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Décisions

Cass. com., 20 janvier 2021, n° 18-14.767

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Fevre

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Chambéry, du 23 nov. 2017

23 novembre 2017

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 23 novembre 2017), M. et Mme B... se sont, chacun, rendu caution, le 4 avril 2008, de tous engagements souscrits par la société Avernet France, dont M. B... est le gérant, dans la limite de 20 000 euros au profit de la société Banque populaire des Alpes, devenue Banque populaire Auvergne Rhône Alpes (la banque).

2. Le 12 mars 2009, M. B... s'est rendu caution d'un prêt de 55 000 euros consenti par la banque à la société dans la limite de 31 625 euros.

3. La société Avernet France ayant été mise en redressement, puis en liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement M. et Mme B... qui ont recherché sa responsabilité.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

4. M. et Mme B... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande reconventionnelle fondée sur une faute de la banque lors de l'octroi des prêts litigieux et de les condamner, en leur qualité de caution, à payer à la banque, s'agissant personnellement de M. B..., la somme en principal de 22 431,77 euros, et, solidairement, la somme en principal de 20 000 euros, alors :

« 2°/ que le banquier dispensateur de crédit est tenu d'une obligation d'information et de conseil tant à l'égard de l'emprunteur que de la caution ; que si l'engagement de caution est souscrit par une personne non avertie, la banque est tenue de la mettre en garde contre le risque d'un endettement excessif ; qu'en se fondant, pour écarter la responsabilité de la banque, sur les circonstances inopérantes retenues par des motifs non contredits que « la caution demandée à M. B... a engagé le dirigeant même de la société bénéficiaire du prêt et que ce dernier était parfaitement au courant de la situation de la société » et que « la garantie Oseo a été demandée et obtenue par la banque au moment de la signature du prêt de telle sorte qu'un organisme supplémentaire a pu analyser la situation de la société Avernet France avant de s'engager », ce qui n'était pas de nature à exonérer la banque de son obligation d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard de la caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que le seul statut de dirigeant de la société cautionnée ne suffit pas à caractériser la qualité de caution avertie et donc à exclure le devoir de mise en garde qui pèse sur les établissements de crédit au bénéfice des cautions non averties à raison des risques d'endettement nés de l'octroi du prêt ; qu'en se bornant à relever, par motifs non contredits, que les époux B... « étaient les mieux placés, comme gérant et comme comptable, pour apprécier le bien-fondé de remettre de l'argent frais dans la trésorerie de la société Avernet France, sans s'assurer qu'ils présentaient les compétences nécessaires pour apprécier la portée des obligations contractées par rapport à leurs capacités de remboursement, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à établir sa qualité de caution avertie et n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que le défaut de réponse à conclusion équivaut à un défaut de motifs ; que les exposants faisaient valoir, en cause d'appel leur caractère profane et la faute de la banque dans l'octroi des contrats de prêts et des cautionnement successifs en raison d'un défaut de mise en garde sur cette « situation irrémédiablement compromise » ; qu'en s'abstenant purement et simplement de répondre à ce moyen fondé sur le devoir de mise en garde incombant à la banque en raison du risque d'endettement excessif auquel ils s'exposaient, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il ne résulte ni de l'arrêt, ni de leurs conclusions que M. et Mme B..., qui se sont bornés à rechercher la responsabilité de la banque pour avoir accordé à la société Avernet France des crédits fautifs, aient soutenu que la banque avait manqué à leur égard à des obligations d'information, de mise en garde ou de conseil.


6. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, dès lors que les manquements invoqués par les deuxième, quatrième et cinquième branches constituent des fautes distinctes de celles invoquées devant la cour d'appel, n'est donc pas recevable.

Et sur le moyen pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

7. M. et Mme B... font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le banquier dispensateur de crédit engage sa responsabilité lorsqu'il accorde à une société un prêt dont il connaît, en raison de multiples apports en trésorerie antérieurs, la situation financièrement périlleuse ; qu'en se bornant à affirmer par des motifs adoptés, pour écarter toute faute de la banque, qu'en « ouvrant une procédure de redressement judiciaire moins de trois mois plus tard puis en arrêtant un plan de redressement un an après, le tribunal de commerce de céans a pu lui-même estimer plausible un redressement de l'entreprise », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas commis une faute en accordant des prêts successifs ayant pour seule finalité de couvrir un découvert intarissable, de sorte que la banque avait accordé un crédit ruineux et encourait une responsabilité de ce chef, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que le banquier dispensateur de crédit engage sa responsabilité lorsqu'il accorde à une société un prêt dont il connaît, en raison de multiples apports en trésorerie antérieurs, la situation financièrement périlleuse ; qu'en se bornant à affirmer par des motifs adoptés, pour écarter toute faute de la banque, qu'en « ouvrant une procédure de redressement judiciaire moins de trois mois plus tard puis en arrêtant un plan de redressement un an après, le tribunal de commerce de céans a pu lui-même estimer plausible un redressement de l'entreprise », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas commis une faute en accordant des prêts successifs ayant pour seule finalité de couvrir un découvert intarissable, de sorte que la banque avait accordé un crédit ruineux et encourait une responsabilité de ce chef, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la cour

8. Dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme B..., s'ils faisaient valoir, pour retenir la responsabilité de la banque, que celle-ci avait consenti à la société Avernet France des crédits fautifs, soit parce que la situation de cette société était déjà irrémédiablement compromise au moment de leur octroi et que la banque ne pouvait l'ignorer, soit parce que les crédits accordés étaient ruineux, n'invoquaient pas, au préalable, l'existence d'une fraude ou d'une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou encore une prise de garanties disproportionnées, seuls cas dans lesquels l'article L. 650-1 du code de commerce permet à une caution d'engager la responsabilité d'un établissement de crédit du fait des concours consentis, lorsqu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires a été ensuite ouverte, comme en l'espèce. Ils ne peuvent, dès lors, se borner à reprocher à la cour d'appel d'avoir écarté toute faute dans l'octroi des crédits à la société Avernet France, l'existence d'une telle faute, serait-elle établie, n'étant pas suffisante pour engager la responsabilité de la banque.

9. Le moyen est donc inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.