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Décisions

Cass. com., 7 janvier 2003, n° 99-15.806

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Grenoble, ch. com., du 8 avr. 1999

8 avril 1999

Attendu, selon les arrêts déférés et les productions, qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Mme Y..., son administrateur judiciaire, M. Z..., a engagé à l'encontre de la Société générale, la société Lyonnaise de banque et la Banque Laydernier une action en responsabilité pour octroi abusif de crédit ; que Mme Y... ayant été mise en liquidation judiciaire, M. X... a repris l'instance en sa qualité de liquidateur en indiquant faire sienne l'argumentation de l'administrateur et, subsidiairement, en invoquant, comme fondement de son action, les dispositions de l'article 1382 du Code civil ; que la décision de liquidation judiciaire ayant été infirmée par la cour d'appel, M. X... est intervenu à l'instance en sa qualité de représentant des créanciers ;

Sur le premier moyen de chacun des pourvois :

Attendu que la Société générale, la société Lyonnaise de banque et la Banque Laydernier reprochent à l'arrêt du 8 avril 1999 d'avoir déclaré recevable l'action en dommages-intérêts pour faute délictuelle formée par M. X... en sa qualité de représentant des créanciers, alors, selon le moyen :

1 / qu'en vertu des articles 46, alinéa 1, 67, alinéa 2, et 148 de la loi du 25 janvier 1985, seul le représentant des créanciers, dont les attributions sont ensuite dévolues, selon le cas, au commissaire à l'exécution du plan ou au liquidateur, a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers ; qu'en l'espèce, par acte du 5 février 1998, M. Z..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de Mme Y..., a engagé une action en responsabilité contractuelle contre la Société générale, en réparation de son préjudice personnel résultant d'un octroi abusif de crédit ; qu'après prononcé de la liquidation judiciaire de Mme Y..., M. X..., en sa qualité de liquidateur, est intervenu à l'audience du 24 avril 1998 pour reprendre l'argumentation développée par M. Z... et demander que les banques soient condamnées, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à réparer le préjudice subi par la collectivité des créanciers ; qu'en décidant que M. X..., qui n'avait engagé en sa qualité de liquidateur aucune action en responsabilité à l'encontre de la Société générale, et qui n'avait fait que poursuivre l'action introduite par M. Z..., lequel n'avait pas qualité pour agir au nom des créanciers, était recevable à demander la condamnation de la Société générale à réparer le préjudice souffert par la collectivité des créanciers, la cour d'appel a violé les textes précités ;

2 / que le représentant des créanciers a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers jusqu'à ce qu'une liquidation judiciaire soit prononcée ou qu'un plan de redressement soit adopté ;

qu'en l'espèce, par acte du 5 février 1998, M. Z..., ès qualités d'administrateur, a engagé une action en responsabilité contractuelle contre la société Lyonnaise de banque et d'autres établissements bancaires en réparation du préjudice subi par Mme Y... résultant de concours prétendument abusifs ; qu'en suite de la liquidation judiciaire de Mme Y..., prononcée le 20 avril 1998, M. X..., en sa qualité de liquidateur, est intervenu volontairement à l'instance et a déclaré, par conclusions du 24 avril 1998, reprendre l'argumentation développée par M. Z... et solliciter, à titre subsidiaire, la condamnation des banques, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à réparer le préjudice subi par l'ensemble des créanciers ; qu'en énonçant que M. X...

- qui n'avait fait que poursuivre l'action introduite par l'administrateur, lequel n'avait pas qualité pour agir au nom des créanciers - était recevable à solliciter la condamnation de la société Lyonnaise de banque à réparer le préjudice subi par l'ensemble des créanciers, la cour d'appel a violé les articles 46, alinéa 1, 67, alinéa 2, et 148-4 de "la loi du 8", dans leur rédaction issue de la loi du 10 juin 1994 ;

3 / que le représentant des créanciers a seul qualité pour introduire une action en responsabilité délictuelle à l'encontre des banques dispensatrices de crédit ; qu'en l'espèce, la seule action introduite à l'encontre des banques durant le redressement judiciaire l'a été par l'administrateur judiciaire et par conséquent ne pouvait avoir d'autre fondement que l'article 1147 du Code civil ; qu'à défaut de toute action du représentant des créanciers durant le redressement judiciaire, l'action reprise par le liquidateur ne pouvait être que celle qui avait été introduite par l'administrateur tendant à rechercher la responsabilité contractuelle des banques ; qu'en retenant néanmoins "la recevabilité du liquidateur a engagé la responsabilité délictuelle des banques", et ce malgré l'inertie du représentant des créanciers, la cour d'appel a violé les articles "46-1", 62, alinéa 2, 148-4 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que le sort de l'intervention n'est pas lié à celui de l'action principale, lorsque l'intervenant principal, liquidateur judiciaire, se prévaut d'un droit propre qu'il est seul habilité à exercer après le jugement prononçant la liquidation judiciaire ; que M. X... étant intervenu en sa qualité de liquidateur judiciaire pour demander la condamnation des banques à réparer le préjudice subi par les créanciers, le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi formé par la Société générale :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la Société générale, in solidum avec la société Lyonnaise de banque et la Banque Laydernier à payer à M. X..., ès qualités, une somme égale à l'insuffisance d'actif, l'arrêt retient que l'accroissement des charges de Mme Y..., à la suite du prêt consenti le 31 mars 1992, par cette banque, devait contribuer à porter son endettement à 3 369 156,15 francs le 31 août 1992 et compromettre irrémédiablement sa situation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le tableau établi par le cabinet Grept et reproduit par la cour d'appel faisait apparaître pour les bilans postérieurs au 31 août 1992 un endettement inférieur à celui du 31 août 1991, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche du pourvoi formé par la société Lyonnaise de banque :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la société Lyonnaise de banque, l'arrêt retient que les difficultés d'apurement du découvert de 100 000 francs consenti le 21 mai 1991 par la société Lyonnaise de banque ont conduit à la dénonciation des concours bancaires le 16 novembre 1992, que la charge qui devait résulter pour Mme Y... de cette opération de promotion, à l'initiative de la société Lyonnaise de banque, était de trente-six mensualités de 3 500 francs, que ce plan n'a pu être respecté et qu'il s'ensuit que le crédit a été à l'origine de charges de remboursement insupportables pour Mme Y... et à l'origine du dépôt de bilan ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité de la banque devait s'apprécier en fonction de la situation de la débitrice au moment de l'octroi du concours, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi formé par la Banque Laydernier :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt condamne la Banque Laydernier, in solidum avec la Société générale et la société Lyonnaise de banque, à payer l'insuffisance d'actif ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif démontrant l'existence d'une insuffisance d'actif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir de l'arrêt du 8 avril 1999 entraîne par voie de conséquence la cassation de l'arrêt interprétatif du 24 juin 1999 ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, l'arrêt du 8 avril 1999 et l'arrêt interprétatif du 24 juin 1999 rendus, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.