Livv
Décisions

TUE, 2e ch., 22 juin 2010, n° T-153/08

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Shenzhen Taiden Industrial Co. Ltd

Défendeur :

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), Bosch Security Systems BV

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme I. Pelikánová

Juges :

Mme K. Jürimäe, Mme M. S. Soldevila Fragoso

Avocats :

Me M. Hartmann, Me M. Helmer, Me C. Gielen, Me M. Bom, Me B. van Hunnik

TUE n° T-153/08

22 juin 2010

 Antécédents du litige

1 La requérante, Shenzhen Taiden Industrial Co. Ltd, est titulaire du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 214/903‑0001 et déposé le 11 août 2004, pour lequel elle revendique, comme date de priorité, le 22 avril 2004 (ci‑après le « dessin ou modèle contesté »). Le dessin ou modèle contesté, destiné à être appliqué aux « équipements de communication », est représenté comme suit :

2 Le 2 septembre 2005, l’intervenante, Bosch Security Systems BV, a présenté devant l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) une demande en nullité du dessin ou modèle contesté, fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1). Dans la demande en nullité, l’intervenante alléguait que le dessin ou modèle contesté n’était pas nouveau et qu’il était dépourvu de caractère individuel, au sens de l’article 4 du règlement n° 6/2002, lu en combinaison avec les articles 5 et 6 du même règlement.

3 À l’appui de sa demande en nullité, l’intervenante a invoqué le dessin ou modèle international enregistré le 17 mai 2000, sous la référence DM/055655, divulgué au public par sa publication au Bulletin de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) le 31 mai 2001 et devant être appliqué à des « unités destinées aux systèmes de conférence » (ci-après le « dessin ou modèle international »). Le dessin ou modèle international est représenté comme suit :

4 L’intervenante a également présenté une brochure, des extraits de presse ainsi que des publicités en date de 2000 et de 2001, reproduisant le dessin ou modèle d’une unité de conférence (ci‑après le « dessin ou modèle reproduit au point 4 »), qui, selon elle, était identique au dessin ou modèle international. Parmi les vues communiquées par l’intervenante figuraient les vues suivantes :

5 Par décision du 15 septembre 2006, la division d’annulation de l’OHMI a rejeté la demande en nullité.

6 Le 6 novembre 2006, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 55 à 60 du règlement n° 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

7 Par décision du 11 février 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours. Dans le cadre d’une comparaison entre, d’une part, le dessin ou modèle contesté et, d’autre part, le dessin ou modèle international combiné avec les deux vues du dessin ou modèle reproduit au point 4, dans un premier temps, la chambre de recours a considéré que le dessin ou modèle contesté était nouveau, dès lors qu’il n’y avait pas d’identité entre les dessins ou modèles en cause et que les différences entre eux n’étaient pas insignifiantes. Dans un second temps, elle a toutefois conclu, en se référant au degré relativement élevé de liberté dans l’élaboration du dessin ou modèle destiné à être incorporé dans une unité de conférence, que les différences entre les dessins ou modèles en cause n’étaient pas suffisamment perceptibles pour produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Par conséquent, la chambre de recours a conclu que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel.

 Conclusions des parties

8 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux exposés par la requérante dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

9 L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

10 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– confirmer la décision attaquée ;

– condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante devant la chambre de recours et devant la division d’annulation.

11 Lors de l’audience, l’intervenante s’est désistée de son deuxième chef de conclusions, ainsi que de son troisième chef de conclusions pour autant qu’il visait les dépens exposés devant la division d’annulation.

 En droit

12 La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, et le second, d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 6 du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002

 Arguments des parties

13 Selon la requérante, la chambre de recours a violé l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 en ce qu’elle a pris en considération des faits qui n’auraient pas été établis par l’intervenante. D’une part, l’intervenante n’aurait pas prouvé la divulgation de la brochure et des autres documents dans lesquels figurait le dessin ou modèle reproduit au point 4, dès lors qu’elle n’aurait pas présenté d’éléments qui établiraient leur date de publication et leurs destinataires. D’autre part, l’intervenante n’aurait pas prouvé que le dessin ou modèle reproduit au point 4 était identique au dessin ou au modèle international et, de ce fait, n’aurait pas prouvé l’existence d’un dessin ou d’un modèle antérieur unique. Or, tandis que certaines représentations du dessin ou du modèle reproduit au point 4 montreraient l’unité de conférence avec le haut‑parleur relevé, le dessin ou modèle international ne contiendrait aucune représentation comparable.

14 L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

15 Selon le libellé de la requête, le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, en vertu duquel, dans une action en nullité, l’examen effectué par l’OHMI est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

16 Toutefois, la requérante fait valoir, en substance, l’insuffisance des preuves relatives à ce que l’intervenante présente comme étant un dessin ou modèle antérieur unique. Ainsi, il convient de considérer que le premier moyen consiste en deux griefs tirés en réalité, d’une part, d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 en ce qui concerne la divulgation au public du dessin ou modèle reproduit au point 4, et, d’autre part, d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement en ce qui concerne l’assimilation opérée par la chambre de recours du dessin ou modèle reproduit au point 4 avec le dessin ou modèle international.

–  Sur la divulgation au public du dessin ou modèle reproduit au point 4

17 Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

18 L’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 précise qu’un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date visée à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union européenne.

19 En l’espèce, il y a lieu d’examiner s’il ressort des éléments présentés devant l’OHMI que le dessin ou modèle reproduit au point 4 avait été divulgué au public avant le 22 avril 2004, date de priorité revendiquée par la requérante pour le dessin ou modèle contesté.

20 À cet égard, il ressort de l’extrait du magazine espagnol spécialisé El Instalador de Telecomunicación, présenté par l’intervenante devant la division d’annulation, que l’unité de conférence dénommée « Concentus », dont l’aspect extérieur correspond à celui du dessin ou modèle reproduit au point 4, a été présentée au public lors de la foire Matelec qui s’est déroulée à Madrid en 2000. Les autres publicités et extraits de presse présentés par l’intervenante à la division d’annulation font référence à une unité de conférence portant le même nom et incluent des photographies qui, quoique prises sous différents angles et à différents niveaux de détail, correspondent à l’unité de conférence reproduite dans l’extrait du magazine El Instalador de Telecomunicación.

21 Dans ces circonstances, il convient de considérer que l’intervenante a établi devant l’OHMI que le dessin ou modèle reproduit au point 4 avait été divulgué à partir de 2000, lors d’une foire commerciale ainsi que dans la presse spécialisée. Or, les milieux spécialisés du secteur des unités de conférence opérant dans l’Union suivent, dans la pratique normale des affaires, les foires et les revues spécialisées de ce secteur.

22 Partant, il convient de conclure que l’intervenante a rapporté la preuve devant l’OHMI que le dessin ou modèle reproduit au point 4 avait été divulgué au public avant le 22 avril 2004, date de priorité revendiquée pour le dessin ou modèle contesté. Partant, le dessin ou modèle reproduit au point 4 pouvait être pris en considération par la chambre de recours et le présent grief doit donc être rejeté.

–  Sur l’assimilation du dessin ou modèle reproduit au point 4 avec le dessin ou modèle international

23 Dans la mesure où l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002 fait référence à une différence entre les impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause, l’examen du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire ne saurait être effectué au regard d’éléments spécifiques tirés de différents dessins ou modèles antérieurs.

24 Dès lors, il convient d’opérer une comparaison entre, d’une part, l’impression globale produite par le dessin ou modèle communautaire contesté et, d’autre part, l’impression globale produite par chacun des dessins ou modèles antérieurs valablement invoqués par le demandeur en nullité.

25 L’obligation d’effectuer une comparaison entre les impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause n’exclut pas que soient pris en considération, en tant que représentations d’un même dessin ou modèle antérieur, des éléments qui ont été divulgués au public de différentes manières, en particulier, d’une part, par la publication d’un enregistrement et, d’autre part, par la présentation au public d’un produit incorporant le dessin ou modèle enregistré. En effet, l’objectif de l’enregistrement d’un dessin ou modèle est d’obtenir un droit exclusif notamment sur la fabrication et la commercialisation du produit l’incorporant, ce qui implique que les représentations figurant dans la demande d’enregistrement sont, en règle générale, étroitement liées à l’apparence du produit mis sur le marché.

26 Dans ces circonstances, il convient de vérifier si, en l’espèce, le dessin ou modèle international et le dessin ou modèle reproduit au point 4, tels qu’ils ont été invoqués par l’intervenante devant l’OHMI, constituent effectivement des représentations d’un même dessin ou modèle antérieur.

27 À cet égard, l’examen des différentes vues, présentées devant l’OHMI, d’une part, du dessin ou modèle international et, d’autre part, du dessin ou modèle reproduit au point 4, ne révèle pas d’éléments suggérant que les deux dessins ou modèles diffèrent quant à l’aspect du produit représenté. S’il est vrai, dans ce contexte, que les représentations du dessin ou modèle international ne comportent pas de vue de l’appareil avec le couvercle relevé et que les différentes vues du dessin ou modèle reproduit au point 4 présentent généralement l’appareil dans ce dernier état, il n’en demeure pas moins que la présence d’un couvercle articulé – et donc susceptible d’être relevé – ressort des vues 1.1 et 1.6 du dessin ou modèle international.

28 Dès lors, si le dessin ou modèle reproduit au point 4 comporte des éléments supplémentaires par rapport au dessin ou modèle international en ce qui concerne l’intérieur du couvercle et la surface supérieure du corps de l’appareil qui est couverte par celui-ci, il intègre tous les aspects de l’apparence du dessin ou modèle international.

29 En outre, la requérante se borne à contester la preuve de l’identité entre le dessin ou modèle international et le dessin ou modèle reproduit au point 4, en des termes généraux, sans présenter soit des arguments relatifs aux caractéristiques spécifiques les différenciant, soit d’autres éléments de fait suggérant qu’il ne s’agit effectivement pas de deux représentations d’un seul et même dessin ou modèle.

30 Dans ces circonstances, il convient de conclure que la chambre de recours a pu considérer à bon droit que le dessin ou modèle international et le dessin ou modèle reproduit au point 4 constituaient différentes représentations d’un même dessin ou modèle antérieur (ci‑après le « dessin ou modèle antérieur »).

31 Par conséquent, il convient de rejeter le présent grief et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 6 du règlement n° 6/2002

 Arguments des parties

32 La requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 4, paragraphe 1, et l’article 6 du règlement n° 6/2002 en considérant que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel compte tenu de l’impression globale qu’il produirait sur l’utilisateur averti.

33 En effet, premièrement, dans le domaine des équipements relevant des technologies de l’information, la liberté du créateur serait limitée par la fonctionnalité de ces appareils ainsi que par une tendance générale privilégiant les appareils de taille réduite, plats et rectangulaires, comportant souvent des éléments articulés.

34 Or, familiarisé avec les produits en cause, l’utilisateur averti aurait connaissance desdites limitations. Dès lors, dans l’impression globale produite par un dessin ou modèle, il attribuerait plus d’importance aux éléments esthétiques, arbitraires ou hors normes qu’aux éléments fonctionnels.

35 Deuxièmement, étant donné les limitations et la tendance auxquelles est soumise la configuration d’une unité de conférence, l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté ne serait pas déterminée par sa configuration de base ou par les détails relatifs aux éléments fonctionnels. Ainsi, dans l’appréciation de l’utilisateur averti, le dessin ou modèle contesté serait caractérisé d’un point de vue esthétique, en particulier, d’abord, par l’aspect asymétrique dû à la combinaison d’un haut‑parleur articulé du côté droit et d’un petit panneau du côté gauche, ensuite, par un ornement en forme d’aigle stylisé sur le capot du haut‑parleur articulé sur le dessus de l’appareil et, enfin, par la conception de la tête du microphone et de la base de la tige de celui‑ci.

36 Troisièmement, en ce qui concerne la comparaison entre le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur, la chambre de recours se serait fondée sur les similitudes dictées par des considérations fonctionnelles ou techniques, et non sur l’impression globale dans laquelle les éléments ayant une incidence esthétique auraient plus d’importance. Or, les dessins ou modèles en cause différeraient justement en ce qui concerne de tels éléments, dès lors que le dessin ou modèle antérieur se caractériserait par une disposition symétrique de ses différents éléments et qu’il ne serait pas orné d’un aigle stylisé sur le dessus.

37 De même, les dessins ou modèles en cause différeraient en ce qui concerne plusieurs détails ayant une certaine importance dans l’impression globale. Ces différences concerneraient la forme des trous de ventilation du haut-parleur, celles du microphone, de la tige de ce dernier, des côtés du corps de l’unité de conférence et de sa partie arrière.

38 La requérante ajoute que la présence, dans les deux unités de conférence, d’un haut‑parleur articulé qui peut être relevé serait un trait purement fonctionnel, se retrouvant dans de nombreux appareils du secteur des technologies de l’information, tels que les ordinateurs ou les téléphones portables. De même, le microphone devrait être placé du côté gauche, afin de ne pas gêner l’ouverture du haut‑parleur et afin de tenir compte du fait que la plupart des utilisateurs sont droitiers. Pour cette même raison, le lecteur de cartes devrait être placé dans la partie avant droite.

39 Par ailleurs, l’argument selon lequel les différences au niveau des couvercles ne seraient plus visibles lorsque ceux‑ci sont relevés ne serait pas pertinent, dès lors qu’il concernerait uniquement l’une des sept vues du dessin ou modèle contesté et qu’il ne reposerait donc pas sur l’impression globale produite par ce dernier. En outre, l’ornement en cause serait visible même lorsque le couvercle est relevé, dès lors qu’il ne serait recouvert par aucun autre élément à l’arrière de l’appareil.

40 L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

41 Selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et où il présente un caractère individuel.

42 Ainsi qu’il a déjà été rappelé, il ressort de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002 qu’un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002 précise en outre que, pour apprécier ce caractère individuel, il doit être tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

43 Il ressort enfin du considérant 14 du règlement n° 6/2002 que, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève.

44 En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, le dessin ou modèle antérieur a été divulgué au public avant le 22 avril 2004, date de priorité revendiquée pour le dessin ou modèle contesté.

45 Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner si, du point de vue de l’utilisateur averti et compte tenu du degré de liberté du créateur d’une unité de conférence, l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté diffère de celle produite par le dessin ou modèle antérieur.

–  Sur l’utilisateur averti

46 En ce qui concerne l’interprétation de la notion d’utilisateur averti, il y a lieu de considérer que la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné.

47 Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement, et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise.

48 Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, cette circonstance n’implique pas que l’utilisateur averti soit en mesure de distinguer, au-delà de l’expérience qu’il a accumulée du fait de l’utilisation du produit concerné, les aspects de l’apparence du produit qui sont dictés par la fonction technique de ce dernier de ceux qui sont arbitraires.

49 En l’espèce, la chambre de recours a constaté, au point 18 de la décision attaquée, que l’utilisateur averti pouvait être « quiconque assiste régulièrement à des conférences ou à des réunions formelles au cours desquelles les différents participants disposent d’une unité de conférence, équipée d’un microphone, posée sur la table devant eux ».

50 Cette définition correspond à l’interprétation de la notion d’utilisateur averti exposée ci‑dessus. En effet, le participant à une conférence ou à une réunion utilise une unité de conférence en conformité avec sa finalité, qui consiste à faciliter, grâce à la transmission des communications et aux fonctions associées, telles que le vote ou l’identification des personnes, l’échange de vues et d’informations entre les participants. De même, du fait de sa participation régulière à des conférences ou à des réunions, l’utilisateur averti connaît les différents modèles d’unités de conférence ainsi que les éléments que celles-ci comportent normalement. Par ailleurs, dans la mesure où l’utilisateur doit se familiariser avec les différentes fonctions et l’interface d’une unité de conférence pour que celle‑ci puisse remplir sa fonction, il fera preuve d’un degré relativement élevé d’attention lorsqu’il sera confronté aux produits concernés.

–  Sur le degré de liberté du créateur

51 Au point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, si certaines caractéristiques doivent être présentes dans une unité de conférence pour qu’elle remplisse sa fonction, le degré de liberté du créateur d’une unité de conférence était néanmoins relativement élevé.

52 Pour contester le bien-fondé de cette conclusion, la requérante fait valoir, d’une part, le fait que de nombreux éléments d’une unité de conférence ainsi que leur configuration sont dictés par la fonction technique de l’appareil et, d’autre part, l’existence d’une tendance générale privilégiant les appareils de taille réduite, plats, rectangulaires et comportant souvent des éléments articulés.

53 En ce qui concerne la première circonstance, il est certes vrai que, pour remplir sa fonction essentielle, une unité de conférence doit disposer, au minimum, d’un haut‑parleur et d’un microphone, orientés de façon à ce que l’utilisateur entende le son reproduit par le haut‑parleur et que ses paroles soient captées par le microphone. De même, des boutons accessibles à l’utilisateur sont nécessaires, notamment, pour mettre en marche le microphone et pour régler le volume du haut‑parleur. Par ailleurs, dans la mesure où les unités de conférence comportent également des fonctions associées, des éléments, tels que les boutons de vote, l’écran et le lecteur de cartes, peuvent également s’avérer nécessaires du point de vue fonctionnel.

54 Toutefois, ainsi que l’OHMI et l’intervenante l’ont fait valoir, ces contraintes concernent la présence de certains éléments dans l’unité de conférence, mais n’influent pas, dans une mesure significative, sur leur configuration et, partant, sur la forme et l’aspect général de l’unité de conférence elle‑même. En particulier, il n’apparaît pas qu’un élément articulé serait nécessaire afin d’assurer une quelconque fonctionnalité de l’appareil.

55 Cette conclusion est corroborée par le patrimoine des dessins ou modèles, tel qu’il a été présenté par l’intervenante devant l’OHMI, qui fait état d’unités de conférence aux formes et aux configurations variables, qui diffèrent sensiblement de celles utilisées dans le dessin ou modèle contesté. Ainsi, selon le modèle, le microphone est placé sur une tige ou non, à gauche, à droite ou au milieu du corps de l’appareil. De même, si le lecteur de cartes est normalement placé à droite, il n’est généralement pas intégré au haut‑parleur de l’unité de conférence, mais dans le corps même de l’appareil. En outre, la présence d’un élément articulé quelconque est l’exception plutôt que la règle.

56 En revanche, la requérante n’a pas présenté d’éléments étayant son allégation selon laquelle les exigences techniques ou fonctionnelles limiteraient considérablement le degré de liberté du concepteur d’une unité de conférence.

57 Dans ces circonstances, ladite allégation ne saurait être accueillie.

58 Quant à la prétendue tendance générale privilégiant des appareils de taille réduite, plats, rectangulaires et comportant souvent des éléments articulés, il convient d’observer que la question de savoir si un dessin ou modèle suit ou non une tendance générale en matière de design est pertinente, tout au plus, par rapport à la perception esthétique du dessin ou modèle concerné et peut donc, éventuellement, exercer une influence sur le succès commercial du produit dans lequel ce dernier est incorporé. En revanche, elle est sans pertinence dans le cadre de l’examen du caractère individuel du dessin ou modèle concerné qui consiste à vérifier si l’impression globale produite par ce dernier se différencie des impressions globales produites par les dessins ou modèles divulgués antérieurement, indépendamment des considérations esthétiques ou commerciales.

59 Au demeurant, la requérante n’a pas étayé l’existence de la tendance qu’elle invoque, dès lors qu’elle n’a pas présenté d’exemples d’unités de conférence présentant les caractéristiques qu’elle met en avant. De surcroît, la plausibilité de son allégation est mise en cause par le patrimoine de dessins ou modèles présenté par l’intervenante devant l’OHMI. En effet, les éléments communiqués font état d’unités de conférence de diverses formes, rectangulaires, triangulaires ou arrondies, de diverses tailles, dont la plupart n’est pas dotée d’un haut‑parleur ou d’un autre élément articulé.

60 La requérante mentionne encore, dans ce contexte, les ordinateurs et téléphones portables dotés d’écrans articulés, ainsi que les téléviseurs à écran plat. Toutefois, l’examen du caractère individuel d’un dessin ou modèle devant prendre en considération la nature du produit dans lequel ce dernier est incorporé, ces exemples ne sont pas pertinents.

61 En effet, un écran articulé permet de réduire la taille de l’appareil, cette dernière étant une caractéristique essentielle dans le cas des ordinateurs et téléphones portables. De manière similaire, un écran plat permet de réduire considérablement la profondeur d’un téléviseur et, partant, de faciliter son positionnement. En revanche, une unité de conférence n’est généralement pas conçue pour être portable et le choix d’une forme plate n’a pas de conséquences significatives en ce qui concerne l’espace nécessaire pour son installation. Dès lors, il n’apparaît pas qu’une unité de conférence serait soumise aux mêmes contraintes que les appareils mentionnés par la requérante.

62 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que le degré de liberté du créateur d’une unité de conférence était relativement élevé.

–  Sur la comparaison des impressions globales produites par les deux dessins ou modèles en cause

63 Eu égard à ce qui vient d’être exposé au sujet du degré de liberté du créateur d’une unité de conférence, il y a lieu de considérer que l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté est déterminée par les éléments suivants :

– un corps d’appareil rectangulaire dont la surface supérieure est inclinée vers l’utilisateur ;

– un haut‑parleur rectangulaire articulé couvrant une partie importante de la surface supérieure du corps de l’appareil et intégrant un lecteur de cartes ;

– un panneau couvert par le haut‑parleur articulé lorsque ce dernier est rabattu, comportant plusieurs boutons et écrans ;

– un microphone articulé sur une tige, placé du côté gauche.

64 En outre, un ornement stylisé est situé sur le capot du haut‑parleur. Cependant, si cet élément participe de l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté, son rôle est moins important que celui des éléments énumérés au point 63 ci‑dessus.

65 En effet, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 20 de la décision attaquée, lors de l’utilisation de l’unité de conférence, le haut‑parleur est relevé afin de pouvoir remplir sa fonction. Par conséquent, l’ornement en cause se trouve sur le dos de l’appareil, et donc hors du champ de vision immédiat de l’utilisateur, ce qui implique qu’il n’aura pas d’impact majeur sur la perception de ce dernier. L’utilisateur peut, tout au plus, percevoir le même ornement sur les dos des appareils des autres participants situés face à lui. Toutefois, une telle perception se fera, généralement, à distance, ce qui implique que le détail de la configuration du capot du haut‑parleur sera moins visible.

66 Il convient encore d’observer que, contrairement à ce que prétend la requérante, la prise en compte de la visibilité réduite du capot du haut‑parleur n’est pas contraire à la règle selon laquelle il convient d’apprécier l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté. En effet, cette impression doit nécessairement être déterminée aussi au regard de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion.

67 Les autres éléments mis en exergue par la requérante sont sans pertinence. En effet, d’une part, l’aspect légèrement asymétrique de l’emplacement du haut‑parleur articulé est considérablement moins frappant que la présence d’un tel haut‑parleur en elle-même. De surcroît, à supposer même que l’utilisateur averti perçoive l’asymétrie de l’unité de conférence en tant que caractéristique significative, il en sera ainsi, avant tout, en raison de la position latérale, et donc asymétrique, de la tige du microphone.

68 D’autre part, la forme de la tête du microphone et de la base de la tige de celui‑ci représentent des éléments mineurs de l’aspect d’une unité de conférence qui n’attireront pas l’attention de l’utilisateur averti, ainsi que l’a constaté la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée.

69 Quant à l’impression globale produite par le dessin ou modèle antérieur, elle est déterminée pour l’essentiel par les traits énumérés au point 63 ci‑dessus. En effet, le corps de l’unité est globalement rectangulaire, sa surface supérieure étant inclinée vers l’utilisateur et dotée d’un haut‑parleur articulé. Le haut‑parleur a la même forme rectangulaire et intègre également un lecteur de cartes présentant le même aspect extérieur. Le panneau situé sous le haut‑parleur correspond, en ce qui concerne tant la forme de ses différents éléments que leur configuration, au panneau présent au même endroit dans le dessin ou modèle contesté. À l’instar de ce dernier, le dessin ou modèle antérieur est doté d’un microphone sur une tige, placé du côté gauche.

70 Ainsi que la chambre de recours l’a exposé au point 20 de la décision attaquée, la seule différence entre les deux dessins ou modèles en cause, qui pourrait avoir une certaine pertinence, concerne le capot du haut‑parleur articulé, dès lors que, dans le dessin ou modèle antérieur, celui-ci n’est pas doté de l’ornement stylisé présent dans le dessin ou modèle contesté.

71 Toutefois, d’une part, cette différence n’est pas particulièrement prononcée, étant donné que les couvercles des deux dessins ou modèles sont bosselés et que l’ornement du dessin ou modèle contesté est fortement stylisé.

72 D’autre part, ainsi qu’il a été constaté aux points 64 et 65 ci‑dessus, l’importance de cet élément de différenciation est réduite du fait de la visibilité moindre du couvercle de l’unité de conférence une fois que l’appareil est utilisé.

73 Dès lors, il convient de considérer que l’ornement stylisé présent sur le dessin ou modèle contesté n’est pas susceptible de contrebalancer les similitudes constatées et n’est, par conséquent, pas suffisant pour conférer un caractère individuel audit dessin ou modèle.

74 Les autres différences invoquées par la requérante, en ce qui concerne la forme des trous de ventilation du haut-parleur, celles de la tête du microphone et de la base de la tige de celui-ci, ainsi que des côtés du corps de l’unité de conférence et de sa partie arrière, sont insignifiantes dans l’impression d’ensemble produite par les deux dessins ou modèles en cause. En effet, ces différences ne sont pas suffisamment marquées pour distinguer les deux appareils dans la perception de l’utilisateur averti, d’autant plus qu’elles concernent, pour la plupart, des éléments d’une unité de conférence qui n’attirent pas l’attention de ce dernier.

75 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur produisent la même impression globale sur l’utilisateur averti. Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours est arrivée à ce même constat au point 20 de la décision attaquée et en a déduit que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel au sens de l’article 6 du règlement n° 6/2002.

76 Il convient donc de rejeter le second moyen et, de ce fait, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

77 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

78 Par ailleurs, aux termes de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables, exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI. Par conséquent, il convient de condamner la requérante à supporter les frais exposés à cette occasion par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Shenzhen Taiden Industrial Co. Ltd est condamnée aux dépens, y compris les frais indispensables exposés par Bosch Security Systems BV aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).