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Décisions

Cass. com., 21 septembre 2010, n° 09-14.484

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Odent, SCP Boré et Salve de Bruneton

Versailles, du 19 mars 2009

19 mars 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2009), que la société Moules et modèles a commandé à la Société de distribution de polyuréthanes (la société SDP) trente kilogrammes de polyol en vue de la fabrication, par mélange avec un autre produit, de mousses destinées au bâtiment ; que la mousse fabriquée par la société SDP a présenté une résistance insuffisante et généré des désordres ; qu'après avoir indemnisé les utilisateurs de la mousse, la société Moules et modèles et son assureur, la société Axa France IARD, ont assigné la société SDP et son assureur, la société Mutuelles du Mans assurances IARD (la société MMA IARD), en dommages-intérêts ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que la société SDP et la société MMA assurances IARD font grief à l'arrêt d'avoir déclaré la société SDP responsable du préjudice résultant du défaut de fabrication de la mousse de polyuréthane par la société Moules et modèles, à hauteur de 60 % et d'avoir condamné in solidum la société SDP et la société MMA IARD à payer à la société Axa France IARD, subrogée dans les droits de la société Moules et modèles, la somme de 60 % de 13 025,80 euros, soit 7 815,48 euros, et à la société Moules et modèles 60 % de la somme de 40 835,03 euros, soit 24 501 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que l'obligation d'information du fabriquant à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés ; qu'en imputant à faute à la société SDP de ne pas avoir précisé à la société Moules et modèles les caractéristiques chimiques du composant qu'elle lui avait livré, sans rechercher si, en sa qualité de professionnel fabriquant ses propres produits en mélangeant ce composant à un autre, la société Moules et modèles ne disposait pas des aptitudes requises pour apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques de ce composant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;

2°/ que la faute du professionnel qui utilise un produit sans disposer des connaissances à défaut desquelles il est impossible de l'utiliser de façon conforme est la cause exclusive du dommage résultant de la mauvaise utilisation du produit ; qu'en opérant un partage de responsabilité entre la société Moules et modèles et la société SDP, bien qu'elle ait relevé que la première avait commis une faute, en employant un produit nouveau, sans s'inquiéter de la communication de la fiche technique précisant les caractéristiques chimiques du composant vendu par la société SDP et qu'à défaut de connaître ces caractéristiques, la société Moules et modèles ne pouvait l'utiliser de façon conforme, ce dont il résultait que la faute de cette dernière, qui avait mélangé ce produit sans s'interroger sur sa composition, était la cause exclusive du dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'appréciant souverainement la compétence de la société Moules et modèles lui donnant les moyens de déterminer la portée exacte des caractéristiques techniques du composant qui lui était livré, la cour d'appel a estimé que la société SDP devait préciser les caractéristiques chimiques de son produit sans la connaissance desquelles aucun professionnel de cette spécialité ne pouvait l'utiliser de façon conforme ;

Attendu, d'autre part, que l'obligation d'information du fabricant à l'égard de l'acheteur professionnel n'existant que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés, c'est dans l'exercice souverain de son pouvoir d'apprécier cette compétence que la cour d'appel a retenu qu'il convenait de laisser à la société Moules et modèles une part de responsabilité de 40 % ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société Moules et modèles et la société Axa France IARD font grief à l'arrêt d'avoir limité à 60 % la part de responsabilité de la société SDP dans la réalisation du dommage, laissant en conséquence 40 % à la charge de la société Moules et modèles, et de l'avoir condamnée dans cette seule limite, alors, selon le moyen :

1°/ que ne commet aucune faute l'acheteur, même professionnel mais d'une spécialité distincte, qui ne sollicite pas du vendeur professionnel la communication d'une fiche technique concernant le produit acheté ; qu'en imputant à faute à la société Moules et modèles le fait de ne pas avoir sollicité de la société SDP la communication d'une fiche technique tout en constatant sa qualité de professionnelle d'une spécialité distincte, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la société Moules et modèles n'avait pas pu légitimement croire que le défaut de communication de cette fiche lors de la livraison permettait de présumer une similitude des caractéristiques entre le produit nouveau et le produit ancien livré par la société TBI, ce qui était de nature à la dispenser de toute obligation d'information personnelle complémentaire, a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du code civil ;

2°/ que constitue la cause exclusive du dommage le fait pour un vendeur professionnel de s'abstenir fautivement de fournir une fiche technique sur les caractéristiques chimiques d'un produit nouveau à un client également nouveau, professionnel d'une spécialité distincte ; qu'en retenant à l'encontre de la société Moules et modèles un manquement à une obligation personnelle de s'informer, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses observations faisant ressortir que la faute commise par la société SDP constituait la cause exclusive du dommage, au regard des articles 1135 et 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Moules et modèles avait employé un produit nouveau sans s'inquiéter de la communication de sa fiche technique, l'arrêt retient que cette société avait manifesté ainsi une légèreté répréhensible ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations établissant que la société Moules et modèles avait commis une faute, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire la recherche devenue inopérante visée à la première branche, et qui a souverainement apprécié les conséquences de celle-ci dans la survenance du dommage, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois, principal et incident.