CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 30 mars 2023, n° 22/17176
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mollat
Conseillers :
Mme Rohart, Mme Coricon
Avocats :
Me Kong Thong, Me Deliry
Exposé des faits et de la procédure
En 2011, M. [I] a créé la SARL M2RC afin d'acquérir la SAS Chiavazza qui exerçait des activités de peinture, miroiterie, vitrerie et plâtrerie.
Par jugements du 4 mars 2019 et du 3 juin 2019, des procédures de liquidation judiciaire ont été ouvertes à l'égard de la SARL M2RC et de la SAS Chiavazza.
Le 15 juillet 2019, le tribunal a prononcé la clôture de la procédure à l'égard de la SARL M2RC.
Par jugement du 22 juillet 2019, le tribunal a arrêté le plan de cession des actifs de la SAS Chiavazza.
Le 15 juillet 2019, M. [I] s'est immatriculé en tant qu'entrepreneur individuel pour exercer des travaux de peinture et de revêtements de sols et murs.
Moins d'un an après le début de son activité, par jugement du 25 mai 2020, le tribunal de commerce d'Auxerre a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de l'entreprise individuelle de M. [I], après que ce dernier ait été assigné par deux créanciers des sociétés M2RC et Chiavazza en sa qualité de caution personnelle pour 99.810 euros et 61.382 euros. Un plan a été arrêté par jugement du 5 juillet 2021, mais cependant M. [I] n'a réglé aucun dividende, le premier acompte devant intervenir courant octobre 2021.
C'est dans ces circonstances que le 1° avril 2022, M. [I] a sollicité l'ouverture d'un rétablissement professionnel et que par jugement du 19 avril 2022, le tribunal de commerce d'Auxerre a ouvert une procédure de rétablissement professionnel à l'égard de M. [I], a sursis à statuer et a nommé Maître [O] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 28 septembre 2022, le tribunal de commerce d'Auxerre a constaté que le débiteur ne remplit pas les conditions de la procédure de rétablissement professionnel, constaté la cessation des paiements de M. [I], prononcé la conversion de la procédure de rétablissement professionnel en procédure de liquidation judiciaire simplifiée et a désigné Maître [O] en qualité de liquidateur judiciaire, aux motifs d'une part que les actifs de M. [I] sont supérieurs à 15.000 euros et d'autre part en raison d'une disproportion entre le montant du passif et celui de l'actif.
Par déclaration du 5 octobre 2022, M. [I] a interjeté appel du jugement de conversion en liquidation judiciaire du tribunal de commerce d'Auxerre.
Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 30 décembre 2022, M. [I] demande à la cour de :
Recevant M. [I] en son appel; le déclarer bien fondé, y faisant droit :
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Auxerre, ainsi en ce qu'il a :
- constaté que le débiteur ne remplit pas les conditions de la procédure de rétablissement professionnel précisé dans l'article L641-5 du code de commerce
- constaté la cessation des paiements de M. [I] exerçant sous l'enseigne « M2R [D] [I] Renovation »
- prononcé la conversion de la procédure de rétablissement professionnel en une procédure de liquidation judiciaire simplifiée au profit de M. [I] exerçant sous l'enseigne « M2R [D] [I] Renovation »
- nommé M. [K] aux fonctions de juge commissaire
- désigné Me [O] en qualité de liquidateur judiciaire, lequel devra déposer au greffe la liste des créances déclarées visées à l'article L.624-1 du code de commerce dans un délai de 2 mois à compter de l'expiration du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances
- dit que le liquidateur devra dans le mois de la décision établir un rapport sur la situation du débiteur
- dit que les biens identifiés par le liquidateur pourront faire l'objet soit d'une vente de gré à gré conclue par le liquidateur sans l'autorisation du juge commissaire dans les 4 mois du jugement, soit d'une vente aux enchères publiques conformément aux dispositions de l'article L 644-2 du code de commerce
- ordonné à tout séquestre ou détenteur de fonds de les remettre au liquidateur sur sa demande
- fixé provisoirement au 1er avril 2022 la date de cessation des paiements
- désigné un commissaire de justice chargé de réaliser l'inventaire et la prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent
- dit que l'inventaire devra être déposé au greffe dans un délai d'un mois à compter de la décision
- dit que dans les 10 jours à compter du prononcé du jugement, le chef d'entreprise devra réunir le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou à défaut, les salariés à l'effet qu'ils élisent un représentant des salariés,
- invité le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel ou les salariés à désigner le cas échéant un représentant au sein de l'entreprise dans les conditions de l'article L.621-4 et suivants du code de commerce et à communiquer le nom et l'adresse de ce représentant au greffe
- dit que le procès-verbal de désignation du représentant des salariés ou le procès-verbal de carence, devra être déposé au greffe par le chef d'entreprise
- dit que le débiteur devra sans délai remettre au liquidateur la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes, de ses principaux contrats en cours et qu'il les informera des instances en cours auxquelles l'entreprise est partie
- dit que la clôture de la procédure devra intervenir dans les 6 mois à compter du jugement et qu'elle pourra être prorogée pour une durée maximale de 3 mois
- fixé la clôture de la procédure au 28 mars 2023
- renvoyé le dossier à l'audience du 27 mars 2023 pour statuer sur la clôture de la procédure
- invité le débiteur, sous peine de sanctions commerciales à coopérer avec les organes de la procédure et à ne pas faire obstacle à son bon déroulement
- fixé le délai de de déclaration des créances imparti aux créanciers à 2 mois à compter de la publication du jugement au BODACC
- dit que le représentant légal, M. [I], demeure en fonction en vue d'accomplir des actes et exercer des droits et actions non compris dans la mission du liquidateur
- dit que le siège social est fixé au domicile du représentant légal qui devra déclarer au greffe tout changement d'adresse
- dit qu'il sera mis fin à la mission du liquidateur lors de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée
- ordonné l'exécution provisoire de la décision et l'emploi des dépense en frais privilégiés de liquidations
- liquidé les frais de greffe à la somme de 878,80 euros.
Statuant à nouveau :
DIRE que les conditions fixées par l'article L. 645-1 du code de commerce et suivants sont réunies.
PRONONCER la clôture du rétablissement professionnel de M. [I].
PRONONCER en application des dispositions de l'article L. 645-11 du code de commerce l'effacement des dettes suivantes :
- URSSAF : 39 160 euros
- Caisse d'Épargne Bourgogne Franche Comté : 99 810 euros
- CIC : 61 382 euros
- Banque Populaire Bourgogne Franche Comté : 3607,08 euros
ORDONNER la notification du présent arrêt au débiteur et sa communication au ministère public par les soins du greffe.
RAPPELER que les créanciers dont les dettes sont effacées peuvent, à leur demande, obtenir du greffe un extrait certifié du jugement.
ORDONNER, à la diligence du greffe, les mesures de publicité visées à l'article R. 645-19 du code de commerce.
Statuer ce que de droit quant aux dépens.
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Dans son avis notifié par RPVA le 21 décembre 2022, le ministère public demande à la cour :
Sur la condition tenant au montant de l'actif déclaré
Le ministère public rappelle que l'actif déclaré dans une procédure de rétablissement professionnel doit être inférieur à 15 000 euros selon les articles L. 645-1 et R. 645-1 du code de commerce, que le tribunal de commerce d'Auxerre a constaté que l'actif de M. [I] s'élevait à 24 361,60 euros, prenant en compte l'ensemble des créances-clients, alors qu'il déclarait dans sa demande de rétablissement professionnel un actif de 2935 euros.
Le ministère public fait valoir que, alors que M. [I] avait déclaré un actif de 2.935 euros, en réalité le mandataire a constaté l'existence d'une créance d'un montant de 21.159,33 euros, ce qui totalise un actif de 24 361 euros, somme supérieure au plafond de 15 000 euros fixé par le législateur. Il en conclut que M. [I] n'était pas éligible à la procédure de rétablissement professionnel.
Sur la disproportion du passif au regard de l'actif de M. [I]
Le ministère public indique qu'il résulte de l'article L. 645-11 du code de commerce qu'aucune dette ne peut être effacée lorsqu'il apparaît que le montant du passif total est disproportionné au regard de la valeur de l'actif, biens insaisissables non compris.
Il fait valoir que le passif déclaré dans la procédure de rétablissement professionnel est de 203 000 euros, constitué d'une créance de l'URSSAF de 39 160 euros, ainsi que trois cautions respectivement pour le CIC de 99 810 euros, pour la Caisse d'Épargne de 61 382 euros et pour la Banque Populaire de 3607 euros.
Le ministère public soutient que le passif est manifestement disproportionné au regard de la valeur de l'actif de 24 361,69 euros.
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SUR CE,
Sur les conditions d'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel
M. [I] soutient qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 645-1 du code de commerce pour bénéficier de la procédure de rétablissement professionnel. Il indique qu'il est une personne physique, qu'il est en état de cessation des paiements car il n'a pu honorer l'annuité du plan de sauvegarde, qu'il est en activité, qu'il n'a pas de salarié et n'en a jamais employé, et qu'il dispose d'un actif réalisable inférieur à 15 000 euros.
Selon lui, le mandataire judiciaire et le tribunal ont fait une erreur d'appréciation en considérant que les créances-clients devaient être prises en compte dans son actif du débiteur pour l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel. Il fait valoir en outre que les créances clients ne peuvent constituer un actif disponible car il s'agit d'actif et de passif circulant permettant le maintien de l'activité de l'exploitant.
M. [I] conteste l'interprétation de l'article L.645-1 du code de commerce retenue par le ministère public en indiquant qu'il est inopérant de s'appuyer sur le document de demande d'ouverture de procédure pour retenir les créances-clients dans la détermination de l'actif.
Il ajoute que son approche juridique est confirmée par une approche pragmatique et comptable en ce que les créances-clients sont émises TTC alors que la TVA ne fait pas partie du patrimoine de M. [I].
M. [I] fait valoir qu'il résulte du tableau de synthèse établi par le mandataire judiciaire, duquel sont soustraites les créances clients, un actif réalisable de 8755,73 euros (29 915,06 ' 21 159,33). Selon lui, les conditions permettant de bénéficier de la procédure de rétablissement professionnel sont donc remplies.
Selon l'article L. 645-1 du code de commerce, il est institué une procédure de rétablissement professionnel sans liquidation ouverte à tout débiteur, personne physique, mentionné au premier alinéa de l'article L. 640-2, en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible, n'a pas cessé son activité depuis plus d'un an, n'a employé aucun salarié au cours des six derniers mois et dont l'actif déclaré a une valeur inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d'État. Les biens que la loi déclare insaisissables de droit ne sont pas pris en compte pour déterminer la valeur de l'actif.
La procédure de rétablissement professionnel a pour objet le traitement simplifié du passif grevant le ou les patrimoines du débiteur personne physique. Lorsque le débiteur est titulaire de plusieurs patrimoines, le seuil mentionné au premier alinéa du présent article est déterminé en prenant en compte l'ensemble de ses patrimoines.
La procédure ne peut être ouverte en cas d'instance prud'homale en cours impliquant le débiteur au titre de l'un quelconque de ses patrimoines.
Il résulte de l'article R. 645-1 du code de commerce que la valeur de réalisation de l'actif mentionné au premier alinéa de l'article L. 645-1 est inférieure à 15 000 euros. Cet actif est déclaré conformément à l'article R. 640-1-1.
La cour relève que l'article R645-1 mentionna la valeur de réalisation de l'actif et que le montant de 15.000 euros d'actif réalisable doit donc prendre en considération la totalité de l'actif du débiteur, disponible ou non, affecté ou non à l'activité, hors ses biens insaisissables de droit, c'est à dire sans tenir compte de sa résidence principale et de quelques biens très personnels.
En l'espèce, les créances clients qui sont à recouvrer font partie de l'actif à prendre en considération, étant précisé qu'il n'est pas soutenu qu'il s'agirait de créances irrecouvrables.
Il résulte du rapport de Me [O] que les créances clients doivent être évaluées à 21 159,33 et qu'additionnées aux autres biens réalisables, le total de l'actif, hors résidence principale, s'élève à 29 915,06 euros.
Il s'ensuit que l'actif réalisable est supérieur à 15.000 euros, ce qui ne permet pas à M. [I] de bénéficier de la procédure de rétablissement professionnel.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef
Sur la disproportion du passif de M. [I]
Il résulte de l'article L. 645-11 du code de commerce qu'aucune dette ne peut être effacée lorsqu'il apparaît que le montant du passif total est disproportionné au regard de la valeur de l'actif, biens insaisissables de droit non compris.
M. [I] fait valoir que le tribunal et le ministère public ne démontrent pas en quoi son passif est disproportionné. Il indique que ses dettes ne sont pas constituées de dettes personnelles mais uniquement professionnelles auprès de l'URSSAF et trois banques auprès desquelles il s'était porté caution pour un montant total de 203 959 euros.
Il précise ne pas avoir déclaré la dette attachée à sa résidence principale afin de garantir que la procédure de rétablissement professionnel n'est pas utilisée à des fins détournées d'effacement de dettes extérieures à son activité.
La cour constate que l'actif de M. [I] s'élève à 29 915,06 euros, tandis que son passif s'élève à la somme de 203 959 euros. Il apparaît donc que le passif est manifestement disproportionné par rapport à l'actif , ce qui a pour effet de faire obstacle à l'effacement des dettes.
C'est donc à juste titre, que pour ce motif surabondant, le tribunal a converti la procédure de rétablissement professionnel en liquidation judiciaire simplifiée.
Sur la demande d'effacement des dettes
Compte tenu de la conversion de la procédure en liquidation judiciaire, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'effacement des dettes et de clôture du rétablissement professionnel.
Sur les dépens
Monsieur [I] gardera à sa charge ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement,
Déboute M. [I] de sa demande d'effacement des dettes et de clôture du rétablissement professionnel,
Le déboute de toutes ses demandes,
Laisse à M. [I] la charge de ses propres dépens.