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Décisions

Cass. com., 18 janvier 1994, n° 91-15.279

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Dumas

Avocat général :

M. Curti

Avocat :

Me Blondel

Rennes, du 20 févr. 1991

20 février 1991

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 20 février 1991), que, dès sa création, la société CIW, dont l'activité consistait à revendre du matériel provenant d'un fournisseur exclusif, a bénéficié d'un découvert sur le compte dont elle était titulaire dans les livres de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère (la banque) ; qu'un an plus tard, la liquidation judiciaire de la société a été prononcée, des faits constitutifs de détournements de biens et de banqueroute étant, en outre, relevés à l'encontre de son dirigeant de fait ; que le représentant des créanciers a engagé une action en responsabilité civile contre la banque, à laquelle il reprochait d'avoir, par un concours financier abusif, soutenu artificiellement la société CIW et, par là-même, créé une apparence trompeuse de solvabilité au détriment de ceux qui contractaient avec elle ;

Attendu que la banque reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'elle ne peut être tenue pour responsable des fraudes caractérisées d'un dirigeant d'une société commerciale, fraudes ayant d'ailleurs débouché sur une condamnation pénale dudit dirigeant reconnu coupable de banqueroute et d'abus de biens sociaux ; qu'en décidant le contraire sur le fondement de motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'à partir du moment où il s'agissait d'une société qui venait de se créer, elle pouvait valablement attacher du crédit aux propos du dirigeant qui dans les mois qui ont suivi la naissance de ladite société a donné les raisons pour lesquelles il se montrait optimiste malgré les résultats dégagés, sans que l'on puisse lui reprocher utilement de n'avoir pas procédé elle-même à des contrôles pour déjouer les manoeuvres de l'entrepreneur, contrôles qui ne peuvent entrer dans le cadre des attributions

normales d'un banquier ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé derechef l'article 1382 du Code civil ;

et alors, enfin, et en toute hypothèse, que la cour d'appel, qui a constaté que le fournisseur exclusif de la société "avait eu son attention attirée par les incidents de paiement répétés", ce qui caractérisait à tout le moins une grande imprudence dudit fournisseur professionnel, n'a pu, sans violer les articles 1382 et 1383 du Code civil, estimer que cette situation était sans incidence sur l'étendue de sa responsabilité, dès lors qu'elle avait fait en sorte que les paiements puissent en définitive être assurés ;

Mais attendu que l'arrêt, qui na pas décidé que la banque devait être tenue pour responsable des fraudes commises par le dirigeant, retient que, dès le premier arrêté, le compte de la société présentait un découvert qui s'était aggravé de mois en mois, révélant la cessation des paiements d'une société de services qui ne disposait d'aucun actif et que les lettres produites par la banque, émanant de son client, ne traduisaient que de simples accusés de réception de prises de contact avec des représentants de la grande distribution, sans constituer une quelconque certitude de leurs engagements à venir et que le maintien sans garanties sérieuses de facilité de caisse, tandis que la banque disposait d'informations qui auraient dû alerter sa vigilance et lui faire renforcer ses contrôles, avait créé une solvabilité apparente de l'entreprise ;

que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante relativement à une faute commise par un tiers, a pu déduire que la banque avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.