Cass. com., 27 mai 2008, n° 07-13.241
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
Me Foussard, Me Ricard, SCP Yves et Blaise Capron
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Nord (la banque) a accordé à Mme X..., pour financer le développement de son activité professionnelle de viticultrice par l'acquisition de propriétés, la rénovation de bâtiments et l'achat d'une société de négoce, plusieurs concours financiers dont un découvert de 200 000 francs, porté à 2 000 000 francs durant l'été 2000, ainsi que trois prêts moyen et long terme, le 5 avril 2001, d'un montant global de 2 500 000 francs ; que le découvert qui présentait alors une position débitrice de 593 575,36 euros a été dénoncé le 17 janvier 2002, puis le compte courant clôturé ; que les prêts , devenus exigibles, ont été remboursés par la réalisation d'un gage de valeurs mobilières en juin 2002 pour la somme de 461 858 euros ; que Mme X..., assignée en remboursement du solde débiteur du compte courant a recherché la responsabilité de la banque ; que, par jugement du 8 juillet 2003, le tribunal a rejeté les demandes de Mme X... et l'a condamnée au paiement du solde débiteur de son compte ; que Mme X... a été mise en redressement judiciaire le 13 février 2004 ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en responsabilité, alors, selon le moyen :
1°/ que le banquier qui applique à son client une politique de crédit ruineux devant nécessairement provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges financières, commet une faute qui engage sa responsabilité civile professionnelle ; que la cour d'appel admet que la banque a choisi la solution de l'ouverture de crédit de préférence à la solution de "prêts classiques moins onéreux" ; qu'elle objecte, cependant, que la solution de l'ouverture de crédit n'a pas eu d'incidence sur les obligations de Mme X..., car elle a été incapable de rembourser le capital ou les intérêts du solde débiteur de son compte, qu'en refusant de considérer que la banque a commis la faute d'appliquer à Mme X... une politique de crédit ruineux, parce que le choix financier de la banque a, en effet, ruiné, Mme X..., la cour d'appel qui ne tire pas les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que Mme X... faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que la banque avait commis la faute de lui appliquer une politique de crédit ruineux qui avait absorbé tous les résultats de son entreprise ; que si elle n'encourt pas le grief qu'exprime le premier élément du moyen de cassation, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliqué sur la faute qu'invoquait Mme X..., a privé sa décision de motifs ;
Mais attendu que l'arrêt constate que Mme X... était une femme d'affaires soucieuse de ses intérêts et informée des pratiques bancaires commerciales et financières, et qu'elle avait une parfaite connaissance de ses besoins et de l'évolution du passif de son compte courant ; qu'il relève encore que, quand bien même les découverts en compte sont plus onéreux, ce choix, en l'espèce, était très souple et adapté aux intérêts de Mme X..., en lui permettant de bénéficier d'une avance immédiate disponible, dont celle-ci a su parfaitement tirer profit en procédant à un prélèvement important qu'elle a remboursé quarante jours plus tard, ramenant le solde en position créditrice ; qu'il relève enfin que c'est Mme X... qui avait différé d'avril 2001 à septembre 2001 la mise en place des prêts de restructuration que lui proposait la banque en discutant longuement la prise de garanties qui lui étaient en contrepartie demandées par celle-ci ; que mettant ainsi en évidence, pour écarter la faute de la banque, que c'est Mme X... qui avait été à l'origine de l'aggravation de son découvert en compte, la cour d'appel, par ces seuls motifs, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen, en aucune de ses branches, n'est fondé ;
Mais sur le premier moyen, lequel est recevable s'agissant d'un moyen de pur droit :
Vu l'article L. 621-41 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que l'arrêt condamne Mme X... à payer à la banque une somme de 593 575,36 euros, dont il faut déduire les agios appliqués depuis l'ouverture du compte courant et à laquelle il faut ajouter les intérêts au taux légal à compter de la même date ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'instance suspendue par l'effet du jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne peut être reprise, après justification par le créancier de sa déclaration et mise en cause du représentant des créanciers et, le cas échéant, de l'administrateur, qu'en vue de la constatation de la créance et de la fixation de son montant, la cour d'appel, devant laquelle Mme X... sollicitait la réformation du jugement, a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Attendu que pour rejeter l'action en responsabilité engagée par Mme X... à l'encontre de la banque, la cour d'appel retient qu'il était légitime que les prêts destinés aux travaux de rénovation servent en priorité à venir en déduction des autres dettes contractées envers l'organisme prêteur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la décision de la banque d'affecter les prêts destinés à financer les travaux de rénovation au remboursement du débit en compte courant constitue une faute génératrice de responsabilité pour la banque, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer de Mme X..., l'arrêt rendu le 22 janvier 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.