14h à une assemblée générale afin que soit mise au vote son exclusion et le rachat par la société M.D.C de ses 2633 actions à une valeur unitaire de 10 euros par action. Le 31 août 2018 à 14h, M. [U] s'est présenté à l'assemblée générale accompagné de son conseil et d'un huissier de Justice, Me [E]. L'exclusion de M. [U] de la société M.D.C et le rachat de ses actions à la valeur unitaire de 10 euros ont été votés à une majorité de 82,45% des actions.
La Société M.D.C. a fait assigner M. [U] en référé devant le président du tribunal de commerce de Rouen, par exploit d'huissier du 12 octobre 2018, aux fins de désigner un expert pour évaluer au la valeur de ses actions qu'il détient. Cette affaire a été renvoyée au fond par ordonnance du 20 janvier 2019.
M. [U] a fait assigner la société M.D.C et son président, M. [Z] [O], devant le tribunal de commerce de Rouen, par exploits d'huissier des 14 et 15 novembre 2018, aux fins de faire constater la nullité ou, à défaut, prononcer l'annulation des délibérations de l'assemblée générale du 31 août 2018 prononçant son exclusion de la société M.D.C ainsi que le rachat de ses actions.
A son audience du 18 mars 2019, le tribunal de commerce de Rouen a ordonné la jonction des deux affaires.
Dans l'intervalle, la société M.D.C a été placée en redressement judiciaire par jugement du 29 janvier 2019, Me [A] en ayant été désignée mandataire et Me [B] administrateur.
Le 2 avril 2019, M. [U] a procédé à la déclaration de sa créance auprès du mandataire judiciaire.
Par jugement du 21 janvier 2020, le tribunal a prononcé la conversion en liquidation judiciaire de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la société M.D.C et a désigné Me [A] en qualité de liquidateur judiciaire de la société.
Par assignation du 28 février 2020, M. [U] a appelé Me [A] ès qualités à la cause.
Par jugement du 26 juillet 2021, le tribunal de commerce de Rouen a :
- reçu M. [D] [U] en ses demandes, fins et conclusions, les dits non fondées.
- débouté M. [D] [U] de l'intégralité de ses demandes.
- condamné, en application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [D] [U] à payer à M. [H] [A], en qualité de mandataire liquidateur de la société M.D.C., la somme de 5.000 €.
- condamné, en application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [D] [U] à payer M. [Z] [O] la somme de 5.000 €.
- condamné M. [D] [U] aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 122,87 €.
Par déclaration du 3 septembre 2021, M. [U] a interjeté appel de ce jugement et a intimé M. [O] et de Me [A] ès qualités de mandataire liquidateur de la société M.D.C. par déclaration du 10 septembre 2021, il a interjeté un second appel du jugement et a intimé la société M.D.C.
Par ordonnance du 27 septembre 2021, la jonction des deux procédures a été ordonnée.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Vu les conclusions du 2 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de M. [U] qui demande à la cour de :
Vu l'article L.227-9 du Code de commerce,
Vu l'article 1240 (nouveau) du Code civil,
Vu les articles 6, 9, 16 et 700 du Code de procédure civile,
Recevoir M. [D] [U] en ses demandes, fins et conclusions et les déclarer bien fondées ;
Débouter la société M.D.C, Me [H] [A], en qualité de mandataire liquidateur de la société M.D.C et M. [Z] [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Infirmer le jugement entrepris, mais uniquement en ce qu'il :
- Dit non fondées les demandes, fins et conclusions de M. [D] [U].
- Déboute M. [D] [U] de l'intégralité de ses demandes.
- Condamne, en application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [D] [U] à payer à M. [H] [A], en qualité de mandataire liquidateur de la société M.D.C., la somme de 5.000 €.
- Condamne, en application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [D] [U] à payer M. [Z] [O] la somme de 5.000 €.
- Condamne M. [D] [U] aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 122,87 €.
Confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
Constater la nullité ou, à défaut, prononcer l'annulation de la deuxième résolution de l'assemblée générale de la société M.D.C du 31 août 2018 prononçant l'exclusion de M. [U] ;
Par voie de conséquence,
Constater la nullité subséquente ou, à défaut, prononcer l'annulation subséquente de la première résolution de l'Assemblée Générale de la société M.D.C du 31 août 2018 proposant le rachat par la société M.D.C des 2633 actions de M. [U] ;
Ordonner la réintégration de M. [U] dans ses droits d'actionnaire de la société M.D.C. sous astreinte de 500 € par jour de retard, à l'expiration d'un délai de 3 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir et pendant une durée de trois mois, délai à l'issue duquel une nouvelle astreinte pourra être prononcée le cas échéant ;
Condamner in solidum Me [H] [A], en qualité de mandataire liquidateur de la société M.D.C. et M. [Z] [O] à payer à M. [U] la somme de 20 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par son exclusion abusive et vexatoire de la société M.D.C ;
Condamner in solidum Me [H] [A], en qualité de mandataire liquidateur de la société M.D.C. et M. [Z] [O] au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
M. [U] soutient que :
- la décision d'exclusion d'un associé est soumise au principe du contradictoire et toute méconnaissance de ce principe rend la décision irrégulière ; une telle décision d'exclusion suppose que les associés ont été informés préalablement des faits qui sont imputés à l'associé dont l'exclusion est sollicitée et ce dernier doit avoir eu la possibilité de se défendre ;
- les formalités d'exclusion prévues par les statuts doivent être respectées et leur méconnaissance entraîne également l'irrégularité de la décision ; les articles 35-6 et 26 des statuts prévoient qu'avant toute décision d'exclusion, les associés doivent avoir reçus une information préalable comprenant les documents leur permettant de se prononcer en connaissance de cause et si M. [U] a été convoqué le 6 juin 2018 pour une réunion préalable devant se tenir le 28 juin suivant à 10h, sa convocation ne précisait pas les faits qui lui étaient reprochés de sorte qu'il n'a pu utilement préparer sa défense dans le délai qui lui avait été accordé ;
- rien ne permet de démontrer que cette réunion préalable du 28 juin 2018 s'est tenue de sorte que la procédure d'exclusion est irrégulière ;
- M. [U] n'a pu se défendre lors de l'assemblée générale du 31 août 2018 ayant abouti au vote de son exclusion ;
- par ailleurs, l'exclusion de deux autres associés a été votée lors de cette assemblée générale sans que M. [U] ait été informé de ce point ;
- il appartient à la SAS M.D.C de démontrer l'existence de la cause d'exclusion qu'elle invoque à l'encontre de M. [U] et le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en procédant à des investigations en cours de délibéré sans en aviser aucune des parties à quelque moment que ce soit ;
- la clause des statuts selon laquelle un associé peut être exclu s'il exerce directement ou indirectement une activité concurrente de celle exercée par la SAS M.D.C doit être qualifiée de clause de non-concurrence ;
- celle-ci n'est valable que si elle est limitée dans le temps et dans l'espace et si elle est proportionnée aux intérêts de la SAS M.D.C ;
- la clause qui est opposée à M. [U] ne remplit aucune de ces conditions alors que la SAS M.D.C exerce une activité de construction essentiellement en Seine-Maritime et dans l'Eure tandis que M. [U] a été embauché par une société GTM Bâtiment dont le siège est à [Localité 9] en Gironde et dont l'activité s'exerce dans la région Aquitaine ;
- M. [O] a agi contre M. [U] de façon vexatoire afin de l'empêcher de lui réclamer des explications quant à sa gestion dont l'irrégularité a été décelée par le commissaire aux comptes.
Vu les conclusions du 1er mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de SAS M.D.Construction, de Me [A] ès qualités de liquidateur de cette société et de M. [O] qui demandent à la cour de :
Débouter Mr [D] [U] [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 26 juillet 2021 (RG 2018 009139) en ce qu'il a :
- Dit non fondées les demandes, fins et conclusions de M. [D] [U]
- Débouté M. [D] [U] de l'intégralité de ses demandes
- Condamné M. [D] [U] à payer à Me [A], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société MDC, une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- Condamné M. [D] [U] à payer à M. [Z] [O] une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- Condamné M. [D] [U] aux entiers dépens
Y ajoutant :
Condamner M. [D] [U] à payer à Me [A], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société MDC, une somme complémentaire de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Condamner M. [D] [U] à payer à M. [Z] [O] une somme complémentaire de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Condamner M. [D] [U] aux entiers dépens d'appel
Les intimés soutiennent que :
- la décision d'exclusion de M. [U] n'a pas été prise par M. [O] seul mais par l'ensemble des associés de la SAS M.D.C ;
- M. [U] a été convoqué à une réunion préalable par courrier du 6 juin pour le 28 juin 2018, les statuts ne prévoient aucun délai minimal entre la convocation et la réunion et le délai de 22 jours entre ces deux dates a été suffisant ; le courrier de convocation précisait que M. [U] exerçait une activité concurrente à celle exercée par la SAS M.D.C ce qui constituait une information nécessaire pour qu'il puisse préparer sa défense ; M. [U] n'a jamais répondu quoi que ce soit sur ce point précis ;
- dans le prolongement de la réunion du 28 juin 2018, M. [O], président de la SAS M.D.C, a adressé une nouvelle convocation à M. [U] pour le 31 août 2018, jour où l'assemblée générale de la SAS M.D.C devait statuer sur son exclusion ; M. [U] a assisté à cette réunion avec son avocat et un huissier et a pu constater que la décision d'exclusion avait été régulièrement votée ;
- sa demande de réintégration dans ses droits d'actionnaire n'a pas de sens s'agissant d'une société en liquidation judiciaire ;
- aucune demande indemnitaire ne peut être dirigée contre M. [O] ;
- les statuts ne prévoient aucune clause de non-concurrence mais une simple obligation de loyauté dont la méconnaissance doit entraîner l'exclusion de l'associé qui ne s'y conforme pas ;
- il importe peu que la société dans laquelle M. [U] est salarié, qui exerce une activité concurrente de celle de la SAS M.D.C, soit située en Gironde dès lors que les statuts ne visent aucune zone géographique particulière, que la société GTM est cotée en bourse et exerce une activité nationale et internationale, que M. [U] a cherché à dissimuler sa situation et qu'il est responsable des préjudices qu'il prétend avoir subis.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la régularité de la procédure d'exclusion diligentée contre M. [U] :
Aux termes de l'article L 227-9 alinéas 1 et 4 du code de commerce applicables aux sociétés par actions simplifiées, « Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient. » et « Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé. ».
Par ailleurs, il appartient à la société qui entend diligenter une procédure d'exclusion de l'un de ses associés d'accomplir les diligences qui lui incombent normalement pour le mettre en mesure de préparer, puis de présenter sa défense en pleine connaissance de cause et que soient ainsi respectés les droits de la défense et le principe du caractère contradictoire des débats préalables à une mesure d'exclusion.
L'article 35-1 des statuts de la société M.D.C. stipule que : « La collectivité des associés est seule compétente pour prendre les décisions suivantes : (')Exclusion d'un associé et suspension de ses droits de vote. »
L'article 35-6 des statuts intitulé « information préalable des associés » stipule que : « Quel que soit le mode de consultation, toute décision des associés doit avoir fait l'objet d'une information préalable comprenant tous les documents et informations permettant aux associés de se prononcer en connaissance de cause sur la ou les résolutions soumises à leur approbation. »
L'article 26 des statuts stipule que : « Exclusion de plein droit :
L'exclusion de plein droit intervient en cas de dissolution, de redressement ou de liquidation judiciaire d'un associé.
Exclusion facultative :
L'exclusion d'un associé peut être également prononcée dans les cas suivants'- Exercice direct ou indirect d'une activité concurrente de celle exercée par la société'
Modalités de la décision d'exclusion :
L'exclusion est prononcée par décision collective des associés statuant à la majorité des voix des associés disposant du droit de vote. L'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée participe au vote et ses actions sont prises en compte pour le calcul de la majorité.
Les associés sont consultés sur l'exclusion à l'initiative du comité de direction ; si un membre du comité de direction est lui-même susceptible d'être exclu, les associés seront consultés à l'initiative de l'associé le plus diligent.
Formalités de la décision d'exclusion :
La décision d'exclusion ne peut intervenir que sous réserve du respect des formalités suivantes :
- Notification à l'associé concerné par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée 30 jours avant la date prévue pour la réunion de l'organe dirigeant collégial de la mesure d'exclusion envisagée, des motifs de cette mesure et de la date de la réunion devant statuer sur l'exclusion afin de lui permettre de faire valoir ses arguments en défense, soit par lui-même, soit par l'intermédiaire de son ou de ses représentants légaux.
- Convocation de l'associé concerné à une réunion préalable des associés tenue au plus tard 30 jours avant la date prévue pour la consultation des associés sur la décision d'exclusion afin de lui permettre de présenter ses observations et de faire valoir ses arguments en défense, soit par lui-même, soit par l'intermédiaire de son ou de ses représentants légaux' »
Il résulte de l'application combinée des articles 35-6 et 26 des statuts que la décision d'exclusion d'un associé doit être nécessairement précédée d'une réunion préalable à laquelle il a été convié avec les autres associés lui ayant permis de faire valoir ses arguments en défense.
Par courrier du 6 juin 2018, M. [O], président directeur général de la SAS M.D.C, a convoqué M. [U] à une réunion préalable des associés devant se tenir le 28 juin suivant à 10 heures aux fins d'examiner les conditions de son éventuelle exclusion conformément aux dispositions de l'article 26 des statuts au motif suivant « vous travaillez depuis de nombreux mois pour une société concurrente en contradiction avec vos obligations ».
Cette convocation ne précise pas l'identité de la société prétendument concurrente de la SAS M.D.C, ni l'activité qu'y exercerait M. [U] ni les éléments de preuve détenus par la SAS M.D.C pour procéder à une telle allégation de sorte que M. [U] n'a pas été mis à même de réunir les éléments nécessaires à sa défense entre le 6 et le 28 juin 2018. Et surtout, alors que le moyen a été expressément soulevé par M. [U], les intimés ne produisent aucun procès-verbal, aucune attestation ni aucune autre pièce de nature à démontrer qu'une réunion préalable s'est tenue le 28 juin 2018 à 10 heures au cours de laquelle a pu être discutée entre associés la décision d'exclusion de M. [U].
Faute de justifier qu'une telle réunion constituant, aux termes mêmes des statuts , un préalable nécessaire, s'est tenue, les décisions d'exclusion et de rachat forcé de ses actions qui ont été votées le 31 août 2018 ont été prises en méconnaissance des statuts et doivent être annulées sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité soutenus par M. [U].
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande d'annulation des délibérations de l'assemblée générale du 31 août 2018 prononçant son exclusion de la société M.D.C ainsi que le rachat de ses actions. La résolution de l'assemblée générale du 31 août 2018 ayant prononcé l'exclusion de M. [U] et le rachat forcé de ses actions sera annulée. Par voie de conséquence, la réintégration de M. [U] dans ses droits d'actionnaires sera ordonnée sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette disposition d'une astreinte.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [U] contre la SAS M.D.C et M. [O] :
Il résulte des dispositions de l'article L622-22 du code de commerce rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L641-3 du même code que, en cas de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire dûment appelé, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Le 2 avril 2019, M. [U] a déclaré une créance de 20 000 euros de dommages et intérêts et de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile auprès de Me [A] ès qualités de liquidateur dans la liquidation judiciaire de la SAS M.D.C.
M. [U] réclame la condamnation de la SAS M.D.C et de M. [O] au paiement de 20 000 euros de dommages et intérêts en alléguant avoir été victime d'une procédure d'exclusion abusive et vexatoire diligentée par M. [O] dont la gestion était gravement critiquée par lui à la suite de rapports du commissaire aux comptes de ladite société mettant en évidence de graves anomalies comptables.
Ces rapports, versés aux débats, font effectivement état de la présentation de comptes qui ne sont ni réguliers ni sincères et ne donnent pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de l'exercice.
M. [U] a adressé un courrier à la SAS M.D.C le 15 décembre 2017 mettant en cause en termes particulièrement virulents la gestion de M. [O] et imputant à ce dernier la prise de décisions de gestion uniquement dictées par son intérêt personnel. Le déclenchement d'une mesure d'exclusion contre M. [U], faisant suite à ce courrier, diligentée sans respecter le principe du contradictoire et menée à son terme en violation des stipulations statutaires s'analyse comme une mesure de rétorsion décidée par M. [O]. Elle présente un caractère abusif et vexatoire qui a causé un préjudice moral à M. [U].
Ce préjudice sera justement réparé par une indemnité de 5 000 euros à la charge de la liquidation de la SAS M.D.C mais également de M. [O] qui a été l'acteur principal de cette procédure et qui avait un intérêt personnel à son succès.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts. La somme de 5 000 euros sera fixé au passif de la liquidation de la SAS M.D.C et M. [O] y sera condamné in solidum avec la liquidation.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 26 juillet 2021 sauf en ce qu'il a reçu M. [D] [U] en ses demandes, fins et conclusions ;
Statuant à nouveau :
Annule la résolution de l'assemblée générale du 31 août 2018 ayant prononcé l'exclusion de M. [U] en qualité d'associé de la SAS M.D.Construction ;
Annule la résolution de l'assemblée générale du 31 août 2018 de la SAS M.D.Construction ayant proposé le rachat des 2633 parts de M. [U] ;
Ordonne la réintégration de M. [U] dans ses droits d'actionnaire de la SAS M.D.Construction ;
Déboute M. [U] de sa demande tendant au prononcé d'une astreinte ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS M.D.Construction la créance de M. [U] pour la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts ;
Condamne M. [O] à payer à M. [U] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts ;
Dit que la somme de 5000 euros de dommages et intérêts ci-dessus est due in solidum par la liquidation de la SAS M.D.Constuction et M. [O] à M. [U] ;
Y ajoutant :
Condamne in solidum la liquidation de la SAS M.D.Construction et M. [O] aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne in solidum la liquidation de la la SAS M.D.Construction et M. [O] à payer à M. [U] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile comprenant les frais irrépétibles de première instance et d'appel.