CA Versailles, 22 avril 2003, n° 2000-6376
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
Suivant acte en date du 21 décembre 1999, Monsieur X... a fait assigner la SA SAAB FRANCE devant le Tribunal d'Instance de Puteaux aux fins de la voir condamnée au paiement des sommes suivantes: - 5335,72 à titre de à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'immobilisation de son véhicule - 1791,39 au titre des frais de gardiennage de son véhicule - 2286, 74 en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile Par jugement contradictoire en date du 19 juillet 2000, le Tribunal d'Instance de Puteaux dit que Monsieur X... n'a pas qualité à agir et rejette les demandes plus amples ou contraires des parties. Par déclaration en date du 5 septembre 2000, Monsieur X... a interjeté appel de cette décision. La clôture a été prononcée le 7 février 2002 et l'affaire appelée à l'audience du 28 mai 2002.
Statuant avant dire droit en date du 6 septembre 2002, la Cour de céans a notamment ordonné la réouverture des débats et dit que les parties devraient s'expliquer sur l'application aux faits des articles 1386-7 et 1382 du Code Civil. Monsieur X... expose en premier qu'il était bien propriétaire du véhicule au moment de l'incident mécanique à savoir le 22 octobre 1997.La vente a été conclue le 6 septembre 1997. Il soutient aussi, suite au rapport de l'expert, que seul le constructeur est responsable de la panne. Il prétend qu'en application de l'article 1641 du Code Civil, le sous acquéreur d'une chose peut agir en garantie des vices cachés à l'encontre du vendeur initial. Il affirme que l'article 1386-7 du Code Civil ne peut s'appliquer en l'espèce. Monsieur X... ajoute que si la Cour de céans considère que l'action ne peut avoir un fondement contractuel, qu'il soit fait droit aux demandes de l'appelant sur le fondement délictuel. Monsieur X... demande donc à la Cour de: - Infirmer le jugement du Tribunal d'Instance de Puteaux - Evoquer le différent - Condamner la sociétè SAAB FRANCE à payer à Monsieur X... à titre de dommages et intérêts la somme de: 5335,72 correspondant au prix de vente inutilement payé et au frais annexes 1791,38 correspondant aux frais de gardiennage du véhicule immobilisé - Condamner la société SAAB FRANCE à payer à Monsieur X... la somme de 2500 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La sociétè SAAB FRANCE répond que la panne est intervenue 15 jours avant la vente.
Monsieur X... a donc acheté le véhicule en pleine connaissance de cause. La garantie légale des vices cachés ne peut s'appliquer en l'espèce. Elle ajoute que la vente n'a pu avoir lieu que le 8 novembre 1997. A la date retenue par Monsieur X..., le vendeur n'était pas encore propriétaire du véhicule. De plus, seule la date figurant sur la carte grise fait foi pour apprécier la date de la transaction. La société SAAB FRANCE soutient que le vice n'était pas antérieur à la vente puisque l'expert impute la panne à l'usure d'une pièce et que le véhicule a fait l'objet d'un usage conforme à sa destination pendant 7 ans. La société SAAB FRANCE prie donc en dernier la Cour de :
- Confirmer le jugement entrepris rendu le 19 juillet 2000 par le Tribunal d'Instance de Puteaux
- Dire et juger que la date de la mutation c'est-à-dire la date de la vente du véhicule litigieux intervenue entre Madame Y... et Monsieur X... est "date de la mutation portée sur la carte grise", en application de l'article R 113 du Code de la Route résultant du décret nä93-255 du 25 février 1993, texte d'ordre public.
-Constater et dire et juger que Monsieur X... agit de mauvaise foi en voulant se prévaloir d'un certificat pour le moins erroné de vente revêtu de la date délibérément inexacte du 6 septembre 1997, soit 15 jours après la survenance de la panne représentée par la rupture de la chaîne de distribution survenue le 22 octobre 1997 ;
-Accueillir la fin de non-recevoir opposée par la Société SAAB FRANCE résultant du défaut de qualité à agir de Monsieur X... dès lors qu'à la date de survenance de cette panne, le 22 octobre 1997 Monsieur X... n'était pas encore devenu propriétaire du véhicule qu'il n'a acquis que le 8 novembre 1997, en pleine connaissance de cause de la survenance de cette panne du 22 octobre 1997 dont il a fait constater l'existence par le Cabinet d'expertise GEETA qu'il a mandaté, dès le 4 novembre 1997 soit avant la date du 8 novembre 1997 ;
-Dire et juger qu'en toute hypothèse la survenance de cette panne pourrait tout au plus ne constituer qu'un vice apparent au sens de l'article 1642 du Code Civil puisque l'acheteur Monsieur X... en a eu connaissance au plus tard le 4 novembre 1997 soit quatre jours avant qu'il achète, le 8 novembre 1997, l'acheteur ayant ainsi acquis pleine connaissance de la rupture de la chaîne de distribution avant la vente ;
Dire et juger que la responsabilité de la Société SAAB FRANCE ne peut en aucune façon être engagée ; Dire et juger que Monsieur X... a commis une négligence grave, fautive, en ne prenant pas contact à l'amiable avec la Société SAAB FRANCE en novembre 1997 afin que le véhicule puisse être rapidement remis en état et qu'en conséquence Monsieur X... est seul responsable des préjudices qu'il allègue et dont il réclame à tort réparation à la Société SAAB FRANCE; Dire et juger que Monsieur X... agit d'extrême mauvaise foi en voulant dissimuler à la Société SAAB FRANCE et au Tribunal la date exacte de la vente du 8 novembre 1997 ;
Dire et juger que le demandeur est défaillant dans l'établissement des preuves qui lui incombent, ainsi que dans la fourniture d'un fondement légal précis à sa demande ;
Dire et juger que les conditions légales de l'existence d'un vice caché ne sont pas réunies et qu'en particulier, le demandeur n'apporte pas les preuves qui lui incombent ;
Ni de l'impossibilité qui en serait résulté, de procéder à un usage du véhicule conforme à sa destination ;
Dire et juger que, tout au plus, l'avarie du 22 octobre 1997 a représenté pour Monsieur X... devenu acquéreur le 8 novembre 1997, un vice apparent au sens de l'article 1642 du Code Civil dont il avait connaissance à la date de son achat du 8 novembre 1997 ;
Débouter Monsieur X... de ses demandes sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil; Débouter Monsieur X..., demandeur, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et notamment de ses demandes de condamnation au paiement de dommages et intérêts, ainsi que de frais d'expertise et de gardiennage du véhicule et d'une indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la responsabilité de la Société SAAB FRANCE n'étant en aucune façon établie ;
- Subsidiairement, réduire sensiblement le quantum des demandes, en particulier, le montant des dommages et intérêts sollicités, lequel n'est en aucune façon justifié
- Condamner Monsieur X... à payer à la société SAAB FRANCE une indemnité de 2500 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . La clôture a été prononcée le 16 janvier 2003 et l'affaire appelée à l'audience du 27 février 2003.
SUR CE, LA COUR
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir Z... qu'il n'est pas discuté que Monsieur Christophe X... est actuellement propriétaire d'un véhicule SAAB acquis de Madame Régine Y...; Qu'à la suite d'une panne survenue le 22 octobre 1997, Monsieur Didier A... expert désigné par une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de CRETEIL en date du 11 juin 1998 a constaté une défectuosité de la chaîne de distribution, une usure importante et anormale des guides de chaînes et pignons de distribution qui a provoqué la rupture d'un maillon. Z... que pour soulever la fin de non-recevoir tirée du défaut que qualité à agir de Monsieur X..., la Société SAAB FRANCE, vendeur originaire du véhicule, indique que la panne serait antérieure à l'acquisition du véhicule par ce dernier; Z..., qu'il n'est pas discuté qu'à la date de l'assignation, le 22 décembre 1999, Monsieur X... était propriétaire du véhicule litigieux; Qu'à cette date, il avait qualité pour agir; qu' il importe peu, quant à la recevabilité de l'action, qu'il ait été ou non propriétaire à la date à laquelle la panne est survenue; Qu'en effet il se prévaut des conséquences préjudiciables liées à l'impossibilité d'utiliser le véhicule acquis en raison de cette panne, à la nécessité de le remplacer, aux frais engagés pour diagnostiquer la panne et aux frais de gardiennage ;
Qu'actuel propriétaire, il a qualité à exercer l'action estimatoire prévue par les articles 1641 et 1644 du code civil; Z... qu'en soutenant que Monsieur X... n'était pas propriétaire au moment de la panne, la Société SAAB FRANCE, recherchée en sa qualité de vendeur originaire, n'invoque pas une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir mais, conteste en réalité l'existence d'une condition de fond de l'action en garantie, à savoir l'existence d'un vice apparent au moment de la vente consentie par Madame Y... Z... que c'est à tort que le premier juge a retenu le défaut de qualité à agir de Monsieur X... et a accueilli la fin de non-recevoir soulevée par la Société SAAB FRANCE ; que le jugement est donc infirmé sur ce point ;
Au fond Z... que les parties ayant conclu au fond, la Cour peut évoquer les points non jugés par application de l'article 568 du Nouveau Code de Procédure Civile. Z... qu'en application de l'article 1641 du code civil, le vendeur doit à l'acquéreur la garantie des vices cachés affectant la chose vendue;
Que le sous-acquéreur est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire ;
Que la garantie suppose un vice, caché, antérieur à la vente, de nature à rendre la chose vendue impropre à l'usage auquel elle est destinée. Z... qu'il ressort d'une attestation notariée du 8 août 1997 que le véhicule SAAB litigieux dépendait de la succession de Monsieur Jean Y... dont Mesdames Françoise Y... épouse B... et Madame Régine Y... épouse C... son héritières ; Que ces dernières pouvaient en disposer; Z... que c'est dans ces conditions que Madame Régine Y... épouse C... signait, le 6 septembre 1997 un certificat de cession de ce véhicule; qu'un chèque de banque d'un montant de 4 573,47 libellé à l'ordre de Monsieur B... (Époux de Madame Françoise Y..., autre héritière) était remis par Monsieur X... Z... qu'il est alors manifeste que l'immatriculation du véhicule au nom de Monsieur X... s'est avérée impossible en raison de la discordance entre l'identité du titulaire de la carte grise qui était Monsieur Jean Y..., décédé depuis le 22 février 1997, et celle du vendeur, sur le certificat de cession, qui était Madame Régine Y... Z... qu'un "protocole de régularisation administrative" établi entre Monsieur X..., Mesdames Régine Y... épouse C... et Françoise Y... épouse B..., signé certes seulement par ces dernières, confirme que la carte grise n'ayant pas été "établie antérieurement à la vente à l'un de leur deux noms," Madame Y... épouse C... "a décidé de passer la carte grise à son nom afin de régulariser au plus vite l’affaire » ;
Qu'il a ensuite été convenu ce qui suit : "le transfert matériel du véhicule reste maintenu au 6 septembre 1997. En revanche le transfert administratif du véhicule s'effectuera à la date de restitution du document. Madame Régine Y... s'engage à restituer la carte grise barrée, le certificat de cession dûment remplis à Monsieur X... 48 heures au maximum après le passage à la Préfecture. Monsieur X... dégage la responsabilité de Mesdames Y... pour tout accident ou contravention ayant pu survenir sur le véhicule de son fait depuis le 6 septembre 1997, date à laquelle il a pris possession du véhicule.";
Z... que ce protocole, pour ne pas avoir de valeur contractuelle, constitue néanmoins un écrit dont les éléments qu'il contient confirment que la régularisation administrative de la vente intervenue le 6 septembre 1997, au profit de Monsieur X... a été différée dans l'attente d'une immatriculation préalable du véhicule au nom de Madame Y... épouse C... Z... que c'est dans ces conditions que la carte grise établie au nom de Madame Régine Y... le 6 novembre 1997 a été finalement barrée er revêtue de la mention vendue à Monsieur X... D... 8 novembre 1997, qu'un constat de vente et un certificat de vente ont été établis le 8 novembre 1997 permettant ainsi l'immatriculation du véhicule au nom de Monsieur X... Z... que la vente est un contrat consensuel conclu dès lors que les parties sont convenues de la chose et du prix;
Que contrairement aux affirmations de la Société SAAB FRANCE, il ressort du certificat de cession du 6 septembre 1997, du paiement du prix et enfin du protocole de régularisation administrative que la vente était parfaite dès le 6 septembre 1997;
Qu'il importe peu que pour des raisons administratives, la régularisation de la vente soit intervenue postérieurement ;
Que si le vendeur est tenu de remettre à l'acheteur la carte grise, dans le cadre de son obligation de délivrance comme le soutient à juste titre la Société SAAB FRANCE, la remise de ces documents ne constitue pas pour autant une condition de la vente. Z... que la panne du 22 octobre 1997 est postérieure la vente;
Que c'est en conséquence à tort que la Société SAAB FRANCE soutient que le vice était apparent à la date de la vente. Z... qu'il ressort du rapport déposé le 16 juillet 1999 par Monsieur A..., expert judiciairement désigné, que le véhicule litigieux a été mis en circulation en janvier 1990 avait atteint 111 706 kilomètres;
Qu'il a été suivie et entretenu consciencieusement; que la panne du 22 octobre 1997 a pour origine un rupture d'un maillon de la chaîne de distribution en raison d'une usure et d'un allongement anormal au regard du nombre de kilomètres parcourus; Que l'expert a également observé une usure importante des guides de chaîne de distribution et des pignons de distribution;
Qu'analysant, les causes de cette panne, il précise que "l'usure constatée est due dans un forte probabilité à la constitution de la chaîne mais une trop forte pression d'huile moteur non mesurable à ce jour est une hypothèse à ne pas écarter." Qu'il conclut que seul le constructeur porte la responsabilité puisqu'à 110 000 km, il est anormal qu'un véhicule de ce type aussi bien suivi puisse connaître un tel incident. Z... que la Société SAAB FRANCE, en sa qualité de vendeur originaire du véhicule litigieux est tenu de garantir le défaut mécanique affectant la chaîne de distribution, certes révélé 7 années après la mise en circulation dès lors que la panne ne résulte ni d'une usure normale du véhicule parfaitement entretenu, ni d'une mauvaise utilisation du véhicule mais d'un défaut de constitution de la chaîne de distribution, lequel constitue un vice caché antérieur à la première vente; que le véhicule n'est en raison de cette panne plus en mesure de rouler;
Qu'il est en conséquence impropre à l'usage auquel il est destiné. Z... qu'en application de l'article 1644 du code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par expert. Z... que le véhicule ayant été acquis par Monsieur X... pour un montant de 4 573,47 , que ce dernier n'offre pas de rendre la chose;
Qu'il est en conséquence fondé à demander que lui soit restituée une partie du prix. Z... que Monsieur X... a attendu plus de six mois pour mettre en cause son vendeur, lequel a pris l'initiative de mettre en cause la Société SAAB FRANCE en juin 1999, soit plus de dix-huit mois après que la panne se soit produite; Que l'expert a indiqué dans son rapport que si la remise en état avait été effectuée suite à cet incident, le devis proposé par le Garage DORPHIN en décembre 1997 pour un montant de 1 805,36 était cohérent, mais que l'échange du moteur est devenu indispensable pour un coût de 8 854,79 dès lors que le véhicule est resté démonté et stocké depuis trop longtemps pour permettre un remontage sans souci; Que la partie du prix de vente dont Monsieur X... est fondé à demander la restitution peut être fixée à hauteur du coût de la remise en état évalué par le Garage DORPHIN en décembre 1999 soit 1 805,39 ;.
Z... qu'il n'est pas établi que le vendeur, qui n'est pas un professionnel, avait connaissance du vice de la chose; Qu'il n'est en conséquence pas tenu de garantir l'acheteur des conséquences du dommage; Que les frais de gardiennage dont le remboursement est demandé ne constituent pas des frais occasionnés par la vente;
Que Monsieur X... sera en conséquence débouté de cette demande; Que la demande de dommages et intérêts complémentaires n'est pas fondée par application des article 1645 et 1646 du code civil. Z... que l'équité commande d'allouer à Monsieur X... une somme de 1 000 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Z... que l'intimée qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, Statuant publiquement et contradictoirement par décision en dernier ressort, Vu les articles 31 du nouveau code de procédure civile, 1641, 1645 et 1646 du code civil, Infirme le jugement entrepris.
Statuant à nouveau Déclare recevable l'action engagée par Monsieur X... E... que le véhicule SAAB qu'il a acquis de Madame Régine Y... épouse C... est atteint d'un vice caché préexistant à la première vente consentie par la Société SAAB FRANCE. Condamne la Société SAAB FRANCE à payer à Monsieur X... la somme de 1 805,39 au titre de la restitution partielle du prix. Déboute Monsieur Christophe X... du surplus de ses demandes.
Condamne la Société SAAB FRANCE à payer à Monsieur X... la somme de 1 000 par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
La Condamne aux dépens de 1ère instance et d'appel, en ce compris les frais de l'expertise ordonnée en référé qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP FIEVET ROCHETTE & LAFON , conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.