CA Versailles, 12e ch., 17 septembre 2013, n° 11/08075
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Jad Invest (SARL)
Défendeur :
Aedes (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mme Brylinski, Mme Poinseaux
Vu l'appel interjeté par la société Jad Invest d'un jugement rendu le 18 octobre 2011 par le tribunal de commerce de Pontoise, lequel :
* a mis hors de cause la société Gafinvest,
* a débouté la société Jad Invest, M. G., la société Gafinvest et la société Aedes de l'ensemble de leurs demandes,
* a condamné la société Jad Invest aux dépens ;
Vu les écritures en date du 14 mai 2013, par lesquelles la société Jad Invest demande à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil, de réformer cette décision et :
* avant-dire droit, d'enjoindre sous astreinte à M. G. de produire l'intégralité des factures adressées par la société LFT à la société ISS pour les années 2010, 2011 et 2012,
* principalement, de prononcer la révocation de M. G.,
* subsidiairement, de dire et juger bien fondée sa demande et de nommer un administrateur provisoire, en précisant sa mission,
* de rejeter les demandes adverses,
* de condamner M. G. à verser à la société Aedes la somme de 590 000 euros à titre de dommages et intérêts,
* de le condamner à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
* de confirmer le jugement pour le surplus,
* de condamner M. G. à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction ;
Vu les dernières écritures en date du 26 avril 2013, aux termes desquelles M. G., la société Aedes et la société Gafinvest prient la cour, au visa des articles 31 du code de procédure civile, L. 227-1 et suivants du code de commerce et 1382 du code civil, de recevoir leur appel incident et :
* de dire et juger la société Jad Invest mal fondée en sa demande de production de pièces,
* de dire et juger que le président d'une société par actions simplifiées ne peut faire l'objet d'une révocation judiciaire,
* de condamner la société Jad Invest à verser à M. G. la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
* de condamner la société Jad Invest à leur verser la somme de 40 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :
* La société par actions simplifiées Aedes, dont le capital est détenu à hauteur de 66 % par la société Jad Invest et de 34 % par la société Gafinvest, a pour activité la distribution de produits et matériels antiparasitaires et distribue les produits raticides LFT ;
* M. G. est le gérant des sociétés Gafinvest et LFT, cette dernière, fabricant et distribuant des produits raticides, étant concurrente de la société Aedes ;
* le 26 avril 2006, l'assemblée générale de la société Aedes en a modifié les statuts et a désigné M. G. comme président ;
* le 8 août 2011, reprochant à M. G. un abus de ses fonctions de président dans le but de lui nuire, la société Jad Invest l'a assigné à jour fixe, ainsi que la société Aedes, devant le tribunal de commerce de Pontoise, en responsabilité et aux fins de révocation ;
Sur la demande de production de pièces :
Considérant que la demande de la société Jad Invest, d'injonction sous astreinte à M. G. de produire l'intégralité des factures adressées par la société LFT à la société ISS pour les années 2010, 2011 et 2012 ne peut être accueillie, seule la société la société LFT qui n'est pas dans la cause, et non son dirigeant, étant en possession de la copie de ses factures ;
Sur la mise hors de cause de la société Gafinvest :
Considérant que la mise hors de cause de cette société, en l'absence de toute demande formée à son encontre, sera confirmée ;
Sur le principe de la révocation du président d'une société par actions simplifiées :
Considérant que la société Jad Invest, demandant sur ce point la confirmation du jugement, soutient que la révocation judiciaire d'un dirigeant de société est toujours possible, même en l'absence de disposition légale l'autorisant, dès lors qu'aucun texte ne l'interdit, ainsi que le reconnaît la jurisprudence en matière de sociétés civiles, de sociétés en nom collectif et en commandite par actions ;
considérant que M. G., la société Aedes et la société Gafinvest, demandant la réformation du jugement sur ce point, font valoir que ni la loi, ni la jurisprudence n'autorisent la révocation judiciaire du président d'une société par actions simplifiées, laquelle porterait atteinte à la loi des parties figurant dans les statuts , lesquels ne prévoient pas qu'il soit mis fin prématurément au mandat du président;
considérant qu'aux termes de l'article L. 227-5 du code de commerce relatif aux sociétés par actions simplifiées Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée; que selon l'article L. 227-9 alinéa 1 du même code, Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient;
qu'en l'absence de disposition légale relative à la révocation du président d'une société par actions simplifiées, il y a lieu d'appliquer la loi des parties, soit les statuts de la société Aedes résultant de la modification du 24 avril 2006;
qu'en l'espèce, l'article 11 des statuts de la société Aedes prévoient le remplacement du président, par décision collective des associés, en cas de décès, démission ou empêchement, ainsi que sa révocation à tout moment, également par une décision collective des associés;
qu'aucune possibilité de révocation judiciaire n'étant prévue aux statuts , la demande de la société Jad Invest est dépourvue de tout fondement juridique et sera rejetée, par réformation du jugement;
Sur la nomination d'un administrateur provisoire :
Considérant que la société Jad Invest demande subsidiairement, dans l'intérêt social de la société dont le fonctionnement normal est empêché par des difficultés qu'elle reproche comme fautes à M. G., la nomination d'un administrateur judiciaire chargé de la gestion des affaires sociales dans le cadre d'un mandat général;
qu'invoquant un conflit d'intérêts, elle reproche ainsi à M. G. un abus de ses fonctions et un détournement de ses pouvoirs, mettant en péril les intérêts de la société;
considérant que M. G., la société Aedes et la société Gafinvest rappellent que la nomination d'un administrateur judiciaire suppose la réunion de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menace d'un péril imminent, et font valoir le fonctionnement normal de la société ainsi que l'absence de péril imminent;
considérant qu'ainsi que l'a justement relevé le tribunal de commerce, la société Aedes est in bonis, distribue chaque année des dividendes aux associés, présente des résultats positifs et connaît un fonctionnement normal, par la régularité de la tenue des assemblées générales, par l'arrêt, la certification et l'approbation des comptes, situation excluant tout risque de péril imminent, que la mésentente entre les associés ne peut suffire à caractériser;
que le rejet de cette demande sera en conséquence confirmé;
Sur la responsabilité de M. G. :
Considérant que la société Jad Invest recherche la responsabilité de M. G. tant au titre de l'action sociale, aux fins de réparation du préjudice subi par la société Aedes, causé par les pertes de marché avec les sociétés Liphatec et ISS, que de l'action individuelle, au titre de son préjudice propre, causé à un associé par un abus de pouvoirs;
considérant que M. G., la société Aedes et la société Gafinvest lui opposent la décision unilatérale de la société Liphratec de rompre brutalement ses relations commerciales avec la société Aedes, que le détournement de la société ISS, cliente de la société Aedes, au profit de la société LFT n'est pas établi et qu'aucune faute, entraînant l'éviction de la société Aedes du marché Téléshopping ne peut être imputée à M. G.;
considérant que l'absence de renouvellement du contrat de distribution des produits concurrents de la société Liphatec par la société Aedes résulte de la seule décision de la société Liphatec; que cette rupture, contestée par la société Aedes, ne peut être reprochée comme faute à M. G.;
que la société Aedes, en qualité de distributeur des produits de la société LFT, n'a pas été exclue du marché par la société Téléshopping, avec laquelle elle poursuit ses relations;
que le partenariat établi par M. G. entre les sociétés ISS et Aedes a assuré le référencement de cette dernière comme fournisseur de la société ISS et ne caractérise pas un détournement du client ISS au bénéfice de la société LFT;
que le retard apporté à la distribution des dividendes de l'année 2008, soit une mesure ressortant de la gestion de la société Aedes, ne peut être en lui-même constitutif d'une faute à l'égard d'un associé;
que la société Jad Invest ne peut obtenir réparation du préjudice causé aux sociétés Dakem, par un refus de stockage de produits, et Hygiène Habitat, par un refus de livraison, la circonstance de l'identité des associés de ces trois sociétés étant à cet égard indifférente, en l'absence de préjudice causé à la société Jad Invest;
qu'il résulte de ce qui précède que les abus de gestion et de pouvoir reprochés à M. G. ne sont pas établis et que le rejet des demandes de la société Jad Invest sera confirmé;
Sur les autres demandes:
Considérant que M. G., la société Aedes et la société Gafinvest ne justifient pas de l'intention malicieuse ou de la légèreté coupable ayant fait dégénérer l'exercice d'une voie de droit en abus, pas plus que d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité d'assurer leur défense en justice, lequel sera équitablement réparé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
- CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,
- Y AJOUTANT, CONDAMNE la société Jad Invest à payer à M. G., à la société Aedes et à la société Gafinvest la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNE la société Jad Invest aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.