Cass. com., 14 juin 2023, n° 21-24.815
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Lévis
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 juin 2021), la société Etablissements Duperche (la société Duperche) a été mise en liquidation judiciaire le 21 février 2019, la société MJA étant désignée en qualité de liquidateur. La société Compagnie générale de location d'équipements (la société CGL), qui a demandé en vain au liquidateur d'acquiescer à une demande de restitution d'un véhicule qu'elle avait financé, a déposé une requête à cette fin auprès du juge-commissaire, en produisant une quittance subrogative du vendeur du véhicule. Le juge-commissaire a rejeté cette requête par une ordonnance du 31 octobre 2019 confirmée par un jugement du 23 avril 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de lui ordonner de restituer le véhicule financé à la société CGL, alors « que le prêteur de deniers professionnel qui a accordé un prêt en vue de l'acquisition d'un bien et qui verse les fonds entre les mains du vendeur pour paiement du prix ne peut bénéficier de la subrogation ex parte creditoris dans les droits du vendeur et ne peut donc invoquer sur ce fondement la clause de réserve de propriété prévue par le contrat de vente ; que pour ordonner la restitution à la société CGL, prêteur, du véhicule vendu avec réserve de propriété, la cour d'appel a relevé que le vendeur avait subrogé le prêteur selon quittance du 14 décembre 2016 dans l'entier effet de la clause de réserve de propriété, l'acheteur se reconnaissant informé de la réserve de propriété stipulée par le vendeur dès avant la livraison du bien ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 2367 et 1346-1 du code civil, ensemble l'article L. 624-16 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1346-1 et 2367, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, du code civil :
3. Il résulte du premier de ces textes que c'est seulement lorsque le créancier a reçu son paiement d'une tierce personne qu'il peut conventionnellement subroger celle-ci dans ses droits, actions et accessoires contre le débiteur.
4. Selon le second, la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie.
5. Il en résulte que, lorsque le prêteur se borne à verser au vendeur du bien financé les fonds empruntés par son client, il n'est pas l'auteur du paiement et le client devient, dès ce versement, propriétaire du matériel vendu, de sorte que le prêteur ne peut prétendre être subrogé dans les droits du vendeur et ne peut, dès lors, se prévaloir d'une clause de réserve de propriété stipulée au contrat de vente.
6. Pour condamner le liquidateur à restituer le véhicule litigieux à la société CGL, l'arrêt relève que le vendeur avait confirmé que les conditions de vente comprenaient une clause de réserve de propriété différant le transfert de propriété du bien jusqu'au paiement effectif et complet du prix d'achat TTC, avait reconnu avoir reçu du prêteur la somme représentant le montant du solde du prix de vente du bien et subrogé ce dernier dans tous ses droits et actions contre l'acheteur et notamment dans l'entier effet de la clause de réserve de propriété, l'acheteur se reconnaissant informé de la réserve de propriété stipulée par le vendeur dès avant la livraison du bien qu'il a confirmé avoir acceptée purement et simplement. Il en déduit que le prêteur pouvait, par subrogation, agir en restitution du bien.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.