Livv
Décisions

Cass. com., 2 juin 2004, n° 01-17.945

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Aix-en-Provence, 1e ch., sect. A, du 14 …

14 septembre 2001

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 septembre 2001), rendu sur renvoi après cassation (Com, 1er octobre 1996, pourvois n° P 93-20.210 et N 93-20.761), que la société Bianchi distribution matériel électrique (Société Bianchi), qui était le principal fournisseur de M. Z..., a intenté le 30 avril 1986 une action en responsabilité contre la Banque méditerranéenne de dépôts (BMD) et la Banque internationale pour l'Afrique occidentale (BIAO), aux droits de laquelle vient la BNP Paribas (la banque), en leur reprochant d'avoir consenti un crédit excessif à son client ; que celui-ci a été mis en redressement puis liquidation judiciaires par jugements des 22 août 1986 et 13 janvier 1987 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, par confirmation du jugement dont appel, à payer à la société Bianchi la somme de 649 510,81 francs à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1 / que le représentant des créanciers, dont les attributions sont ensuite dévolues au liquidateur, ayant seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers en réparation du préjudice résultant de la diminution de l'actif ou de l'aggravation du passif, seul est recevable à agir individuellement le créancier justifiant d'un préjudice propre, c'est-à-dire distinct de celui éprouvé par la collectivité des créanciers ; qu'en statuant comme elle l'a fait par le motif inopérant que la société Bianchi invoquait un dommage distinct de celui subi par le débiteur, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 46 et 148, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, dans leur rédaction applicable à la cause ;

2 / qu'en condamnant la banque à payer à la société Bianchi la somme de 649 510,81 francs représentant le montant total des factures de cette société restées impayées, tout en constatant que cette dernière avait repris ses livraisons à l'entreprise Z... alors que le solde du compte client de celle-ci se trouvait débiteur de 166 026,72 francs et qu'elle n'en avait pas moins continué à livrer à découvert entre juin et septembre 1984, d'où il résultait tout le moins que par son imprudence fautive la société Bianchi avait contribué à la réalisation de son dommage, justifiant de procéder à un partage de responsabilité, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard des dispositions de l'article 1382 du Code civil qu'elle a violées ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a relevé que la banque s'est immiscée dans la gestion de l'entreprise de M. Z..., qu'elle s'était engagée à régler directement à la société Bianchi les factures de fournitures de marchandises faites à M. Z..., ce qui avait amené la société Bianchi à poursuivre ses livraisons, et qu'elle avait cessé brutalement ses règlements sans en informer la société Bianchi ;

qu'ainsi, abstraction faite du motif justement critiqué par la première branche mais qui est surabondant, elle a justement déduit que la société Bianchi avait subi du fait de la banque un préjudice distinct de celui des autres créanciers de M. Z... ;

Attendu, d'autre part, qu'il résulte des conclusions de la banque que celle ci s'est bornée à soutenir que l'action de la société Bianchi était irrecevable, sans invoquer les fautes de cette société ; que la cour d'appel n'était donc pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;

Qu'il en résulte que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, doit être rejeté pour le surplus ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société Bianchi fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'indemnisation complémentaire pour préjudice financier alors, selon le moyen, qu"il résulte des propres énonciations de l'arrêt que la société Bianchi avait poursuivi ses livraisons à M. Z... à l'instigation fautive des banques et n'avait pu en obtenir le paiement ; que ce défaut de paiement entraînait nécessairement un préjudice financier s'ajoutant au montant des factures impayées ; qu'en décidant que ce préjudice financier était sans lien de causalité avec les fautes des banques, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la société Bianchi avait attendu près de deux années après la livraison des marchandises pour assigner la banque, qu'elle n'a pas poursuivi le paiement des sommes dues par M. Z..., que le 7 mars 1985, elle a pris un nantissement sur le fonds de commerce de celui-ci et qu'elle a tenté un règlement à l'amiable ; qu'en l'état de ses constatations, la cour d'appel a pu décider que le préjudice financier était dû à l'attitude de la société Bianchi et qu'il était sans lien avec la faute de la banque ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident.