CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 21 juin 2016, n° 15/00612
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
B. dit C. V., J. B., J. N. dite N., A. R., CLICHE (SARL), STYRENE MUSIC (SASU)
Défendeur :
BARBARA B. (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Monsieur Benjamin RAJBAUT
Conseillers :
Mme Nathalie AUROY, Madame Isabelle DOUILLET
Avocats :
SCP Jeanne B., Me Edouard M., SELARL LEXAVOUE PARIS -VERSAILLES, SCP D., G. & ASSOCIES
MM Benjamin B., dit C. V. et Julien B. sont auteurs, compositeurs et interprètes au sein du groupe de musique électronique Bot'Ox et ont notamment écrit, composé et interprété d'une part le titre 'Crashed Cadillac' et d'autre part le titre 'Tout passe, tout lasse, tout casse' en collaboration ave Mme Judy N., dite N. qui en est aussi l'une des interprètes et M. Arnaud R. ;
M. Benjamin B. a créé en 2003 l'EURL I'm a Cliché (ci-après Cliché) afin d'éditer des oeuvres musicales et de produire des enregistrements phonographiques, à commencer par les créations du groupe Bot'Ox ;
M. Julien B. a quant à lui créé l'EURL La Truite afin d'éditer ou de co-éditer les oeuvres créées par lui, seul ou en collaboration, cette société est dissoute depuis le 31 décembre 2013 ;
Afin de dissocier les activités de production et d'édition musicale exercées jusque-là par la société Cliché, M. Benjamin B. a créé la société d'édition Styrène Music, la société Cliché poursuivant ses activités de producteur de phonogramme ;
Après avoir été éditées par les sociétés Cliché et La Truite, les deux oeuvres Crashed Cadillac et Tout passe, tout lasse sont co-éditées par la SAS Styrène Music, M. Julien B. (en ce qui concerne Crashed Cadillac) et M. Julien B., Mme Judy N. et M. Arnaud R. (en ce qui concerne Tout passe, tout lasse, tout casse) ;
Ces oeuvres ont fait l'objet d'enregistrements phonographiques produits par la SARL Cliché, qui ont été publiés le 25 octobre 2010 au sein de l'album 'Babylon by car' ;
La SA Barbara B. est une maison de prêt-à-porter créée en 1987 et a organisé le 03 mars 2011 à Paris un défilé de mode afin de présenter sa collection automne-hiver 2011/2012 avec pour bande sonore un enchaînement d'oeuvres musicales, dont les titres Crashed Cadillac (à deux reprises) et Tout passe, tout lasse, tout casse en s'acquittant auprès de la SACEM du paiement des redevances dues du fait de la diffusion de ces oeuvres musicales ;
Le 12 mars 2011 une captation audiovisuelle de ce défilé, réalisée par la SA Barbara B., a été mise en ligne sur la plate-forme contributive de contenus Youtube par cette société et par la chaîne de télévision Fashion TV ;
Estimant que la SA Barbara B. utilisait les enregistrements de ces deux oeuvres musicales sans son autorisation, MM Julien B. et Benjamin B. et les sociétés Cliché et La Truite ont, le 11 février 2013, mis en demeure la SA Barbara B. de cesser toute exploitation du défilé de mode, sous quelque forme que ce soit, dès lors qu'il intègre ces oeuvres ou leur enregistrement ;
Le 22 février 2013 MM Julien B. et Benjamin B. et les sociétés Cliché et La Truite ont prié la SA Barbara B. de formuler une proposition amiable d'indemnisation tendant à mettre fin au litige ;
Ces démarches étant demeurées infructueuses, MM Julien B. et Benjamin B. et les sociétés Cliché et La Truite ont fait assigner le 20 juin 2013 la SA Barbara B. devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de leurs droits d'auteurs et de leurs droits voisins ;
Le 06 mai 2014 la SASU Styrène Music, Mme Judy N. et M. Arnaud R. sont intervenus volontairement à cette instance en invoquant leurs droits patrimoniaux sur les deux oeuvres musicales en litige ;
Par jugement contradictoire du 20 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :
M. Benjamin B., dit C. V., M. Julien B., Mme Judy N., dite N., M. Arnaud R., la SARL Cliché et la SASU Styrène Music ont interjeté appel de ce jugement le 07 janvier 2015 ;
Par leurs dernières conclusions, transmises par RPVA le 18 mars 2016 , M. Benjamin B., dit C. V., M. Julien B., Mme Judy N., dite N., M. Arnaud R., la SASU Styrène Music et la SARL Cliché demandent :
Par ses dernières conclusions d'appel incident récapitulatives, transmises par RPVA le 16 février 2016 , la SA Barbara B. demande :
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2016
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
I : SUR LA RECEVABILITÉ DES ACTIONS EN CONTREFAÇON DES DROITS PATRIMONIAUX D'AUTEUR :
Considérant que les premiers juges ont déclaré MM Benjamin B. et Julien B. (ce dernier y compris en sa qualité d'ancien associé unique de la SARL La Truite) et les sociétés Styrène Music et Cliché irrecevables à agir en contrefaçon de droits patrimoniaux d'auteur, faute pour eux de démontrer la titularité des droits qu'ils invoquent ;
Qu'ils ont également déclaré Mme Judy N. et M. Arnaud R. irrecevables à agir pour atteinte à leurs droits voisins d'artiste-interprète pour les mêmes motifs tirés de la confusion relevée au titre des droits d'auteur, les cessions successives portant également sur leurs droits d'artiste-interprète ;
Considérant que les appelants font d'abord valoir qu'ils n'ont jamais présenté de demandes fondées sur la violation de leurs droits voisins patrimoniaux d'artiste-interprète et qu'en statuant sur ce point, le tribunal a méconnu l'objet du litige ;
Qu'en ce qui concerne la titularité des droits patrimoniaux d'auteur, MM Benjamin B. et Julien B. exposent être les titulaires originaires des droits afférents à l'oeuvre Crashed Cadillac en leur qualité d'auteurs et compositeurs, ainsi que sur l'oeuvre Tout passe, tout lasse, tout casse ;
Qu'ils précisent que ces droits ont été transmis par certains des auteurs et compositeurs à leurs éditeurs respectifs, puis recouvrés, puis cédés à nouveau à un nouvel éditeur mais qu'en revanche ils n'ont jamais été transmis à la SACEM, leurs apports ayant été limités aux seuls droits d'exécution publique et de reproduction mécanique et non pas aux droits d'adaptation ;
Que les appelants ajoutent que sont présents à la procédure tant les titulaires actuels de ces droits (la SASU Styrène et M. Julien B. en qualité d'éditeur à compte d'auteur pour l'oeuvre Crashed Cadillac, la SASU Styrène, MM Julien B. et Arnaud R. en qualité d'éditeurs à compte d'auteur et Mme Judy N. pour l'oeuvre Tout passe, tout lasse, tout casse) que, subsidiairement, les titulaires de ces droits à l'époque des faits (la SARL Cliché et M. Julien B. aux droits de la SARL La Truite pour l'oeuvre Crashed Cadillac, Mme Judy N., MM Arnaud R. et Julien B. et la SARL Cliché pour l'oeuvre Tout passe, tout lasse, tout casse) ;
Que très subsidiairement, ils invoquent le bénéfice de la présomption de titularité de la SARL Cliché ;
Considérant que la SA Barbara B. conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes au titre des droits patrimoniaux d'auteur du fait de l'impossible identification des titulaires des droits patrimoniaux d'auteur des oeuvres revendiquées ;
Qu'elle soutient qu'une incertitude demeure quant aux titulaires des droits patrimoniaux d'auteur relatifs à l'oeuvre Crashed Cadillac initialement cédés par MM Julien B. et Benjamin B. et qu'il est de même impossible de déterminer les titulaires de l'oeuvre Tout passe, tout lasse, tout casse ;
Que subsidiairement elle soulève l'irrecevabilité des demandes du fait de l'adhésion à la SACEM des prétendus titulaires des droits patrimoniaux d'auteur sur ces oeuvres, faute de rapporter la preuve d'une carence de la SACEM à avoir agi en contrefaçon de leurs droits ;
Qu'elle conclut également à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes au titre des droits patrimoniaux d'artiste-interprète ;
Considérant ceci exposé, qu'il sera en premier lieu relevé qu'en première instance Mme Judy N. et M. Arnaud R. n'ont présenté aucune demande au titre de leurs droits voisins d'artiste-interprète de telle sorte que c'est à tort que les premiers juges ont statué sur une telle demande en la déclarant irrecevable ; qu'en conséquence le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;
Considérant qu'en ce qui concerne la recevabilité des actions en contrefaçon des droits patrimoniaux d'auteur des deux oeuvres Crashed Cadillac et Tout passe, tout lasse, tout casse, il convient au préalable de se prononcer sur les circonstances dans lesquelles ces oeuvres ont été reproduites par la SA Barbara B. dans le cadre de son défilé de mode du 03 mars 2011 et de sa captation sur support audiovisuel et sur l'étendue des droits dont il a été fait apport à la SACEM ;
Considérant en premier lieu que ce défilé de mode et sa captation doivent recevoir la qualification juridique d'oeuvres composites au sens de l'article L 113-2, 2ème alinéa du code de la propriété intellectuelle puisqu'ils incorporent en sonorisation du défilé les oeuvres musicales Crashed Cadillac et Tout passe, tout lasse, tout casse sans la collaboration des auteurs de ces oeuvres ;
Considérant qu'au contraire de ce que soutiennent les appelants, l'oeuvre composite doit être distinguée de l'adaptation d'une oeuvre préexistante dans la mesure où, ainsi que l'énonce l'article L 113-2, 2ème alinéa, l'incorporation de cette oeuvre suppose qu'elle se trouve intégrée, telle quelle sans modification, dans l'oeuvre seconde, qu'ainsi la reprise des deux oeuvres musicales revendiquées dans le cadre de la sonorisation du défilé de mode du 03 mars 2011, qui a ensuite fait l'objet d'une captation audiovisuelle, n'est pas une adaptation de ces oeuvres mais leur reproduction ;
Considérant que l'article L 113-4 dispose que l'oeuvre composite est la propriété de l'auteur, sous réserve des droits de l'auteur de l'oeuvre préexistante ; que l'incorporation de l'oeuvre préexistante doit donc être faite avec le consentement de l'auteur ou des ses ayants droit ou ayants cause conformément aux dispositions de l'article L 122-4, ce consentement portant donc sur la représentation ou la reproduction intégrale ou partielle de l'oeuvre première au sens de la première phrase de cet article et non pas sur son adaptation au sens de la deuxième phrase ;
Considérant en second lieu qu'il est constant, ainsi que cela résulte des pièces versées aux débats, que les auteurs des oeuvres Crashed Cadillac (MM Benjamin B., dit C. V. et Julien B.) et Tout passe, tout lasse, tout casse (MM Benjamin B., Julien B. et Arnaud R. et Mme Judy N., dite N.) les ont déclarées à la SACEM dont ils sont membres (pièces 22, 24, 27, 27bis et 32 de leur dossier) ;
Considérant qu'il ressort de l'article 1er des statuts de la SACEM que 'Tout auteur, auteur-réalisateur ou compositeur admis à adhérer aux présents Statuts fait apport à la société, du fait même de cette adhésion, en tous pays et pour la durée de la société, du droit d'autoriser ou d'interdire l'exécution ou la représentation publique de ses oeuvres, dès que créées' et de l'article 2 que 'Du fait même de leur adhésion aux présents Statuts, les Membres de la société lui apportent, à titre exclusif et pour tous pays, le droit d'autoriser ou d'interdire la reproduction mécanique de leurs oeuvres telles que définies à l'article 1er ci-dessus, par tous moyens connus ou à découvrir' ;
Considérant en conséquence que l'adhésion de MM Benjamin B., Julien B. et Arnaud R. et de Mme Judy N. à la SACEM a entraîné l'apport de leur droit patrimonial d'auteur d'autoriser ou d'interdire la reproduction de leurs oeuvres musicales, ce qui inclut, comme en l'espèce, l'utilisation de ces oeuvres pour sonoriser le défilé de mode du 03 mars 2011 ainsi que sa captation, ces auteurs ne pouvant remettre en cause l'autorisation ainsi donnée à la SACEM en invoquant une prétendue adaptation de leurs oeuvres ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'un protocole d'accord a été passé le 31 juillet 1997 (avec avenant du 08 mars 2003) entre la SACEM et la Fédération française de la couture, du prêt à porter, des couturiers et des créateurs de mode (pièce 1 de la SA Barbara B.) dont fait partie la SA Barbara B. (pièce 5 de son dossier), aux termes duquel la SACEM s'engage à accorder à tout adhérent de la Fédération l'autorisation de représentation ou de reproduction prévue par les articles L 122-4 et L 132-18 du code de la propriété intellectuelle afin 'd'exécuter, de faire ou laisser exécuter publiquement les oeuvres du répertoire de la SACEM qu'il jugera bon d'utiliser, d'utiliser, aux seules fins d'exécution publique, les phonogrammes licitement commercialisés pour l'usage privé sur le territoire français, au titre du droit de reproduction mécanique des auteurs ou de leurs ayants droit dont la gestion lui est confiée, d'utiliser, aux seules fins d'exécution publique à l'exclusion de leurs projections dans les salles de spectacles cinématographiques, les vidéogrammes licitement commercialisés pour l'usage privé sur le territoire français, étant précisé qu'en ce qui concerne notamment les films cinématographiques exploités ou destinés à être exploités dans les salles de spectacles cinématographiques qui ont été reproduits sur vidéogrammes, cette autorisation ne se rapporte qu'aux seules oeuvres du répertoire de la SACEM' ;
Qu'il est expressément stipulé que demeurent réservés les autres droits non administrés par la SACEM qui pourraient être exercés, 'les adhérents faisant leur affaire personnelle de l'obtention des autorisations des autres titulaires de droits non couverts par le présent protocole, conformément notamment aux dispositions des articles L 212-3, L 213-1, L 214-1 et L 215-1 du code de la propriété intellectuelle et aux dispositions réglementaires en vigueur' ainsi que le droit moral des auteurs ;
Que c'est en exécution de ce protocole qu'à la suite du défilé de mode du 03 mars 2011 sonorisé notamment par les deux oeuvres revendiquées, que la SACEM a adressé à la SA Barbara B. le 09 juin 2011 une facture d'un montant de 1.110,93 € au titre des redevances dues par elle (pièce 2 de la SA Barbara B.) ;
Considérant en conséquence que la SA Barbara B. a bien obtenu de la SACEM son consentement à la reproduction des oeuvres Crashed Cadillac et Tout passe, tout lasse, tout casse et a réglé le montant des redevances ainsi dues à ce titre ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'en application de l'article 1er des statuts de la SACEM, les auteurs, du fait de leur apport de l'exercice de leurs droits patrimoniaux à la SACEM, sont irrecevables, sauf carence de cette société, à agir personnellement en défense de ceux-ci ;
Considérant par ailleurs que les oeuvres Crashed Cadillac et Tout passe, tout lasse, tout casse ont été respectivement déclarées à la SACEM les 09 février 2006 et 06 octobre 2010, soit antérieurement ou concomitamment avec les premiers actes de cession et d'édition aux sociétés Cliché et La Truite (respectivement 11 août 2009 et 06 octobre 2010) ; qu'il s'ensuit que les sociétés Styrène Music et la SARL Cliché sont également irrecevables à agir sur le fondement des droits patrimoniaux d'auteur concernant ces deux oeuvres ;
Considérant que par ces motifs, se substituant à ceux des premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les appelants à agir en contrefaçon des droits patrimoniaux d'auteur ;
II : SUR L'ACTION AU TITRE DES DROITS MORAUX D'AUTEUR ET D'ARTISTE-INTERPRÈTE :
Considérant que MM Benjamin B., Julien B. et Arnaud R. et Mme Judy N., auteurs et artistes-interprète (à l'exception de M. Arnaud R.) des deux oeuvres revendiquées, exposent que celles-ci ont été tronquées et mixées avec des enregistrements réalisés par des tiers et qu'il a ainsi été porté atteinte à leur droit moral d'auteur et d'artiste-interprète ;
Qu'ils ajoutent que leurs enregistrements ont été exploités pour assurer la promotion d'une collection de la SA Barbara B. et que cette dernière a donc détourné les oeuvres en cause de leur finalité première, ce changement de destination comme de leur interprétation ayant également porté atteinte à leur droit moral d'auteur et d'artiste-interprète ;
Qu'ils réclament à ce titre la somme de 10.000 € de dommages et intérêts chacun pour MM Benjamin B. et JULIEN B. et la somme de 5.000 € chacun pour M. Arnaud R. et Mme Judy N. en réparation de leur préjudice moral d'auteurs et la somme de 10.000 € chacun pour MM Benjamin B. et Julien B. et la somme de 5.000 € pour Mme Judy N. en réparation de leur préjudice moral d'artiste-interprète ;
Considérant que la SA Barbara B., appelante incidente de ces chefs, réplique que les oeuvres musicales n'ont pas fait l'objet d'un remix ou d'un mix susceptible de porter atteinte au droit au respect de ces oeuvres, lesquelles se sont exclusivement enchaînées lors du défilé, une compilation n'étant pas, par principe, attentatoire au respect de l'oeuvre ;
Qu'elle ajoute que ces oeuvres n'ont pas été altérées et/ou modifiée et que leur diffusion, autorisée par la SACEM, est intervenue dans le cadre d'un défilé de mode gratuit et auquel un nombre restreint de personnes ont assisté et qu'elles n'ont pas subi un changement de destination ;
Que pour les mêmes motifs elle soutient que la prétendue atteinte au droit moral des artistes-interprète n'est pas davantage fondée ;
Considérant ceci exposé, que comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, MM Benjamin B., Julien B. et Arnaud R. et Mme Judy N. conservent l'exercice de leur droit moral d'auteur pour lequel l'article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ;
Qu'en outre MM Benjamin B. et Julien B. et Mme Judy N. bénéficient du droit moral voisin de l'artiste-interprète, lequel a, selon l'article L 212-2, le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation ;
Considérant que c'est par des motifs pertinents et exacts, tant en fait qu'en droit, que la cour adopte, que le jugement entrepris a relevé que l'oeuvre Crashed Cadillac d'une durée de 8 minutes et 3 secondes n'avait été reproduite que durant 1 minute et 49 secondes puis 1 minute et 40 secondes et que l'oeuvre Tout passe, tout lasse, tout casse d'une durée de 5 minutes et 19 secondes n'était audible que durant 2 minutes et que ces deux oeuvres avaient ainsi été significativement tronquées, l'effet de crescendo propre au genre de la musique électronique étant anéanti et qu'une telle modification des oeuvres les altérait dans leur forme et constituait une atteinte au droit au respect dont sont titulaires tant les auteurs des oeuvres que leurs artistes-interprète ;
Que c'est également par des motifs que la cour adopte que le jugement a en revanche dit que le changement de destination des oeuvres ne pouvait être retenu comme une atteinte au droit moral d'auteur et d'artiste-interprète ;
Qu'il sera simplement rectifié une erreur matérielle sur les qualités respectives des appelants, l'oeuvre Crashed Cadillac ayant pour auteurs MM Benjamin B. et Julien B. et étant interprétée par eux et l'oeuvre Tout passe, tout lasse, tout casse ayant pour auteurs MM Benjamin B., Julien B. et Arnaud R. et Mme Judy N. et étant interprétée par MM Benjamin B. et Julien B. et Mme Judy N. ;
Considérant que sous réserve de cette rectification des qualités des appelants, il apparaît que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des préjudices ainsi subis, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SA Barbara B. à payer de ces chefs à MM Benjamin B. et Julien B. la somme de 1.000 € chacun en réparation de leurs préjudices moraux d'auteurs et d'artistes-interprète des oeuvres Crashed Cadillac et Tout passe, tout lasse, tout casse, à Mme Judy N. la somme de 500 € en réparation de ses préjudice moraux d'auteur et d'artiste-interprète de l'oeuvre Tout passe, tout lasse, tout casse et à M. Arnaud R. la somme de 500 € en réparation de son préjudice moral d'auteur de cette oeuvre ;
III : SUR L'ACTION AU TITRE DU DROIT VOISIN DE PRODUCTEUR DE PHONOGRAMME :
Considérant que la SARL Cliché fait valoir qu'elle est titulaire des droits voisins afférents au phonogramme qu'elle exploite et que si elle a donné mandat à la Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France (SPPF) mandat pour collecter les sommes lui revenant au titre de la rémunération équitable et de la copie privée ainsi que pour autoriser certaines exploitations de ses phonogrammes, le droit d'autoriser la communication au public des phonogrammes pour la sonorisation d'un spectacle ne figure dans aucun de ses mandats de telle sorte qu'en s'abstenant d'obtenir son autorisation pour diffuser les enregistrements en tant que bande son du défilé et pour les reproduire au sein de la captation audiovisuelle, la SA Barbara B. a violé ses droits voisins de producteur de phonogramme dont elle est titulaire ;
Qu'elle réclame à ce titre la somme forfaitaire de 150.000 € en réparation de l'incorporation du phonogramme Crashed Cadillac à deux reprises au sein du défilé et de son enregistrement vidéo et la somme forfaitaire de 75.000 € en réparation de l'incorporation du phonogramme Tout passe, tout lasse, tout casse au sein du défilé et de son enregistrement vidéo ;
Considérant que la SA Barbara B., appelante incidente de ce chef, conteste l'existence d'une violation des droits voisins de producteur de phonogramme en faisant valoir que la Société de Perception de la Rémunération Équitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce (SPRE) a signé un contrat de prestations avec la SACEM qu'elle a chargée de collecter cette rémunération dans les lieux sonorisés, les utilisateurs d'enregistrements d'oeuvres musicales ayant ainsi un interlocuteur unique, la SACEM, qui collecte les redevances ainsi dues au titre des droits voisins et qu'en l'espèce la note de débit du 09 juin 2011 de la SACEM comprend bien la rémunération équitable due au titre de la licence légale de l'article L 214-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Qu'elle en conclut que dès lors qu'elle a réglé la rémunération équitable, elle n'a commis aucun acte de contrefaçon de droits voisins vis-à-vis de la SARL Cliché ;
Considérant ceci exposé que l'article L 214-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer à sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle ;
Que cet article crée ainsi une limite au droit exclusif du producteur de phonogrammes prévue à l'article L 213-1, en instituant un système de licence légale supprimant l'exigence du consentement du titulaire de ce droit pour n'accorder qu'un droit à rémunération équitable en cas d'utilisation par un tiers de la production ;
Considérant que les premiers juges ont écarté l'application de cet article au motif qu'un défilé de mode, orchestré, mis en scène et chorégraphié pour séduire le public auquel il est offert, constitue un spectacle échappant ainsi à la licence légale ;
Mais considérant qu'à la différence par exemple d'une représentation théâtrale ou d'une projection cinématographique qui constituent des spectacles, un défilé de mode a avant tout pour objet de proposer à un public de professionnels ou d'amateurs éclairés de la mode, les dernières créations d'une maison de couture ou, comme en l'espèce, de prêt-à-porter, portées par des mannequins et non pas de distraire ou d'amuser les spectateurs du défilé ;
Qu'ainsi un défilé de mode ne saurait recevoir la qualification de spectacle, de telle sorte que la communication directe au public, au cours de ce défilé, d'un phonogramme publié à des fins de commerce, comme en l'espèce, bénéficie de la licence légale de l'article L 214-1 excluant l'exigence du consentement de la SARL Cliché, titulaire du droit voisin du producteur de phonogramme ;
Considérant qu'il ressort des éléments de la cause que la SPRE, cogérée par les quatre sociétés de perception et de répartition des droits voisins, notamment par la SPPF (à laquelle la SARL Cliché a donné mandat), a, dans le cadre d'un mandat légal, la charge de la collecte de la rémunération équitable qui est répartie par ses sociétés membres, lesquelles les répartissent ensuite directement aux artistes-interprètes et aux producteurs ;
Que la SPRE a mandaté la SACEM pour percevoir la rémunération équitable en son nom et qu'il apparaît que la SA Barbara B. a bien versé cette rémunération équitable puisque la SACEM a effectivement collecté cette rémunération, sa note de débit du 09 juin 2011 faisant expressément mention de la SPRE ;
Considérant dès lors que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la SA Barbara B. à payer à la SARL Cliché la somme de 10.000 € en réparation du préjudice causé par l'atteinte à ses droits de producteur du phonogramme 'Babylon by car' sur lequel figurent les oeuvres 'Crashed Cadillac' et 'Tout passe, tout lasse, tout casse', et que statuant à nouveau, la SARL Cliché sera déboutée de ses demandes à ce titre ;
IV : SUR LES AUTRES DEMANDES :
Considérant qu'aucune raison tirée de l'équité ne commande le prononcé de condamnations au paiement des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;
Considérant que M. Benjamin B., M. Julien B., Mme Judy N., M. Arnaud R., la SASU Styrène Music et la SARL Cliché, parties perdantes en leur appel, seront condamnés in solidum au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement entrepris - par substitution de motifs en ce qu'il déclaré irrecevables les demandes de M. Julien B., M. Benjamin B., M. Arnaud R., Mme Judy N., la SARL Cliché et la SASU Styrène Music au titre des droits patrimoniaux d'auteur et en rectifiant l'erreur matérielle quant aux qualités des titulaires des droits moraux d'auteur et d'artistes-interprètes : l'oeuvre Crashed Cadillac ayant pour auteurs MM Benjamin B. et Julien B. et étant interprétée par eux et l'oeuvre Tout passe, tout lasse, tout casse ayant pour auteurs MM Benjamin B., Julien B. et Arnaud R. et Mme Judy N. et étant interprétée par MM Benjamin B. et Julien B. et Mme Judy N. - sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. Arnaud R. et Mme Judy N. au titre des droits patrimoniaux d'artistes-interprètes et en ce qu'il a condamné la SA Barbara B. à payer à la SARL Cliché la somme de 10.000 € en réparation du préjudice causé par l'atteinte à ses droits de producteur du phonogramme 'Babylon by car' sur lequel figurent les oeuvres 'Crashed Cadillac' et 'Tout passe, tout lasse, tout casse',
Infirme de ces chefs le jugement entrepris et statuant à nouveau des chefs infirmés :
Dit n'y avoir lieu à statuer sur des demandes au titre des droits voisins patrimoniaux d'artistes-interprètes de M. Arnaud R. et de Mme Judy N. en l'absence de toute demande de leur part de ces chefs ;
Déboute la SARL Cliché de l'ensemble de ses demandes en qualité de producteur du phonogramme 'Babylon by car' sur lequel figurent les oeuvres 'Crashed Cadillac' et 'Tout passe, tout lasse, tout casse' ;
Dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnations au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ;
Condamne in solidum M. Benjamin B., dit C. V., M. Julien B., Mme Judy N., dite N., M. Arnaud R., la SASU Styrène Music et la SARL Cliché aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.