Cass. 2e civ., 5 septembre 2019, n° 18-13.361
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Foussard et Froger
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions (Versailles, 23 novembre 2017), que le comptable du centre des finances publiques de Marly-le-Roi, aux droits duquel vient le comptable du service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud (le comptable public), a été autorisé, le 24 janvier 2014, à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier appartenant à la SCI L'Abreuvoir (la SCI), au titre d'une créance fiscale détenue contre M. et Mme Q... à la suite d'une vérification de leur situation fiscale effectuée à compter du mois de juin 1997 ; que ce bien, qui appartenait précédemment à M. et Mme Q..., avait été apporté par ceux-ci, par acte du 8 janvier 1998, à la SCI, qu'ils avaient créée en décembre 1997 ; que les débiteurs avaient ensuite vendu les parts sociales obtenues en contrepartie de cet apport à deux sociétés, Licor et Primalin, de droit suisse, qu'ils avaient créées en décembre 1997 ; que le comptable public a également été autorisé, le 30 septembre 2014, à pratiquer une saisie conservatoire sur les meubles meublant ce bien immobilier, qui avaient été vendus par les débiteurs à la SCI en mars 1998 ; que la SCI a donné à bail le bien immobilier à M. et Mme Q..., puis à leur fille ; qu'un juge de l'exécution a rejeté les contestations formées par M. et Mme Q... à l'encontre de ces mesures, en retenant l'apparence de confusion entre leur patrimoine et celui de la SCI ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° D 18-17.141, pris en sa première branche, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. et Mme Q... font grief à l'arrêt de les débouter de toutes leurs demandes ;
Mais attendu que l'engagement d'une action paulienne devant le tribunal de grande instance tendant à voir déclarer inopposables au créancier les actes de cession passés par le débiteur sur les biens en cause ne rend pas sans objet les mesures conservatoires ordonnées sur ces mêmes biens dont les effets sont propres, l'hypothèque judiciaire conférant au créancier le droit de suite et de préférence et la saisie conservatoire de biens corporels rendant ceux-ci indisponibles ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° D 18-17.141, pris en sa deuxième branche, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. et Mme Q... font encore le même grief à l'arrêt ;
Mais attendu que le juge de l'exécution autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que la cour d'appel, exerçant les pouvoirs du juge de l'exécution, a recherché s'il existait des circonstances permettant de suspecter que les débiteurs, en cédant ces biens à la SCI, s'étaient intentionnellement appauvris, en fraude des droits du créancier, afin de statuer sur le bien fondé de la contestation des mesures conservatoires engagées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° V 18-13.361, pris en ses deuxième à cinquième branches, et le moyen unique du pourvoi n° D 18-17.141, pris en ses troisième à cinquième branches, tels que reproduits en annexe :
Attendu que la SCI et M. et Mme Q... font grief à l'arrêt de les débouter de toutes leurs demandes ;
Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, après avoir rappelé la chronologie du contrôle fiscal et des actes de cession et de création des sociétés, a constaté que le notaire qui devait percevoir les loyers dus à la SCI n'avait encaissé aucun versement, qu'aucun document ne venait justifier d'un prétendu accord sur le règlement des loyers par compensation, que la fille des débiteurs n'avait pas davantage réglé le loyer fixé par le bail, que les sociétés Licor et Primalin n'avaient pas justifié du règlement du prix correspondant à l'acquisition des parts sociales de la SCI et qu'en plaçant leurs liquidités sur des comptes en Suisse et au Luxembourg, M. et Mme Q... avait continué à empêcher les poursuites de l'administration fiscale ; que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain qu'elle en a déduit l'apparence de la mise en oeuvre, par les débiteurs, avec la participation de la SCI, d'opérations d'appauvrissement délibéré de leur patrimoine, en vue d'empêcher l'administration fiscale de recouvrer sa créance, permettant au comptable public d'exercer des mesures conservatoires sur les biens concernés, entre les mains de la SCI ;
Et attendu qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que l'administration fiscale justifiait d'une créance paraissant fondée en son principe à l'encontre des débiteurs et qu'il existait des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement liées à leur comportement consistant à remplacer les biens corporels présents dans leur patrimoine par des actifs difficilement négociables, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi n° V 18-13.361, pris en ses première et sixième branches, et sur le moyen unique du pourvoi n° D 18-17.141, pris en ses sixième et septième branches, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.