Cass. 3e civ., 3 décembre 2008, n° 07-14.545
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
Mme Nési
Avocat général :
M. Cuinat
Avocats :
Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 30 novembre 2006), que par acte de vente du 18 janvier 1996 établi par M. X..., notaire, Mme Y... a vendu à Mme Z... le lot n° 3 de la terre Faatane 2 ; que M. A... revendiquant des droits sur cette parcelle et le conservateur des hypothèques ayant refusé de publier l'acte de vente, Mme Z... a assigné Mme Y... ainsi que M. B..., agent immobilier et M. X... , notaire pour manquement à leur devoir de conseil, en annulation de la vente et paiement de dommages-intérêts ; que M. A..., appelé en cause, a demandé l'annulation de la vente Y... Z... et l'attribution des lots de la terre litigieuse aux personnes inscrites sur le plan de partage G... de 1950 ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° J 07-17. 516 et sur le premier moyen du pourvoi n° E 07-14. 545, réunis :
Attendu que Mme Y... et M. X... font grief à l'arrêt de prononcer la résolution de la vente, alors, selon le moyen :
1° / qu'il résulte des articles 1626 et 1628 et suivants du code civil que seul l'acquéreur réellement dépossédé dispose d'un recours en garantie contre son vendeur lorsque l'éviction a une cause antérieure au contrat, le vendeur ne devant pas garantie à l'acquéreur qui aurait pu éviter l'éviction ; qu'en faisant droit à l'action en nullité de la vente fondée sur la garantie d'éviction au seul motif que l'acquéreur ne peut jouir paisiblement de son bien puisque celui-ci est revendiqué par un tiers et que la vente ne peut être publiée, la cour d'appel, qui n'a pas constaté la réalité de la dépossession de Mme Z... en raison de l'accueil de l'action en revendication d'un tiers, a violé les articles 1626 et 1628 du code civil ;
2° / que Mme Y... soulignait, dans ses conclusions du 26 janvier 2006, qu'elle était seule propriétaire de la parcelle vendue comme étant fondée à se prévaloir de la prescription acquisitive abrégée prévue par l'article 2265 du code civil dans la mesure où elle pouvait justifier d'un juste titre et de la bonne foi, M. A..., qui se fonde sur un plan de partage de 1950 dont la validité n'était pas démontrée, n'ayant jamais engagé d'action en revendication antérieurement à la présente procédure et n'ayant jamais contesté les actes de vente des autres parcelles de la même terre précédemment passés par elle ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Mme Y... ne justifiait pas être, à l'époque de la vente à Mme Z..., seule propriétaire de la parcelle litigieuse par prescription acquisitive, de sorte que cette dernière n'était pas susceptible de se voir évincer en raison de la revendication de M. A..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1625 et 2265 du code civil ;
3° / que la propriété peut s'acquérir par l'effet de la prescription ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que c'est en vertu d'un testament de 1953 ayant reçu, selon un jugement du tribunal de Papeete en date du 18 novembre 1960, pleine et entière exécution, que Mme Y..., venderesse, se prétendait propriétaire de l'intégralité de la parcelle vendue ; que M. X... soutenait dès lors, dans ses conclusions d'appel, que Mme Y..., se croyant légitime propriétaire de cette parcelle depuis 1953, pouvait se prévaloir de la prescription acquisitive abrégée, ou, à tout le moins trentenaire, en qualité de possesseur de bonne foi, à l'encontre de M. A..., tiers revendiquant qui n'occupait pas la parcelle litigieuse ; qu'en faisant cependant application de la garantie d'éviction, au motif que la venderesse ne pouvait se prévaloir être propriétaire de l'intégralité de la parcelle vendue, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la venderesse n'en était pas devenue propriétaire par l'effet de la prescription acquisitive abrégée, sinon trentenaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 712 et 1626 du code civil ;
4° / qu'en toute hypothèse, seul un risque d'éviction actuel et certain peut donner lieu à la garantie d'éviction au profit de l'acquéreur ; que ce risque demeure incertain lorsque la venderesse peut se prévaloir à l'encontre du tiers revendiquant de la prescription acquisitive trentenaire ou abrégée ; que M. X... soutenait, dans ses conclusions d'appel, que Mme Y..., qui se croyait légitimement propriétaire de l'intégralité de la parcelle vendue en vertu d'un testament de 1953, ayant reçu, selon un jugement du tribunal de Papeete en date du 18 novembre 1960, pleine et entière exécution, pouvait se prévaloir, à l'encontre de M. A..., qui revendiquait la propriété d'une partie de la parcelle vendue sans même l'occuper, de la prescription acquisitive trentenaire, sinon abrégée ; qu'en prononçant la résolution de la vente, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'éviction invoquée par l'acquéreur n'était pas incertaine en raison des moyens que la venderesse pouvait opposer au tiers revendiquant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1626 du code civil ;
5° / qu'en toute hypothèse, en cas d'éviction partielle, l'acquéreur ne peut obtenir la résolution de la vente que si, par son importance, l'éviction remet en cause son consentement même à la vente ; qu'en prononçant la résolution de la vente au motif que la venderesse n'était pas propriétaire de l'intégralité de la parcelle acquise, un tiers se prévalant de droits concurrents sur celle-ci, sans rechercher si l'éviction partielle subie par l'acquéreur remettait en cause, par son importance, son consentement à la vente, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 1636 et 1638 du code civil ;
Mais attendu que la découverte d'un droit invoqué en justice par un tiers sur la chose vendue, existant au moment de la vente, non déclaré et ignoré de l'acheteur, constitue un trouble actuel obligeant de ce seul fait le vendeur à en garantir l'acquéreur, avant même qu'intervienne un jugement le constatant ; qu'ayant énoncé à bon droit qu'en application de l'article 1603 du code civil, le vendeur a l'obligation de garantir l'acquéreur de toute éviction que la prétention d'un tiers fait peser sur cet acquéreur, la cour d'appel, qui a constaté que les documents mentionnés dans l'acte de vente comme indiquant que le bien appartenait à la venderesse n'étaient ni annexés à l'acte, ni produits aux débats, et retenu que Mme Z... ne pouvait jouir paisiblement de son bien puisque celui-ci était revendiqué par M. A... et que la transaction ne pouvait être publiée, le conservateur des hypothèques ayant indiqué au notaire, par courrier du 14 juin 1996, que Mme Y... ne pouvait se prévaloir de la propriété de l'intégralité de la terre Faatane 2, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'existence d'un trouble actuel et certain subi par l'acquéreur et qui n'a pas retenu le caractère partiel de l'éviction, a pu en déduire, sans être tenue de répondre à de simples allégations sur l'acquisition de la propriété par prescription non assorties d'une offre de preuve, que Mme Y... ayant manqué à ses obligations, la vente devait être résolue ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi n° E 07-14. 545, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant énoncé à bon droit qu'il appartenait au notaire de vérifier la réalité des titres qui lui étaient soumis ou qui étaient disponibles, et relevé que M. X... s'était contenté de citer et d'annexer à l'acte de vente une lettre du 3 août 1989 émanant du service des Domaines mentionnant que Pauline Y... était seule propriétaire de cette terre léguée par son père par testament, mais qu'il eut été intéressant de disposer de l'acte d'acquisition, et notamment de ce qui avait pu être détaillé au paragraphe origine de propriété, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que ce courrier ne pouvait contenir de garanties suffisantes eu égard à son ancienneté et à la formule de réserve qu'il contenait et que M. X... n'avait effectué aucune investigation au sujet de l'étendue du droit de propriété du vendeur, a pu en déduire, sans être tenue de répondre à de simples allégations non assorties d'offre de preuve ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la responsabilité du notaire était engagée et que l'insolvabilité de la venderesse rendant impossible la restitution des fonds versés par Mme Z... et libérés prématurément avant la transcription, il devait être condamné au paiement des sommes dues au titre de la résolution de la vente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.