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Décisions

Cass. 3e civ., 15 juin 2000, n° 98-21.011

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BEAUVOIS

Paris, du 24 juin 1998

24 juin 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 1998), qu'en 1990, les époux Y... ont chargé M. X..., entrepreneur, de la construction d'une maison d'habitation ; que le chantier a été arrêté en cours d'exécution des travaux ; qu'alléguant des préjudices causés par cette interruption, les maîtres de l'ouvrage ont assigné l'entrepreneur, tandis que ce dernier a, par voie reconventionnelle, sollicité le paiement du solde du prix des travaux et l'indemnisation de préjudices dus à la rupture ;

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen, "que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en énonçant que l'entrepreneur n'avait commis aucune faute en faisant du versement de la somme de 40 000 francs qui lui était due au stade où les travaux avaient été exécutés, un préalable à leur reprise, alors que l'entrepreneur avait lui-même indiqué dans ses écritures que son refus de reprendre les travaux était justifié par le fait que le contrat du 15 juin 1990 avait été définitivement rompu en juin 1991, la cour d'appel a statué en méconnaissance des termes du litige et a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les époux Y... restant devoir à M. X..., au moment de l'arrêt des travaux le 15 avril 1991, une somme de 40 000 francs, ce dernier était fondé à faire du versement de cette somme un préalable à leur reprise, la cour d'appel a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, dès lors que le refus de reprendre les travaux à partir de juin 1991 pouvait avoir d'autres motifs que leur arrêt intervenu deux mois auparavant, qu'en s'abstenant de régler leur dette malgré des pourparlers poursuivis en 1991 et 1997, et en prenant la décision de résilier le contrat le 1er juillet 1997, les époux Y... avaient provoqué leur propre préjudice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. X... une indemnité de 240 000 francs, alors, selon le moyen, "1 / que le maître de l'ouvrage est tenu de rembourser à l'entrepreneur toutes les dépenses faites depuis le commencement de l'ouvrage et tout le gain qu'il aurait pu retirer de l'entreprise s'il l'avait achevée, à la condition qu'il prenne l'initiative de la rupture du marché à forfait ; qu'en énonçant que les époux Y... avaient pris la décision de résilier le contrat d'entreprise le 1er juillet 1992 en confiant l'achèvement des travaux suspendus par l'entrepreneur Alvès à une autre entreprise, sans rechercher si cette décision n'avait pas été dictée par le refus de l'entrepreneur X... de poursuivre l'exécution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1794 du Code civil ; 2 / que le maître de l'ouvrage qui prend l'initiative de résilier un marché à forfait est tenu de rembourser à l'entrepreneur le gain qu'il aurait pu retirer de l'entreprise s'il l'avait achevée dans les règles de l'art ;

qu'en énonçant que les époux Y... avaient d'ores et déjà réglé à l'entrepreneur X... la somme de 560 000 francs au regard d'un marché de 800 000 francs, tout en précisant qu'il convenait de déduire du montant du marché la somme de 40 000 francs, coût de la réparation d'un drain, sans constater que la somme due par le maître de l'ouvrage était de 200 000 francs et non de 240 000 francs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1794 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'absence de reprise des travaux par l'entrepreneur était motivée par le non-paiement intégral de ceux qui avaient été réalisés, et que M. X..., qui n'avait pas commis de faute, était fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 1794 du Code civil, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, et qui a effectivement soustrait de la somme due par le maître de l'ouvrage le coût de réparation d'un drain, a pu en déduire que M. X... devait recevoir la somme correspondant à ce qu'il aurait touché si les travaux avaient été conduits à leur terme ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts Y... à payer à M. Arlindo X... la somme de 9 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille.