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Décisions

Cass. crim., 12 décembre 2000, n° 97-83.470

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Roman

Avocat général :

M. Lucas

Avocats :

SCP Le Bret-Desaché et Laugier, Me Blanc, Me Garaud

Douai, du 29 avr. 1997

29 avril 1997

Sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 513, 592 et 802 du Code de procédure pénale :

Attendu que l'arrêt attaqué mentionne que le ministère public était représenté aux débats et au prononcé de l'arrêt et que les parties ont eu la parole dans l'ordre prévu par l'article 513 du Code de procédure pénale ;

Que, dès lors, le moyen alléguant que l'arrêt ne constaterait pas l'audition du ministère public manque en fait ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation du mémoire personnel et le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 1843-5 du Code civil, 245 de la loi du 24 juillet 1966, 201 du décret du 23 mars 1967, 2, 509, 515 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Alain X... irrecevable à exercer l'action ut singuli pour le compte de la SA Testut et seulement recevable en son action personnelle ;

" aux motifs qu'Alain X..., actionnaire de la SA Testut, était recevable à exercer l'action ut singuli prévue par l'article 245 de la loi du 24 juillet 1966 jusqu'à ce que la société Testut exerce elle-même l'action en responsabilité contre les administrateurs ; qu'aujourd'hui Alain X... est irrecevable en son action ut singuli, dès lors que la société Testut a, elle-même, pour les mêmes causes, exercé l'action en responsabilité contre les administrateurs et qu'aucune carence ne peut être établie à son encontre ; que les dispositions du jugement déféré qui concernent la société Testut sont définitives, à défaut d'appel de sa part ; que seule l'action d'Alain X... à titre personnel est recevable ;

" alors, d'une part, que l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'actionnaire exerçant ut singuli l'action sociale ut universi qu'il tient de l'article 245 de la loi du 24 juillet 1966 ne découle pas de la constitution de partie civile aux mêmes fins que prétend régulariser la société après que l'actionnaire ainsi qu'en dispose l'article 201 du décret du 23 mars 1967 l'ait " régulièrement mise en cause " par une assignation à comparaître à l'audience des débats ; qu'en pareil cas, la société ne dispose plus, à ce moment-là, de l'action et de son exercice, mais seulement de la faculté, qui appartient à toute partie " mise en cause ", d'intervenir à l'instance, et seulement dans la limite prévue par la loi, laquelle est, en l'espèce, l'appropriation, par la société, du profit de l'action ut universi exercée ut singuli par son actionnaire ;

" et alors, d'autre part, que l'appel de l'actionnaire exerçant ut singuli l'action ut universi produit effet à l'égard de la société mise en cause et partie au jugement dont elle n'a pas interjeté appel " ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 245 de la loi du 24 juillet 1966 et 509 du Code de procédure pénale ;

Attendu que l'actionnaire qui exerce l'action sociale prévue par l'article 245 de la loi susvisée a qualité pour saisir les juges de demandes au profit de la société et pour exercer au nom de celle-ci les voies de recours ;

Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Alain X..., actionnaire de la société Testut, tant à titre individuel qu'au nom de la société, en vertu de l'article 245 de la même loi, le juge d'instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel Elie Y..., Bruno Z... et Bernard A..., anciens administrateurs, le premier pour abus de biens sociaux, faux et usage, le second pour complicité d'abus de biens sociaux, le troisième pour abus de biens sociaux et recel de ce délit, Bernard B..., avocat, pour complicité d'abus de biens sociaux et d'usage de faux et Michel C..., ancien président de la Société de Banque Occidentale (SDBO), pour complicité d'abus de biens sociaux ;

Qu'Alain X... a fait citer devant le tribunal correctionnel, conformément à l'article 201 du décret du 23 mars 1967, la société Testut, qui, s'étant constituée partie civile par l'intermédiaire de son président, a conclu à la condamnation des prévenus et de la SDBO, civilement responsable de Michel C..., à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts ; que Me D...et Me E... sont intervenus en qualité de liquidateurs de Bernard A... ;

Que le tribunal correctionnel, après relaxe partielle des prévenus, les a condamnés pour le surplus, a rejeté, en l'état, les demandes de la société Testut représentée par son président, a déclaré irrecevables celles d'Alain X... faites au nom de la société et a prononcé sur la réparation de son préjudice personnel ;

Attendu que, pour déclarer Alain X..., seul appelant, irrecevable à exercer l'action sociale devant la juridiction de jugement, l'arrêt attaqué retient que la société Testut a, elle-même, pour les mêmes causes, exercé l'action en responsabilité contre les administrateurs, qu'aucune carence ne peut être établie à son encontre et que les dispositions du jugement déféré qui la concernent sont devenues définitives, faute d'appel de sa part ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'intervention, devant les premiers juges, du représentant légal de la société ne pouvait priver le demandeur du droit propre, appartenant à l'actionnaire, de présenter des demandes au profit de celle-ci et de relever appel en son nom, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 29 avril 1997, les dispositions relatives à l'action publique étant expréssement maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.