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Décisions

Cass. com., 14 juin 2023, n° 21-15.864

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Henry

Avocat :

SCP Piwnica et Molinié

Paris, 16 mars 2021

16 mars 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2021), le 26 novembre 2015, la société Sonia, qui avait acquis de la société Mamy un fonds de commerce, a été mise en redressement judiciaire. Un plan de cession a été arrêté par un jugement du 30 septembre 2016, puis, le 4 novembre suivant, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la société EMJ étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire, remplacée le 20 juillet 2017 par la société Axyme.

2. La société Paulaner Brauerei Gruppe Gmbh & Ko Kgaa (la société Paulaner), qui avait consenti à la société Mamy un prêt garanti par un nantissement et qui, n'ayant pas été réglée de la totalité du crédit, était bénéficiaire d'un droit de suite sur le fonds de commerce, a assigné le liquidateur pour être colloquée en premier rang sur le prix de vente à concurrence de la somme de 87 044,13 euros.

3. Par jugement du 30 septembre 2019, le tribunal a dit que la société Paulaner devait être colloquée sur le prix de vente du fonds de commerce à hauteur de 87 044,13 euros et qu'elle viendrait au rang des créanciers bénéficiaires d'un nantissement sur le fonds de commerce. La société Axyme, ès qualités, a interjeté appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

5. La société Paulaner fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle devait être colloquée sur le prix de vente du fonds de commerce et de dire qu'en conséquence, elle devait être colloquée sur la quote-part du prix de cession de l'entreprise affectée au fonds de commerce de la société Sonia, qui devait être définie par le tribunal de la procédure collective conformément à l'article L. 642-12 du code de commerce, alors « que le tribunal saisi par le créancier nanti sur le fonds de commerce qui exerce son droit de suite peut, après avoir constaté que l'inscription n'a pas été purgée par le jugement arrêtant le plan de cession faute d'avoir affecté une quote-part du prix au bien grevé de la sûreté, ordonner que le créancier sera directement colloqué sur le prix payé par le cessionnaire, dès lors que le fonds de commerce nanti constitue le seul actif cédé, sans qu'il soit besoin d'exercer une requête en omission de statuer contre le jugement ayant arrêté le plan ; qu'en énonçant que le jugement sera confirmé sauf à préciser que la société Paulaner doit être colloquée non sur le prix de cession mais sur sa quote-part devant être définie par le tribunal de la procédure collective, le cas échéant saisi dans le cadre d'une omission de statuer, la cour d'appel a violé l'article L. 143-12 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 642-12, alinéa 1er, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014, du code de commerce :

6. Il résulte de ce texte que le tribunal qui arrête le plan de cession doit déterminer la quote-part du prix de vente affectée aux biens grevés d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, pour la répartition du prix et l'exercice sur ce montant du droit de préférence, cette quote-part correspondant au rapport entre la valeur de ce bien et la valeur totale des actifs cédés.

7. Pour dire que le tribunal de la procédure collective devra définir la quote-part du prix de cession du fonds de commerce de la société Sonia, sur laquelle la société Paulaner devra être colloquée, l'arrêt retient que le tribunal a omis de statuer sur ce point, imposé par la loi.

8. En statuant ainsi, après avoir relevé que le plan de cession ne portait que sur le fonds de commerce objet du nantissement, de sorte que, en l'espèce, l'absence d'affectation par le tribunal était sans portée sur l'assiette des droits du créancier qui était déterminable, comme portant nécessairement sur la totalité du prix de l'actif cédé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen relevé d'office

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 642-12, alinéa 1er, L. 641-13, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 15 septembre 2021, et R. 643-5 du code de commerce :

10. Le premier de ces textes, ayant pour finalité de déterminer l'assiette du droit de préférence, ne déroge pas à l'ordre de paiement des créanciers prévu par le deuxième.

11. Il résulte du troisième de ces textes que, sous peine d'être déchu de son droit de participer à la distribution, le créancier d'un propriétaire antérieur qui a fait connaître au liquidateur l'existence de son droit de suite dans le délai de deux mois après l'avertissement de ce dernier, participe à la distribution des biens au même titre que les créanciers de la procédure.

12. Pour dire que la société Paulaner vient en premier rang par rapport aux créanciers de la procédure collective de la société Sonia, l'arrêt retient que cette société est titulaire d'un nantissement inscrit sur le fonds de commerce du chef du propriétaire antérieur et qu'une priorité doit lui être accordée sur les créanciers personnels de la société Sonia.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.