CA Versailles, 13e ch., 31 janvier 2013, n° 12/03954
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Besse
Conseillers :
Mme Beauvois, Mme Vaissette
Avocats :
SCP Buquet Roussel de Carfort, Me Schermann, SCP Bommart Minault, Me Quenault
La Société TECHNIC RESO a été créée pour prendre en location gérance l'activité de vente de produits informatiques de la Société RESO 2. Le contrat de location gérance est daté du 30 septembre 2008. La redevance annuelle de 144.000 € H. T. a été ramenée à 84.000 € H. T. en janvier 2009.
La Société CADRES est le dirigeant de la Société TECHNIC RESO, et Monsieur B. est le représentant permanent de cette société.
Monsieur B. a déclaré l'état de cessation des paiements de la Société TECHNIC RESO le 5 juin 2009, en même temps que celui de la Société RESO 2.
Par deux jugements en date du 9 juin 2009 le Tribunal de commerce de Nanterre a ouvert les procédures de liquidation judiciaire des deux sociétés, a fixé la date de cessation des paiements au 17 octobre 2008 et a désigné Maître LEGRAS DE GRANDCOURT en qualité de liquidateur.
Celui-ci a fait assigner la Société CADRES en sanction patrimoniale et Monsieur B. en sanctions patrimoniale et personnelle.
Par jugement en date du 16 mai 2012, le Tribunal de commerce de Nanterre a :
- condamné solidairement la Société CADRES et Monsieur B., représentant permanent de cette société, à payer à Maître LEGRAS DE GRANDCOURT, ès qualités de liquidateur de la Société TECHNIC RESO la somme de 50.000 € sur le fondement de l'article L.651-2 du Code de commerce, avec les intérêts au taux légal et leur capitalisation
- prononcé à l'égard de Monsieur B., né le 4 septembre 1949 à Vers (74) une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement une entreprise commerciale, artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, conformément aux dispositions de l'article L.653-8 du Code de commerce, pour une durée de 10 années.
- condamné solidairement la société CADRES et Monsieur B. à payer à Maître LEGRAS DE GRANDCOURT, ès qualités, la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur B. a interjeté appel de ce jugement, et par dernières conclusions du 24 septembre 2008, demande à la cour :
- de joindre son appel à l'appel qu'il a formé à l'encontre de deux autres jugements qui ont prononcé à son encontre des sanctions patrimoniale et personnelle pour la gestion de la Société RESO 2 et de la Société RESO SPARE,
- d'infirmer les trois jugements et de dire qu'il n'y a pas lieu de prononcer de sanctions à son encontre, ni à l'encontre de la Société CADRES.
Monsieur B. fait observer que l'activité de la Société TECHNIC RESO était liée à celle de la Société RESO 2, et que la liquidation judiciaire de la Société TECHNIC RESO résulte, non pas de fautes de gestion, mais de la défaillance de la Société RESO 2. Il ajoute que la défaillance de cette société est due à l'inexécution par la Société ERYMA SERVICES de ses engagements pris lors de l'acquisition de la branche d'activité principale de maintenance, pour le prix de 8 millions d'euros. Il explique que cette cession aurait dû assurer le paiement de tout le passif du groupe si elle s'était exécutée normalement.
Maître LEGRAS DE GRANDCOURT, ès qualités, par dernières conclusions du 3 septembre 2012, forme un appel incident et demande à la cour :
- de déclarer irrecevable la demande d'infirmation du jugement à l'égard de la Société CADRES, non appelante,
- de débouter Monsieur B. de sa demande de jonction,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité pour insuffisance d'actif de Monsieur B. et a prononcé une interdiction de gérer,
- d'infirmer le jugement dans son quantum,
- de condamner Monsieur B. à lui payer la somme de 323.717 € sur le fondement de l'article L.651-2 du Code de commerce,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts,
- de faire application de l'article L.653-8 du Code de commerce et de prononcer une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale, artisanale, et toute exploitation agricole, ainsi que toute personne morale,
- de condamner Monsieur B. à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le dossier a été communiqué au Ministère public qui n'a pas conclu.
DISCUSSION
Monsieur B. lie le sort de la Société TECHNIC RESO à celui de la Société RESO 2, et ne soulève aucun moyen propre aux fautes qui lui sont reprochées dans la gestion de la Société TECHNIC RESO.
Le seul moyen soulevé par Monsieur B. consiste à soutenir que les ressources (8 millions d'euros) que la Société RESO 2 devaient retirer de la cession de sa branche d'activité principale, auraient dû permettre d'éviter la cessation des paiements des sociétés du groupe, si la Société ERYMA SERVICES, cessionnaire, avait respecté ses engagements.
Or par arrêt rendu ce jour, la cour a confirmé le jugement rendu à propos de la gestion par Monsieur B. de la Société RESO 2 et a retenu notamment le retard dans la déclaration de cessation des paiements fixée au 14 octobre 2008, la poursuite d'une activité déficitaire, le non respect des obligations fiscales et sociales et la location gérance de son fonds de commerce entraînant une réduction drastique de son chiffre d'affaires.
Le moyen soulevé par Monsieur B., n'est donc pas fondé.
La cour n'étant saisie d'aucun autre moyen, et en l'absence de moyen devant être soulevé d'office, il convient de confirmer le jugement.
Cette confirmation s'impose d'autant mieux que le tribunal a parfaitement motivé sa décision.
Le tribunal a caractérisé le non paiement des créances sociales, dès la création de la société, le 16 octobre 2008, le retard dans la déclaration de cessation des paiements, l'absence de libération de la moitié du capital social.
Le tribunal a relevé que s'ajoutant à ces fautes de gestion, Monsieur B. a accompli un acte de gestion contraire à l'intérêt de l'entreprise, en consentant à la Société RESO 2 une avance en compte courant d'un montant de 864.646 € , représentant une part significative du chiffre d'affaires réalisé pendant les 8 mois d''activité et largement supérieur à son résultat d'exploitation de 526.335 € .
Il a souligné que Monsieur B. ne pouvait ignorer les difficultés de la Société RESO 2 et le risque d'irrecouvrabilité de cette avance. Il en a déduit exactement que ce financement important a été opéré au détriment des autres créanciers, notamment sociaux, qui n'ont jamais été payés et qu'ainsi Monsieur B. a fait financer avec les ressources de la Société TECHNIC RESO les difficultés permanentes de trésorerie rencontrées par la Société RESO 2 dont l'activité avait été transférée par le contrat de location gérance.
Les fautes de gestion ainsi démontrées ont contribué à l'insuffisance d'actif d'un montant de 323.717 € . Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de Monsieur B. une condamnation sur le fondement de l'article L.651-2 du Code de commerce.
Maître LEGRAS DE GRANDCOURT, ès qualités, demande que le montant de la condamnation soit porté de 50.000 € à 323.717 € .
Cette demande sera rejetée, dans la mesure où la cour estime que les premiers juges ont fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur B. au paiement de la somme de 50.000 € avec les intérêts au taux légal et leur capitalisation.
Il convient d'observer que la cour n'est saisie d'aucun appel de la part de la Société CADRES et qu'en conséquence est irrecevable la demande d'infirmation des dispositions du jugement la concernant.
Selon l'article L.653-8 du Code de commerce une mesure d'interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre du dirigeant qui a omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements.
Il résulte de ce qui précède que les conditions d'application de cet article sont remplies à l'encontre de Monsieur B..
Le Tribunal de commerce a fait une juste appréciation des éléments du dossier en prononçant une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans. Le jugement sera également confirmé de ce chef.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur B. à payer à Maître LEGRAS DE GRANDCOURT, ès qualités, la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'y ajouter la somme de 1.000 € au titre des frais d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par défaut,
Déclare irrecevable la demande d'infirmation du jugement à l'égard de la Société CADRES,
Rejette la demande de jonction formée par Monsieur B.,
Déboute Maître LEGRAS DE GRANDCOURT, ès qualités, de son appel incident,
Confirme le jugement rendu le 16 mai 2012 par le Tribunal de commerce de Nanterre en ce qui concerne les condamnations prononcées à l'encontre de Monsieur B.,
Y ajoutant, condamne Monsieur B. à payer à Maître LEGRAS DE GRANDCOURT, ès qualités, la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Monsieur B. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.