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Décisions

Cass. com., 29 octobre 2002, n° 98-17.318

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Paris, 3e ch. civ., sect. A, du 28 avr. …

28 avril 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Escarg'hôtel (la société) par jugement du 10 avril 1989 et la désignation de M. X... (le liquidateur) en qualité de liquidateur, le cabinet d'expertise comptable Seges a reçu mission, sur ordonnance rendue sur requête, du président du tribunal de commerce, "de relever les faits ou les fautes susceptibles d'engager la responsabilité des dirigeants sociaux, dans le cadre des articles 180 et suivants de la loi du 25 janvier 1985" ; qu'après le dépôt du rapport de ce technicien, le liquidateur a assigné la Banque nationale de Paris (la banque) en paiement de la somme de 2 500 000 francs, en soutenant que la banque avait permis, par le maintien et l'augmentation de ses concours financiers, de poursuivre une activité déficitaire ; que la banque a appelé en garantie les dirigeants successifs de la société ; qu'analysant l'action du liquidateur comme une action en paiement des dettes sociales, le tribunal a dit cette action prescrite et a rejeté les demandes du liquidateur et de la banque ; que la cour d'appel a déclaré le liquidateur recevable dans son action fondée sur l'article 1382 du Code civil, mais l'en a débouté et a rejeté les demandes de la banque ;

Sur les premier et second moyens, réunis, du pourvoi incident relevé par la Banque nationale de Paris :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir, en rejetant ses demandes et notamment celle tendant à voir déclarer le liquidateur irrecevable en son appel et en infirmant le jugement, déclaré le liquidateur recevable en son action et d'avoir rejeté les appels en garantie qu'elle avait formés, alors, selon le moyen :

1 / que la partie qui conclut à l'infirmation d'un jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque, sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, bien qu'y étant invitée, si les conclusions du liquidateur contenaient elles-mêmes et non par référence à son exploit introductif d'instance, un exposé des moyens sur lesquels ses prétentions étaient fondées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 954,alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaires d'une société fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles 180 et 183 de la loi du 25 janvier 1985 qui ouvrent aux conditions qu'ils prévoient une action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ne se cumulent pas avec celles de l'article 1382 du Code civil ;

qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que le liquidateur ayant précisé dans ses conclusions signifiées le 2 août 1995 qu'il agissait contre la banque sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle et ne s'étant pas borné à faire référence à l'acte introductif d'instance, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer la recherche évoquée à la première branche ;

Attendu, d'autre part, que le principe de non-cumul des responsabilités fondées sur les dispositions des articles L. 624-3 et suivants du Code de commerce et de l'article 1382 du Code civil ne s'applique qu'aux dirigeants de droit ou de fait des sociétés en redressement ou en liquidation judiciaires, mais ne fait pas obstacle à l'action en responsabilité dirigée contre une banque à laquelle il est reproché un soutien abusif de crédit ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal formé par M. X..., ès qualités :

Vu l'article 263 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande du liquidateur, l'arrêt retient que l'action dirigée contre la banque étant fondée sur le droit commun et non sur l'application des dispositions de la loi du 25 janvier 1985, il appartenait à celui-ci de solliciter la désignation d'un expert contradictoirement, conformément aux dispositions de l'article 263 et suivants du nouveau Code de procédure civile et en déduit que le rapport du cabinet Seges est inopposable à la banque et doit être écarté des débats ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les constatations du technicien commis par ordonnance présidentielle ne constituant pas une expertise au sens des articles 263 et suivants du nouveau Code de procédure civile, le liquidateur pouvait utiliser les éléments d'information ainsi recueillis, au moins à titre de simples renseignements, à l'appui d'une action en responsabilité, dès lors qu'il avait régulièrement versé aux débats le rapport qui était soumis à la discussion contradictoire des parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi incident relevé par la Banque nationale de Paris ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X..., ès qualités, de son action formée contre la Banque nationale de Paris, l'arrêt rendu le 28 avril 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.