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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 30 janvier 2014, n° 12/23163

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Sotheby's France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Conseillers :

Mme Forest Hornecker, Mme Sarbourg

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Chiss, Me Teytaud, Me Arlaud, Me Ohana

JEX Paris, du 13 déc. 2012, n° 12/83854

13 décembre 2012

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement réputé contradictoire du 13 décembre 2012, auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de PARIS a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société SOTHEBY'S FRANCE tirée du défaut de qualité à agir de Monsieur R.,

- débouté Monsieur Adriano R. de sa demande tendant à voir constater la caducité de la mesure conservatoire diligentée le 13 juillet 2012 au préjudice de Monsieur Jean Yves B.,

- débouté Monsieur Adriano R. de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 13 juillet 2012 au préjudice de Monsieur Jean Yves B., entre les mains de la société LP ART, à la requête de la société SOTHEBY'S FRANCE pour recouvrement de la somme de 196 000 euros,

- débouté la société SOTHEBY'S FRANCE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné Monsieur Adriano R. à payer à la société SOTHEBY'S FRANCE la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- débouté Monsieur Adriano R. de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Adriano R. a relevé appel du jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 19 décembre 2012.

Vu les dernières conclusions en date du 20 novembre 2013, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, par lesquelles Monsieur Adriano R., appelant, demande à la Cour de :

- confirmer la décision rendue le 13 décembre 2012 par le Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de PARIS en ce qu'elle a :

débouté la société SOTHEBY S FRANCE de sa fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir et déclaré la demande de mainlevée recevable,

débouté la société SOTHEBY S FRANCE de sa demande de condamnation de Monsieur R. à lui verser la somme de 4 000 euros pour procédure abusive,

- infirmer pour le surplus l'ordonnance attaquée,

statuant à nouveau :

- dire et juger la demande de mainlevée de la saisie conservatoire de meubles entre les mains d'un tiers du 13 juillet 2012 recevable et bien fondée,

- ordonner, en conséquence, sa mainlevée immédiate,

- constater, subsidiairement, que la société SOTHEBY'S n'a pas introduit de procédure lui permettant d'obtenir un titre exécutoire dans le délai d'un mois à compter de la saisie,

- constater, en conséquence, la caducité de la saisie conservatoire de meubles entre les mains d'un tiers du 13 juillet 2012,

- débouter la société SOTHEBY'S FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société LP ART de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société SOTHEBY'S FRANCE à verser à Monsieur R. la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions en date du 28 novembre 2013, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, et par lesquelles la société SOTHEBY'S FRANCE, intimée, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur R. de sa demande de mainlevée des trois biens saisis,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur R. de sa demande de caducité de la saisie conservatoire du 13 juillet 2012,

- rejeter les demandes de Monsieur R. dans leur intégralité,

- condamner Monsieur R. au paiement des sommes suivantes :

5 000 euros pour procédure abusive,

15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dernières conclusions du 18 avril 2013, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, par lesquelles la société LP ART, intimée, demande à la Cour de :

- prendre acte de ce que la société LP ART entend par la suite s'en remettre à justice,

- condamner Monsieur R. à payer à la société LP ART la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,

- à titre subsidiaire, dans le cas où les demandes de l'appelant seraient satisfaites, condamner la société SOTHEBY'S FRANCE à payer à la société LP ART la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Vu l'assignation à comparaître du 17 avril 2013, délivrée à Monsieur Jean Yves B., par procès-verbal de recherches infructueuses.

MOTIFS

Considérant que le 30 novembre 2011, la société SOTHEBY'S FRANCE a organisé à PARIS une vente publique de meubles appartenant à Monsieur R. antiquaire à MONACO ; qu'au cours de cette vente, un individu se faisant passer pour Monsieur Lionel D. client habituel de la société de ventes mais identifié par la suite comme étant en réalité Jean B., a été déclaré adjudicataire de dix lots pour un montant total de 982 383,20 euros dont 196 383,20 euros de commissions acheteur , suivant facture du 2 décembre 2011 ; que la société SOTHEBY S FRANCE ayant découvert l'usurpation d'identité, les lots litigieux n'ont pas été livrés et ont été finalement restitués à Monsieur R. lequel a perçu en outre la somme de 100 000 euros en indemnisation du préjudice résultant de l'annulation de la vente ;

Considérant que suite à la plainte de SOTHEBY'S FRANCE, Monsieur B. a été condamné le 4 juillet 2012 par le Tribunal correctionnel de PARIS à une peine d'emprisonnement avec sursis et au paiement à la société SOTHEBY'S FRANCE de la somme de 164 200 euros à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que lors de l'audience Monsieur B. a produit un document intitulé facture acquittée faisant état du versement d'un acompte de 506 000 euros payable au 24 mai 2012 émanant de Monsieur R. antiquaire à MONTE CARLO pour l'achat de neuf des dix lots acquis dans le cadre de la vente du 30 novembre 2011 ;

Considérant que par ordonnance sur requête du 13 juillet 2012, le Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de PARIS a autorisé la société SOTHEBY'S FRANCE à faire pratiquer une saisie conservatoire de biens meubles entre les mains de la société LP ART PARIS au préjudice de Monsieur Jean B. ou Monsieur Jean Yves B., pour garantie de la somme de 196 000 euros correspondant à une facture de commission du 2 décembre 2011 ;

Considérant qu'en vertu de cette ordonnance, la société SOTHEBY'S FRANCE a fait pratiquer le 13 juillet 2012 une saisie sur un bureau plat d'époque Régence, une grande vasque chinoise en porcelaine et un temple en bronze doré et argent ;

Considérant que la saisie a été dénoncée le 18 juillet 2012 à Monsieur Jean Yves B. par procès-verbal de recherches infructueuses ;

Sur la demande de caducité de la saisie

Considérant que la société SOTHEBY'S FRANCE était partie civile dans l'instance correctionnelle ayant abouti à la condamnation à dommages et intérêts de Monsieur B. le 4 juillet 1992 ; qu'il est en outre justifié du dépôt le 12 novembre 2012 d'une plainte avec constitution de partie civile de cette société contre Monsieur Jean Yves B. et Monsieur B. Jean devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de PARIS pour escroquerie, usurpation d'identité et organisation frauduleuse d'insolvabilité, de sorte qu'il a ainsi été satisfait aux prescriptions de l'article R.511-7 du code des procédures civiles d'exécution et que la saisie n'est pas caduque ;

Sur la demande de mainlevée de la saisie

Considérant qu'au soutien de sa demande de mainlevée de la saisie, Monsieur R. fait valoir qu'après avoir obtenu la restitution des dix lots invendus, il a déposé ceux-ci auprès de la société LP ART à PARIS, puis a trouvé un acquéreur en la personne de la COMPAGNIE ROYALE D'INVESTISSEMENT société domiciliée à BRUXELLES en Belgique à qui il a également proposé la vente de deux autres pièces, soit un temple en bronze doré et une grande vasque en porcelaine ; qu'en définitive la vente ne s'est réalisée que pour neuf lots qui ont été livrés à l'acquéreur et payés, les trois derniers lots, à savoir ceux sur lesquels portent la saisie, restés en dépôt auprès de LP ART continuant à lui appartenir ;

Considérant que l'appelant produit deux factures à l'entête d'Adriano R., Antiquaire, MONTE CARLO :

- l'une n° 12100 d'un montant total de 1 026 383,20 euros, datée du 21 février 2012 destinée à la COMPAGNIE ROYALE D'INVESTISSEMENT, Département Invest Co, Rue de la Loi 227, B-1040 Bruxelles portant sur douze meubles et objets dont les trois biens saisis le 13 juillet 2012,

- l'autre n° 12100-1 datée du 15 mai 2012, se référant à la facture n° 12100 du 21/02/2012, pour la fourniture partielle de 9 lots avec paiement d un acompte de 506 000 euros payable au 24/05/2012 (facture à valeur de contrat)', portant en bas la mention à l'encre rouge FACTURE ACQUITTÉE avec sa signature ;

Considérant que Monsieur R. indique que le prix de vente de ces neuf lots ayant été payé le 16 mai 2012, il a demandé à la société LP ART de les livrer à sa cliente au ..., les meubles devant être réceptionnés sur place par un certain Jean B. ; que cette livraison a eu lieu le 25 mai 2012, mais que le bureau plat, le temple et la vasque, qui ne faisaient pas partie des biens vendus sont restés en dépôt chez LP ART ;

Considérant que Monsieur R. ne fournit aucun élément ni moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision du premier juge qui a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause, étant encore observé que :

- la facture du 21 février 2012 comporte un numéro d'ordre ainsi qu'une description précise des douze meubles vendus dont ceux saisis conservatoirement, avec indication de leur prix unitaire, la mention en votre aimable règlement et les coordonnées bancaires de Monsieur R., ce qui matérialise suffisamment l'accord du vendeur et de l'acquéreur sur la chose et le prix et contredit les affirmations de l'appelant selon lesquelles elle ne serait qu'une facture pro forma ;

- la facture du 15 mai 2012 qui se réfère expressément à la première et ne mentionne plus de prix pour chacun des lots, doit s'analyser comme l'exécution partielle de la première, sans pouvoir s'y substituer faute d'indication en ce sens ;

- le fait que les trois lots saisis ne figurent plus sur la facture du 15 mai 2012 ne permet pas pour autant de considérer que ceux-ci aient été exclus de la vente comme le soutient l'appelant ;

- en outre, les éléments mis en évidence par l'enquête pénale ayant abouti à la condamnation de Monsieur B. et les déclarations du représentant de la société LP ART à l'huissier ayant pratiqué la saisie selon lesquelles les neuf lots de meubles ont été livrés à un certain Jean B. au ..., montrent que la COMPAGNIE ROYALE D'INVESTISSEMENT, association sans but lucratif inscrite au répertoire général des personnes morales du LUXEMBOURG dont on ignore tout du fonctionnement et des activités réelles, n'est à l'évidence que le prête nom de Monsieur B. ou B. ou en tout cas que ce dernier en est le représentant, ce qui laisse présumer que ce dernier est le bénéficiaire réel de la vente ;

- enfin Monsieur R. ne produit pas le moindre élément sur l'identité de l'auteur du paiement du prix de vente des meubles litigieux et les modalités de ce paiement, de sorte que l'appelant ne démontre pas que la vente s'est limitée aux neuf lots mentionnés sur la seconde facture et qu'il est resté propriétaire des trois lots saisis ;

Considérant que le jugement sera donc également confirmé de ce chef ;

Sur la demande de dommages et intérêts

Considérant que le droit d'exercer une voie de recours ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne ou une erreur grossière équipollente au dol, dans l'appréciation de ses droits ; que tel n'est pas le cas en l'espèce de l'appelant ; que la demande de la société SOTHEBY'S FRANCE sera donc rejetée ;

Considérant que Monsieur R. qui succombe supportera les dépens d'appel sans qu'il y ait lieu de faire application à son encontre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par défaut

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE Monsieur Adriano R. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile.