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Décisions

Cass. com., 22 mai 2001, n° 99-10.437

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Leclercq

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Copper-Royer, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Paris, 15e ch. civ., sect. B, du 20 nov.…

20 novembre 1998

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société ECT et de ses filiales, le représentant des créanciers et le commissaire à l'exécution du plan ont engagé une action en responsabilité contre le Consortium de réalisation de créances (le CDR), venant aux droits de la Société de banque occidentale (SDBO), lui reprochant d'avoir soutenu abusivement et aveuglément la société ECT par des crédits inopportuns et disproportionnés ;

Attendu que pour condamner le CDR, l'arrêt retient que la SDBO a financé la société ECT, dans ses acquisitions, financé ses filiales, financé les anciens et nouveaux actionnaires, "finançant donc tout le monde", par des crédits successifs, sans se soucier d'un ratio minimum de fonds propres de la part de la société ECT, sans prendre en compte la rentabilité de ses investissements, ni ses capacités de remboursements, sans s'entourer des informations nécessaires et sans contrôler l'utilisation de ses fonds ; qu'il ajoute que même si les crédits consentis visaient le financement d'achats d'actifs par ECT, même si la banque ignorait les détournements de l'un des dirigeants, elle aurait dû faire preuve de discernement et de mesure dans l'octroi des crédits et mettre fin à ses crédits après des pertes de trésorerie trop importantes ; qu'il conclut que la SDBO a ainsi contribué, par ces crédits abusifs et persistants, à favoriser des gestions chaotiques et des investissements désordonnés et imprudents par des dirigeants soit naïfs, soit irresponsables et inconséquents, voire douteux, et a permis leur fuite en avant, favorisant l'aggravation de la situation financière du groupe et sa déconfiture, tout en protégeant efficacement ses intérêts par des cautionnements ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser soit que, lors de l'octroi de ses crédits, ou de leur renouvellement, la banque connaissait, ou aurait pu connaître, par la consultation des comptes, le caractère déjà irrémédiablement compromis de la situation de la société ECT et que ses crédits avaient créé, au profit de cette société, une apparence trompeuse de solvabilité amenant les autres créanciers à s'engager avec elle, soit que l'importance de ces crédits et leur coût excessif rendaient inéluctable l'effondrement de la société, en l'absence pour elle de toute perspective sérieuse de développement ou de redressement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.