CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 juin 2023, n° 21/09467
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
GF Financial (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Brun-Lallemand, M. Richaud
Avocats :
Me Bennani, Me Hardouin, Me Peskine
FAITS ET PROCÉDURE
La société GIGAFIT Développement a pour activité le développement et l'animation d'un réseau de salles de sport exploitées sous l'enseigne et selon le concept GIGAFIT, lequel se déploie sous quatre formats de club : [8] et XL.
Messieurs [X] et [G] ont, le 24 avril 2018, en qualité de « candidats franchisés », (« entrepreneurs indépendants ») été destinataires du document d'informations précontractuelles (DIP) GIGAFIT Développement.
Ils ont ensuite, le 16 mai 2018, « tant en (leur) nom personnel qu'en qualité de représentant d'(une) société en formation » signé un contrat de franchise pour la formule GIGAFIT Express (correspondant à un local compris entre 300 et 599 m2).
Ce contrat, d'une durée de 7 ans, prévoyait l'ouverture d'un centre de fitness sur la commune de [Localité 9] (Moselle) au plus tard 12 mois après sa signature.
En application de son article 10.1, messieurs [X] et [G] se sont acquittés par moitié chacun des droits d'entrée à hauteur de 15.500 euros HT (18.600 euros TTC).
Le franchiseur leur a transmis quinze manuels opératoires détaillant les informations pratiques nécessaires notamment, à la phase de préouverture du centre de remise en forme (« 1. Recherche des locaux », « 2. La conformité du local au regard des normes GIGAFIT », « 3. La préparation du dossier bancaire », « 4. les rendez-vous bancaires et la levée de fonds », « architectal realisation », « 5. la phase de pré-ouverture », « 7. « le discours commercial », « 8. le catalogue de communication », « 9. le référencement web et les actions digitales », « 15. les démarches juridiques d'ouverture »...) ainsi qu'à la phase de gestion et de fonctionnement du centre.
Les intéressés ont signé une promesse de bail devant notaire le 31 juillet 2018 et ont sollicité l'architecte préconisé par le franchiseur. Ils ont suivi en septembre les formations de 4 jours proposées par la société GIGAGIT en application du contrat de franchise (article 7.2).
Le financement de leur projet n'ayant pas abouti, messieurs [X] et [G] ont sollicité par courriels du 26 novembre et du 20 décembre 2018, puis par LRAR du 25 janvier 2019, le remboursement de leur droit d'entrée.
Le 14 février 2018, le franchiseur a indiqué qu'il ne ferait pas suite à cette demande au motif que le droit d'entrée n'est pas remboursable et qu'il est la contrepartie du savoir-faire et de l'exclusivité accordée. Il a par ailleurs proposé de transformer le contrat Express en un contrat Flash (moins onéreux) et d'accorder un délai supplémentaire de six mois en prolongeant l'exclusivité sur le territoire de [Localité 9] pendant cette période. Par courrier du 24 avril 2019, il a en outre précisé qu'il n'avait jamais été question de créer une interdépendance entre le contrat de franchise et le prêt bancaire éventuellement sollicité, raison pour laquelle l'obtention du financement bancaire n'est pas prévue dans le contrat de franchise.
Par acte du 10 juillet 2019, messieurs [X] et [G] ont assigné la société GIGAFIT Développement devant le tribunal de commerce de Bobigny afin d'obtenir la restitution du droit d'entrée.
Par jugement du 11 mai 2021 le tribunal de commerce de Bobigny a :
- Débouté messieurs [X] et [G] de leur demande de constater qu'ils sont des consommateurs ;
- Débouté messieurs [X] et [G] de leur demande de condamnation de la société GIGAFIT à leur rembourser la somme de 18 600 euros au titre d'un déséquilibre significatif ;
- Débouté messieurs [X] et [G] de leur demande de prononcer la caducité du contrat de franchise et de leurs demandes subséquentes ;
- Ordonné à messieurs [X] et [G] de restituer à la société GIGAFIT Développement le manuel de savoir-faire, l'ensemble des manuels opérationnels, toutes les instructions écrites, le matériel promotionnel et les fournitures pour exploiter la franchise GIGAFIT qui leur ont été remis, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification du présent jugement, astreinte limitée à 60 jours ;
- Débouté la société GIGAFIT Développement de sa demande au titre des redevances mensuelles impayées ;
- Laissé à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a engagés et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- Condamné solidairement messieurs [X] et [G] aux dépens ;
- Liquidé les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 85,80 euros TTC (dont 14,30 euros de TVA).
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 19 mai 2021 messieurs [X] et [G] ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 06 août 2021, messieurs [X] et [G] demandent à la Cour de :
Vu le contrat de franchise et ses annexes,
Vu l'article L. 121-1 du code de commerce,
Vu l'article liminaire du code de la consommation,
Vu les articles 1104, 1110 alinéa 2, 1171, 1186 alinéa 2, 1187, 1352-6 du code civil,
Vu les articles L. 132-1 et R.132-1 du code de la consommation,
Vu les articles 1334 et suivants du code civil,
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 11 mai 2021, RG n° 2019F01099, en ce qu'il a :
- Débouté Messieurs [X] et [G] de leur demande de constater qu'ils sont des consommateurs ;
- Débouté Messieurs [X] et [G] de leur demande de condamnation de la société GIGAFIT à leur rembourser la somme de 18600 Euros au titre d'un déséquilibre significatif ;
- Débouté Messieurs [X] et [G] de leur demande de prononcer la caducité la caducité du contrat de franchise et leurs demandes subséquentes ;
- Ordonné à Messieurs [X] et [G] de restituer à la société GIGAFIT Développement le manuel de savoir-faire, l'ensemble des manuels opérationnels, toutes les instructions écrites, le matériel promotionnel et les fournitures pour exploiter la franchise GIGAFIT qui leur ont été remis, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification du présent jugement, astreinte limitée à 60 jours ;
- Laissé à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a engagés et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- Condamné solidairement Messieurs [X] et [G] aux dépens.
En conséquence, statuant à nouveau :
A titre principal,
Débouter la société GIGAFIT de l'ensemble de ses demandes,
Constater la qualité de consommateurs de Messieurs [X] et [G], Confirmer le jugement du 11 mai 2021 en ce qu'il constate que le contrat de franchise signé par Messieurs [X] et [G] est un contrat d'adhésion,
Constater que la clause 10.1 du contrat de franchise est irréfragablement abusive,
Déclarer la clause 10.1 du contrat de franchise comme réputée non écrite,
Condamner la société GIGAFIT Développement à restituer la somme de 18 600 euros à Monsieur [X] et Monsieur [G] majorée du taux d'intérêt légal sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
A titre subsidiaire,
Débouter la société GIGAFIT de l'ensemble de ses demandes,
Prononcer la caducité du contrat et en conséquence,
Condamner la société GIGAFIT Développement à restituer à Messieurs [X] et [G] la somme de 18600 euros majorée du taux d'intérêt légal sous astreinte de 200 Euros par jour à compter de la décision à venir,
Dans tous les cas,
Débouter la société GIGAFIT de l'ensemble de ses demandes,
Confirmer le jugement du 11 mai 2021 en ce qu'il a débouté la société GIGAFIT de sa demande de paiement des redevances,
Condamner la société GIGAFIT Développement à verser la somme de 5 000 euros à Messieurs [X] et [G] à titre de dommages-intérêts,
Ordonner la publication du jugement aux frais de la société GIGAFIT Développement dans les journaux Le Parisien de toute l'Ile-de-France ainsi que dans les journaux Le Parisien du 57, dans la revue L'Officiel de la franchise ainsi que sur le site internet de la société GIGAFIT: www.gigafit.fr et ce, pendant 12 mois ;
Condamner la société GIGAFIT Développement à verser à Messieurs [X] et [G] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 05 novembre 2021, la société GIGAFIT Développement, demande à la Cour de :
Vu les articles 122 et 123 du code de procédure civile,
Vu les articles 1110, 1192, 1103, 1171 du code civil,
Vu l'article liminaire du code de la consommation,
Vu le contrat de franchise du 16 mai 2018 et les pièces versées aux débats,
Vu la jurisprudence citée,
Confirmer le jugement du 11 mai 2021 en ce qu'il a débouté Messieurs [G] et [X] de leurs demandes de voir :
- constater qu'ils sont des consommateurs ;
- condamner de la société GIGAFIT Développement à leur rembourser la somme de 18.600 euros au titre d'un déséquilibre significatif ;
- prononcer la caducité du contrat de franchise et de leurs demandes subséquentes.
Et en ce qu'il a :
- ordonné à Messieurs [G] et [X] de restituer à la société GIGAFIT Développement le manuel de savoir-faire, l'ensemble des manuels opérationnels, toutes les instructions écrites, le matériel promotionnel et les fournitures pour exploiter la franchise GIGAFIT qui leur ont été remis, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification du présent jugement, astreinte limitée à 60 jours ;
- condamné solidairement Messieurs [G] et [X] aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement';
Infirmer le jugement du 11 mai 2021 en ce qu'il a débouté la société GIGAFIT Développement de sa demande au titre des redevances mensuelles impayées ;
En conséquence,
Condamner solidairement Monsieur [X] et Monsieur [G] à payer la somme de 83 580 euros au titre des redevances mensuelles impayées ;
Condamner in solidum Messieurs [G] et [X] à payer à la société GIGAFIT Développement la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux entiers dépens dont distraction pour ceux-là concernant au profit de Maître Patricia Hardouin et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.
MOTIVATION
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Sur la qualité de consommateurs de messieurs [X] et [G].
Exposé du moyen :
Messieurs [X] et [G] se prévalent de la qualité de consommateurs et donc du bénéfice des dispositions du code de la consommation. Ils ne peuvent selon eux être considérés comme des professionnels dès lors qu'ils sont des personnes physiques, que la société envisagée n'a jamais été constituée et qu'ils n'ont jamais effectué des actes de commerce à titre de profession habituelle.
Ils justifient par ailleurs avoir, durant la période litigieuse, été selon les périodes, intérimaires, en CDD et au chômage (pièces appelants n° 1 et 1-1) ce qui leur paraît exclure un exercice à titre professionnel.
La société GIGAFIT Développement répond que les appelants sont des professionnels dès lors qu'ils ont effectués des actes en vue de la future exploitation commerciale de leur salle de sport. Ils sont donc irrecevables à se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives, à défaut d'avoir la qualité de consommateurs.
GIGAFIT se réfère notamment, à l'appui, à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 novembre 1991 duquel il ressort que les actes accomplis par un franchisé, en vue de sa future exploitation commerciale, même si celle-ci n'a finalement pas abouti, le sont par « un homme averti et conscient des effets de sa signature » et à un arrêt de la Cour de cassation (Com, 7 octobre 2014, n° 13-23119) duquel elle déduit que les relations entre un candidat à l'affiliation et un réseau sont des «'relations d'affaires entre professionnels ».
Réponse de la Cour :
L'article liminaire du code de la consommation applicable à l'époque des faits (version en vigueur du 23 février 2017 au 1er octobre 2021) dispose :
« Pour l'application du présent code, on entend par :
- consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
- non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ;
- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel. »
Il s'ensuit que c'est à raison que le tribunal a, dans la décision attaqué, retenu que M. [G] et M. [X] ont signé le contrat litigieux tant en leur nom personnel qu'en tant que représentant d'une société en cours de constitution, et qu'ils répondent donc à la définition du troisième alinéa de cet article liminaire.
La Cour ajoute que la société GIGAFIT relève, en complément, de façon pertinente que :
- le contrat de franchise désigne indifféremment M. [G], M. [X] et la société en cours de formation comme « le franchisé » ;
- de nombreuses précisions sur la société en formation figurent dans le dossier prévisionnel établi par les intéressés (dénomination « [Localité 9] Fitness », forme sociale SARL, capital social de 5 000 euros, répartition des parts par moitié entre les deux associés...) ;
- il n'est pas contesté que M. [G] et M. [X] ont engagé de nombreuses actions, lors de la phase dite de préouverture du centre, en vue de l'exploitation commerciale de celui-ci (recherches de locaux, demandes de financement bancaire, prise de contact avec le bailleur en vue de la location d'un local commercial, réalisation d'un prévisionnel d'exploitation avec un expert-comptable, établissement de plans d'architecte...).
Or la qualité de professionnel, exclusive de la qualité de consommateur, s'applique à toute personne agissant dans le cadre de son activité professionnelle, la circonstance selon laquelle la signature du contrat de franchise paraît avoir constitué un acte de commerce isolé étant indifférente à cet égard.
Ainsi, le fait que les appelants n'aient pas exploité le centre de fitness ne saurait, en lui-même, les décharger de leurs responsabilités de professionnels, au sens de l'article préliminaire du code de la consommation.
Le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a débouté M. [G] et M. [X] de leur demande de constater qu'ils sont des consommateurs.
Sur la demande au titre d'un déséquilibre significatif des obligations des parties au contrat.
Exposé du moyen :
Messieurs [X] et [G] soutiennent que le contrat de franchise est un contrat d'adhésion dont aucune clause n'a été négociable.
L'article 10.1 du contrat crée selon eux un déséquilibre significatif entre les parties et doit donc être réputé non écrit au titre des clauses abusives prévues par L. 132-1-9° du code de consommation. Cette disposition prévoit le paiement d'une somme qui ne sera jamais restituée, quel que soit l'issue du contrat, même en cas donc d'inexécution ou de résiliation par le franchiseur.
Ils ajoutent ne pas avoir bénéficié d'un savoir-faire, d'une exclusivité et d'un accompagnement pour la phase de préouverture, leur projet ayant pris fin en l'état embryonnaire mais ils font valoir ne pas demander une appréciation du prix payé par rapport à la prestation. Ils sollicitent qu'il soit constaté que la clause 10.1 du contrat de franchise est abusive.
La société GIGAFIT Développement répond que le contrat de franchise n'est pas un contrat d'adhésion mais un contrat de gré à gré dont les clauses ont été librement acceptées par les parties, si bien qu'il échappe de ce fait au contrôle du déséquilibre significatif. Elle soutient que le caractère de contrat d'adhésion ne peut se présumer et que méconnaître l'autonomie de la volonté contractuelle remet en cause l'indispensable sécurité juridique, laquelle doit prévaloir. Elle allègue que le franchisé disposait en l'espèce d'une réelle liberté de négociation du contrat, pour autant qu'il souhaite négocier ce dernier. Elle se réfère enfin plus particulièrement à une clause du préambule du contrat ainsi rédigée : « c'est donc en pleine connaissance de cause, après avoir pu recueillir toutes les informations utiles et bénéficier des conseils de son choix que le franchisé a décidé de signer le présent contrat qui a pour objet de définir les droits et obligations réciproques existant entre le franchiseur et le franchisé, et d'une façon plus générale entre le franchiseur et le réseau GIGAFIT ».
Subsidiairement si la qualification de contrat d'adhésion venait à être retenue, elle soutient, au visa de l'article 1171 du code civil, que l'article 10.1 est une clause de prix qui échappe à l'appréciation du déséquilibre significatif, laquelle ne doit pas porter sur l'adéquation du prix à la prestation. Elle ajoute que la somme mentionnée est, en tout état de cause, la juste contrepartie des obligations du franchiseur, à savoir le transfert du savoir-faire du franchiseur, qui inclut la formation initiale ; l'exclusivité territoriale consentie au franchisé dès la signature du contrat de franchise, pendant la période de préouverture du centre de remise en forme, le franchiseur renonçant à accorder ce territoire à d'autres candidats franchisés ; l'accompagnement du franchisé dans son projet pendant la phase de préouverture.
Réponse de la Cour :
L'article 10.1 du contrat de franchise stipule :
« A titre de droit d'entrée dans le réseau, le franchisé verse ce jour au franchiseur la somme de :
GIGAFIT EXPRESS : 15 500 euros HT ;
Ce droit sera définitivement acquis au franchiseur, et couvre le savoir-faire transmis par le franchiseur, notamment dans le cadre de la formation initiale, ainsi que l'exclusivité accordée au franchisé ».
La Cour rappelle que, pour les raisons précédemment exposées, M. [G] et M. [X] ne peuvent, pour écarter cette clause, se prévaloir de dispositions applicables aux consommateurs.
L'article 1171 du code civil, dans sa version du 1er octobre 2016 au 1er octobre 2018, dispose :
« Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.'»
ll ressort des travaux parlementaires de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance du 10 février 2016, que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation (Cass. Com., 26 janvier 2022, n° 20-16.782).
C'est de façon justifiée que le tribunal a retenu, dans la décision attaquée, que le contrat de franchise litigieux est un contrat d'adhésion, en ce qu'il comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par le franchiseur.
Il n'a pas été contesté au cours des débats devant la Cour, de surcroît, que le tribunal pouvait se prévaloir, en complément, de ce que le contrat ne différait en rien des autres contrats de franchise GIGAFIT dont il avait ou avait eu à connaître dans sa pratique décisionnelle.
La Cour ajoute qu'il ressort des éléments de la cause que le contrat a été communiqué prérédigé à M. [G] et M. [X], que le seul apport de ces derniers a consisté à remplir les espaces consacrés aux noms, prénoms et ville où ils demeuraient ainsi qu'au lieu d'implantation du centre de remise en forme et que les franchisés se sont limités par ailleurs à cocher, aux pages 4, 13, 18 et 21, la mention « Gigafit Express » parmi les quatre formules possibles (déclinées selon les mentions figurant au contrat sur un espace d'une superficie allant de 150 m2 au 900 m2 et plus).
Il s'ensuit que l'article 1171 du code civil ne peut être écarté au motif que le contrat litigieux serait de gré à gré.
Cependant, l'appréciation du déséquilibre significatif ne pouvant, aux termes du deuxième alinéa de cet article, porter sur l'adéquation du prix (le droit d'entrée) à la prestation (la transmission du savoir-faire par le franchiseur, notamment dans le cadre de la formation initiale et l'exclusivité accordé au franchisé), la Cour retient qu'est infondée la demande de restitution de la somme de 18 600 euros formulée sur ce fondement.
La décision attaquée est confirmée de ce chef.
Sur la demande subsidiaire de voir prononcée la caducité du contrat.
Exposé du moyen :
Messieurs [X] et [G] soutiennent l'interdépendance entre le contrat de franchise et le contrat de prêt auquel ils devaient impérativement avoir recours, et font valoir que dans ces circonstances, ils étaient dans l'impossibilité d'exécuter le contrat principal. Ils ajoutent que la proposition de changer de formule (au profit du concept « GIGAFIT Flash ») est en réalité une novation. Ils demandent à la Cour de déclarer le contrat de franchise caduc, et en conséquence la restitution du droit d'entrée en application de l'article 1186 du code civil.
La société GIGAFIT Développement répond que le contrat de franchise et le contrat de prêt ne résultent pas d'une même opération et ne sont pas interdépendants. Elle ajoute que l'article 1186 du code civil constitue une exception au principe de l'effet relatif des conventions et qu'il doit être interprété strictement. Elle fait valoir qu'il appartenait aux franchisés de persévérer dans leurs recherches en sollicitant un financement auprès d'autres banques, étant observé que leur apport personnel était dans la moyenne des franchisés (Pièce GIGAFIT n° 7 mail de M. [G] du 26 novembre 2018). Il leur revenait aussi d'envisager l'ouverture d'un club d'un format nécessitant un investissement moins important afin de convaincre plus facilement les établissements de crédit. Il s'en déduit, selon le franchiseur, que les intéressés ont souhaité se libérer sans frais d'un accord qui ne leur convenait plus.
Réponse de la Cour :
L'article 1186 du code civil dispose que :
« Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.
La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. »
Il est constant qu'en l'espèce, aucune stipulation contractuelle ne suspend l'exécution du contrat de franchise à l'obtention d'un prêt bancaire.
En outre, aucun contrat de prêt bancaire n'a été signé au cas présent et ne peut donc être considéré comme ayant disparu au sens du deuxième alinéa de ces dispositions.
Il n'est pas démontré, enfin, que la société GIGAFIT ait eu connaissance, au moment où elle a contracté, de l'opération économique unique (alléguée postérieurement par Messieurs [X] et [G] comme étant une condition déterminante de leur consentement), alors que le consentement du co-contractant contre laquelle cette condition est invoquée est exigée au troisième alinéa de l'article 1186 du code civil.
Il peut être constaté, à titre surabondant, comme observé par le tribunal dans la décision attaquée, que les franchisés n'ont par ailleurs pas prétendu avoir sollicité en vain des aides à la création d'entreprise, bien que des informations sur ce point leur avaient été spécifiquement transmises par le franchiseur (p. 6 du volume 3 du Manuel opératoire).
Aucune interdépendance entre le contrat de franchise et un contrat éventuel de prêt bancaire sollicité par les franchisés n'étant démontrée, le jugement est confirmé en ce qu'il n'a pas prononcé la caducité du contrat et a débouté Messieurs [X] et [G] et de leurs demandes subséquentes (restitution du droit d'entrée sur ce fondement, dommages et intérêts pour résistance abusive, publication de la décision dans plusieurs journaux et le site internet du franchiseur).
Sur les demandes reconventionnelles de la société GIGAFIT Développemen,
Exposé du moyen :
La société GIGAFIT Développement sollicite la restitution de l'ensemble des éléments de la franchise qui ont été transmis aux appelants ainsi que le paiement des redevances mensuelles impayées par eux depuis la signature du contrat de franchise (article 17 du contrat). Elle fait valoir que la résiliation anticipée du contrat est intervenue aux torts exclusifs des franchisés.
Messieurs [X] et [G] considèrent que l'article 17 du contrat de franchise est une clause pénale abusive.
Réponse de la Cour :
En premier lieu, l'alinéa 2 de l’article 17 du contrat de franchise stipule certes qu'« en cas de résiliation anticipée, le franchiseur a droit à un versement forfaitaire par le franchisé de l'intégralité des redevances qu'il aurait normalement perçues jusqu'au terme du contrat'», mais ces dispositions se doivent d'être combinées avec l'article 15 qui prévoit les conditions par lesquelles la résiliation anticipée du contrat intervient.
Or force est de constater que le franchiseur n'a pas signifié en l'espèce, par lettre recommandée avec accusé réception, comme exigé au deuxième alinéa de l'article 15, son intention de faire application de la clause résolutoire convenue entre les parties (« la résiliation interviendra automatiquement après une mise en demeure signifiée par LRAR à la partie défaillante indiquant l'intention de faire application de la présente clause résolutoire expresse, restée sans effet »).
La société GIGAFIT n'allègue par ailleurs pas se trouver dans la seule autre situation prévue à l'article 15 qui prévoit des modalités partiellement différentes de résiliation anticipée (fin du contrat avec effet immédiat en raison d'une divulgation du savoir-faire par le franchisé ou de violation du contrat compromettant gravement ou irrémédiablement l'image de marque du réseau).
Il s'ensuit que les conditions du versement forfaitaire par le franchisé de l'intégralité des redevances prévues jusqu'au terme du contrat ne sont pas réunies.
En deuxième lieu, la Cour observe que la lettre recommandée avec accusé réception de Messieurs [X] et [G] en date du 25 janvier 2019 a la teneur suivante :
« Monsieur,
Malgré nos diverses relances téléphoniques auxquelles nous n'avons eu aucun retour, vous annonçant que toutes les procédures visant à créer notre société en tant que franchisé GIGAFIT ont été réalisées dans leur totale intégralité, nous nous sommes heurtés à des refus de plusieurs banques pour le financement de notre projet.
Ce qui nous met dans une situation catastrophique, puisque nous avons réglé un droit d'entrée de 18 600 euros TTC, et que le projet n'aboutit pas. Nous sommes deux jeunes et ces 18 600 euros sont les économies de toute une vie...
Nous vous demandons de bien vouloir envisager un recours à l'amiable, et de procéder au remboursement des frais engagés.
Salutations distinguées ».
Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il ne peut se déduire de cette lettre qu'à compter du 25 janvier 2019, les redevances mensuelles impayées relèveraient par ailleurs de l'article 16. 5 « déchéance du terme » du contrat de franchise, lequel stipule que « le franchisé devra payer immédiatement au franchiseur (sans aucun droit à déduction ou à compensation), toutes les sommes dont il serait redevable à son égard, que celles-ci soient exigibles ou non à la date de l'expiration ou de la résiliation du contrat » (disposition ensuite considérée par le tribunal comme manifestement excessive).
Si le premier alinéa de l'article 15 prévoit que le contrat de franchise « peut être résilié par anticipation par l'une ou l'autre des parties en cas d'inexécution'», la résiliation anticipée implique en effet nécessairement, aux termes de l'alinéa 2 de cet article, une lettre de mise en demeure à la partie défaillante. Un courrier fut-il recommandé de la partie à l'origine d'une inexécution ne peut en conséquence justifier qu'il n'y soit pas fait application de cette formalité.
En troisième lieu, l'article 16.3 « restitution » stipule qu'à la fin du contrat, « le franchisé s'engage à restituer immédiatement au franchiseur le manuel de savoir-faire et toutes les instructions écrites, ainsi que le matériel promotionnel et les fournitures qui lui auront été remis ou qu'il aura fait éditer pour exploiter la franchise GIGAFIT ».
Or Messieurs [X] et [G] ne contestent pas s'être abstenus de restituer au franchiseur la documentation reçue.
Il se déduit de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société GIGAFIT Développement de sa demande au titre des redevances mensuelles impayées, et en ce qu'il a ordonné sous astreinte aux franchisés la restitution du manuel de savoir-faire, de l'ensemble des manuels opérationnels, de toutes les instructions, du matériel promotionnel et des fournitures pour exploiter la franchise GIGAFIT qui lui ont été remises.
Sur l'article 700 du code de procédure civile, les dépens et l'exécution provisoire.
Messieurs [X] et [G], qui succombent en toutes leurs prétentions, seront condamnés aux dépens d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société GIGAFIT Développement les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits en justice devant la Cour. Les appelants seront en conséquence condamnés à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile ayant consacré le principe de l'exécution provisoire de plein droit des décisions de justice, la demande (au demeurant non spécifiquement motivée) d'infirmation relative à l'exécution provisoire ordonnée, est dépourvue de fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 11 mai 2021 en toutes ses dispositions qui lui sont soumises,
Y ajoutant,
Condamne Messieurs [X] et [G] aux dépens d'appel ;
Condamne in solidum Messieurs [X] et [G] à verser à la société GIGAFIT Développement la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.