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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, 6 juillet 2022, n° 18/01036

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation

T. com. Saint Denis de la Réunion, du 23…

23 avril 2018

Exposé du litige :

Suivant acte sous seing privé en date du 5 décembre 2015, l'Eurl Construction Métallique Mécanique de Précision (CMMP) s'est engagée à céder à la Sarl Société de Travaux de Chaudronnerie Industrielle (STCI) ou à M. [C] [U] un fonds artisanal de mécanique de précision situé [Adresse 1] au prix de 250 000,00 €.

L'engagement a été subordonné à la réalisation de deux conditions suspensives :

-l'obtention par l'acquéreur d'un emprunt auprès d'un organisme de crédit ou d'une banque.

-l'obtention par la société STCI de la mise en place d'un nouveau bail commercial à négocier selon les conditions réelles d'exercice de l'activité.

Le 07 juillet 2016, les sociétés CMMP et STCI ont signé un acte intitulé « Projet de cession de fonds de commerce ».

Le 19 août 2016, le Crédit Agricole a alors adressé à la société STCI un courrier contenant son accord pour un prêt de 167.200 € au taux fixe de 4,11% sur 84 mois.

Par mail en date du 22 août 2016, la société STCI, a informé la société CMMP de l'obtention du prêt.

Par courrier en date du 05 septembre 2016, la société STCI a été convoquée pour la signature de l'acte de cession du fonds de commerce.

Par courrier en date du 3 octobre 2016, la société STCI a adressé un courrier à la société CMMP pour l'informer de son refus d'acquérir le fonds de commerce.

Le 09 mai 2017, la société CMMP a assigné sur le fondement de l'article 1231 du code civil la société STCI devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis considérant que cette dernière avait commis une faute en refusant d'acquérir le fonds de commerce et aux fins d'obtenir sa condamnation en réparation des préjudices subis à savoir :

-103.700 € au titre du préjudice financier consécutif à la vente à perte des matériels

-20.413,58 € au titre des licenciements des salariés

-24.000 € au titre des loyers versés de septembre 2016 à février 2017

-655,61 € au titre de la facture de l'AGCR pour sa mission d'assistance comptable et de rédaction de l'acte de vente du fonds de commerce.

Par jugement en date du 23 avril 2018, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis a :

-Débouté I'EURL CMMP de l'ensemble de ses demandes

-L'a condamnée à payer à la SARL STCI la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-Laissé les dépens à sa charge.

Par déclaration au greffe notifiée par RPVA le 04 juillet 2018, la société CMMP a relevé appel du jugement.

Par arrêt avant dire droit en date du 19 mai 2021, la cour d'appel de Saint Denis a :

-Invité la société CMMP à s'exprimer sur la ou les qualification(s) qu'elle invoque à l'appui de ses prétentions en les hiérarchisant en cas de pluralité de qualifications et invité la société STCI à s'exprimer sur cette/ces qualification(s) -Ordonné la production de l'original de la pièce nº 23 produite par l'appelante

-Ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 21 juin 2021 à 14 heures (audience dématérialisée)

-Réservé l'ensemble des demandes

Réservé les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2021.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 08 novembre 2021, la société CMMP demande à la cour au visa des articles 1102 al. 2, 1104, 1121,1193, 1231 et suivants du code civil, de l'article 313-1 du code pénal, de l'article 455 du code de procédure civile et de la jurisprudence de la cour de cassation de :

-Infirmer le jugement du 23 avril 2018 du Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Denis ;

-Juger qu'il n'y a eu ni de la part de I'EURL CMMP, ni de celle de son Conseil de manœuvres frauduleuses en vue de tromper la religion des juges par la production de la pièce nº23 ;

-Juger que I'EURL CMMP n'a jamais voulu tirer profit de la pièce nº23 et que les conditions de l'escroquerie au jugement ne sont pas réunies ;

-Donner acte à la concluante de l'inexistence de l'original de la pièce nº23 intitulée « Cession de fonds de commerce » qui a été communiquée par erreur;

-Juger que l'acte sous seing privé du 5 décembre 2015 a la nature d'une promesse de vente ;

-Juger que la pièce nº24 signée par les parties le 6 juillet 2016, constitue une promesse synallagmatique de vente par laquelle tant I'EURL CMMP que la SARL STCI se sont engagées irrévocablement à réaliser la vente du fonds de commerce ;

-Juger qu'à la date du 19 août 2016, date d'obtention du prêt par la SARL STCI, toutes les conditions étaient réunies pour que la vente définitive du fonds de commerce puisse être réalisée ;

-Juger que la promesse synallagmatique de vente signée le 6 juillet 2016 contient les obligations réciproques et conditions que les parties devaient respecter en vue d'arriver à la vente, sauf à verser des dommages-intérêts ;

-Juger qu'en signant la promesse synallagmatique de vente le 6 juillet 2016, la SARL STCI s'est engagée de façon définitive à acquérir le fonds de commerce ;

-Juger qu'après s'être engagée irrévocablement à acquérir, la SARL STCI ne désirant plus acquérir le fonds de commerce, a par la suite modifié unilatéralement les conditions de la réalisation de la vente figurant dans la promesse synallagmatique de vente du 6 juillet 2016 pour pouvoir se désengager ;

-Juger que par suite de la violation de ses obligations contractuelles, la SARL STCI est responsable de la non-réalisation de la vente et des préjudices en résultant pour I'EURL CMMP ;

- Condamner la SARL STCI à payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts:

.103.700 € au titre du préjudice financier consécutif à la vente à perte des matériels.

.20.413,58 € au titre des licenciements des salariés.

.24.000 € au titre des loyers versés de septembre 2016 à février 2017.

. 655,61 € au titre de la facture de I'AGCR pour sa mission d'assistance comptable et de rédaction de l'acte de vente du fonds de commerce.

- Condamner la SARL STCI à verser la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

-Débouter la SARL STCI de toutes ses demandes, fins et prétentions.

La société CMMP soutient que :

-elle n'a jamais eu l'intention de tromper la religion du tribunal en produisant la pièce 23,

-c'est par erreur que la page comportant la signature des deux parties s'est retrouvé agrafée involontairement à l'acte intitulé « Cession de fonds de commerce »,

-elle n'a jamais souhaité tirer avantage de cette pièce communiquée à tort, et que dans toute son argumentation, il n'a pas été prétendu que la cession du fonds avait été signée, mais simplement, que toutes les conditions étaient réunies pour la réalisation de cette cession.

Elle demande à la cour de lui donner acte de l'inexistence de l'original de la pièce nº23 intitulée « Cession de fonds de commerce ».

A l'appui de ses prétentions la société CMMP fait principalement valoir que :

-I'acte du 5 décembre 2015 est une promesse unilatérale de vente de la part de I'EURL CMMP ; que cette vente a été conditionnée par l'obtention par la SARL STCI d'un financement bancaire et la signature d'un bail commercial auprès d'une SCI dont M. [V] était lui-même associé

-par le projet de cession de fonds de commerce du 6 juillet 2016, les parties ont convenu de faire la jonction entre ce premier acte d'engagement du 5 décembre 2015, afin qu'il y ait une continuité et un enchaînement entre les deux conventions

-l'acte du 06 juillet 2016 est une promesse synallagmatique de vente qui n'est pas soumise à l'enregistrement de l'article 1589-2 du Code civil, par laquelle les deux parties ont souhaité réitérer leur volonté respective de céder et d'acquérir définitivement le fonds, au travers de la rédaction et de la signature « PROJET DE CESSION DE FONDS DE COMMERCE » .

Elle soutient que :

- la société STCI a levé l'option le 22 août 2016 en lui faisant parvenir un courriel confirmant l'obtention du financement,

- la vente était parfaite dès le 22 août 2016 ;

-le refus de signer l'acte de vente en rajoutant des conditions qui n'avaient jamais existé lors des pourparlers ni des tractations constitue une faute contractuelle ouvrant droit à indemnisation des préjudices subis lesquels sont directement en lien avec le refus opposé, puisque confiante dans la vente à intervenir elle avait autorisé la société STCI à démarcher ses propres clients ce qui a entraîné une diminution de son activité, qu'un de ses jeunes techniciens diplômés et compétents a été débauché par la société STCI, ce qui a accentué sa baisse de productivité et la perte de valeur du fonds de commerce.

Elle expose qu'en l'absence de repreneur, l'entreprise a dû cesser son activité, vendre ses actifs à perte, procéder au licenciement du personnel que la société STCI s'était engagée à reprendre .

Elle fait valoir qu'elle n'a pu relouer les locaux que le 6 mars 2017 supportant six mois de perte de loyers.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 octobre 2021, la société STCI demande à la cour de :

-Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

-Constater que la pièce nº 23 produite aux débats en cause d'appel est considérée par l'intimée comme étant manifestement un faux ; qu'il s'agit donc d'une tentative d'escroquerie au jugement qui sera sanctionnée par une indemnité de 20 000 € que l'appelante devra verser à l'intimée

-Constater qu'aucun acte de cession n'est intervenu dans cette affaire

-Dire nulle la promesse signée entre les parties et surtout dire que cette promesse était caduque, compte tenu de la non-réalisation des conditions suspensives

-Confirmer la décision rendue le 23/04/2018 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis en toutes ses dispositions

-Condamner l'EURL Construction Métallique Mécanique de Précision « CMMP » à payer à la SARL Société de Travaux de Chaudronnerie Industrielle"STCI" les sommes suivantes :

.20 000 € pour tentative d'escroquerie à jugement par production d'un faux ;

-.5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner l'EURL Construction Métallique Mécanique de Précision aux entiers dépens.

La société STCI demande à la cour de constater qu'aucun acte de cession n'est intervenu dans cette affaire, que la pièce nº 23 produite aux débats en cause d'appel est un faux manifeste, qu'elle a été victime d'une tentative d'escroquerie au jugement qui sera sanctionnée par une indemnité de 20 000 €.

Elle soutient que :

- la promesse unilatérale de vente du fonds de commerce est nulle en application de l'article 1589-2 du code civil faute d'avoir été enregistrée aux impôts;

- la société CMMP produit en cause d'appel une pièce nº 23 qui constitue un faux matériel , cette pièce ayant été réalisée par montage, ce document falsifié va donner lieu à une inscription de faux sa production constituant une tentative d'escroquerie ;

-la société CMMP qui a été contrainte de reconnaître qu 'il n 'y avait jamais eu d 'original d 'acte de cession de fonds de commerce, n'est pas crédible quand elle dit avoir commis une erreur dans sa communication de pièces en agrafant involontairement la page comportant la signature des deux parties à l'acte intitulé cession de fonds de commerce ;

-la pièce 24 produite par la société CMMP intitulée « projet de cession de fonds de commerce » ne saurait être qualifiée de promesse synallagmatique de vente ;

- aucun personnel n'a été débauché.

Elle fait valoir que le projet de cession n'a pas abouti sur un acte réitéré en raison :

-des circonstances qui s'opposaient à la signature de l'acte définitif, le gérant de la société CMMP ayant demandé « un dessous de table » de 44.000,00 €

-de l'absence de transmission au futur acquéreur des comptes 2015

-du comportement de M. [V] qui a abusé de sa double qualité de cédant et de gérant de la SCI propriétaire des murs

-des conditions suspensives qui n'étaient pas réalisées, les accords de principe de la banque n'ayant jamais atteint le prix de vente.

Elle expose enfin que le courriel du 22 juin 2016 portant à la connaissance de CMMP une information ne saurait constituer une levée de l'option et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Sur les différents actes signés par les parties et sur leur qualification juridique :

S'agissant de « l'acte d'engagement» signé le 5 décembre 2015 :

La société CMMP produit un acte sous seing privé daté du 5 décembre 2015 intitulé « engagement » conclu entre elle même et la société STCI.

Il est stipulé à l' acte sous seing privé du 05 décembre 2015 que « Par les présentes Monsieur [V] [Y], gérant de la Sarl CMMP s'engage à céder Sarl STCI ou à Monsieur [U] [C] sous réserve de certaines conditions ci-après stipulées , le fonds artisanal lui appartenant de mécanique de précision (...) »

L'article 4 conditions suspensives stipule que « Le présent engagement est subordonné à la réalisation dans les délais indiqués des conditions suspensives suivantes :

-obtention par l'acquéreur d'un emprunt auprès d'un organisme de crédit ou d'une banque.

-obtention par la société STCI de la mise en place d'un nouveau bail commercial à négocier selon les conditions réelles d'exercice de l'activité »

Enfin, l'article 5 - rédaction et signature de l'acte définitif stipule « En cas d'accomplissement de toutes les conditions suspensives à la date ci dessus fixée, l'acte définitif de cession devra être régularisé au plus tard le 28 février 2016 ».

Des appellations différentes ayant été retenues par les parties pendant les négociations d'un contrat définitif , la cour a demandé dans son arrêt avant dire droit en date du 19 mai 2021, à ces dernières de qualifier les actes litigieux et d'énoncer les moyens de droit qu'elles invoquent.

La société CMMP qualifie l'acte signé le 05 décembre 2015 de « promesse unilatérale ».

Il appartient à la cour d'analyser le contenu des obligations réciproques des parties pour qualifier la nature de l'acte sous seing privé signé le 05 décembre 2015.

La promesse unilatérale est définie à l'article 1124 du code civil comme un contrat par lequel une partie (le promettant) promet à une autre (le bénéficiaire) de conclure un contrat principal dont les éléments essentiels sont déjà déterminés et pour la formation duquel manque uniquement le consentement du bénéficiaire tandis que la promesse synallagmatique de vente est un contrat par lequel deux parties promettent réciproquement l'une d'acheter, l'autre de vendre l'immeuble, moyennant un prix déterminé.

En l'espèce, il convient de constater que seul le promettant s'engage à vendre le fonds de commerce, le bénéficiaire n'étant pas tenu de conclure le contrat définitif.

L'absence de réciprocité des obligations permet d'analyser l'acte sous seing privé signé le 05 décembre 2015 en une promesse unilatérale de vente.

La promesse unilatérale de vente est, en principe, un contrat consensuel, pour autant sa validité peut être subordonnée à l'accomplissement de règles de forme.

Aux termes de l'article 1589-2 du code civil, « est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie d'un immeuble ou aux titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter, si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire ».

La société CMMP ne justifie pas d'avoir dans un délai de 10 jours à compter de son acceptation , réitéré la promesse de vente par acte authentique ou d'avoir fait procéder à son enregistrement aux impôts.

En conséquence, la promesse unilatérale de vente signée le 05 décembre 2015 encourt la nullité de plein droit de l'article 1589-2 du code civil.

Sur « l'acte de cession du 06 juillet 2016 (pièce 23) » :

Il est acquis aux débats qu'il n'a pas été signé le 06 juillet 2016 entre les sociétés CMMP et STCI un acte intitulé « Cession de fonds de commerce » tel que communiqué par la société CMMP en pièce 23 et la cour prend acte des explications fournies par cette dernière selon laquelle cette communication est intervenue malencontreusement après avoir rattaché par erreur au document intitulé « Cession de fonds de commerce » une page comportant la signature des deux parties .

Sur « le projet de cession de fonds de commerce signé le 06 juillet 2016 » (pièces 24-25/pièce 2) :

En l'espèce, la société CMMP en pièces 24-25 et la société STCI en pièce 2 ont produit un acte sous seing privé signé le 06 juillet 2016 intitulé « projet de cession de fonds de commerce » dont le contenu est identique comportant la signature et le cachet des sociétés CMMP et STCI.

La société CMMP qualifie le présent acte de « promesse synallagmatique de vente » ce que conteste la société STCI.

La promesse synallagmatique de vente est définie comme un contrat par lequel deux parties promettent réciproquement l'une d'acheter, l'autre de vendre le fonds de commerce, moyennant un prix déterminé.

Il convient à nouveau d'analyser le contenu des obligations réciproques des parties pour qualifier la nature de l'acte sous seing privé signé le 06 juillet 2016.

Il est stipulé dans ladite convention :

« Article 1 Obiet de la convention :

1-1 . Cession de fonds de commerce

Par les présentes, le Vendeur cède a l'Acquéreur, qui accepte, sous les garanties ordinaires,de droit et de fait en pareille matière et aux conditions ci-après exposées, le fonds artisanal de mécanique de précision sis et exploite au [Adresse 1] et pour l'exercice duquel le promettant est immatriculé sous le numéro 350 292 041, APE 2511Z dont la désignation suit. (...) »

ARTICLE 3 - Déclarations de L'acquéreur :

(...)

- I' Acquéreur déclare faire son affaire personnelle du lieu de l'exploitation, de sa localisation et de Ia régularisation ou pas d'un nouveau bail ainsi que de Ia signature de celui-ci et de tous les documents annexes, aux charges et conditions qu'il avisera sans recours contre Ie Vendeur et le rédacteur du présent acte, les déchargeant de toute responsabilité à cet égard. (...)

- avoir visé tous les livres de comptabilité du Vendeur hors la présence du rédacteur et avoir reçu le relevé des chiffres d'affaires mensuels réalisés par Ie Vendeur depuis le début de l'exercice en cours jusqu'au 31 décembre 2015. (...)

ARTICLE 4 - Propriété et jouissance

L'acquéreur aura la jouissance du fonds de commerce à compter du 19 septembre 2016.

L'acquéreur sera Propriétaire du fonds de commerce cédé a compter de Ia date du présent acte. (...)

ARTICLE 6 - Prix de cession

La présente vente de fonds de commerce est consentie et acceptée moyennant Ie prix de DEUX CENT SIX MILLE EUROS (206.000 €), se décomposant comme suit:

-aux éléments incorporels pour une somme de : 40 000 euros

-aux matériels et objets mobiliers pour une somme de : 166 000 euros

Total 206 000 euros.(...)

ARTICLE 7- Paiement du prix

Le prix de vente du fonds de commerce stipule ci-dessus d'un montant de 206 000 (deux cent six mille) euros est payé comptant ce jour par chèque tiré sur Le Crédit Agricole à l'ordre du séquestre ci après désigné (article 10 du présent acte). ».

Aux termes de l'article 1113 du code civil « Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.

Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur. ».

Il y a lieu de constater que les éléments essentiels de la formation de la vente sont réunis et clairement précisés à savoir :

-l'identification précise du fonds,

-son prix ,

-la date de transfert de la propriété.

Il y a lieu de relever qu'aucun point ne demeure en discussion, que la cession du fonds de commerce n'est pas subordonné à la réalisation de conditions suspensives et qu'aucune date de réitération de l'acte n'est prévue et que l'engagement des parties est exprès.

La société STCI ne saurait se prévaloir de conditions suspensives qui conditionneraient son engagement et qui résulteraient de la promesse de vente signée le 05 décembre 2015 dont la nullité rend inopérante toute référence.

Aux termes de l'article 1583 du code civil, dés qu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix, la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur.

A défaut de stipulation contractuelle contraire et en application des dispositions de l'article 1583 du code civil, le défaut de paiement du prix ne fait pas obstacle à la cession du fonds de commerce.

En conséquence, la signature par les parties le 06 juillet 2016 de l'acte sous seing privé produit par ces dernières respectivement en pièces 24-25 (CMMP) et en pièce 2 (STCI) intitulé « projet de cession de fonds de commerce » vaut conclusion du contrat définitif de cession du fonds de commerce et transfert de propriété.

Sur la responsabilité de la société STCI :

L'article 1231-1 du code civil dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.».

Les conditions de fond de la responsabilité contractuelle sont : une défaillance contractuelle, un dommage prévisible et un lien de causalité entre les deux. Les causes exonératoires de responsabilité, outre l'absence de faute et/ou de dommage et/ou de lien de causalité entre la faute et le dommage, sont la force majeure, la faute de la victime ou le fait d'un tiers.

La société CMMP fonde son action en responsabilité contractuelle sur le refus fautif de la société STCI de signer l'acte de vente du fonds de commerce qui lui auraient occasionné des préjudices dont elle demande réparation.

Or, il vient d'être démontré qu'aux termes de l'acte sous seing privé du 06 juillet 2016 , le consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix a entraîné la formation du contrat de vente et que sa réitération n'était dès lors pas une condition de perfection de la vente.

En l'état, la cour ne peut que constater que les demandes formulées fondées sur l'absence de signature de l'acte de vente deviennent sans objet.

La société CMMP est déboutée de ses demandes.

Sur la tentative d'escroquerie au jugement :

La société STCI sollicite une indemnisation au titre de la tentative d'escroquerie au jugement sans pour autant préciser le fondement de son action.

Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, en l'absence de toute précision sur le fondement juridique de la demande de la société STCI , les juges du fond doivent examiner les faits sous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit qui leur sont applicables.

Il y a lieu de relever que la société STCI ne justifie pas d'une déclaration de culpabilité prononcée par une juridiction pénale à l'encontre de la société CMMP du chef de tentative d'escroquerie au jugement et de rappeler que les juridictions commerciales n'ont pas compétence pour caractériser et poursuivre les infractions pénales.

Suivant l'article 1240 du code susvisé, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

S'agissant des conditions de la responsabilité civile pour faute, il appartient à la société STCI de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

S'il est acquis que la société CMMP a produit la pièce 23 portant l'intitulé « Cession de fonds de commerce », pour autant elle ne se prévalait que du refus fautif de la société de réitéré la cession du fonds de commerce et non de l'inexécution des obligations afférentes à la cession du fonds.

Par ailleurs, il sera fait observer que la cour n'a pas manqué de relever l'incohérence entre le document produit et la demande de la société CMMP, d'ordonner la réouverture des débats aux fins d'éclaircissements.

En l'absence de démonstration par la société de STCI d'une faute imputable à la société CMMP, d' un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice, sa demande dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les autres demandes

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la société CMMP au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile et aux dépens.

L'équité justifie de débouter la société STCI de sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles et de la condamner à payer à la société CMMP la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

DEBOUTE l'EURL Construction Métallique Mécanique de Précision de sa demande d'indemnisation au titre des préjudices consécutifs au refus par la SARL Société de Travaux de Chaudronnerie Industrielle de signer la vente ;

DEBOUTE la SARL Société de Travaux de Chaudronnerie Industrielle de sa demande d'indemnité au titre de la tentative d'escroquerie au jugement ;

DEBOUTE la SARL Société de Travaux de Chaudronnerie Industrielle de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SARL Société de Travaux de Chaudronnerie Industrielle à payer la somme de 4000 euros à l'EURL Construction Métallique Mécanique de Précision au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL Société de Travaux de Chaudronnerie Industrielle aux dépens de première instance et d'appel.