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Décisions

Cass. com., 23 avril 2013, n° 12-22.843

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Zanoto

Avocat général :

Mme Bonhomme

Avocats :

Me Spinosi, SCP Defrénois et Lévis

Paris, du 22 mai 2012

22 mai 2012


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2012), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 février 2011, pourvoi n° 10-15.768), qu'à la suite de la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société Félix Potin les 1er et 22 décembre 1995, et l'extension de cette procédure aux sociétés Saier investissements, Ranelagh finances, Domaine Saier et Domaine des Lambrays, en raison de la confusion des patrimoines et à la société La Parisienne pour fictivité, M. X..., agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire, a assigné la société BNP Paribas (la BNP) en paiement de dommages-intérêts lui reprochant d'avoir abusivement soutenu ces sociétés ; qu'un arrêt du 28 juin 2007, rejetant toutes autres demandes, a condamné la BNP à payer à M. X... (le liquidateur), en sa qualité de liquidateur de la société Saier investissements, la somme de 897 514,39 euros ; qu'il a été cassé mais seulement de ce dernier chef ; que, devant la cour d'appel de renvoi, le liquidateur a demandé que le montant de l'insuffisance d'actif de la société Saier investissements provoquée par le soutien abusif de la BNP soit fixé à la somme de 50 422 038 euros ; que pour limiter la condamnation de la BNP au paiement, en sus de la somme de 897 514,39 euros, déjà réglée, d'une somme équivalente, l'arrêt du 11 février 2010 rendu par la cour d'appel de renvoi retient que la cassation partielle ne portant que sur le partage de responsabilité entre la banque et les dirigeants de la société Saier investissements et non sur le montant du préjudice, la demande du liquidateur est irrecevable au-delà du double de la somme précédemment allouée ; que ce dernier arrêt a été cassé en toutes ses dispositions ; que devant la nouvelle cour d'appel de renvoi, le liquidateur a renouvelé sa demande de condamnation ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir fixé le montant de l'insuffisance d'actif de la société Saier investissements à la somme de 5 425 508 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que l'établissement de crédit qui a soutenu abusivement une entreprise dont la situation était irrémédiablement compromise est tenu de réparer l'intégralité de l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'il a contribué à créer ; que l'insuffisance d'actif est égale à la différence entre l'actif réalisé à l'issue de la liquidation judiciaire et le passif admis ; que la banque auteur d'un soutien abusif doit répondre de l'aggravation de cette insuffisance depuis le jour de son concours, sans pouvoir prétendre que la dépréciation d'un actif survenue postérieurement à son concours fautif serait sans lien avec celui-ci ; qu'en jugeant cependant qu'il n'y avait pas lieu de prendre en compte les provisions correspondant à la dépréciation des titres des sociétés Félix Potin et Dispar et des sociétés Domaine Saier et Ranelagh finances ni les résultats exceptionnels dans le calcul du préjudice causé aux créanciers par le soutien abusif de la BNP, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que le préjudice résultant du soutien abusif d'une société holding correspond, pour les créanciers de cette société, à l'aggravation de son insuffisance d'actif ; que la perte de valeur des participations détenues par la société débitrice dans d'autres sociétés constitue un élément d'évolution de son actif, qui doit être pris en compte pour la détermination de l'aggravation de l'insuffisance d'actif, en regard de l'évolution du passif ; qu'en retenant, pour refuser de tenir compte de la dépréciation des participations de la société Saier investissements dans ses filiales, que l'action en responsabilité pour soutien abusif n'avait pas pour objet l'indemnisation pour la perte de valeur des participations dans les filiales d'une société, quand l'évolution de l'actif de la société Saier investissements devait nécessairement, quelle que fût la nature de cet actif, être pris en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif et de l'aggravation de cette insuffisance, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que la perte de valeur des participations d'une société holding dans les filiales qu'elle détient, postérieure au soutien abusif dont la société holding a fait l'objet, constitue un préjudice personnel à cette société holding, qui participe de l'aggravation de son insuffisance d'actif ; qu'il importe peu que les filiales n'aient pas elles-mêmes directement fait l'objet d'un soutien abusif ; qu'en refusant de tenir compte de la perte de valeur des participations de la société Saier investissements dans ses filiales pour le calcul de l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la société holding, au motif inopérant que la BNP n'avait pas abusivement soutenu lesdites filiales, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé qu'un établissement de crédit qui a par sa faute retardé l'ouverture de la procédure collective de son client n'est tenu de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'il a ainsi contribué à créer et avoir, par ailleurs, constaté que les éléments comptables versés aux débats et non contestés par les parties, permettaient de statuer sur le préjudice sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, l'arrêt retient que les provisions correspondant à la dépréciation des titres des sociétés filiales, de même que les résultats exceptionnels, n'étant pas directement liés au soutien abusif de la banque, il n'y a pas lieu de les prendre en compte dans le calcul de l'aggravation de l'insuffisance d'actif dont la banque est seule redevable ; que la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants, critiqués par la troisième branche, et sans avoir à procéder à la recherche que ces constatations et appréciations rendaient inopérantes, a caractérisé l'absence de lien de causalité entre la faute de la banque et la dépréciation de certains éléments de l'actif et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu que par suite du rejet du pourvoi principal, le pourvoi incident éventuel est devenu sans objet ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.