Cass. com., 24 septembre 2002, n° 00-10.063
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Collomp
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
Me Foussard, SCP Bouzidi, SCP Le Bret-Desaché et Laugier
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 1999), que la Compagnie internationale de Banque, aux droits de laquelle se trouve la Banca Intesa, qui succède elle-même à la société Cariplo France, et la Banque Rivaud, aujourd'hui dénommée société Socphipard, ont, à partir de l'année 1987, apporté leurs concours financiers à l'Association France Accueil Loisirs (FAL) ainsi qu'à la société Assistance Tourisme Service (ATS) que celle-ci avait constituée, en considération notamment, des bilans relatifs aux exercices 1986 et 1987, dont une expertise judiciaire devait révéler ultérieurement qu'ils avaient été falsifiés, et d'un budget prévisionnel qui avait été fourni pour l'année 1988 ; que l'Association FAL et la société ATS ont été mises en redressement puis en liquidation judiciaires avec confusion de leurs patrimoines respectifs par jugements des 25
et 29 octobre 1989, la date de cessation des paiements étant fixée au 28 mai 1987 ; que le liquidateur judiciaire a assigné les banques en responsabilité, leur reprochant d'avoir abusivement soutenu l'Association FAL et la société ATS entre juillet 1988 et octobre 1989 ;
Attendu que M. X..., agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'Association FAL et de la société ATS, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1 / que, s'agissant des bilans non certifiés des exercices arrêtés au 31 décembre 1986 et au 31 décembre 1987, les juges du fond, sans pouvoir procéder par simple affirmation, devaient rechercher si, eu égard au montant des concours financiers et à la circonstance que l'activité était déployée dans le cadre d'une association, entité nécessairement fragile financièrement, les banques n'étaient pas tenues d'exiger des comptes certifiés ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué est dépourvu de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2 / que, dès lors que les bilans de 1986 et 1987 n'étaient pas certifiés, les juges du fond devaient rechercher si les banques n'avaient pas commis de faute pour n'avoir pas exigé à tout le moins les délibérations du conseil d'administration, dans la mesure où ces délibérations permettaient notamment de constater que ces bilans étaient entachés d'irrégularités sérieuses, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges ; que de ce point de vue, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3 / que les juges du fond ne pouvaient considérer que les banques avaient satisfait à leur obligation de prudence et de diligence en ayant pris connaissance, le 28 janvier 1988, d'un budget prévisionnel pour 1988, sans s'interroger, dès lors que les premiers juges avaient souligné ce point, sur les anomalies de ce budget prévisionnel -augmentation du chiffre d'affaires de plus de 50 % et bénéfices substantiels bien que les frais financiers aient augmenté et que la vie économique ait été fortement troublée- ; que faute de s'être expliqué sur ce point, l'arrêt attaqué est une nouvelle fois entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
4 / que, dès lors que les banques étaient simplement en possession d'un état prévisionnel pour 1988, non assorti de justifications, les juges du fond devaient rechercher si, à raison notamment du montant des concours financiers, elles n'auraient pas dû, pour assurer le suivi correct de l'évolution de la santé financière de leurs clients, exiger des situations intermédiaires, comme l'avaient estimé sur ce point encore les premiers juges ; d'où il suit que l'arrêt est de nouveau privé de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
5 / que, compte tenu de l'importance des encours, de ce que l'activité était déployée dans le cadre d'une association et des différents points précédemment examinés (bilans précédents non certifiés, absence de communication des délibérations du conseil d'administration, simple budget prévisionnel établi au début de l'année 1988 sans justifications, absence de situations intermédiaires), les juges du fond devaient rechercher si, les banques ne devaient pas, à tout le moins, exiger la production du bilan afférent à l'exercice arrêté le 31 décembre 1988 dès qu'il était établi ; que faute de s'être expliqués sur ce point, les juges du fond ont derechef affecté leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il n'a jamais été prétendu que l'Association FAL aurait été pourvue d'un commissaire aux comptes susceptible de certifier ses comptes ou qu'elle aurait été dans le cas d'avoir l'obligation légale d'en désigner un ;
Attendu, en deuxième lieu, que M. X... qui ne s'était pas borné à conclure banalement à la confirmation du jugement mais avait repris, dans ses conclusions d'appel, les griefs et moyens développés en première instance, n'a pas prétendu que le budget prévisionnel fourni aux banques pour l'année 1988, et dont il indiquait seulement qu'il s'agissait d'un document dépourvu de valeur comptable certaine et justifiée, aurait comporté des anomalies de nature à alerter des professionnels du crédit ; que les juges d'appel qui statuaient en l'état de ces écritures n'avaient donc pas à s'expliquer sur le bien fondé d'un motif dont la confirmation n'avait ainsi pas été expressément sollicitée ;
Attendu, enfin, que l'arrêt relève que l'Association FAL avait produit, pour les exercices 1986 et 1987, des bilans ne faisant apparaître aucun élément qui soit de nature à provoquer la suspicion des banques, et dont le défaut d'authenticité n'avait pu être révélé qu'après l'ouverture de la procédure collective, à l'occasion d'une expertise judiciaire ordonnée dans le cadre d'une autre procédure, et, pour l'année 1988, un budget prévisionnel faisant état d'un chiffre d'affaires de 58 millions de francs, d'une marge brute de près de 10 millions de francs et d'un excédent d'exploitation de 875 000 francs, en progression de 2 % ainsi que d'un plan de trésorerie ; qu'il retient encore qu'aucun incident de paiement n'avait été enregistré au 16 août 1988, que ceux survenus ultérieurement, au nombre de 13, représentaient des montants peu significatifs et étaient liés à des questions de régularisation ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont il résultait, que les banques, qui n'avaient eu, à aucun moment, des motifs de douter de la bonne santé financière de leurs clientes, n'avaient pas engagé leur responsabilité en leur octroyant les concours litigieux au seul vu des éléments comptables que celles-ci leur avaient fournis, sans procéder à des investigations complémentaires, ni exiger l'établissement et la production, pour certains avant leur date normale, d'autres documents dont la nécessité ne s'imposait pas en l'absence de toute difficulté apparente, même si l'une d'elle exerçait son activité sous la forme d'une association, la cour d'appel a pu décider que le soutien abusif allégué n'était pas établi et a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses cinq branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.