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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 13 juin 2023, n° 21/02462

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Valy (SCEA), TI Gwer (SCEA)

Défendeur :

Linde France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clément, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Fage, Me Haguet, Me Thienot

CA Rennes n° 21/02462

13 juin 2023

Les SCEA TI GWER et VALY, ont pour activité principale la production de tomates et de fraises sous serres.

Elles utilisent du CO2 pour améliorer leurs rendements agricoles.

Elles ont pour dirigeant M. [C] [G], qui les a créées suite à la dissolution d'un GIE KERVEYER.

La société LINDE FRANCE est une société spécialisée dans la fourniture et l'approvisionnement en gaz.

Depuis 2005, la société LINDE était le fournisseur de gaz du GIE KERVEYER. Les deux SCEA ont continué à se fournir auprès d'elle sur la base du contrat conclu avec le GIE.

En 2015, une rupture d'approvisionnement a engendré des pertes d'exploitation importantes pour la SCEA TI GWER que la Société LINDE France a consenti à indemniser.

Un avenant à la convention liant les sociétés TI GWER et LINDE a été signé en date du 14 juin 2016 aux termes duquel il est stipulé que :

« Linde a consenti d'une prise en charge d'un geste commercial de 37 K€ en contre partie de quoi :

1. Le contrat aura une durée de 3 ans.

2. Durant cette période Linde ne pourra être mise en cause si rupture d'approvisionnement

3. Durant cette période les prix varieront de 1 % tous les ans ».

A partir du mois de mars 2018, les livraisons de CO2 ont fortement baissé et plus aucune livraison n'a été assurée à compter du 20 mai.

Les SCEA ont résilié par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 4 juin 2018 les contrats de distribution exclusive les liant à la Société LINDE France.

Le 20 juin 2018, la Société LINDE France a adressé le courrier type à ses clients:

« La défaillance imprévisible et non contrôlable de notre principale source en France, causée par des tiers et non attribuables à LINDE, cumulée à un arrêt de fournitures d'autres sources en France et en Europe, empêche notre société d'approvisionner ses clients en CO2 liquide sous toutes ses qualités depuis le 11 juin 2018. Après épuisement des stocks, nous sommes malheureusement contraints de vous notifier la situation de force majeure à laquelle nous sommes confrontés. Celle-ci, bien que temporaire, peut se poursuivre pendant plusieurs semaines. À ce jour, nous ne sommes pas en mesure de prévoir la durée de cette situation de force majeure. LINDE et ses partenaires font leur possible pour résoudre au plus tôt cette situation. Nous vous tiendrons informés de la situation dès que celle-ci nous permettra de refaire face à nos engagements contractuels de délivrance temporairement suspendus. »

La rupture de l'approvisionnement a perduré jusqu'au mois de juillet 2018 et a compromis le développement des plants de tomates et de fraises.

Les récoltes ont été directement impactées.

La société LINDE a refusé d'indemniser les préjudices d'exploitation subis par les SCEA et exigé le paiement du solde de résiliation pour chaque contrat.

Pour rejeter les demandes d'indemnisation formulées par les SCEA TI GWER et VALY, la Société LINDE France a invoqué les dispositions de la convention du 14 juin 2016 pour refuser cette indemnisation.

Les conseils des parties ont échangé courriers et mises en demeure, sans parvenir un accord et par acte du 24 juillet 2019, les SCEA TIGWER et VALY ont assigné la société LINDE aux fins de la voir condamner au paiement de dommages et intérêts réparant les préjudices consécutifs à la rupture d'approvisionnement. Subsidiairement était demandée l'organisation d'une expertise aux fins d'évaluer ces préjudices.

Reconventionnellement, la société LINDE a demandé le paiement de ses factures.

Par jugement du 12 mars 2021, le tribunal de commerce de Brest a:

- débouté les SCEA TI GWER et VALY de leurs prétentions,

- condamné la société TI GWER à payer à la société LINDE la somme de 88.054,62 euros au titre des factures de fourniture de gaz impayées,

- condamné la société VALY au paiement de la somme de 29.239,52 euros au titre des factures impayées,

- condamné la société TI GWER à payer à la société LINDE la somme de 14.575 euros au titre des frais de démontage et de transport du matériel mis à disposition par la société LINDE pendant la durée de la convention,

- condamné la société VALY à payer à la société LINDE la somme de 14.575 euros au titre des frais de démontage et de transport du matériel mis à disposition par la société LINDE pendant la durée de la convention,

- dit que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné les sociétés TI GWER et VALY à payer conjointement à la société LINDE la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les mêmes aux dépens.

Appelantes de ce jugement, les sociétés TI GWER et VALY, par conclusions du 14 mars 2023, ont demandé que la Cour:

- infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

o DEBOUTÉ les SCEA TI GWER et VALY de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions et notamment de leurs demandes.

o CONDAMNE les SCEA TI GWER et VALY à 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

- condamne la SA LINDE FRANCE à payer à la SCEA TI GWER la somme de 151.261,21 € en réparation de son préjudice au titre des pertes d'exploitation 2018 liées à la rupture d'approvisionnement en CO2.

- condamne la SA LINDE FRANCE à payer à la SCEA VALY la somme de 45.009,81 € en réparation de son préjudice au titre des pertes d'exploitation 2018 liées à la rupture d'approvisionnement en CO2.

- subsidiairement, ordonne une expertise judiciaire aux fins de déterminer le préjudice subi par les SCEA VALY et TI GWER du fait des ruptures d'approvisionnement en CO2 subies en 2018 et éventuellement en 2015 selon que l'avenant du 14 juin 2016 sera ou non déclaré nul.

- condamne la SA LINDE FRANCE à payer à la SCEA TI GWER la somme de 151.261,21 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice au titre des pertes d'exploitation 2018 liées à la rupture d'approvisionnement en CO2.

- condamne la SA LINDE FRANCE à payer à la SCEA VALY la somme de 45.009,81 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice au titre des pertes d'exploitation 2018 liées à la rupture d'approvisionnement en CO2.

- déboute la SA LINDE FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- condamne la SA LINDE FRANCE au paiement de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance.

- condamne la SA LINDE FRANCE au paiement de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

- condamne la SA LINDE FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la SCP AVOCATS DU PONANT représentée par Maître [F] [Z] sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 13 mars 2023, la société LINDE FRANCE a demandé que la Cour:

- confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les SCEA TIGWER et VALY de l'ensemble de leurs demandes, et les a condamnés solidairement à payer à la société LINDE FRANCE la somme de 146 444,14 euros, à parfaire, au titre des factures impayées, ainsi que la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens.

- infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société LINDE FRANCE de sa demande de dommages et intérêts causés par le non-respect des préavis contractuels applicables par les appelantes ;

- condamne solidairement les SCEA TIGWER et VALY à verser à la société LINDE FRANCE la somme de 120.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour non-respect des préavis contractuels applicables, ces sommes devant être majorées des intérêts légaux avec anatocisme.

- subsidiairement si l'avenant du 14 juin 2016 était déclaré nul, confirme le jugement déféré en ce qu'il a déboutées les SCEA de leurs demandes, et les condamne solidairement au remboursement de la somme de 37.000 euros,

- condamne solidairement chacune des SCEA TI GWER et VALY à payer à la société LINDE FRANCE la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, la Cour relève que les dispositions du jugement déféré ayant prononcé contre les SCEA TY GWER et VALY différentes condamnations au titre de factures de fourniture de gaz et de frais de démontage d'installation ne font l'objet d'aucune critique.

Les demandes d'indemnisation des SCEA TY GWER et VALY :

Jusqu'en 2016, les SCEA TY GWER et VALY n'avaient pas conclu de contrats en leur nom avec la société LINDE et s'appliquait dans leurs rapports avec la société LINDE le contrat conclu le 1er avril 2005 entre le GIE KERVEYER et la société LINDE, ainsi que ses avenants.

Cette application du contrat de 2005 ne pose pas de difficulté puisqu'elle est reconnue par les deux parties.

Pour la SCEA VALY, ce contrat de 2005 a été appliqué jusqu'à 2019 puisque tant la SCEA VALY que la société LINDE ont visé la convention de 2005 dans leurs échanges de courriers relatifs à la résiliation de la convention qui les liait.

La SCEA TY GWER, pour sa part, a conclu un nouveau contrat le 14 juin 2016 qui s'est substitué au précédent.

Cette convention, non signée par la SCEA VALY (qui n'y est même pas mentionnée) ne lui pas opposable, l'identité de leur dirigeant n'emportant pas identité des personnalités juridiques.

Ce contrat contenait un avenant rédigé comme suit :

« Linde a consenti d'une prise en charge d'un geste commercial de 37 K€ en contrepartie de quoi :

1. Le contrat aura une durée de 3 ans,

2. Durant cette période Linde ne pourra être mise en cause si rupture d'approvisionnement

3. Durant cette période les prix varieront de 1 % tous les ans ».

La demande d'indemnisation présentée par la société TY GWER a pour fondement une rupture d'approvisionnement en CO2 survenue au printemps 2018, soit une période couverte par l'avenant.

La SCEA TY GWER demande à la Cour de considérer :

- non écrite la clause exonératoire de responsabilité conclue dans l'avenant,

- subsidiairement, de prononcer la nullité de ladite clause pour vice du consentement,

- très subsidiairement, si la nullité de tout l'avenant était encouru et qu'elle était tenue de rembourser la somme de 37.000 euros, de statuer sur le préjudice subi en 2015.

L'examen des pièces fournies par les parties démontre que depuis plusieurs années, le marché du CO2, qui est utilisé par de très nombreuses industries, notamment alimentaires, fait l'objet de difficultés d'approvisionnement au niveau européen et même mondial.

Ce contexte était connu des deux parties lorsque l'avenant du 14 juin 2016 a été signé, puisque le "geste commercial" de la société LINDE faisait suite à une réclamation indemnitaire de la SCEA TY GWER, en raison d'une rupture d'approvisionnement survenue en 2015.

Elles démontrent aussi que la SCEA TY GWER reconnait que la société LINDE n'est pas en position de monopole sur le marché de la fourniture de CO2 puisqu'elle lui reproche de ne pas avoir accès aux contrats d'approvisionnements 'grande masse', accessibles aux fournisseurs de gaz industriels de premier rang.

La décision de la Commission Européenne du 18 janvier 2000 constituant la pièce numéro 26 de la SCEA TY GWER fait ainsi état d'une part de marché de la société LINDE, au niveau européen, d'environ 10 % (décision statuant sur une opération de concentration de deux autres fournisseurs et examinant de ce fait l'état du marché).

Il en résulte immédiatement que la SCEA TY GWER ne peut prétendre à l'application à son bénéfice des dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce: la société LINDE ne bénéficie pas d'une position dominante sur le marché de la fourniture de CO2 et la SCEA TY GWER n'était pas en position de dépendance économique vis-à-vis d'elle.

Rien ne s'opposait à ce que la SCEA TY GWER choisisse un autre fournisseur.

Ensuite, quel qu'ait été le préjudice subi en 2015 suite aux difficultés d'approvisionnement, la SCEA TY GWER ne justifie absolument pas s'être trouvée, au visa des dispositions de l'article 1143 du code civil, dans une situation de vulnérabilité telle qu'elle ait eu l'obligation de signer l'avenant compte tenu de la nécessité dans laquelle elle se trouvait de percevoir la somme de 37.000 euros: aucune donnée comptable n'est fournie ni même invoquée pour les années 2015 et 2016.

Au demeurant, il sera rappelé que les dispositions de l'article 1143 du code civil sont inapplicables au cas d'espèce puisque postérieures à la date de conclusion de l'avenant.

Son argumentation tenant à la nullité de l'avenant ou de la clause limitative de responsabilité pour vice du consentement ne repose donc sur aucun fait établi et doit être rejetée, sachant que la demande de nullité de l'avenant devait logiquement être examinée avant d'apprécier le caractère éventuellement non écrit de la clause limitative de responsabilité y figurant.

Il résulte donc de l'analyse précédente que l'avenant du 14 juin 2016 a été librement négocié entre les parties, lesquelles avaient toutes deux connaissances d'un risque de renouvellement des difficultés d'exécution du contrat d'approvisionnement.

La clause limitative de responsabilité est claire et n'a pas à être interprétée: elle a pour objet d'interdire de rechercher la responsabilité de la société LINDE en cas de rupture d'approvisionnement.

En ce sens, elle vise à exonérer la société LINDE de sa responsabilité en cas de manquement à l'obligation essentielle de livrer du CO2 qui est la sienne, puisque le contrat principal contient un engagement de fournir de la part de LINDE.

Pour autant, la clause, librement négociée, est limitée dans le temps puisqu'elle prévoit que cette exonération n'est valable que pour une durée de trois années, et a été assortie d'une contrepartie financière de 37.000 euros.

D'autre part, la SCEA TY GWER ne soutient pas que la société LINDE ait commis une faute lourde de nature à rendre inapplicable la clause limitative de responsabilité: elle reproche en effet essentiellement à la société LINDE de ne pas avoir su sécuriser ses sources d'approvisionnement dans un contexte de pénurie récurrente.

Enfin, les pièces versées aux débats démontrent qu'à la demande de M. [G], les SCEA ont été déliées en juin 2018, au plus fort de la période de pénurie, de leur obligation d'approvisionnement exclusif par la société LINDE afin de leur permettre de rechercher elles-mêmes un autre fournisseur tout en utilisant les cuves installées par la société LINDE.

Dès lors, la clause limitative de responsabilité, librement négociée, limitée dans le temps, rémunérée et proportionnée, doit s'appliquer et la SCEA TY GWER est déboutée de sa demande visant à la voir déclarer non écrite.

Pour ce motif, la SCEA TY GWER est déboutée de ses demandes indemnitaires et le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Les demandes de la SCEA VALY :

La SCEA VALY n'était donc pas partie au contrat et à l'avenant signés le 14 juin 2016.

Elle est liée à la société LINDE par le contrat conclu le 1er avril 2005 par le GIE KERVEYER et la société LINDE.

L'examen de cette convention démontre que n'y figure pas de clause limitative de responsabilité.

Il est indiqué dans le contrat que la société LINDE s'engage à fournir tandis que le client s'engage à acheter des quantités définies, mais aucune pièce ne justifie de ces quantités pour l'année 2015.

La société LINDE, toutefois, ne conteste pas avoir été dans l'impossibilité de livrer à la SCEA VALY, au printemps 2018, la quantité qui avait été prévue par les parties.

Elle plaide la force majeure en versant aux débats des articles de journaux faisant état de très grosses tensions d'approvisionnement sur le marché européen du CO2 au mois de juin 2018.

Au demeurant, cette circonstance, ainsi qu'il a été démontré, n'était pas imprévisible.

La société LINDE ne justifie pas non plus que l'évènement ait échappé à son contrôle: les approvisionnements étaient certes tendus mais existaient, et la sécurisation de l'approvisionnement ou l'offre d'un prix supérieur aurait permis à la société LINDE de les surmonter.

Il en résulte l'absence de fait permettant à la société LINDE de s'exonérer de sa responsabilité, laquelle a consisté à ne pas exécuter son obligation de livraison de C02 à la SCEA VALY.

Cette dernière fait valoir qu'il en est résulté une perte de poids des fruits cultivés dans ses serres d'environ 15 %, conduisant à une perte similaire de chiffre d'affaires, puisque les fruits sont vendus au poids.

Elle soutient aussi que cette perte de chiffre d'affaires correspond à sa perte de marge dans la mesure où les charges sont identiques pour récolter un fruit lourd ou un fruit léger.

Elle en veut pour preuve :

- un tableau réalisé par ses soins, ayant consisté à démontrer le montant de ses ventes à la société SAVEOL et à calculer un préjudice égal à 15 % de ce montant, correspondant ainsi à la marge non réalisée selon son analyse,

- des documents généraux scientifiques sur l'intérêt des apports de CO2 sur le cycle de production des tomates et les fraises.

Ne sont versés aux débats aucun état comptable, et la cour est ainsi dans l'incapacité de comparer les comptes 2017-2018-2019 et de vérifier si les pertes alléguées se sont bien produites.

De la même façon, aucune pièce émanant du professionnel du chiffre certifiant les calculs réalisés par la SCEA VALY n'est versée aux débats.

En conséquence, la Cour ne fait pas droit à la demande d'expertise comptable formée par la SCEA VALY, une mesure d'instruction ne pouvant avoir pour objet de pallier une carence certaine dans l'administration de la preuve.

Considérant simplement que le principe de préjudice est certain, puisque la société LINDE ne conteste pas que l'apport de CO2 favorise le cycle productif, il y a lieu de condamner la société LINDE à payer à la société VALY, à titre de dommages et intérêts, une somme de 10.000 euros, à défaut de toute pièce précise et émanant d'un tiers au litige qui permettrait une évaluation plus précise.

Le jugement déféré est ainsi infirmé de ce chef.

La SCEA VALY est déboutée du surplus de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la société LINDE :

La société LINDE reproche aux sociétés TY GWER et VALY :

- de ne pas avoir payé leurs factures d'approvisionnement durant seize mois,

- de ne plus s'être approvisionnées auprès d'elle à compter du mois d'octobre 2018 alors que les résiliations des contrats ne prenaient effet que le 14 juin 2019 pour la SCEA TY GWER et que le 31 mars 2020 pour la SCEA VALY.

S'agissant du retard dans les paiements, la société LINDE demande simplement la confirmation de dispositions non critiquées du jugement déféré, ce dont il résulte que la Cour n'en est pas saisie.

S'agissant du défaut de l'obligation d'approvisionnement, il convient de rappeler que par courriers recommandés du 04 juin 2018, les SCEA TY GWER et VALY ont résilié leurs contrats d'approvisionnements respectifs pour leurs dates d'échéance conventionnelles (14 juin 2019 et 31 mars 2020).

Elles ont toutefois refusé dès novembre 2018 de poursuivre leurs relations contractuelles.

Il ne peut être utilement plaidé que le contrat ne prévoit pas de sanction pour le cas où l'obligation d'approvisionnement n'est pas respectée puisque de manière générale, les dispositions de l'article 1147 du code civil permettent d'octroyer des dommages et intérêts à la partie victime de l'inexécution de son co-contractant.

Tel est d'ailleurs le fondement sur lequel la société LINDE a été condamnée à payer des dommages et intérêts à la SCEA VALY, alors même que le contrat ne prévoyait pas non plus spécifiquement de sanction en cas de rupture d'approvisionnement.

Les deux contrats prévoient donc une obligation de fournir pour la société LINDE et une obligation d'achat pour la société TY GWER et pour le GIE KERVEYER, pour la durée du contrat, comprenant un préavis de douze mois précédant le terme de chaque contrat.

La société LINDE fait valoir que la consommation moyenne de la société TY GWER était de 1.000 tonnes par an et celle de la société VALY de 200 tonnes par an et demande l'attribution du gain manqué de ce chef.

Toutefois, ce gain manqué ne serait être égal aux ventes manquées mais à la marge non obtenue, sur laquelle la cour ne dispose d'aucune information.

Surtout, ne peut être imputable à faute le fait de refuser de continuer de s'approvisionner chez un fournisseur qui s'est révélé durant plusieurs mois, de façon répétée, dans l'incapacité d'exécuter sa propre obligation de livraison, laquelle est la contre-partie de l'obligation d'approvisionnement.

Consécutivement, la demande indemnitaire de la société LINDE est rejetée et le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel :

Les deux parties succombant en cause d'appel, elles garderont chacune à leur charge leurs propres frais et dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, dans la limite de l'appel,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCEA VALY de sa demande de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau:

Condamne la société LINDE à payer à la SCEA VALY la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts.

Déboute la SCEA VALY du solde de ses demandes.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Dit que chaque partie gardera à sa charge ses propres frais et dépens d'appel.