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Décisions

Cass. com., 21 septembre 2022, n° 20-20.685

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Rapporteur :

Mme Fèvre

Avocats :

SARL Le Prado - Gilbert, SARL Ortscheidt

Lyon, du 20 févr. 2020

20 février 2020

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à M. [R] [B] et Mme [Z] [B] de la reprise de l'instance en leur qualité d'héritiers de [E] [B], décédée le [Date décès 3] 2021.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 février 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 décembre 2017, pourvoi n° 13-24.057), le 11 janvier 2005, la société Banque régionale de l'Ain, aux droits de laquelle vient la société Lyonnaise de banque (la banque) a consenti à la société [R] [B] (la société [B]), un prêt d'un montant de 25 000 euros, garanti par le cautionnement solidaire de son gérant, M. [B], lequel avait, le 16 décembre 2004, adhéré auprès de la banque au contrat d'assurance de groupe qui visait ce prêt. [E] [B], son épouse commune en biens, est intervenue à l'acte de cautionnement pour y donner son consentement.

3. Plusieurs échéances du prêt cautionné étant restées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme et assigné M. [B] et son épouse en paiement du seul prêt cautionné. Ces derniers lui ont opposé diverses fautes afin de voir M. [B] déchargé de son obligation de paiement.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [Z] [B] font grief à l'arrêt, confirmant le jugement rendu le 16 mars 2012 par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, de condamner M. [B] au paiement de la somme de 6 692,72 euros, outre intérêts de retard au taux de 4,70 % l'an majoré de 3 points, soit 7,70 % l'an, à compter du 11 mars 2011 et jusqu'à complet paiement, de dire et juger que le règlement des condamnations pourra intervenir sur les biens communs des époux [B], [E] [B] ayant donné son engagement au cautionnement souscrit par M. [B], et de rejeter leurs demandes tendant à voir rejeter les demandes de la banque et voir décharger intégralement M. [B] de son obligation de remboursement, alors :

« 2°/ qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque avait éclairé M. [B] sur l'adéquation du risque couvert par le contrat d'assurance à sa situation personnelle d'emprunteur, compte tenu du fait que, dirigeant non salarié de la société [B] et caution des engagements de cette dernière, M. [B] assumait seul toutes les activités ressortissant de l'exploitation de la société, que ses revenus dépendaient uniquement de l'activité générée par la société et qu'il avait intérêt à être couvert des risques liés à une invalidité permanente totale ou partielle, ou toute autre incapacité, même partielle, sans franchise, ou avec une période de franchise moindre que celle prévue par le contrat d'assurance de groupe proposé par la banque, le cas échéant par la souscription d'une assurance complémentaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;

3°/ que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; que pour écarter les demandes de M. [B], la cour d'appel a exigé de lui qu'il justifie de l'existence sur le marché, à l'époque de la souscription du contrat de prêt litigieux, de contrats qui auraient pu lui être conseillés par la banque, offrant, pour un coût similaire, une période de franchise moindre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a exigé de l'assuré qu'il démontre que s'il avait été parfaitement informé par la banque sur l'adéquation ou non de l'assurance offerte à sa situation, il pouvait souscrire, de manière certaine, un contrat plus adapté, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

6. L'établissement de crédit qui propose à son client, auquel il consent un prêt, ou à la caution de ce prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle. Le préjudice résultant du manquement du banquier à cette obligation s'analyse en la perte de chance de contracter une assurance adaptée à la situation personnelle de l'emprunteur ou de la caution.

7. Pour rejeter la demande de décharge de son obligation de paiement du prêt cautionné, présentée par M. [B], qui invoquait une inadéquation du contrat d'assurance à sa situation personnelle en raison d'une franchise de 90 jours, d'une durée excessive au regard de sa situation personnelle de dirigeant non salarié et de caution du prêt consenti à sa société par la banque, l'arrêt retient que la seule existence d'une franchise de 90 jours ne peut suffire à démontrer l'inadéquation du contrat d'assurance à la situation personnelle de l'assuré au moment de son adhésion et que celui-ci ne justifie pas de l'existence, sur le marché de l'assurance, de contrats lui offrant une période de franchise moindre au même coût à l'époque où il s'est engagé.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'adéquation du contrat à la situation personnelle de M. [B], dirigeant non salarié et caution du prêt consenti à sa société, et à exclure toute perte de chance de souscrire un contrat plus adapté, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. M. et Mme [Z] [B] font le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; que, dans leurs conclusions d'appel n° 3, les époux [B] soutenaient qu'en écartant de manière inexpliquée la mise en place du prêt Oseo, la banque avait placé la société [B] dans une situation de précarité et qu'elle avait refusé de faire bénéficier la société d'un prêt Oseo et substitué, dans son propre intérêt, à un financement à moyen terme un financement à court terme et précaire, plus rémunérateur pour elle, qui avait conduit à la liquidation judiciaire de la société compte tenu de son coût trop élevé ; qu'en considérant que l'argumentation de M. [B] consistait seulement à critiquer, sur le terrain de l'octroi d'un soutien abusif ou d'un octroi abusif de prêt, la mise en place d'un prêt Oseo, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

11. Pour rejeter la demande de décharge de son obligation à paiement, l'arrêt retient que, si M. [B] peut, en sa qualité caution, se prévaloir d'une faute de la banque consistant dans un soutien abusif ou un octroi abusif de crédit à la société emprunteuse, il lui appartient de démontrer que les conditions de l'article 650-1 du code de commerce sont réunies et qu'il se contente de critiquer la mise en place d'un prêt Oseo sans justifier d'aucun élément permettant de démontrer l'existence d'une faute de la banque au regard des circonstances exceptionnelles exigées par la loi.

12. En statuant ainsi, alors que, dans leurs écritures d'appel, M. [B] et [E] [B] reprochaient à la banque, non d'avoir mis en place un prêt Oseo, mais d'avoir fait obstacle à la conclusion d'un tel prêt, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.