CA Angers, ch. a sect. civ., 13 juin 2023, n° 19/02396
ANGERS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Muller
Conseillers :
Mme Elyahyioui, Mme Gandais
Avocats :
Me Murillo, Mme Muller
FAITS ET PROCÉDURE
Selon facture, mention de vente sur la carte grise et déclaration de cession de véhicule du 6 octobre 2017, M. [L] [V] a acquis de M. [Z] [M] un tracteur Deutz Fahr immatriculé [Immatriculation 5], mis en circulation le 23 septembre 1985, pour un prix de 8 400 euros.
Faisant état de désordres sur le véhicule acquis, M. [V] a sollicité le juge des référés de La Flèche aux fins d'expertise, mesure ordonnée le 19 avril 2018 pour un dépôt de rapport le 17 janvier suivant.
Par exploit du 26 mars 2019, M. [V] a fait assigner M. [M] devant le tribunal d'instance de La Flèche aux fins notamment de prononcé de la résolution de la vente du tracteur, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil et, subsidiairement, d'annulation de la vente, en vertu des articles 1131 et suivants du même code.
Suivant jugement du 12 septembre 2019, le tribunal d'instance de La Flèche a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens de la procédure.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 10 décembre 2019, M. [V] a interjeté appel de cette décision en son entier dispositif intimant dans ce cadre M. [M].
L'ordonnance de clôture a été prononcée, après report, le 15 mars 2023 et l'audience de plaidoiries fixée au 20 de ce même mois, conformément aux prévisions d'un avis du 4 janvier 2023. Moyens
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 2 mars 2022, M. [V] demande à la présente juridiction de :
- le dire et juger recevable et bien fondé en son appel, ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- constater que M. [M] a commis un dol,
- prononcer la nullité de la vente intervenue entre lui et M. [M],
- condamner M. [M] à lui payer la somme de 8 400 euros représentant le prix de la vente du véhicule litigieux,
- condamner M. [M] à procéder à la reprise dudit véhicule à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,
- se réserver la liquidation de l'astreinte,
A titre subsidiaire :
- constater que le véhicule acquis par lui est affecté de vices cachés le rendant impropre à sa destination, ou en diminuant tellement l'usage qu'il ne l'aurait pas acquis, s'il les avait connus,
- en conséquence, prononcer la résolution de ladite vente conclue entre lui et M. [M],
- condamner M. [M] à lui payer la somme de 8.400 euros représentant le prix de la vente du véhicule litigieux,
- condamner M. [M] à procéder à la reprise dudit véhicule à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,
- se réserver la liquidation de l'astreinte,
A titre très subsidiaire :
- prononcer la résolution de ladite vente conclue entre lui et M. [M],
- condamner M. [M] à lui payer la somme de 8.400 euros représentant le prix de la vente du véhicule litigieux,
- condamner M. [M] à procéder à la reprise dudit véhicule à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,
- se réserver la liquidation de l'astreinte,
En tout état de cause :
- dire que passé le délai de 3 mois à compter de la signification à intervenir il pourra disposer librement du véhicule,
- condamner M. [M] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
- débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [M] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner les mêmes aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 27 février 2023, M. [M] demande à la présente juridiction de :
- dire et juger M. [V] mal fondé en son appel,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- condamner M. [V] à lui payer la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. [V] en tous les dépens de 1ère instance et d'appel avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP Pigeau-Conte-Murillo-Vigin.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures, ci-dessus mentionnées. Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le dol
En droit, l'article 1137 du Code civil dispose que : 'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Par ailleurs, l'article 9 du Code de procédure civile prévoit que : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
Le premier juge a relevé qu'aucune des pièces communiquées n'établissait la connaissance par le vendeur des désordres affectant le tracteur ainsi qu'une dissimulation intentionnelle de ces derniers. De plus, il a été considéré que l'attitude fautive invoquée s'agissant du compteur d'heures d'utilisation ainsi que le fait que le vendeur ait été à l'origine d'une ouverture de trappe ou de réparations sans recours à un professionnel n'étaient pas non plus démontrées. Dans ces conditions, les demandes formées au titre du dol ont été rejetées.
Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant indique que, lors de la cession, son cocontractant lui a affirmé être propriétaire du véhicule depuis 12 ans, or le certificat de situation administrative du tracteur établit la survenance d'une vente au cours de l'année 2015. A ce titre, il soutient qu'une cession annulée 'constitue une information essentielle et décisive pour un acquéreur potentiel', situation renforcée par le fait que le vendeur ne démontre pas que cette annulation ait été fondée sur les désordres affectant la prise de force. Ainsi, l'appelant affirme qu'en ne délivrant pas cette information son contradicteur s'est rendu auteur de réticence dolosive. Au surplus, il souligne que cette cession lui a également été dissimulée au moyen d'une déclaration de perte de carte grise conduisant à l'établissement d'un duplicata de cette pièce ne mentionnant pas la date d'immatriculation mais celle de son édition. De plus, l'appelant soutient que son contractant lui a également menti quant à l'importance de l'usage du véhicule vendu. Ainsi, il précise que le vendeur lui a indiqué : avoir cessé son activité trois années plus tôt, n'avoir plus utilisé le tracteur depuis cette date en dehors de quelques prêts à un voisin, M. [N], pour du transport de volailles ; que l'horamètre aurait cessé de fonctionner à 8.000 heures, son voisin l'ayant débranché et que le véhicule, au jour de la vente, comptabiliserait environ 10.000 heures. Cependant, l'acquéreur observe que ces affirmations ne peuvent être véridiques dès lors que :
- 2.000 heures n'apparaît pas un nombre d'heures cohérent au regard d'une utilisation affirmée de très ponctuelle du véhicule,
- M. [N] a contesté avoir débranché l'horamètre ainsi que transporté des volailles, n'étant pas agriculteur, il a uniquement transporté du bois,
- l'acquéreur intermédiaire a dû faire usage du véhicule pendant la période (au demeurant méconnue) au cours de laquelle il en a eu la possession.
Ainsi, l'appelant indique qu''il conviendrait pour M. [M] de justifier comment le tracteur a pu prendre 2 000 heures entre 2015 et 2017 et également la cause exacte du dysfonctionnement de l'horamètre, notamment s'il l'a volontairement débranché ou non.
Enfin, l'appelant rappelle que son contradicteur a déclaré 'lors des opérations d'expertise, que le véhicule avait exclusivement été entretenu par des professionnels, sans pour autant produire quelque facture que ce soit et cela malgré les demandes formées. De plus, il souligne que les constatations de l'expert, établissent le caractère mensonger de cette affirmation. Enfin l'appelant observe qu'il n'a pas été informé d'une intervention sur la trappe permettant notamment l'accès au système de transmission qui présente les principaux désordres qu'il dénonce.
Aux termes de ses dernières écritures, l'intimé indique qu'il ne peut lui être reproché aucune manoeuvre dolosive, dès lors que l'expert a constaté que le véhicule pouvait être utilisé normalement mais également au regard du fait que ce tracteur a été vendu 'en l'état'. De plus, il souligne qu'au regard d'un bien cédé après plus de 33 années d'usage, l'acquéreur ne pouvait ignorer le risque de survenance d'un désordre. S'agissant de l'ouverture de la trappe, il observe que l'expert n'a pas retenu le fait qu'il soit à l'origine de cette situation outre qu'elle n'a 'aucune incidence sur le fonctionnement du tracteur'. Concernant sa période de propriété du véhicule, il indique l'avoir acquis courant 2008 et l'avoir cédé, courant 2015, à une personne s'étant postérieurement rétractée en raison d'un dysfonctionnement de la prise de force, problématique qu'il avait expressément mentionnée à l'appelant. L'intimé observe donc que son contradicteur a acquis le véhicule en connaissance de cette difficulté de sorte qu'elle n'a aucune incidence sur le présent litige. S'agissant de l'horamètre, il conteste l'avoir volontairement débranché et souligne que l'appelant fonde son argumentaire sur une expertise unilatéralement diligentée postérieurement aux opérations d'expertise judiciaire. En tout état de cause, l'intimé indique que son absence de fonctionnement n'est pas volontaire et résulte de l'usure normale. De plus, il souligne que la déclaration de cession ne mentionnait pas le kilométrage et qu'à cette occasion, il a avisé l'acquéreur du fait qu'il ne lui était pas possible de déterminer le nombre d'heures effectives au regard du dysfonctionnement de l'instrument de mesure. Par ailleurs, il observe que ses précisions quant au prêt du véhicule ont été confirmées par M. [N], l'expert observant que l'usage du tracteur pour du transport de bois était conforme à sa destination. Concernant l'entretien du véhicule, l'intimé observe que son contradicteur a acquis le véhicule en sachant qu'aucun document d'entretien ne lui était transmis, de sorte que si cette circonstance était de quelque importance, il n'aurait pas conclu la vente litigieuse. De plus, il souligne ne plus être en mesure de produire les justificatifs de l'entretien, le professionnel assumant cette charge ayant cessé son activité avant de décéder et ses propres pièces ayant disparu dans l'incendie partiel de sa maison. Il conclut donc au rejet des demandes fondées sur le dol.
Sur ce :
En l'espèce, il résulte des écritures mêmes de l'appelant qu'il avait été informé du dysfonctionnement de l'horamètre lors de l'acquisition.
Il en résulte qu'il était avisé de l'absence de comptabilisation de l'activité réelle du tracteur qu'il se proposait d'acquérir et cela antérieurement à la cession.
Par ailleurs, aux termes de ses écritures l'appelant soutient en substance que son cocontractant ne l'aurait pas loyalement informé de l'usage qui a été fait du véhicule depuis son départ à la retraite courant 2015. Cependant il est, à ce titre, indifférent de déterminer si ce véhicule a été utilisé 2 000 heures ou plus postérieurement à la cessation d'activité de son propriétaire, dès lors que le non fonctionnement de l'instrument de mesure était connu et partant, au regard de l'âge du véhicule, le potentiel acquéreur pouvait se convaincre seul de l'importance de l'usage d'un tel tracteur au cours d'une période plus que trentenaire.
De plus, le fait que l'intimé aurait affirmé à son contractant que M. [N], auquel il avait prêté le véhicule, a :
- débranché l'horamètre
- fait usage du véhicule aux fins de transport de volailles et non de bois,
n'est démontré par aucune des pièces communiquées par l'appelant et, en tout état de cause, est sans incidence sur l'issue du présent litige.
Il résulte de ce qui précède que l'appelant ne démontre aucunement que son contradicteur se soit rendu auteur de quelque réticence dolosive s'agissant de l'importance de l'usage du tracteur.
Concernant le fait que le véhicule n'ait pas exclusivement été entretenu par des professionnels, d'une part, il ne peut qu'être constaté que cette affirmation résulte des seules déclarations de l'appelant et n'est établie par aucune pièce et cela alors même que lors des opérations d'expertise l'intimé a indiqué n'avoir « procédé à aucune réparation lui-même sur le tracteur, n'ayant effectué que les vidanges », admettant dès lors des interventions d'entretien courant.
En tout état de cause au-delà du fait que l'appelant ne démontre aucunement la réalité de son assertion, il doit être souligné qu'il a conclu la vente litigieuse sans pour autant rechercher quelque justification de l'entretien du véhicule de plus de 30 ans qu'il acquérait, dès lors qu'il précise qu'aucune facture ne lui a été transmise ce qui n'est pas contredit par l'intimé.
Ainsi outre que l'appelant ne démontre aucunement l'assertion mensongère qu'il allègue, il n'établit pas plus le caractère déterminant de cette information, dès lors qu'il ne s'est aucunement inquiété d'une absence de facturation de travaux d'entretien sur un véhicule d'ores et déjà ancien.
De plus et s'agissant du fait que l'ouverture de la trappe d'accès au pont permettant in fine un accès à la transmission, présentement affectée de désordres, était une manipulation connue de l'intimé, il doit être souligné que cette affirmation résulte uniquement d'un rapport d'expertise unilatéralement réalisée courant 2018. Le professionnel ainsi missionné expose « la pâte de couleur bleu n'est pas une pâte préconisée pour ce type de travaux et l'expert judiciaire l'a confirmé. En revanche, d'après les photos qui nous ont été fournies, la pâte présente très peu de salissures impliquant une ouverture de cette trappe pendant la propriété du tracteur par M. [M], à savoir moins de 12 ans. Ce qui implique que M. [M] avait connaissance de cette intervention et qu'aujourd'hui, il doit nous donner des explications sur cette intervention ».
Cependant, cette affirmation du technicien n'est confirmée par aucune autre pièce produite par les parties et se trouve même contredite par l'expert judiciaire.
Ainsi en réponse au dire qui lui a été transmis et qui fait état d'une analyse similaire (propreté de la pâte mise en oeuvre pour refermer la trappe), le professionnel judiciairement désigné expose que « l'examen du tracteur ne nous permet pas de savoir à quand remonte cette intervention', avant d'indiquer que 'la pâte est inadaptée, on peut supposer qu'un non professionnel l'aurait appliquée. Le tracteur étant globalement propre, son état ne permet pas d'affirmer avec certitude qu'elle date de moins de 12 ans, d'autant plus que M. [M] nous a dit au cours de l'accédit qu'il n'avait aucun souvenir d'une quelconque intervention à ce niveau, et qu'il n'a fourni aucune facture. Compte tenu de ces éléments il n'est pas possible de dater cette intervention ».
Il résulte de ce qui précède que l'expert, constatant l'état d'entretien, à tout le moins de nettoyage, du véhicule litigieux a considéré qu'il n'était pas possible, au seul constat de la propreté de la pâte, de considérer que cette manipulation de la trappe était intervenue au cours de la période de propriété de l'intimé.
Dans ces conditions, il ne peut qu'être constaté que l'appelant ne démontre aucunement que l'intimé ait eu connaissance de l'ouverture de la trappe et partant des éventuels travaux voire vérifications ayant justifié de cette manipulation.
Enfin s'agissant de la vente inaboutie, il doit liminairement être souligné qu'au regard d'une déclaration de perte de carte grise effectuée courant juillet 2015, il ne peut aucunement être considéré que cette démarche ait eu pour objet de tromper la religion de l'appelant plus de deux années plus tard.
Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que cette cession, intervenue courant 2015, n'ait pas été mentionnée lors des pourparlers relatifs à la présente vente, il n'en demeure pas moins que le caractère déterminant de la rétention d'une telle information n'est pas établie.
En effet, si l'intimé soutient que cette vente a été 'annulée' en raison de dysfonctionnements affectant la prise de force et que son contradicteur affirme pour sa part qu'elle 'a pu être annulée pour d'autres motifs (...) et notamment en raison d'une fuite d'huile constatée par l'acquéreur', il n'en demeure pas moins que les désordres affectant la prise de force avaient été mentionnés au cours des négociations dès lors qu'ils sont expressément mentionnés à la facture du mois d'octobre 2017 et que la fuite d'huile exige des travaux devisés courant septembre 2018 pour moins de 190 euros HT.
Il en résulte que ces deux difficultés présentées par le véhicule et étant invoquées comme justifiant de l'inaboutissement de la précédente cession ont été sans incidence sur le consentement de l'appelant qui en avait été avisé (prise de force) ou leur reprise était d'une suffisamment faible importance pour ne pas avoir d'influence sur ce même consentement.
Dans ces conditions la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées au titre du dol.
Sur les demandes fondées sur les vices cachés
En droit l'article 1641 du Code civil dispose que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Le premier juge a observé que l'expertise judiciaire avait mis en évidence l'existence de désordres ne relevant pas des vices cachés (boulons trop longs, fuite d'huile, âge du véhicule, ouverture d'une trappe de visite refermée au moyen d'une pâte non conforme à cet usage). Par ailleurs, s'agissant de la boîte de vitesses et plus généralement de la transmission, il a été souligné que si la reprise de ces désordres impliquait des travaux de plus de 12 000 euros, il n'en demeurait pas moins que cette situation résultait de l'usure normale du véhicule qui malgré cela pouvait continuer à fonctionner. Il a également été souligné que l'expert avait retenu qu'à une date indéterminée, il conviendra de procéder à ces travaux, il n'en demeurait pas moins probable qu'une autre panne intervienne antérieurement. Ainsi, il a été retenu que l'acquéreur était avisé de l'âge du véhicule, acquis à un prix tenant compte de la vétusté et qu'il n'était pas même établi de diminution de l'usage du tracteur, de sorte que les demandes formées au titre des vices cachés ont été rejetées.
Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant indique qu'il existe un vice principal qui affecte la transmission du tracteur, mais également des fuites d'huile, ainsi que des désordres relatifs au frein à main'. S'agissant de l'antériorité des désordres, il souligne avoir constaté des désordres dès la première heure de travail du tracteur sous forme d'une fuite de 2 l d'huile ayant des conséquences tant sur la boîte de vitesses que sur l'usure d'autres pièces mécaniques. En outre l'expert a établi l'antériorité à la vente, du désordre affectant la transmission, qui résulte d'une inadéquation de ce système à la puissance du moteur, cette dernière étant trop importante. De plus, l'appelant soutient ne pas avoir eu connaissance des vices constatés par l'expert (fuite, pâte inadaptée, bruits provenant de la boîte de vitesses, boulons inadaptés) qui n'étaient pas apparents à la vente, ainsi que l'établit le professionnel judiciairement désigné, qui indique notamment que seul un mécanicien averti pouvait déceler les difficultés affectant la boîte de vitesses. S'agissant de ce dernier désordre, il est observé qu'au regard de l'importance des travaux à réaliser (12.174,29 euros HT), il ne peut être considéré comme résultant d'une simple situation d'usure du bien vendu. A ce titre, il souligne que dès lors que cette usure résulte d'une inadéquation de la transmission par rapport à la puissance du moteur, elle ne peut être considérée comme une usure normale. S'agissant de l'impropriété à destination, l'appelant soutient qu''actuellement [il] ne peut plus utiliser le véhicule litigieux pour son exploitation agricole dans la mesure où une telle utilisation détériorait (sic) davantage les pièces mécaniques de l'engin aux risques de le détériorer définitivement compte tenu de l'importante fuite d'huile constatée ».
Aux termes de ses dernières écritures, l'intimé indique que si le véhicule est affecté de désordres, cette situation résulte de l'usure normale de ce bien. De plus, il soutient qu'il n'est pas établi que ces anomalies préexistaient à la vente et rendent le véhicule impropre à son usage. S'agissant de la fuite d'huile, il rappelle que son contradicteur a essayé le véhicule et aurait constaté cette difficulté si elle préexistait et en tout état de cause n'entraîne aucune impropriété à l'usage du véhicule. Concernant les boulons de support de frein à main, il souligne que l'expert a établi le fait que leur caractère inadapté n'avait aucune incidence sur le fonctionnement du tracteur. S'agissant de la transmission, l'intimé souligne que l'expert n'a pas établi l'antériorité de la difficulté, considérant uniquement cette éventualité en raison de défauts fréquemment présentés par ce modèle de véhicule. De plus, il souligne qu'alors même que son contradicteur a fait deux essais du tracteur et l'a conduit pendant 2h30 pour l'amener à son exploitation, il n'avait pas constaté les désordres qu'il invoque désormais. A ce titre il rappelle que ces difficultés se manifestent notamment par des bruits qui ne pouvaient qu'être constatés par un agriculteur ayant connaissance de ce type de véhicule. En tout état de cause, l'intimé soutient que l'ancienneté du véhicule et la vétusté qu'elle implique font échec à la reconnaissance de l'existence d'un vice caché qui est d'autant moins établie que l'expert constate que ces désordres ne rendent pas le tracteur impropre à son usage.
Sur ce :
En l'espèce, s'agissant des désordres affectant le frein à main, ils sont ainsi décrits par l'expert : « les boulons de support de frein à main (...) sont manifestement récents et inadaptés (trop longs). Ils ne nuisent pas cependant au fonctionnement du tracteur, même si leur bon dimensionnement permet le calage du support de la tringle de frein à main ». En réponse aux dires formés au titre de cette difficulté le professionnel précise de nouveau que « le remplacement des boulons du support de frein n'est pas préjudiciable au fonctionnement du tracteur ».
Il en résulte que s'il est établi que les boulons de support du frein à main d'origine ont été remplacés par des éléments de taille inadaptée, cette situation est sans incidence sur le fonctionnement du véhicule de sorte que cette difficulté ne cause aucune impropriété du tracteur à son usage.
Concernant la pâte mise en oeuvre à la fermeture de la trappe de visite, l'expert mentionne également que « même si la pâte utilisée n'est pas conforme, ceci ne constitue pas un désordre nuisant au bon fonctionnement du tracteur'. Ainsi, faute de plus amples éléments, il ne peut aucunement être considéré que cette anomalie emporte quelque impropriété à usage que ce soit.
S'agissant des problématiques de boîte de vitesses et plus généralement de transmission ainsi que la fuite d'huile, il doit être rappelé que la vétusté n'est pas un vice de sorte que ne peuvent être pris en compte, au titre de la garantie des vices cachés, les défauts dus à l'usure normale.
A ce titre, il doit être rappelé que le véhicule a été mis en circulation le 23 septembre 1985 et que l'expert a notamment pu indiquer :
- « les raccords dans le circuit hydraulique (flexibles, embouts, réducteurs, coupleurs...) s'usent et finissent par s'affaiblir au cours du temps »,
- « des pertes d'huile sont fréquentes pour des tracteurs agricoles âgés. Le rajout de 2 litres que vous dites avoir dû réaliser pour mettre à niveau est important et montre que des vérifications et petites réparations doivent être faîtes (sic), ce que votre mécanicien confirme dans son devis dans lequel il prévoit une somme de 182 euros HT pour la main d'oeuvre nécessaire. Un matériel de 33 ans nécessitera toujours des petites interventions de ce genre. Même si visiblement la fuite s'est aggravée quand vous avez utilisé le tracteur au champ, cela ne constitue pas un vice caché »,
- « je n'ai pas vu le tracteur au moment de la vente, mais des traces d'huile devaient être visibles sur les carters sur un matériel aussi ancien bien qu'il soit possible que les fuites se soient aggravées quand vous avez utilisé le tracteur. La fuite d'huile ne constitue pas un vice caché étant quasi inhérente au tracteur compte tenu de son âge. Le faible montant des réparations chiffrées par votre mécanicien démontre par ailleurs que ce vice ne rend pas le matériel impropre à son usage ».
Il résulte donc que la présence de fuite(s) d'huile sur un véhicule à usage agricole de type tracteur est une situation résultant de l'usure normale d'un tel matériel, dès lors que l'expert rappelle que les raccords de circuits en prenant de l'âge s'affaiblissent et partant des fuites peuvent apparaître.
Cette situation constitue donc, pour un tracteur plus que trentenaire, une situation résultant de l'usure normale à laquelle l'acheteur devait normalement s'attendre, la garantie des vices cachés n'est donc pas due à ce titre.
Concernant le dernier élément évoqué par l'appelant et plus précisément sur l'anormalité de l'usure du système de transmission, résultant de son inadaptation à la puissance du moteur auquel elle est associée, il doit être souligné que l'expert a indiqué :
- « nous avons procédé à un essai de passage de vitesse ; nous percevons un bruit anormal en enclenchant les vitesses 3ème, 4ème et 5ème ; ce bruit, même si les vitesses passent toujours, est le signe d'un problème plus grave dans la boîte, probablement une usure de pignon »,
- « l'usure dans la boîte de vitesse est un problème relativement fréquent sur ce modèle, la puissance du tracteur entrainant des efforts importants sur la boîte provoque l'usure des pièces mécaniques. Ce problème s'aggravera au cours du temps, les vitesses seront de plus en plus difficiles à passer, jusqu'au blocage de la boîte »,
- « j'ai évoqué le défaut de ce modèle assez récurrent (inadéquation de la transmission par rapport à la puissance du moteur). C'est au fur et à mesure du temps et de l'utilisation que l'usure de la transmission s'est installée. Le défaut que nous décelons au niveau de la boîte de vitesse n'est pas survenu brutalement au cours des quelques heures d'utilisation par M. [V] qui n'en est pas responsable. Le tracteur était bien affecté de ce vice avant la vente »,
- « compte tenu du montant très élevé des frais de réparation (12 174,29 euros HT) par rapport à la valeur du tracteur, je répondrai que cela le rend impropre à son usage. Mais cette condition n'est pas de mon point de vue complètement remplie. En effet le tracteur aujourd'hui n'est pas immobilisé, il le sera à cause de cette usure de la boîte, c'est certain mais nul ne peut dire quand cela arrivera. Et je rappelle que le matériel a été mis en circulation en 1985, un tracteur agricole de cet âge sera peut-être immobilisé par d'autres pannes avant que la transmission ne lâche (ex : moteur, injection, démarreur, alternateur, hydraulique, direction, relevage...). Le vice rend le matériel partiellement impropre à son usage »,
- « nous sommes d'accord sur le constat de la présence de ce désordre et de son origine. Les pignons et roulements de boîte de vitesse s'usent bien au fur et à mesure du temps, d'autant plus, comme je l'ai déjà indiqué, sur ce modèle précis où la boîte se trouve sous dimensionnée par rapport à la puissance du moteur. Je rappelle que, cependant, le tracteur n'est aujourd'hui pas immobilisé à cause de cette usure qui bien qu'un mécanicien averti la décèle n'empêche pas son utilisation. La personne à qui M. [M] avait prêté son tracteur a bien dit à M. [V] qu'il n'avait pas rencontré de difficulté au travail ; au cours des quelques heures qu'il l'a utilisé, M. [V] lui-même a ressenti la même chose ».
Il résulte de ce qui précède que si l'expert a établi la certitude de la panne à venir de la boîte de vitesses, il n'en détermine la cause « probable », usure de pignon, qu'au regard de difficultés ayant pu être rencontrées « relativement fréquemment » par ce modèle de tracteur.
Ainsi, il n'existe pas de certitude quant à l'origine de l'usure de la boîte de vitesses.
De plus, il doit être souligné que s'il existe sur ces modèles de tracteur un sous dimensionnement de la boîte par rapport à la puissance du moteur, il n'en demeure pas moins que cette situation n'a pas encore conduit à la panne du véhicule alors même qu'il est plus que trentenaire et qu'au regard des éléments mentionnés par l'expert une immobilisation du véhicule est possible en raison de l'usure des 'moteur, injection, démarreur, alternateur, hydraulique, direction, relevage...' et des pannes qu'elle peut induire. Il s'en déduit donc que l'usure et la vétusté normales d'un tracteur de 33 ans, impliquent qu'à tout le moins certains éléments du véhicule ont atteint voire dépassé leur « durée de vie » usuelle.
De plus, si l'expert mentionne une inadéquation de la boîte de vitesses il n'expose pas que cette situation ait influé de manière anormale sur l'usure de la transmission.
Ainsi le système de transmission présente une usure qui conduira à terme à la panne du véhicule, cependant il ne peut être affirmé que cette usure soit anormale du seul fait d'un sous dimensionnement de la boîte par rapport à la puissance du moteur, dès lors que l'expert ne le mentionne pas explicitement et que le véhicule, et partant sa boîte de vitesses, ont plus de 30 ans.
De l'ensemble, il résulte d'une part que la cause de l'usure de la boîte n'est pas déterminée et qu'en tout état de cause, son anormalité n'est pas établie par l'appelant.
Dans ces conditions, la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées par l'acquéreur et fondées sur les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil.
Sur la délivrance
En droit, l'article 1603 du Code civil dispose que : « Il [le vendeur] a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend'.
Aux termes de ses dernières écritures, l'appelant rappelle que son contradicteur a indiqué tant lors de la vente que devant l'expert, que le véhicule comptabiliserait 10 000 heures d'utilisation. Cependant le professionnel désigné a retenu que le véhicule avait dû faire un tour complet de compteur (9 999 heures achevées) outre les 1 590 qu'il affiche désormais. L'appelant en déduit donc que le compteur a été falsifié à hauteur de 2 000 heures environ. Ainsi au regard du fait que la jurisprudence considère régulièrement qu'un kilométrage erroné lors de la cession d'un véhicule caractérise la défaillance du vendeur en son obligation de délivrance justifiant de la résolution de celle-ci, l'appelant soutient que cette sanction est également applicable au présent litige.
Aux termes de ses dernières écritures, l'intimé soutient qu'il n'a pas falsifié le compteur d'utilisation. De plus il rappelle que l'acheteur, avisé de l'absence de garantie du kilométrage (ou de la durée d'utilisation) affiché, ne peut par la suite invoquer ce défaut. Enfin, il souligne que le vendeur ne répond pas des vices apparents de la chose.
Sur ce
En l'espèce, il résulte des écritures mêmes de l'appelant qu'il avait été avisé, concomitamment à la vente, de l'absence de fonctionnement de l'horamètre.
De plus, il ne produit aucune pièce établissant que son contradicteur ait 'falsifié' ce compteur.
A ce titre, l'expert judiciaire n'a aucunement établi le fait que le compteur ait été volontairement manipulé se contentant d'indiquer que le nombre d'heures d'usage du tracteur était « probablement de l'ordre de 12 000 ».
En tout état de cause, l'acquéreur était avisé dès la vente du fait que l'horamètre ne permettait pas de connaître l'importance de l'usage du véhicule, de sorte qu'il ne peut être considéré que le tracteur qui lui a été délivré n'est pas conforme aux caractéristiques qui avaient été convenues entre les parties.
Dans ces conditions la demande en résolution de la vente pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance doit être rejetée.
Sur les demandes accessoires
L'appelant qui succombe doit être condamné aux dépens.
Cependant l'équité commande de rejeter l'ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Enfin, au regard de l'issue du présent litige, les dispositions de la décision de première instance à ce titre doivent être confirmées.
Dispositif PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal d'instance de La Flèche du 12 septembre 2019 ;
Y ajoutant :
REJETTE la demande formée par M. [L] [V] en résolution de la vente intervenue le 6 octobre 2017 pour manquement de M. [Z] [M] à son obligation de délivrance ;
REJETTE l'ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et formées en appel ;
CONDAMNE M. [L] [V] aux dépens d'appel.