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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 9 juin 2023, n° 21/13029

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vedreine et Cie (SAS)

Défendeur :

Valade (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone

Avocats :

Me Vignes, Me Kremer, Me Chevalier

T. com. Bordeaux, du 2 avr. 2021, n° 201…

2 avril 2021

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que la sas Valade, qui transforme et commercialise des fruits pour la restauration commerciale et sociale, a commandé en juin et septembre 2017 à la sa Vedreine et Cie, spécialisée en impression haute définition, lithographie, typographie, flexographie, et toutes activités de reprographie notamment sur supports destinés à l'agro-alimentaire et la pharmaceutique, des bobines d'opercules imprimés destinés à couvrir et fermer des pots en aluminium contenant des compotes.

Évoquant des problèmes de délaminage, mode de rupture caractéristique d'un matériau qui se cisaille longitudinalement dans un plan perpendiculaire à son épaisseur et dont il résulte des couches ou strates disjointes qui finissent par se décoller sous forme de lamelles plus ou moins fines, concernant les bobines d'opercules livrées le 9 octobre 2017, Valade a refusé de payer les factures correspondantes de Vedreine, qui elle-même a refusé de payer la société italienne Carcano qui lui fournissait les bobines sur lesquelles elle opérait les travaux d'impression.

Un expert judiciaire a été désigné par ordonnance du 14 mai 2018 du tribunal de commerce de Brive saisi en référé. L'expert a déposé son rapport le 18 février 2019.

Saisi au fond en paiement de ses factures par Carcano, le tribunal de commerce de Brive s'est dessaisi par jugement du 4 septembre 2020 au profit du tribunal de commerce de Bordeaux saisi par Vedreine ayant assigné Valade et Carcano.

Vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 2 avril 2021 qui a :

- Condamné la société VEDREINE et Cie à payer à la société Carcano la somme de 34 529,36€ assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2017 au titre des factures 2017/41/1583 et 2017/41/1760,

- Condamné la société VALADE à payer à la société VEDREINE et Cie la somme de 44 201,41 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2018 au titre des factures 201710024, 201709100 et 2017100057,

- Condamné la société VALADE à payer à la société VEDREINE et Cie la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société VEDREINE et Cie à payer à la société Carcano la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Valade de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les sociétés Vedreine et Cie et Carcano du surplus de leurs demandes,

- Condamné les sociétés VEDREINE et VALADE au paiement par moitié des dépens et frais d'expertise,

- ordonné l'exécution provisoire.

Vu l'appel interjeté par la sa Vedreine et Cie le 23 mars 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 3 février 2022 pour la sa Vedreine et Cie,

Vu les pièces versées au débat,

Vu l'ancien article L. 442-6, I, 5°du code de commerce,

Vu l'article 1103 du code civil,

Vu les articles 696 et 700 du code de Procédure civile,

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Bordeaux le 2 avril 2021 en ce qu'il a :

 Condamné la société VALADE SAS à payer à la société VEDREINE & CIE SA la somme de 44.201,41 assortie des intérêts au taux d'intérêt légal à compter du 25 janvier 2018 au titre des factures 201710024, 201709100 et 2017100057,

 condamné la société VALADE SAS à payer à la société VEDREINE & CIE SA la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

 débouté la société VEDREINE & CIE SA du surplus de ses demandes,

 condamné la société VALADE SAS et la société VEDREINE & CIE SA à régler les dépens et frais d'expertise par moitié dont frais de greffe liquidés à la somme de 95,66 euros dont TVA : 15,94 euros.

Et, statuant à nouveau :

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions présentées à titre incident par la société VALADE,

- déclarer la société VEDREINE & CIE SA recevable et bien fondée dans l'ensemble de

ses demandes, fins et prétentions,

- débouter la société VALADE de l'ensemble des demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la société VEDREINE & CIE SA,

- condamner la société VALADE au paiement de la somme de 79 667,60 euros TTC au titre de l'ensemble des factures émises par ses soins restant impayées, à majorer des intérêts au taux légal majoré de 10 points à compter du 14 janvier 2018, correspondant aux marchandises livrées dont la conformité a été constatée et reconnue par Monsieur l'Expert,

- dire et juger que la société VALADE s'est rendue coupable d'agissements constitutifs d'une rupture brutale des relations commerciales établies entre les sociétés VEDREINE & CIE SA et VALADE ;

- dire et juger que la durée du préavis suffisant, eu égard à l'ancienneté des relations commerciales établies entre les sociétés VEDREINE & CIE SA et VALADE, qui aurait dû être respecté par la société VALADE est de 7 mois,

- En conséquence, condamner la société VALADE au paiement de la somme de 42 043,64 euros à titre de réparation du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture,

- condamner la société VALADE au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de réparation du préjudice subi par la société VEDREINE & CIE SA du fait de sa condamnation prononcée par le Tribunal de Commerce de Bordeaux à son encontre en faveur de la société CARCANO,

- condamner la société VALADE aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile comprenant également l'intégralité des frais de la procédure d'expertise menée,

- condamner la société VALADE à la somme de 5.000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 4 novembre 2021 pour la sas Valade, par lesquelles elle demande à la cour de :

Vus l'appel principal de la société VEDREINE et l'appel incident de la société VALADE,

- Réformer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Bordeaux le 2 avril 2021

en ce qu'il a :

 condamné la société VALADE à payer la somme de 44 201,41 € à la société VEDREINE au titre des factures des bobines d'opercule,

 débouté la société VALADE de sa demande de paiement d'une somme de 22 890 € au titre de son préjudice,

 condamné la société VALADE au paiement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Juger que les produits livrés par la Société VEDREINE à la Société VALADE étaient non conformes comme l'expert judiciaire a pu le constater de manière contradictoire, en présence de toutes les parties, lors des essais du 24 juillet 2018,

- Juger que l'Expert Judiciaire désigné par la Présidente du Tribunal de Commerce de Brive n'a pas rempli complètement sa mission mais a constaté lors d'essais contradictoires la défectuosité des bobines livrées entraînant des perturbations dans la production de la Société VALADE,

- Juger que les conclusions de l'expert judiciaire qui se fonde sur des éléments non contradictoires sont nulles et de nul effet,

- Par voie de conséquence débouter la Société VEDREINE de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Société VALADE,

- Condamner la Société VEDREINE à indemniser le préjudice de la Société VALADE à hauteur de 22 890 €,

- Subsidiairement désigner tel expert avec mission de vérifier si les produits livrés par la Société CARCANO à la Société VEDREINE en 2017, pour l'impression des bobines destinées à la société VALADE, étaient identiques à ceux fournis les années précédentes,

- Très subsidiairement limiter le montant de la facturation exigible de la Société VEDREINE sur la Société VALADE à un montant de 27 508,69 € TTC.

- Débouter la Société VEDREINE du surplus de ses demandes,

- La condamner aux entiers dépens d'instance ainsi qu'à la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance de clôture du 15 décembre 2022,

SUR CE, LA COUR,

À titre liminaire il y a lieu de relever que Vedreine, appelante principale, reproche au tribunal de commerce de Bordeaux d'avoir retenu une somme inférieure à celle qu'elle sollicitait au titre du paiement des factures des bobines et de l'avoir déboutée de sa demande de réparation au titre de la rupture brutale des relations commerciales. Valade conteste pour sa part devoir les factures correspondant aux produits livrés qu'elle estime non conformes et le débouté de sa demande au titre du préjudice commercial subi du fait de ces non-conformités.

À l'exception de la demande subsidiaire formée par l'intimée de désignation d'un expert sur les produits livrés par Carcano, aucune demande de réformation n'a été formée sur les chefs du jugement impliquant Carcano, et cette société n'a pas été appelée dans la cause, aucune demande n'étant formée à son encontre. Seules Vedreine et Valade soutiennent donc l'appel, à titre principal et incident.

1. Sur les produits livrés

En application de l'article 1604 du code civil, le vendeur doit délivrer une chose conforme aux spécifications du contrat.

L'existence d'un problème de délaminage n'est pas contesté, et est restitué par les clichés photographiques produits par Valade (pièce 1 bis) pour des coupelles de moulinés de fruits pomme coing ainsi que par les attestations du responsable qualité et du responsable technique secteur des portions de Valade (pièces 9 et 10).

L'expert a lui-même constaté le problème sur les coupelles litigieuses et conclut à « une production le 18 octobre 2017, dans des conditions exceptionnelles, cumulant une atteinte ou un dépassement des valeurs limites, dans des conditions de production en démarrage non stabilisées, limitées dans le temps et portant sur :

- La masse volumique du produit,

- Le surdosage au moment du remplissage,

- Les températures de remplissage et de scellage dans la fourchette haute.

Ces conditions sont favorables à un contact renforcé du produit avec l'opercule lors du test opérateur. Cette hypothèse est confortée par des contrôles qualité de la société Carcano ne montrant pas de non-conformités et le fait que c'est le seul incident de ce type en 4 ans de relations commerciales entre les parties » (pièce 16 intimée).

L'expert précise que « combiné avec l'écart des sondes de températures, les valeurs réelles de remplissage ont pu dépasser les 92°C, favorisant une surchauffe de l'opercule et un délaminage » (page 12 du rapport) et relève que les contrôles qualité réalisés par Carcano et les tests réalisés sur les coupelles litigieuses, montrent une totale conformité aux spécifications techniques (pages 13 et 14).

Si Valade fait valoir que l'hypothèse retenue par l'expert d'une production dans des « circonstances exceptionnelles » ne repose sur aucun fondement alors qu'elle a constaté le même problème sur une production à froid le 9 mars 2018, que cet expert a par ailleurs contredit dans ses conclusions ses propres constats en début d'expertise, et retenu des tests qualités non contradictoires en renonçant à des analyses par des laboratoires spécialisés, la cour relève :

- d'une part qu'aucun des laboratoires d'analyse contacté par l'expert n'a donné suite pour la réalisation des essais de délaminage dès lors que ces laboratoires ne disposaient pas du matériel nécessaire, et que partant, l'expert a proposé aux parties de faire ces essais avec les appareils de test de Carcano ; les parties n'ont pas donné suite à ces deux propositions (page 9 du rapport), si bien que la demande de nullité de l'expertise comme la demande d'une nouvelle expertise ne se justifient pas,

- que ces contestations sont élevées par Valade pour soutenir qu' « il était pour le moins indispensable de vérifier si la société CARCANO n'a pas modifié la consistance du produit livré à la société VEDREINE lors de la dernière année (2017) alors que jusque-là les bobines n'avaient pas posé problème », en rappelant ses observations à l'expert en novembre 2018 par lesquelles elle indiquait :  « VALADE est favorable au recours à un laboratoire externe et ne peut accepter une expertise chez CARCANO qui est partie au procès. Il convient de vérifier si cette société n'a pas modifié le produit la dernière année et elle ne peut se voir confier l'expertise ». Or Carcano n'a pas été appelée à la cause alors même qu'elle était partie en première instance, de telle sorte que ces moyens ne peuvent être retenus, faute de répondre à l'exigence de contradiction posée par l'article 16 du code de procédure civile ;

- qu'au demeurant, les tests réalisés par Carcano sont produits aux débats (pièce 13 Vedreine) ; il n'est pas contesté qu'ils ont porté sur les coupelles litigieuses et que les résultats transmis par Carcano ont pu être discutés contradictoirement dans le cadre de l'expertise ordonnée, ces tests évoquant déjà la possibilité que la température ou le volume du produit ait pu avoir une influence sur le comportement du film en question,

- qu'enfin l'expert a relevé sur les fiches de contrôle fournies par Valade, des grammages de remplissage des coupelles « non conformes allant jusqu'à 107,65g, correspondant aux premières sorties de production mais aussi aux tests de délaminage effectués par l'opérateur », un « surdosage de 7 % [pouvant] être à l'origine d'une surchauffe de l'opercule facilitant un délaminage » (page 11 du rapport).

En conséquence, et alors que sa demande de nullité de l'expertise n'est pas plus motivée, et qu'elle n'apporte aucun élément de preuve contraire aux constats faits et aux conclusions tirées par l'expert, pour démontrer la non-conformité des bobines livrées par Vedreine ou justifier une nouvelle expertise, notamment en ne produisant pas le cahier des charges déjà demandé par l'expert, Valade doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes relatives à l'expertise et au débouté de Vedreine de sa demande en paiement.

2. Sur le quantum des factures

Vedreine réclame le paiement de 79.667,60€ TTC quand le tribunal a retenu la somme de 44 201,41 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2018 au titre des factures 201710024, 201709100 et 2017100057.

Le tribunal a en revanche, rejeté la demande présentée par Vedreine en paiement des factures n°2017120008 du 5 décembre 2017 d'un montant de 5.544 euros TTC (pièce n°18) et facture n° 2017120071 du 14 décembre 2017 d'un montant de 29.922,19 euros TTC (pièce n°19) correspondants aux marchandises, non imprimées, que Vedreine indique avoir commandées à Carcano uniquement pour satisfaire les commandes de Valade.

Si Vedreine invoque l'article 1103 du code civil, la cour relève que seules les bobines correspondant à la facturation totale de 44 201,41 € ont été livrées à Valade par Vedreine qui ne peut dès lors réclamer le paiement de produits qu'elle n'a pas livrés, n'ayant pas exécuté l'obligation à sa charge au titre de la commande qu'elle invoque.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au-delà de 44 201,41 €.

3. Sur la rupture des relations contractuelles

Aux termes de l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Le champ d'application de ce texte requiert des relations commerciales établies, soit une relation commerciale entre les parties qui revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et dans laquelle la partie victime de la rupture pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

L'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou s'il a été délivré, l'insuffisance du préavis, lequel doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, dont l'état de dépendance économique de l'entreprise évincée c'est-à-dire de l'impossibilité, pour l'entreprise de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle avait nouées avec ce partenaire, et des circonstances prévalant au moment de la notification de la rupture susceptibles d'influencer le temps nécessaire pour le redéploiement de l'activité du partenaire victime de la rupture, telles que les capacités de l'entreprise à retrouver des débouchés.

Si Vedreine fait valoir être victime d'une rupture brutale des relations commerciales établie avec Valade depuis décembre 2010 soit 7 années, durée dont la réalité n'est pas contestée, il ressort toutefois qu'à la suite de la réclamation faite par Valade le 18 octobre 2017 qui indiquait avoir dû stopper sa production en raison du problème de délaminage sur la livraison des bobines du 9 octobre 2017, et qui demandait une nouvelle livraison pour le 19 octobre, Vedreine n'a pas pu honorer cette demande : le rapport de l'expert (page 4) le relève et un mel de Vedreine du 5 décembre 2017 (pièce 19 de l'intimée) rapporte en ce sens : « nous n'avons qu'un seul lot dans notre stock et nous ne faisons pas d'opercule pour d'autres clients. Il nous était donc impossible de vous fournir un autre lot de marchandise ou vous proposez une quelconque alternative ». Valade a ainsi été obligée, afin de ne pas bloquer sa production, de se tourner vers un autre fournisseur, pour cette commande en urgence, pour remplacer les produits concernés par le problème de délaminage.

Quant aux commandes suivantes, qui n'ont pas eu lieu entre Valade et Vedreine, alors qu'entre 2011 et 2017 Valade avait effectué des commandes de bobines entre 4 et 6 fois par an auprès de Vedreine (notamment pièce 30 Vedreine), la cour relève que suite aux difficultés résultant du délaminage en octobre 2017, des échanges ont eu lieu entre les parties d'où il ressort que suite à la réclamation faite par Valade, sans qu'à ce stade la cause du problème soit connue celle-ci n'étant résulté que de l'expertise postérieure, plusieurs dates entre le 26 octobre 2017 et le 17 novembre 2017 ont été proposées par Valade pour recevoir un représentant de Vedreine dans son usine et trouver la cause du problème ; le courrier adressé par Valade le 8 décembre 2017 (pièce 2 Valade) établit cependant que malgré ces différentes propositions et l'accord de Vedreine pour un tel déplacement, aucun représentant de cette dernière ne s'est finalement présenté, alors même que Valade rappelait qu'en janvier 2014, l'efficacité de son fournisseur suite à un problème d'opercule avait résolu la difficulté en 72h suite au déplacement de Vedreine dans les locaux et aux échanges avec ses équipes pour en trouver la cause. Dans la suite de ce courrier du 8 décembre 2017, Valade énonce les difficultés auxquelles elle a dû faire face à la suite du délaminage et précise : « il est hors de question de continuer à prendre du complexe défectueux sauf si vous nous démontrez que ce complexe est conforme et peut être utilisé sur nos lignes. Cela suppose que vous preniez enfin la mesure de la difficulté et manifestiez la volonté de trouver véritablement une solution à ces problèmes techniques ». Ainsi contrairement à ce qu'indique Vedreine, Valade a ainsi manifesté son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale dès lors qu'une solution n'était pas recherchée, faisant courir un délai de préavis correspondant à cette recherche. Partant, Vedreine ne pouvait, sauf échanges avec Valade sur le problème de production rencontré, raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial à compter de ce courrier. En revanche, aucune résiliation à effet immédiat ne peut être constatée à ce stade à l'initiative de Valade.

Or il ressort du courrier en réponse de Vedreine du 15 décembre 2017 (pièce 16 Vedreine) d'une part que cette dernière « confirme que nous ne pouvons pas re-livrer pour le moment car nous ne savons pas d'où vient le problème et la qualité que nous avons en stock est similaire. Même problème avec le fournisseur qui ne comprend pas ce qui se passe et qui a des délais de 2-3 mois », et d'autre part qu'elle a refusé tout déplacement chez Valade en indiquant qu'elle ne constatait pas de délaminage sur les échantillons adressés, et en demandant de nouveaux échantillons, à chaque fois, ce à quoi Valade a déféré. Vedreine conclut ce courrier en indiquant : « Pour le moment nous en concluons que notre complexe n'est pas défectueux et tout à fait conforme ('). En l'état nous ne pouvons donc que refuser votre réclamation et vous demandons de nous régler les factures en cours dues ». Aucune suite n'a été donnée pas Vedreine pour identifier la cause des difficultés rencontrées ou trouver une solution alternative avec son partenaire commercial.

Ainsi la rupture était-elle prévisible, et la manifestation de l'intention de rompre résulte-t-elle tant du courrier de Valade du 8 décembre 2017 en cas de non résolution de la difficulté entre les deux partenaires commerciaux, que du propre courrier de Vedreine du 15 décembre 2017 refusant de participer aux essais sur place pour identifier la nature du problème de délaminage, alors même que son partenaire l'avait informée que ces échanges étaient déterminants de la poursuite de la relation commerciale.

Enfin, à la suite du courrier du 15 décembre 2017, la seule réponse apportée par Vedreine a consisté en l'assignation de son client Valade, et de son propre fournisseur Carcano, aux fins d'expertise, par acte du 2 mars 2018.

Ainsi, alors qu'elle s'est refusée à tout échange technique sur place avec son partenaire commercial dans le cadre de la discussion sur les difficultés rencontrées pour une livraison, et a indiqué ne pouvoir ni fournir de nouvelle commande, ni participer à la recherche d'une solution alternative, Vedreine ne peut valablement invoquer ni la brutalité de la rupture, ni ne pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Au demeurant, la cour relève que Vedreine ne produit aucun élément, et ne détaille pas même les circonstances, permettant de constater un quelconque état de dépendance économique à l'endroit de cette relation, à savoir l'impossibilité, pour elle, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle avait nouées avec Valade.

Partant, le jugement doit être confirmé de ce chef.

4.Sur les autres demandes, les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions déférées, il convient de débouter l'appelante de sa demande d'indemnisation à raison des condamnations supportées en première instance, de débouter l'intimée de sa demande de réparation dès lors qu'aucune non-conformité des produits n'est rapportée, et de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs en cause d'appel, chaque partie étant déboutée de ses demandes, chacune supportera la charge de ses propres dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, et sera en conséquence déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées,

Y ajoutant,

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.