Cass. 1re civ., 14 décembre 2016, n° 15-21.396
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Production 31 distribution (la société) propose à ses clients de sonoriser leurs lieux de vente par voie satellitaire ; que, lui reprochant d'avoir refusé de signer un contrat général d'intérêt commun lui permettant d'utiliser les phonogrammes de son répertoire, la Société civile des producteurs de phonogrammes (la SCPP) l'a assignée en paiement des sommes dues au titre de cette utilisation, sur le fondement de l'article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle ; que, pour s'y opposer, la société a soutenu exercer une activité de radiodiffusion par satellite relevant du régime de licence légale prévu par l'article L. 214-1 du même code ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 213-1 et L. 214-1, 2°, du code de la propriété intellectuelle, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 assurant la transposition de la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, ensemble l'article L. 217-1 du code de la propriété intellectuelle, créé par la loi n° 97-283 du 27 mars 1997 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n° 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme ; que, cependant, aux termes du deuxième, lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer à sa radiodiffusion et à sa câblo-distribution simultanée et intégrale, ainsi qu'à sa reproduction strictement réservée à ces fins, effectuée par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres diffusés sur leur antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable ;
Qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la communication au public par satellite, au sens de l'article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 93/83 du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, est réalisée si les signaux provenant du satellite, et non les programmes portés par ceux-ci, sont destinés à être captés par le public (arrêt du 14 juillet 2005, Lagardère Active Broadcast, C-192/04, points 34 et 35), lequel doit être constitué par un nombre indéterminé d'auditeurs potentiels (arrêt du 2 juin 2005, Mediakabel, C-89/04, point 30) ;
Que, dès lors, la radiodiffusion par satellite d'un phonogramme publié à des fins de commerce n'est susceptible de constituer une communication au public à laquelle l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer qu'à la condition que les signaux provenant du satellite soient destinés à être captés directement et individuellement par le public ou une catégorie de public ;
Attendu que, pour rejeter la demande en paiement de la SCPP, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le service de sonorisation proposé par la société correspond à une activité de radiodiffusion, au sens de l'article L. 2141, 2°, du code de la propriété intellectuelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la diffusion des programmes musicaux litigieux était assurée, au sein de leurs magasins, par les clients de la société, ce dont il résultait que les signaux émis par cette dernière n'étaient pas destinés à être captés individuellement et directement par le public ou une catégorie de public, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la Société civile des producteurs phonographiques, l'arrêt rendu le 28 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Production 31 distribution aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Production 31 distribution et la condamne à payer à la Société civile des producteurs phonographiques la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize.