Livv
Décisions

CA Montpellier, 16 novembre 2020, n° 21/01260

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SCCV FREDERIC BAZILLE JUVIGNAC

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. PROUZAT

Conseillers :

Mme BOURDON, M. GRAFFIN

Avocats :

SCP PIJOT POMPIER MERCEY, Me GILLOT

CA Montpellier n° 21/01260

16 novembre 2020

La SCCV Frédéric Bazille Juvignac a confié à la SAS L & L Plâterie le lot n°8-cloisons d'un marché, destiné à la construction d'une résidence (32 logements sociaux et une salle de réunion), située à [Localité 5], celle-ci l'ayant sous-traité à [O] [U].
 
Par jugement du 16 mai 2018, le tribunal de commerce de Narbonne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société L & L Plâtrerie; la SCCV Frédéric Bazille Juvignac, maître d'ouvrage, a confié directement à M. [U] la réalisation du lot n°8 par acte d'engagement du 13 juillet 2018 moyennant un prix global et forfaitaire de 21 674,55 euros HT.
 
Par devis en date du 7 septembre 2018, M. [U] a chiffré le coût de la fourniture et de la pose d'une plaque phonique à la somme de 2 750 euros HT, qui a fait l'objet d'un avenant n°1 daté du 2 octobre 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 septembre 2018, la SCCV Frédéric Bazille Juvignac a mis en demeure M. [U] de respecter le nouveau planning d'exécution menant la fin des travaux à octobre 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 1er octobre 2018, une seconde mise en demeure a été envoyée à Monsieur [U] eu égard à un retard d'exécution.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 8 novembre 2018 (avis de réception non signé), la SCCV Frédéric Bazille Juvignac a convoqué Monsieur [U] afin procéder à la réception de ses ouvrages le 4 décembre 2018.
La SCCV Frédéric Bazille Juvignac a fait dresser deux procès-verbaux de constat du chantier les 8 et 13 novembre 2018 et M. [U] un procès-verbal, le 15 novembre 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 novembre 2018 (avis de réception revenu 'non réclamé'), la SCCV Frédéric Bazille Juvignac a indiqué à M. [U] ' que suite à leurs différents échanges, il a été convenu qu'au regard de la situation actuelle, il était préférable de mettre un terme au contrat' (...) précisant avoir participé à un constat des travaux réalisés (...) et lui adressant un décompte avec le montant restant dû au regard du constat effectué. Ce courrier précisait qu'une autre entreprise interviendrait à compter du 21 novembre et qu'il devait venir récupérer ses matériaux stockés sur le site.
Saisi par acte d'huissier en date du 3 mai 2019 délivré par M. [U], le tribunal de commerce de Montpellier a, par jugement du 16 novembre 2020:
'- vu les articles 1103 et 1231-1 du Code civil, l'article 1794 du Code civil (...),
- dit que le pourcentage d'exécution des travaux réalisés par M. [U] est de 84 %.
- condamné la SCCV Frédéric Bazille à payer à M. [U] au titre du solde des travaux dus, soit la somme de 14 000,68 euros TTC,
- condamné la SCCV Frédéric Bazille au paiement au profit de M. [U] du solde dû sur la facture des travaux exécutés par M. [U], es-qualité de sous-traitant de la SAS L et L Plâtrerie, soit la somme de 1 030 euros,
- dit que les fautes reprochées à M. [U] ne constituent pas un motif suffisamment grave pour entraîner une résiliation sans indemnité de rupture, et, en conséquence,
- condamné la SCCV Frédéric Bazille Juvignac au paiement d'une indemnité de rupture correspondant au montant du marché non exécuté, soit 4 690 euros TTC,
- rejeté la demande de M. [U] concernant le matériel qu'il n'a pas récupéré,
- rejeté la demande de M. [U] concernant la facture de 3 000 euros TTC du 28/08/18, correspondant à des travaux de reprise des malfaçons de la société L et L Plâtrerie,
- débouté la SCCV Frédéric Bazille de ses autres demandes (...),
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamné la SCCV Frédéric Bazille à payer à M. [U] 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens (...)'.
Par déclaration reçue le 25 février 2021, la SCCV Frédéric Bazille Juvignac a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 25 octobre 2021, de :
«- vu l'article 1794 du Code civil, les articles 9 du Code de procédure civile et 1353 du Code civil, les articles 1224, 1227 et 1228 du Code Civil (...)
- Accueillir son appel (...),
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que les fautes reprochées à M. [U] ne constituaient pas un motif suffisamment grave pour entraîner une résiliation sans indemnité de rupture,
- Statuant à nouveau, juger que :
- la résiliation est régulière et fondée compte tenu des fautes graves commises par le locateur d'ouvrage [U],
- elle est fondée à s'exonérer de son obligation d'indemniser Monsieur [U], compte tenu de la preuve rapportée de la gravité de ses manquements contractuels,
- en conséquence la résiliation de l'acte d'engagement et de l'avenant N°1 doit être prononcée aux torts exclusifs de Monsieur [U],
- En conséquence, juger qu'aucune indemnité de rupture ne doit être versée à Monsieur [U],
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 4 690 euros TTC à titre d'indemnité de rupture,
Statuant à nouveau, juger que :
- le montant définitif dû à l'entreprise figurant dans le décompte général définitif, à savoir 9 217,09 euros TTC est la seule et unique somme revenant à Monsieur [U],
- cette somme correspond bien au pourcentage de 84% visé dans le décompte général définitif,
- En conséquence, infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 14 000,68 euros TTC au titre d'un solde de travaux dû,
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande concernant le matériel qu'il n'a pas récupéré,
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande de la somme de 3 000 euros TTC du 28 août 2018, correspondant aux travaux de reprise des malfaçons de la société L et L Plâtrerie,
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1 030 euros au titre du solde dû sur facture des travaux exécutés par Monsieur [U] es-qualité de sous-traitant de la SAS L et L Plâtrerie, soit la somme de 1 030 euros,
- Statuant à nouveau, juger que Monsieur [U] a bien été payé par la société L et L de la somme de 5 150 euros en juillet 2018,
- Débouter en conséquence Monsieur [U] de sa demande en paiement au titre du contrat de sous-traitance,
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts (...),
- Statuant à nouveau, juger que Monsieur [U] est à l'origine des préjudices subis par le maître d'ouvrage,
- Condamner en conséquence Monsieur [U] à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation des préjudices subis,
- Condamner Monsieur [U] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance, en ceux y compris les frais de constats d'huissier en dates des 8 et 13 novembre 2018 ainsi que les dépens d'appel».
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- s'agissant d'un marché forfait, le maître d'ouvrage peut résilier unilatéralement le marché sous réserve d'indemnisation de l'entrepreneur, sauf en cas de faute de ce dernier comme en l'espèce et ce sur le fondement combiné de l'ancien article 1184 et de la norme NF P03 001,
- l'entrepreneur était responsable d'importants retards, d'insultes et de menaces ainsi que de dégradations sur le chantier,
- il a abandonné le chantier, l'entreprise qui lui a succédé (en urgence) bénéficiant d'un marché à hauteur de la moitié des travaux qui lui étaient confiés, elle a parfaitement réglé l'entreprise qui lui a succédé,
- le devis du 28 août 2018 n'a jamais été accepté et ne peut constituer un avenant ; le marché en date du 13 juillet 18 est à hauteur de 26 009,46 euros sur la base d'un devis de 21'929,46 euros et d'un devis de 4 080 euros avec un avenant à hauteur de 3 300 euros,
- il n'établit pas avoir réalisé 95 % des travaux, le décompte général définitif fait état de 84 %,
- il a reçu la somme globale de 8 849,39 euros HT (10'619,27 euros TTC) et est fondé à réclamer la somme de 7 680,91 euros HT (9 217,09 euros TTC) (sommes déjà réglées au titre de l'exécution provisoire),
- il n'est jamais venu récupérer son matériel dans le délai raisonnable qui lui a été accordé,
- la facture en date du 28 août 2018 n'a pas fait l'objet d'un devis accepté et n'a pas été transmise selon le formalisme contractuellement prévu,
- il a été payé directement par la société L et L Plâtrerie le 19 juillet 2018 et ne peut réclamer auprès d'elle les travaux réalisés en qualité de sous-traitant de cette dernière,
- le comportement menaçant et injurieux de l'intimé justifie une indemnisation.
Formant appel incident, M. [U] sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 2 août 2021 :
«- vu les articles 1103 et 1231-1 du Code civil, l'article 1794 du Code civil (...)
- Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de la SCCV Frédéric Bazille Juvignac ;
- Confirmer le jugement rendu (...) en ce qu'il a dit que les fautes qui lui sont reprochées ne constituent pas un motif suffisamment grave pour entraîner une résiliation sans indemnité et a en conséquence condamné la SCCV Frédéric Bazille Juvignac au paiement d'une indemnité de rupture, d'une somme au titre du solde des travaux dus, d'une somme au titre des travaux réalisés ès-qualités de sous-traitant de la SAS L et L Plâtrerie, débouté la SCCV Frédéric Bazille Juvignac de ses autres demandes et l'a condamnée à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens (...) ;
- Infirmer le jugement rendu (...) en ce qu'il a dit que le pourcentage d'exécution des travaux réalisés est de seulement 84 %, condamné la SCCV Frédéric Bazille Juvignac à lui payer la seule somme de 14000,68 euros au titre du solde des travaux dus, au paiement de la seule somme de 1030 euros au titre des travaux exécutés en qualité de sous-traitant de la SAS L et L Plâtrerie, rejeté sa demande concernant le matériel qu'il n'a pas récupéré, la facture de 3000 euros TTC du 28.08.2018 correspondant aux travaux de reprise des malfaçons de la SAS L et L Plâtrerie, condamné la SCCV Frédéric Bazille Juvignac au paiement de la seule somme de 4690 euros à titre d'indemnité de rupture ;
- Ce faisant et statuant a nouveau, dire et juger que :
- il a exécuté 95% des travaux prévus au sein du marché du 13 juillet 2018 et de ses deux avenants ;
- il n'a pas été réglé des travaux exécutés ès-qualités de sous-traitant de la SAS L et L Plâtrerie et pour lesquels il était prévu un paiement direct par le maître d'ouvrage ;
- il n'a pas pu récupérer son matériel entreposé sur le chantier lors de la résiliation de son marché ;
- la résiliation du marché de travaux (...) est totalement irrégulière et injustifiée ;
- en conséquence, condamner la SCCV Frédéric Bazille Juvignac au paiement des sommes suivantes :
- 20074,72 euros TTC au titre des travaux réalisés en exécution du marché du 13 juillet 2018 et de ses deux avenants ;
- 500 euros TTC au titre du préjudice subi du fait de l'impossibilité de récupérer le matériel entreposé sur le chantier ;
- 6180 euros TTC correspondant aux travaux qu'il a exécutés en qualité de sous-traitant de la SAS L et L Plâtrerie pour lesquels il était prévu un paiement direct par le maître d'ouvrage ;
- 20000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation fautive de son marché,
- Débouter la SCCV Frédéric Bazille Juvignac de l'ensemble de ses demandes (...),
 
- Condamner la SCCV Frédéric Bazille Juvignac au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.'
Il expose en substance que :
- la résiliation est intervenue sans motif, sans indemnisation et sans mise en demeure préalable, les mises en demeure de septembre et octobre 2018 ne mentionnant que la possibilité d'appliquer des pénalités de retard et nullement l'intention du maître d'ouvrage de procéder à la résiliation du marché du fait de retard,
- une nouvelle entreprise était sur le chantier dès le 21 novembre 2018 avant même l'envoi du courrier de résiliation du 22 novembre 2018 ; il a été évincé du chantier,
- le courrier de résiliation ne mentionne aucun motif, celle-ci est donc irrégulière,
- il n'a jamais été mis en demeure de rattraper son retard sous peine de résiliation, puisqu'il n'était pas en retard, ayant achevé 95 % des travaux confiés et ce malgré les factures impayées,
- il n'a pas exécuté les travaux dans la salle commune compte tenu de l'absence de plans d'exécution,
- les menaces et injures ne sont pas rapportées et ne figurent pas dans la lettre de résiliation, s'agissant simplement d'une mésentente,
- il a simplement récupéré trois plaques sans dégrader les plafonds et cette prétendue dégradation ne figure pas dans la lettre de résiliation,
- il n'est pas responsable de la carence du maître d'ouvrage dans la signature du devis du 28 août 2018, les travaux de reprise pour malfaçons de son prédécesseur ont bien été réalisés,
- l'appelante n'a payé qu'en exécution du jugement bien qu'elle se reconnaisse partiellement débitrice,
- les procès-verbaux de constat d'huissier démontrent le quasi achèvement du marché, le montant du lot de son successeur étant indifférent et le maître d'œuvre reconnaissant dans sa plainte qu'il restait environ 10 % à réaliser,
- il n'a été informé que le 13 décembre de la possibilité de récupérer son matériel, il s'est présenté le 4 janvier et il est manifeste que celui-ci a été utilisé par son successeur,
- l'effectivité du virement réalisé par la société L et L Plâterie le 15 mai 2018 n'est pas établie et au demeurant n'est pas suffisant eu égard à la somme due,
- la résiliation fautive du marché justifie des dommages et intérêts au titre du solde du marché non perçu et de la perte d'autres marchés du fait du discrédit jeté par le maître d'ouvrage.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 novembre 2022.
MOTIFS de la DECISION :
1- Sur la résiliation du marché :
L'article 1217 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
L'article 1228 de ce code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°20156-131 du 10 février 2016, précise que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
Selon l'article 1231-1 de ce code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°20156-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Outre ces dispositions générales, selon l'article 1794 du code civil, le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise.
La SCCV Frédéric Bazille Juvignac soutient qu'elle peut résilier unilatéralement le marché sans indemniser M. [U] compte tenu de ses importants retards, d'insultes et de menaces ainsi que des dégradations intervenues sur le chantier et son abandon de celui-ci.
Le courrier en date du 19 septembre 2018, qu'elle a adressé à M. [U], dont ni l'envoi, ni la réception ne sont rapportés en l'absence de tout justificatif, malgré la mention 'lettre recommandée avec accusé de réception' ainsi qu'un numéro de suivi, ne tend qu'à porter à sa connaissance un nouveau planning d'exécution (décalage de fin juillet 2018 à fin octobre 2018) sans relever le moindre retard.
Le courrier en date du 1er octobre 2018, dont ni l'envoi, ni la réception ne sont rapportés en l'absence de tout justificatif, malgré la mention 'lettre recommandée avec accusé de réception'ainsi qu'un numéro de suivi, informe M. [U] de ce qu'il existe un retard qu'il convient de réparer et qu'il lui appartient de faire valoir un éventuel 'point de blocage à la réunion de chantier du mercredi matin'.
Le 7 novembre 2018, l'architecte, en charge du marché, a déposé plainte pour menaces de violences sur sa personne ainsi que de dégradations sur le chantier auprès des services de la gendarmerie de [Localité 6] à l'encontre de M. [U].
Le procès-verbal de constat d'huissier, en date du 8 novembre 2018, effectué sur les lieux par le maître d'ouvrage en présence de l'architecte, compte tenu des menaces de dégradations de M. [U], indique que certains appartements sont achevés, d'autres en cours d'achèvement et sont en parfait état et que la salle commune n'est pas achevée (certaines cloisons et le plafond ne sont pas posés).
Il a été suivi d'un courrier daté du même jour, que M. [U] n'a pas reçu, visant à procéder à la réception des ouvrages.
Le procès-verbal de constat en date du 13 novembre 2018, effectué à la demande du maître d'ouvrage, représenté par M. [W], compte tenu de la présence de M. [U] sur le chantier, celui-ci 'procédant à une détérioration des travaux réalisés' (sic), indique que les services de la gendarmerie sont également présents, qu'au rez-de-chaussée de la résidence, des plafonds ont été arrachés, des rails sont en cours d'enlèvement, et des parois de plâtre ont été détériorées dans un placard contenant des gaines techniques.
Le procès-verbal de constat en date du 15 novembre 2018, effectué à la demande de M. [U] et en présence d'un (autre) représentant du maître d'ouvrage (M. [J]), a pour objet 'alors que ce dernier a décidé de mettre un terme au marché, de constater l'état d'avancement des travaux'.
Il est produit deux courriels, datés des 15 et 19 novembre 2018, adressés par le représentant du maître d'ouvrage (présent lors du constat du 15 novembre 2018) à M. [U], qui recensent les documents liant les parties et l'état de la situation financière, sous réserve du constat d'huissier du 15 novembre 2018, et indiquent la présence d'une autre entreprise sur le chantier la semaine suivante.
Enfin, la SCCV Frédéric Bazille Juvignac a notifié par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 novembre 2018 (avis de réception 'non réclamé') à Monsieur [U] le terme du marché, rappelant le constat des travaux réalisés le 15 novembre 2018, lui adressant un décompte avec le montant restant dû au regard de ce constat et confirmant qu'une autre entreprise intervient depuis le 21 novembre et qu'il doit venir récupérer ses matériaux stockés sur le site ; ce courrier lui a, également, été adressé par courriel daté du lendemain.
La comparaison des procès-verbaux de constat des 13 et 15 novembre 2018 ne permet pas de retenir la réalité de dégradations si ce n'est une paroi de plâtre dans un placard. Elle établit que les travaux n'étaient pas achevés, notamment dans la salle commune (absence de doublage du faux-plafond et doublage des murs inachevé) sans que ni le retard d'exécution reproché à M. [U], le courrier en date du 1er octobre 2018, qui comporte en annexe un planning d'exécution montrant qu'une grande majorité des entreprises étaient en retard, ni un quelconque abandon de chantier, le maître d'ouvrage ayant fait le choix de le remplacer immédiatement, ne soient établis.
Si les menaces de violences et dégradations proférées le 7 novembre 2018 par M. [U] sont avérées, l'architecte a indiqué lors de son dépôt de plainte que l'ire de celui-ci résultait de l'absence de paiement, qui ne sont intervenus qu'à compter du 8 novembre suivant (facture du 20 juillet, ayant donné lieu à un certificat de paiement n°1 édité le 10 septembre et d'un bon à payer du 13 septembre et facture du 20 août, ayant donné lieu à un certificat de paiement du 8 octobre et d'un bon à payer du 9 novembre). Au demeurant, le maître d'ouvrage a, lui-même, choisi de fonder la résiliation du marché sur un commun accord.
M. [U], bien que n'ayant pas réceptionné le courrier du 8 novembre 2018 et n'ayant pas répondu aux courriels suivants, était informé de la décision du maître d'ouvrage de mettre un terme au marché 'en raison d'une mésentente avec le maître d'oeuvre d'exécution' sans, pour autant, que 'la résiliation n'ait fait l'objet d'un précédent de nature administrative' (page 2 du procès-verbal de constat du 15 novembre 2018) ; il reconnaît la réalité d'une telle mésentente, tout en contestant toute menace (page 11 des conclusions) ayant, lui-même, de ce fait, pris l'initiative de faire constater par un huissier de justice de façon contradictoire l'état d'avancement du chantier.
M. [U] n'a jamais contesté avoir reçu les courriels adressés par le maître d'ouvrage (son conseil les mentionnant dans son courrier du 22 novembre 2018), de sorte qu'il était informé dès le 15 novembre de la présence d'une autre entreprise dans le cadre de la rupture du marché.
Il en résulte que la résiliation du marché est intervenue dans des conditions régulières, M. [U] devant être payé des travaux exécutés et qu'aucun manquement de ce dernier, à défaut d'être avéré ou de recouvrer un caractère fautif, ne peut ni faire obstacle au versement à son profit d'une indemnisation au titre de la rupture anticipée en application de l'article 1794 du code civil rappelé ci-dessus, ni justifier l'allocation d'une indemnisation du maître de l'ouvrage, la demande de dommages-intérêts, formée par la SCCV Frédéric Bazille Juvignac, qui n'est pas fondée, étant rejetée.
2- Sur le montant du marché et son état d'avancement :
Le marché de travaux, en date du 13 juillet 2018, est fondé sur deux devis en date des 23 juin (18 274,55 euros HT) et 8 juillet 2018 (3 400 euros HT) ainsi que l'avenant n°1 du 2 octobre suivant (2 750 euros HT) ; il prévoyait des travaux pour un coût global de 24 424,55 euros HT, soit 29 309,46 euros TTC (21 674,55 euros HT + 2 750 euros HT).
M. [U] a émis deux factures les 20 juillet et 20 août 2018 pour un montant de 8 849,39 euros HT, réglées en novembre 2018.
Les factures établies par M. [U] le 23 mai 2018 à hauteur de 15 727,86 euros TTC et le 28 août 2018 pour un montant de 2 500 euros HT ne sont pas dues étant, pour la première, antérieure au marché et pour la seconde, ne correspondant à aucun des devis acceptés, fondant ledit marché. La demande en paiement de M. [U] à ce titre sera donc rejetée.
M. [U] a été destinataire en août 2018 de l'acte de sous-traitance régularisé par le mandataire judiciaire de la société L & L Plâterie à hauteur de 5 150 euros HT (6 180 euros TTC), qui mentionne que l'entreprise principale fait son affaire de l'auto-liquidation de la TVA, et du courrier, en annexe, dans lequel la SCCV Frédéric Bazille Juvignac lui rappelle qu'il a déjà été payé par cette dernière (ce qu'il n'a jamais contesté). La modification de cet acte de sous-traitance quant à son droit, ou pas, à un paiement direct est sans incidence sur la matérialité d'un paiement déjà effectué par la société L& L Plâterie, qui résulte de l'ordre de virement effectué par cette dernière à son profit en date du 15 mai 2018, confirmé par un courriel de cette société en date du 19 juillet 2018 (date à laquelle aucun litige n'était survenu). La demande en paiement de M. [U], qui correspond à la TVA sur les travaux sous-traités, sera donc, également, rejetée.
Le certificat de paiement n°3 et décompte général définitif mentionne que 84% des travaux ont été exécutés, ce que corroborent les différents procès-verbaux de constat et l'audition de l'architecte le 7 novembre 2018 ('il lui reste environ 10 %'), les travaux non finis dans la salle commune et au rez-de-chaussée ne pouvant, eu égard à la répartition des métrés entre la salle commune et l'immeuble dans son ensemble dans le devis initial, être évalués à seulement 5 %.
Le maître d'ouvrage a versé la somme globale de 8 849,39 euros HT, aucune pénalité pour jour de retard, ni pour travaux de reprise découlant de dégradations ne peut être retenue, de sorte que celui-ci demeure débiteur de la somme de 14 000,68 euros TTC (24 424,55 euros x 84 % = 20 516,62 euros - 8 849,39 euros) au titre des travaux exécutés non réglés et de la somme de 4690 euros (24 424,55 euros HT x 16 %), correspondant au solde du marché, au titre de la rupture anticipée.
La demande de majoration de l'indemnisation pour rupture anticipée du marché, formée par M. [U] ne pourra prospérer, ce dernier ne démontrant, en l'absence de toute pièce justificative, aucune perte d'autres marchés, ni atteinte à sa réputation.
3- Sur la reprise du matériel :
M. [U] a été avisé par courriel du 15 novembre, puis du 13 décembre suivant, par le biais de son avocat, de la nécessité de reprendre son matériel. Contrairement à ce qu'il soutient, il ne démontre pas en l'absence de toute pièce justificative que ledit matériel a été utilisé par l'entreprise qui lui a succédé. Il était informé de la livraison du chantier et, notamment, de la salle commune, avant la fin de l'année 2018 (procès-verbal de livraison en date du 21 décembre 2018), de sorte que n'ayant répondu à cette invitation que par un courriel de son avocat en date du 20 décembre 2018, il ne peut réclamer une indemnisation au titre d'un matériel qu'il n'a pas, volontairement, récupéré dès la fin du chantier le 15 novembre et sa demande en paiement à ce titre sera rejetée.
Par ces motifs, le jugement sera confirmé, sauf en ce qu'il a condamné la SCCV Frédéric Bazille Juvignac à payer la somme de 1 030 euros au titre des travaux sous-traités.
4- Succombant principalement sur son appel, la SCCV Frédéric Bazille Juvignac sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 000 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 16 novembre 2020, sauf en ce qu'il a condamné la SCCV Frédéric Bazille au paiement de la somme de 1 030 euros à M. [U] au titre du solde dû sur la facture des travaux exécutés en qualité de sous-traitant de la SAS L et L Plâtrerie,
Statuant à nouveau de ce chef,
Rejette la demande en paiement de [O] [U] à hauteur de 6180 euros TTC au titre des travaux sous-traités,
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Condamne la SCCV Frédéric Bazille Juvignac à payer à M. [O] [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la SCCV Frédéric Bazille Juvignac fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCCV Frédéric Bazille Juvignac aux dépens d'appel.