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Décisions

Cass. com., 1 avril 1997, n° 94-18.912

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Métivet

Avocat général :

Mme Piniot

Avocat :

SCP Boré et Xavier

Paris, 3e ch. B, du 11 févr. 1994

11 février 1994

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 21 juillet 1989, la société René Liaud a promis de céder à la Banque de l'Union européenne (BUE) 50 % des actions de la société Liaud courtage aux termes d'un acte comprenant un ensemble d'engagements complexes, notamment une promesse complémentaire de vente de 1 % du capital de la même société ainsi que d'une clause de non concurrence, en cas de cessation de fonctions, à la charge de MM. D... et C..., respectivement président du conseil d'administration, pour le premier, directeur général, pour le second, de la société Liaud courtage; que le 27 juillet 1987, la promesse a été levée par la BUE qui s'est substituée sa filiale, la société Omnium industriel et financier (OIF); qu'à la fin de l'année 1990, la BUE a été absorbée par la Compagnie financière du CIC, alors devenue la Compagnie financière du CIC et de l'Union européenne (CFCICUE); que lors d'une séance du conseil d'administration de la société Liaud courtage du 20 décembre 1991, la CFCICUE a déclaré son intention de lever l'option d'achat dont elle était bénéficiaire sur la fraction complémentaire de 1 % du capital de ladite société, tandis que MM. D... et C... ont été révoqués des mandats sociaux qu'ils exerçaient au sein de celle-ci; que ces derniers ont assigné la CFCICUE et l'OIF notamment en paiement de l'indemnité compensatrice de non concurrence prévue à l'acte du 21 juillet 1989; que reconventionnellement lesdites sociétés leur ont réclamé réparation du préjudice causé par des fautes qu'elles leur reprochaient dans la gestion de la société Liaud courtage ;

Sur le premier moyen pris en ses deux branches :

Attendu que MM. D... et C... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, suivant les articles 1134 du Code Civil, 110, alinéa 2, 116 et 160, alinéa 3, de la loi du 24 juillet 1966, la faute grave privative d'une indemnité conventionnelle prévue en contrepartie d'un engagement de non concurrence souscrit par un dirigeant social ayant fait l'objet d'une révocation "ad nutum" ne peut être prise en considération que si le dirigeant a pu se faire entendre par le conseil d'administration avant qu'il soit prononcé sur sa révocation; qu'en l'état de la brusque révocation "ad nutum" intervenue sans motif tiré de l'existence prétendue d'une faute grave sur l'existence et la portée de laquelle aucun débat n'a pu en conséquence avoir lieu au moment de la révocation, c'est à tort que l'arrêt infirmatif les a déboutés de leur demande tendant au service de l'indemnité conventionnelle précitée; qu'en se déterminant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés et alors, d'autre part, que suivant l'article 1134 du Code civil, la faute grave privative de l'indemnité conventionnellement prévue en contrepartie d'un engagement de non concurrence s'entend d'une faute d'une importance telle qu'elle rende immédiatement impossible le maintien en fonction du dirigeant social; qu'en l'état d'une "insuffisance professionnelle "prétendue, tardivement articulée par les sociétés CFCICUE et OIF et liée, selon la cour d'appel, à la seule absence de production de propositions de réflexions pour satisfaire à une demande ancienne du conseil d'administration, l'arrêt infirmatif, qui ne s'est en outre expliqué ni sur les raisons justifiant ce retard, ni sur la portée éventuelle de celui-ci, n'a caractérisé aucun élément générateur d'une faute grave à la date du 20 décembre 1991, seule susceptible de priver les dirigeants révoqués de l'indemnité contractuelle précitée; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a derechef violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'il ne résulte des conclusions produites, ni que MM. D... et C... aient prétendu devant la cour d'appel qu'aucune faute grave ne pouvait être invoquée à leur encontre pour les priver de l'indemnité contractuelle compensatrice de l'obligation de non concurrence prévue par la convention du 21 juillet 1989 en cas de cessation de leurs fonctions au sein de la société Liaud courtage sans que, préalablement à leur révocation, ils aient été entendus par le conseil d'administration de la dite société sur l'existence et la portée de cette faute ni qu'ils aient soutenu que la faute grave privative de ladite indemnité s'entendait d'une faute d'une importance telle qu'elle rende immédiatement impossible le maintien en fonction du dirigeant social; que, nouveau et mélangé de fait et de droit en chacune de ses branches, le moyen est donc irrecevable ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. C... fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, qu'au soutien de son appel incident sur ce point, la CFCICUE ne faisait pas valoir le grief ainsi retenu à l'encontre de M. C...; qu'en retenant le défaut d'établissement d'un rapport de réflexion stratégique pour le priver d'indemnité, lui-même étant étranger au grief précité, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de Procédure Civile ;

Mais attendu que la CFCICUE et l'OIF ont conclu à l'infirmation du jugement au motif que les premiers juges n'avaient pas apprécié à leur juste mesure les fautes commises, notamment par M. C..., et en alléguant qu'il appartenait au premier chef au président et aux directeurs généraux d'assurer une direction ferme de la société; qu'au lieu de cela, et alors même que le conseil d'administration du 5 octobre 1990 avait décelé un certain nombre de dysfonctionnements et demandé une analyse stratégique qui ne sera jamais remise, MM. D... et C..., négligeant leurs devoirs, avaient consacré leur temps à préparer un mauvais procès ; que, dès lors, en retenant une faute grave à l'encontre de M. C..., la cour d'appel n'a pas encouru le grief du moyen; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu qu'ayant retenu à l'encontre de MM. D... et C... des fautes commises dans la gestion de la société Liaud courtage, la cour d'appel a condamné ces derniers, in solidum, à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts aux sociétés OIF et CFCICUE ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les dites fautes avaient contribué à la dépréciation de la société, ce qui aurait entraîné, dans les comptes de la société OIF, une provision pour dépréciation de 18 000 000 francs; ce dont il résultait que le préjudice subi par les sociétés OIF et CFCICUE n'étant que le corollaire du dommage causé à la société Liaud courtage, n'avait aucun caractère personnel, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui en découlaient ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné MM. D... et C... in solidum à payer une certaine somme, à titre de dommages-intérêts aux sociétés Compagnie financière de CIC et de l'Union européenne et Omnium industriel et financier, l'arrêt rendu le 11 février 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.