Cass. com., 9 septembre 2020, n° 18-11.246
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Graff-Daudret
Avocats :
SCP Richard, SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 26 octobre 2017), par un acte du 21 décembre 2006, la société Banque calédonienne d'investissement (la banque) a consenti à la société Entre ciel et mer (la société) un prêt, garanti par les cautionnements de MM. M... et A.... La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné les cautions en paiement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, cinquième et sixième branches, et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier et le second moyens, pris en leurs troisièmes branches, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
3. MM. M... et A... font grief à l'arrêt de dire que leurs engagements de caution personnel du prêt souscrit par la société Entre ciel et mer [...] sont valides et, en conséquence, de les condamner, en qualité de cautions, à payer à la société Banque calédonienne d'investissement, chacun, la somme de 61 329.361 FCFP, avec intérêts au taux contractuel de 5,50 % par an à compter du 8 décembre 2009 alors :
« 1° / que tenu de respecter le principe de la contradiction, le juge ne peut relever un moyen d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant néanmoins d'office le moyen tiré de ce que M. M... ne pouvait utilement reprocher à la société Banque calédonienne d'investissement d'avoir commis une faute en octroyant un prêt à la société Entre ciel et mer, dès lors que l'article L. 650-1 du code de commerce dispose que lorsqu'une procédure collective est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
2°/ que tenu de respecter le principe de la contradiction, le juge ne peut relever un moyen d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant néanmoins d'office le moyen tiré de ce que M. A... ne pouvait utilement reprocher à la société Banque calédonienne d'investissement d'avoir commis une faute en octroyant un prêt à la société Entre ciel et mer, dès lors que l'article L. 650-1 du code de commerce dispose que lorsqu'une procédure collective est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
5. Pour écarter le moyen soulevé par MM. M... et A... pris du défaut de mise en garde de l'emprunteur et les condamner, chacun, à paiement, l'arrêt, après avoir relevé que la société emprunteuse, débitrice principale, avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire, retient que les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce sont applicables en Nouvelle-Calédonie, et que l'action dirigée contre la banque suppose que l'existence des conditions requises soit démontrée, à savoir soit la fraude, l'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou la disproportion des garanties prises en contrepartie du concours, mais qu'aucun des cas d'ouverture de l'action en responsabilité contre la banque n'est, en l'espèce, caractérisé, que la fraude ou l'immixtion caractérisée dans la gestion de la société ne sont ni invoquées ni démontrées, et que les garanties prises par la banque (cautionnements des dirigeants, nantissement des parts sociales), conformes à la pratique habituelle en la matière, n'étaient pas disproportionnées, de sorte que les cautions ne sont pas fondées à contester les conditions de l'octroi du prêt à la société débitrice principale.
6. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen tiré de l'article L. 650-1 du code de commerce qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. M... et M. A..., chacun, en qualité de caution, à payer solidairement à la société Banque calédonienne d'investissement la somme de 61 329 361 FCFP avec intérêts au taux contractuel de 5,50 % l'an à compter du 8 décembre 2009 au titre d'un prêt [...], et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée.