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Décisions

Cass. com., 25 mars 2003, n° 01-01.690

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Collomp

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, Me Jacoupy, SCP Tiffreau

Poitiers, du 12 déc. 2000

12 décembre 2000

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 décembre 2000), que la société Saitec était titulaire, dans les livres de la société SBT Batif aux droits de laquelle se trouve la société CDR créances, d'un compte courant dont le solde, débiteur depuis 1987, s'établissait à près de 9 000 000 francs au printemps 1993 ; qu'après qu'un audit lui ait révélé, en juin 1992, la situation de trésorerie "très négative" de sa cliente, la société SBT Batif a, dans le but de consolider ses encours, décidé l'année suivante de consentir à la société Sophopar, détentrice de 85 % du capital de la société Saitec, un prêt de 12 000 000 francs dont l'acte stipulait que les 3/4, soit 9 000 000 francs, seraient affectés au remboursement du découvert du compte, lequel est devenu créditeur, après compensation, le 23 juin 1993 ; que la société Saitec ayant été mise en redressement judiciaire, le 10 janvier 1994, les organes de la procédure collective ont fait assigner en responsabilité la société SBT Batif et la société Sophopar, leur reprochant d'avoir abusivement soutenu la société Saitec en lui accordant, au moyen du prêt litigieux, un concours qui lui avait permis de poursuivre six mois de plus son exploitation déficitaire ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses cinq branche :

Attendu que la société CDR créance fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité in solidum avec la société Sophopar, alors, selon le moyen :

1 ) qu'à défaut d'avoir maintenu ses crédits à la société Saitec à compter du mois d'avril 1993, date à laquelle la cour a estimé que cette société n'était plus en mesure de rester in bonis, la société SBT Batif ne saurait se voir reprocher d'avoir, faute de soutien, soutenu abusivement cette société en sorte qu'en la condamnant, au titre d'un soutien abusif de la société SBT Batif aux droits de laquelle elle se trouve, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 ) que le prêt consenti par la société SBT Batif à la société Sophopar, à charge par cette dernière de solder le compte courant de sa filiale la Saitec, au moyen de ce prêt, a eu pour seul effet de substituer la Sophopar à la Saitec en qualité de débitrice de la société SBT Batif, cette dernière n'ayant plus ni droit ni titre contre la Saitec, devenue débitrice de la Sophopar, en sorte qu'en reprochant à la société SBT Batif d'avoir "dissimulé le maintien des concours réels à la Saitec, la cour d'appel a derechef violé l'article 1382 du Code civil ;

3 ) qu'en violation de cette même disposition la cour relève-t-elle, que par un arrêt, au demeurant frappé de pourvoi, rendu le 9 novembre 1999, la cour de Paris aurait annulé le prêt consenti à la Sophopar comme ayant en réalité été conclu avec la Saitec, dès lors qu'au moment où le prêt a été consenti, date à laquelle il convient de se placer pour apprécier la prétendue faute de la société SBT Batif, il n'a jamais été contesté que par l'effet de ce prêt la société Sophopar devenait désormais seule créancière de la Saitec ;

4 ) que la société SBT Batif, aurait-elle eu connaissance des difficultés commerciales de la Saitec, ne pouvait se voir reprocher d'avoir substitué à une dette en découvert, engendrant d'importants frais financiers, un prêt de restructuration, remboursable sur 9 ans, sauf à méconnaître les dispositions de l'article 1382 du Code civil ;

5 ) que faute d'avoir caractérisé la situation irrémédiablement compromise de la société Saitec au moment où le prêt du 4 juin 1993 a été consenti, précision étant faite que cette société a bénéficié d'un plan de continuation, dont il n'est pas établi que la prise en considération de la créance de Sophopar entraînerait la remise en cause, la cour a de nouveau violé l'article 1382 du Code civil en la condamnant pour soutien abusif ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société SBT Batif, qui savait, depuis juin 1992, que la situation de la société Saitec, déjà très compromise, n'était susceptible de se redresser qu'à condition de pouvoir écouler des produits très spécifiques dont elle avait constitué des stocks excessifs et qui n'ignorait pas ou n'aurait pas dû ignorer, en juin 1993, que, cette commercialisation n'étant pas intervenue et les charges de la société Saitec ayant continué d'augmenter, la situation de celle-ci était devenue désespérée, avait organisé avec la société Sophopar un montage reportant en apparence sur celle-ci les engagements de sa filiale, qui permettait à l'établissement de crédit, dès lors que les fonds devaient contractuellement être affectés au remboursement du découvert du compte courant de la société Saitec, de maintenir en réalité le concours qu'il avait octroyé jusque là à sa cliente ; qu'en l'état de ces motifs dont il résultait que la société SBT Batif avait, fût-ce en substituant un prêt de restructuration à un découvert, soutenu abusivement, par personne interposée, la société Saitec, dont la situation était alors irrémédiablement compromise, la cour d'appel qui n'a pas violé le texte visé au moyen, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de

ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Sophopar fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité in solidum avec la société SBT Batif, alors, selon le moyen :

1 ) qu'en se bornant à relever qu'elle avait "participé au montage du prêt", sans répondre aux conclusions dans lesquelles elle soutenait qu'elle avait soulagé sa filiale en difficulté d'une dette à laquelle elle ne pouvait faire face, que c'était "précisément la disparition de cette dette qui a permis l'homologation par la cour du plan de redressement de la société Saitec, ce plan n'ayant été rendu possible que parce qu'elle n'a pas produit sa créance au passif de Saitec" et qu'il semblait donc "impossible de qualifier de soutien abusif l'intervention d'une société qui a réduit le passif de sa filiale, alors que cette réduction, au surplus, a permis le sauvetage de ladite filiale", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) qu'elle soutenait également que les éléments du soutien abusif étaient réunis dès avant son intervention forcée et que "société SBT Batif qui a maintenu à Saitec ses concours de façon négligente pendant des années, n'a pas cherché, même en avril 1993, à s'en faire rembourser, mais à les consolider" ; qu'ainsi, en ne répondant pas à ces conclusions et en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si société SBT Batif n'entendait pas maintenir ses concours à la société Saitec, avec ou sans son intervention, auquel cas sa participation "au montage du prêt permettant la poursuite du soutien abusif de la banque" à la supposer fautive, serait restée sans lien de causalité avec le préjudice dont Maître X... ès qualités demandait réparation, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la poursuite de l'exploitation de la société Saitec, entre le 24 juin 1993 et l'ouverture de la procédure collective en janvier 1994, avait engendré une perte de plus de 43 000 000 francs, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions évoquées par la première branche du moyen, a justement estimé que cette aggravation du passif provoqué par le soutien abusif, dont s'était rendue coupable la société Sophopar à l'égard de sa filiale, constituait pour les créanciers de la société Saitec un préjudice certain dont il était dû réparation ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que le prêt litigieux avait été accordé à la société Sophopar qui avait accepté d'en affecter le montant au remboursement du découvert du compte de la société Saitec dont elle connaissait pourtant la situation désespérée, ce qui avait permis à celle-ci de poursuivre son exploitation déficitaire six mois de plus ; qu'en l'état de ces appréciations qui établissent l'existence du lien de causalité entre la faute imputée à la société Sophopar et le dommage subi par les créanciers de la société Saitec, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions évoquées par la deuxième branche du moyen, que ces constatations rendaient inopérantes, a justifié sa décision ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.