Cass. com., 1 octobre 1997, n° 95-15.499
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pasturel
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
Me Le Prado, SCP Delaporte et Briard
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que la société Recofi, pour contraindre la société de droit angolais Importang, dont elle était créancière en vertu d'un jugement, à lui payer la somme ainsi due, a pratiqué, dans le port de Rouen, la saisie conservatoire du navire Secil X... appartenant à la société, également de droit angolais, Secil Y... ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, qui est préalable :
Vu l'article 4 de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, ensemble l'article 29 du décret n° 67-967 du 27 octobre 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer ;
Attendu qu'en vertu de l'un ou l'autre de ces textes, il ne peut être pratiqué de saisie conservatoire d'un navire sans l'autorisation préalable du juge et qu'à défaut la saisie est nulle ;
Attendu que, pour valider la saisie litigieuse, l'arrêt, tout en constatant que celle-ci avait été pratiquée au seul vu du jugement de condamnation de la société Importang, énonce que les prescriptions du décret du 27 octobre 1967 ne sont pas sanctionnées par la nullité ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 2092 du Code civil ;
Attendu que le droit de gage général qui résulte de ce texte au profit des créanciers ne porte que sur le patrimoine même du débiteur ; que, par ailleurs, le contrôle d'un Etat sur une personne morale, ainsi que la mission de service public qui lui est dévolue, ne suffisent pas à la faire considérer comme une émanation de l'Etat impliquant son assimilation à celui-ci et aux autres organismes placés dans la même situation qu'elle par rapport à cet Etat ;
Attendu que, pour valider la saisie litigieuse, l'arrêt retient encore que les sociétés Importang et Secil Y... sont toutes deux contrôlées par la République d'Angola, qu'elles exercent des activités complémentaires et ont des intérêts communs, dès lors que la société Importang gère toutes les opérations d'importation de ce pays tandis que la société Secil Y... a le monopole de la conclusion des contrats d'affrètement pour l'ensemble de ces opérations et qu'ainsi elles ne jouissent pas de l'autonomie patrimoniale ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que la société Secil Y... ne disposait pas d'un patrimoine propre distinct de celui de la société Importang, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.