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Décisions

Cass. com., 17 décembre 1991, n° 89-18.302

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Chartres, du 23 mars 1989

23 mars 1989

Attendu, selon le jugement déféré, que la société de fabrication et de vente de produits pharmaceutiques Beaufour (société Beaufour) a constitué, avec cinq de ses filiales, un groupement d'intérêt économique dénommé Ibesis (le GIE) ; qu'elle a vendu au GIE un matériel informatique et des logiciels de production, de gestion du personnel, de gestion commerciale et de gestion financière, au moyen desquels elle assurait antérieurement sa propre gestion et fournissait des prestations aux filiales ; que le prix stipulé a été compensé partiellement avec le droit d'entrée de la société Beaufour dans le GIE ; que l'administration des Impôts a considéré que cette opération dissimulait une convention entrant dans les prévisions de l'article 720 du Code général des impôts et a émis un avis de mise en recouvrement des droits et pénalités estimés dus ; que le GIE a saisi le tribunal de grande instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le GIE fait grief au jugement de ne pas mentionner que les débats s'étaient déroulés en audience publique, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article L. 199 B du Livre des procédures fiscales, les affaires portées devant les juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, relatives au contentieux des impôts, taxes et redevances prévues par le Code général des impôts, ainsi que les amendes fiscales correspondantes, sont jugées en séance publique ; qu'en s'abstenant de constater que les débats s'étaient déroulés publiquement, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que, par application de l'article 446 du nouveau Code de procédure civile, la nullité fondée sur l'inobservation des dispositions relatives à la publicité des débats doit être invoquée avant leur clôture ; que, n'étant pas établi qu'il ait été ainsi procédé, le moyen est irrecevable ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 720 du Code général des impôts ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, les dispositions fiscales applicables aux mutations de propriété à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèles sont étendues à toute convention à titre onéreux ayant pour effet de permettre à une personne d'exercer une profession, une fonction ou un emploi occupé par un précédent titulaire ;

Attendu que, pour rejeter l'opposition de la société Beaufour à l'avis de mise en recouvrement, le jugement retient que, " lors de la création du GIE, la société anonyme Laboratoires Beaufour a, dans un premier temps, mis gratuitement à la disposition de celui-ci son service informatique, c'est-à-dire le personnel et les contrats de location IBM ; dans un deuxième temps, soit le 3 septembre 1979, les logiciels d'application ont été cédés pour la somme de 1 500 000 francs ; que ces logiciels doivent être considérés comme des éléments incorporels représentant l'activité même du service et non comme de simples biens meubles corporels, qu'en effet, les logiciels, qui sont qualifiés par le demandeur " comme les seuls biens nécessaires à l'exercice de l'activité du service informatique transféré ", ne sauraient être assimilés à de simples supports matériels ; qu'ils représentent, en raison de leur prix et de leur

valeur, le contenu du service transféré gratuitement un an auparavant ; qu'en conséquence, il s'agit donc bien d'un transfert d'activité à titre onéreux " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que le prix de cession du matériel et des logiciels était stipulé entre la société Beaufour et le GIE, tandis que le droit d'entrée était stipulé par les statuts du GIE constitué par la société Beaufour et ses filiales, d'où il suit qu'il n'était pas possible de retenir, pour établir le caractère onéreux de l'opération, des stipulations convenues entre parties différentes, et, dès lors, que ses motifs étaient inopérants, sans rechercher si l'opération litigieuse n'avait pas eu pour objet la réorganisation des relations entre la société mère et ses filiales, et, en conséquence, n'était pas à titre onéreux, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 720 du Code général des impôts ;

Attendu que ce texte n'est applicable qu'à des conventions ayant pour effet, par le seul accord des parties, de permettre l'exercice d'une activité identique à celle du précédent titulaire, fût-elle partielle, à proportion de la cessation d'activité volontaire de celui-ci ;

Attendu que, pour rejeter l'opposition du GIE à l'avis de mise en recouvrement, le jugement retient aussi qu'il y a identité partielle d'activité transférée entre la société Beaufour et le GIE ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société Beaufour utilisait, antérieurement à la cession, le matériel informatique et les logiciels cédés, d'un côté, pour sa propre gestion, activité sans caractère professionnel au sens de la loi, et, d'un autre côté, pour fournir des prestations à ses filiales, tandis que le GIE utilisait le même matériel et les logiciels pour fournir des prestations aux sociétés du groupe, et que son activité était ainsi professionnelle pour le tout, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige en appliquant aux faits constatés la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 23 mars 1989, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Chartres ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE l'avis de mise en recouvrement du 29 août 1986.