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Décisions

Cass. com., 4 mai 2017, n° 15-18.259

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau et Fattaccini

Poitiers, du 3 mars 2015

3 mars 2015


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 mars 2015), que par un acte du 30 avril 2008, la Caisse d'épargne et de prévoyance Bretagne-Pays de la Loire (la Caisse) a consenti à la société Lepol (la société) un prêt garanti par un nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société et par les cautionnements solidaires, souscrits le même jour, de ses associés, M. X...et M. Y... ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la Caisse a assigné M. Y... en paiement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger qu'il a souscrit un cautionnement manifestement disproportionné et de le condamner à payer à la Caisse diverses sommes alors, selon le moyen :

1°/ que pour apprécier le caractère manifestement disproportionné d'un engagement de caution au regard des biens et revenus de celle-ci, le juge doit tenir compte du passif d'une société civile immobilière dont la caution est associée constitué par le prêt que cette société a souscrit pour financer l'acquisition du bien immobilier dont elle est propriétaire ; que pour affirmer que le cautionnement litigieux n'était pas disproportionné lors de sa souscription, l'arrêt attaqué a énoncé, d'une part, que la caution soutient de manière inopérante qu'elle aurait supporté des charges mensuelles de 3 496 euros au titre des emprunts immobiliers souscrits par la SCI Erpol dont elle était associée, dès lors que ceux-ci avaient été souscrits par cette société civile immobilière, et non par la caution personnellement, d'autre part, que la caution soutient que l'actif net de cette société s'élevait à la somme de 12 705 euros lors de la souscription du cautionnement, de sorte que cette société pouvait répondre elle-même de son passif sans que la responsabilité des associés dût être mobilisée ; qu'en refusant ainsi, pour évaluer le patrimoine de M. Y..., de tenir compte du passif de la SCI Erpol constitué par les prêts immobiliers que cette dernière avait souscrits pour financer l'acquisition du bien immobilier dont elle était propriétaire, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, ensemble l'article 1857 du code civil ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions écrites des parties ; que, dans ses conclusions récapitulatives, l'intimée soutenait que, dans le questionnaire signé par M. Y... le 15 avril 2008, celui-ci avait déclaré devoir la somme de 18 000 euros, correspondant à des mensualités de 550 euros, au titre d'un emprunt à la consommation contracté en 2007 sur trois ans et elle admettait que ce passif devait être pris en compte pour apprécier l'endettement de la caution lors de la souscription de l'engagement litigieux ; qu'en affirmant que M. Y... soutient de manière inopérante qu'il aurait supporté des charges mensuelles de 550 euros au titre d'un crédit à la consommation, dès lors qu'il ne justifie pas aucune des pièces produites de l'existence de ce crédit, alors que l'existence de ces charges était acquise aux débats, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause et que le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui suppose que les prétentions d'une partie induisent l'adversaire en erreur sur les intentions de leur auteur ; que l'arrêt attaqué a affirmé qu'en vertu du « principe de la prohibition de l'auto-contradiction au détriment d'autrui », M. Y... n'était pas recevable à soutenir que ses revenus se seraient limités à un salaire de 1 400 euros par mois au moment de la souscription de son engagement, dès lors que le questionnaire destiné à la Caisse d'épargne et qu'il avait signé le 15 avril 2008 comportait une mention manuscrite selon laquelle ses revenus étaient constitués d'un salaire de 1 400 euros par mois et de dividendes à hauteur de 90 000 euros par an ; qu'en statuant ainsi, quand le défendeur à l'action était recevable à proposer au juge son interprétation des documents de la cause, à charge pour celui-ci d'en apprécier le bien-fondé, la cour d'appel a violé les articles 72 et 122 du code de procédure civile ;

4°/ que l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier doit vérifier l'exactitude en présence d'anomalies apparentes ; que pour affirmer que M. Y... n'était pas recevable à soutenir que ses revenus se seraient limités à un salaire de 1 400 euros par mois au moment de la souscription de son engagement, la cour d'appel a énoncé que le questionnaire destiné à la Caisse d'épargne et qu'il avait signé le 15 avril 2008 comportait une mention manuscrite selon laquelle ses revenus étaient constitués d'un salaire de 1 400 euros par mois et de dividendes à hauteur de 90 000 euros par an ; qu'en statuant ainsi, quand ce document indiquait ensuite, au titre des ressources de M. Y... : « total mensuel : 1 400 € », ce dont il résultait qu'il appartenait aux juges du fond d'interpréter le sens de cet écrit dans son ensemble pour vérifier s'il ne comportait pas une anomalie apparente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

Mais attendu, en premier lieu, que si, aux termes de l'article 1857, alinéa 1er, du code civil, les associés d'une société civile répondent envers les tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital, les créanciers ne peuvent, selon l'article 1858 du même code, poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ; qu'ayant retenu qu'en avril 2008, l'actif net des sociétés civiles dans lesquelles M. Y... détenait des parts s'élevait, pour la SCI Erpol, à 12 705 euros, et pour la SCI Orlea à la somme de 3 038 euros, de sorte que la société pouvait répondre elle-même de son passif sans que la responsabilité des associés dût être mobilisée, et dès lors que M. Y... n'alléguait pas que la Caisse avait vainement dirigé ses demandes contre les sociétés débitrices, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que loin de déclarer la caution irrecevable en sa démonstration de la disproportion alléguée, l'arrêt, après avoir relevé que le questionnaire confidentiel, daté par M. Y... du 15 avril 2008 et signé par lui, comportait une mention manuscrite selon laquelle ses revenus étaient constitués d'un salaire de 1 400 euros par mois et de dividendes à hauteur de 90 000 euros par an, induisant un revenu mensuel total de 8 900 euros par mois, et que l'existence de ces dividendes n'était démentie par aucun élément objectif, tel les avis d'imposition sur les revenus de 2007 et 2008, que M. Y... s'est abstenu de produire, retient que le montant des mensualités du prêt litigieux s'élève à 4 359, 28 euros assurance comprise, l'engagement de caution de M. Y... étant ainsi de nature à lui laisser un disponible de plus de 4 500 euros par mois, étant observé qu'il ne supporte aucune charge de logement ; qu'ayant ainsi interprété ledit questionnaire, en l'état des mentions ambiguës qu'il comportait, celles imprimées ne comportant pas l'indication des dividendes, et dès lors que la caution n'invoquait aucune anomalie apparente, la cour d'appel a souverainement estimé que M. Y... ne prouvait pas que le cautionnement litigieux était manifestement disproportionné ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger que la Caisse a obtenu des garanties disproportionnées au regard des concours bancaires octroyés à la société Lepol et qu'elle a commis des fautes dans l'octroi d'un prêt à cette dernière, de dire la Caisse recevable et bien fondée dans ses demandes et, en conséquence, de le condamner à payer à la Caisse diverses sommes alors, selon le moyen :

1°/ que le caractère disproportionné des garanties prises en contrepartie des concours consentis au débiteur principal suppose de vérifier l'adéquation entre le montant de la créance garantie et les garanties accordées au créancier prises dans leur ensemble ; qu'en portant au contraire une appréciation isolée sur chacune des trois garanties obtenues par l'établissement de crédit, et en l'effectuant au regard de l'aptitude des seuls cofidéjusseurs à accorder d'autres garanties au débiteur principal, quand il lui appartenait de procéder à une appréciation d'ensemble du caractère disproportionné de ces garanties au regard du montant de la créance garantie, la cour d'appel a violé l'article L. 650-1 du code de commerce ;

2°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'à supposer même que le caractère disproportionné des garanties prises doive être apprécié au regard des possibilités futures d'obtention de crédit par le débiteur principal, la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen, en ce que l'arrêt attaqué a retenu à tort que le cautionnement souscrit par M. Y... n'était pas manifestement disproportionné, entraînera par voie de conséquence, par application de l'article 624 du code de procédure civile, celle du chef de dispositif ayant débouté M. Y... de ses prétentions fondées sur le caractère disproportionné des garanties prises par la Caisse d'épargne, dès lors que l'arrêt s'est fondé sur l'absence de caractère manifestement disproportionné de ce cautionnement pour statuer en ce sens ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 650-1 du code de commerce que, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ; qu'ayant écarté toute faute dans l'octroi par la Caisse du prêt litigieux, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une appréciation d'ensemble du caractère disproportionné des garanties qui l'assortissaient ;

Et attendu, d'autre, part, que le premier moyen étant rejeté, le moyen qui, en sa seconde branche, invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.